Cover




Sa poésie projette un souffle novateur à l’isthme de deux rives Nord et Sud. Elle a tendance, de l’avis de la critique nationale et internationale, à jeter les bases d’un nouvel ordre poétique. H.Bahani



Sommaire


*Aperçu historique :


- Poètes tunisiens :
la règle de l’altérité Kamel Ben Ouanes
*En guise de préface :
-Y. Rzouga, poète cosmique Hassan Bahani
- Youssef Rzouga : Bouillon de vers Zohra Abid

*Le fil(s) de l’araignée :


- La mouvance conciliatrice Heifa Baccar
- Au c½ur du chaos Samia Harrar
- Le rythme de la vie après le 11 septembre Imene Abderrahmani
- Sur le chemin d’un souvenir Imen Abderrahmani
- Le rythme « occiriental Salem Trabelsi

*Yotalia :


- Yotalia, la ville des poètes Imen Abderrahmani
* Commentaires > Chantal Morcrette


- Deux voix dans une même langue Hassan Bahani
*Mille et un poèmes :


- Joyeux complicité Imen Abderrahmani
- Entre deux rives Samia Harrar
- Chant d’un océan poétique Heifa Baccar

*Le jardin de la France :


- Passage d’un oiseau libre Teymour
- L’autisme revu et corrigé Heifa Baccar

*Le loup dans le verbe :


- Une reconquête de soi Mustapha Habibi


Poètes tunisiens :



La règle de l’altérité



Par Kamel BEN OUANES



Malgré la défection des lecteurs, et un accueil mitigé, les poètes persévèrent, s’entêtent, résistent et se penchent laborieusement sur « la page blanche « afin d’y imprimer le souffle d’une émotion ou les frémissements d’une pensée, ou encore le cri d’une rage… Ecrire pour un poète n’est pas un simple geste de création ou de composition esthétique, mais le signe d’une exigence, d’une urgence et d’une nécessité impérieuse.
Alors qu’importe si le marché de la poésie est défaillant, ou que la réception est réduite au degré zéro.
Tant que la voix intérieure est nourrie par les secousses de la vie, le poète s’arme de la puissance du verbe et communique à la face du monde son refus vital d’abdiquer et de céder au silence.
Cette vérité est aujourd’hui l’apanage de la quasi-totalité des poètes du monde.
Mais en Tunisie, cette situation prend une allure particulière, non seulement parce que les poètes sont réduits à publier souvent leurs textes à compte d’auteur, mais surtout parce que notre littérature, étant foncièrement bilingue, confine la poésie dans une zone hybride, dans une sorte de no man’s land ou fleurissent la discrétion, la pudeur et l’attente d’un jour meilleur. Pourtant, la vitalité qui se dégage de cette poésie à double graphie, arabe et latine, aurait pu être génératrice d’un riche débat. Plusieurs poètes en langue arabe écrivent, ayant e mémoire des pans entiers de la poésie occidentale. De même, de nombreux pètes tunisiens francophones s’appliquent à interroger ou à revisiter, d’une manière oblique, quelques grands nom de le poésie classique arabe.
Des exemple ?notre grande poète national chebbi est fortement imprégné du romantisme français, si bien que ses images et ses métaphores sont façonnes par l’imaginaire poétique de la culture occidentale. Et pécuniairement, Abdelaziz kacem et Tahar bekri ,poètes francophones,gardent le souci constant de rattacher leurs écrits à telle ou telle tradition littéraire arabe …

La double aventure



Grâce à ce recours aux vocables arabes , la poésie tunisienne francophone se donne une identité et un ancrage culturel ou s’expriment tout à la fois une force et une fragilité ,un dialogue avec l’autre et un rattachement aux racines. C’est pourquoi, ce recueil s’interroge sur la fonction ou sur le pouvoir réel de la poésie, dans un pays comme le nôtre : que peut faire la poésie ?
« La poésie peut n’être pas grand-chose », disait J.M maulpoix. Elle peut aussi bien être ce tout, à travers lequel se construit une grande partie de l’homme.
Le recueil de Y.RZOUGA « mille et un poème » surprend par sa facture iconoclaste. Chroniqueur littéraire et poète consacré en langue arabe, Y.Rzouga inaugure là une nouvelle expérience où il franchit le seuil de le littérature francophone, moins par caprice que par le projet d’établir un dialogue entre deux voix. Le « je », autour duquel s’articule le recueil, est forgé par une alliance entre Orient et Occident, entre une aventure intérieure de créer l’espace de la rencontre et de l’échange :
« me promener dans l’écriture
marcher dans cette sphère
comme dans un tout de pleins et de déliés
entamer en son sein un ineffable dialogue
le vento / l’unité »
Dictée suite à l’onde de choc du 11 septembre 2001, la conversion de Y.Rzouga en poète francophone après une laborieuse oeuvre en langue arabe, crée un nouvel espace ou « le courant, écrit Chantal Morcrette dans sa préface, poursuit sa remontée vers les sources, comme dans un rêve excentrique où fond et forme s’imbriqueraient pour délivrer un message universel et codé ». Cette poésie que pulvérise la distance établit une zone, un carrefour que Chantal Morcrette désigne par un heureux néologisme « occidental ».
La presse 28 novembre 2005.


Youssef Rzouga, poète cosmique



Hassen Bahani



L’une des figures les plus représentatives de la poésie moderne. Voix poétique dont l’authentique originalité vient d’être doublement saluée par l’octroi de deux prix, à savoir le « Prix des lettres et des arts » du Roi Abdallah de Jordanie, pour l’ensemble de ses ½uvres, et le « Bouclier du Diwan El Arab » d’Egypte pour sa « contribution éminente de la culture arabe ».

Youssef Rzouga dispose,en effet, de ce qui manque à la plupart des poètes de sa génération :cette aptitude à la création d’images originales, ce sens inné de l’invention esthétique, cette disposition naturelle à l’exploration de nouvelles voies d’expressions, cette faculté à adapter sa poésie aux préoccupations de son époque. Rzouga est le poète à l’état pur, par essence et par excellence : il y a dans chaque vers qu’il tisse comme une sorte de grâce accordée à l’âme du mot, ce qui nous donne le sentiment frémissant de mieux nous connaître et de mieux nous découvrir. C’est le poète doué de ressources affectives, cognitives et philosophiques qui lui permettent, poésie faisant, de ne rien laisser échapper à ce que le mot dissimule.
Poète jusqu’au bout des ongles, il reste imbu de la profondeur du vers jusqu’à se dépouiller ici et maintenant de toute propension à la fatuité.
Son franc parler, sa modestie, son sourire éternel -état de grâce poétique- et ce débit de voix profonde ( qui nous rappelle toujours l’enfant né en lui le 21 mars 1957 à Ksour Essef ), voix - langage qui communique avec le fondamental de l’être pour composer - par l’exposé de l’oralité vive – la configuration d’une autre conscience, d’un autre état de grâce, d’une autre aspiration à vive,d’un autre rêve à étreindre, d’un autre moment poétique à construire. Vous l’avez compris : la poésie de Rzouga est fondatrice d’une euphorie, d’un gai savoir et être propre à nous libérer de toutes entraves. Poésie libératrice qui n’a pu laisser indifférente une nouvelle génération de poètes rassemblés autour de lui, dans l’intimité silencieuse de la lecture ou dans le cadre de ses activités au sein du Club du Mercredi littéraire à l’espace Tahar Haddad ou encore lors de chaque parution attendue de ses pages du journal « Al Ayyam ». Et cette convergence n’est point fortuite, étant l’aboutissement logique d’un travail en profondeur qui a conduit le poète à écrire « en dansant la vie multiple », c’est-à-dire en réconciliant « l’ombre et l’euphorie ».De sorte que la poésie finit par s’identifier à un jeu de gym qui permet au moi poétique de se rendre « ivre de verdure » grâce à son « Yoguème » (ou yoga poétique).
L’auteur de « Je vous transcende par mes tristesses »(1978), de « Fleurs de bioxyde de l’histoire »(2001),de « Yogana »(2204), de « The ground zéro »(2205) et d’une quinzaine d’autres recueils en arabe et en français (où l’on constate l’insertion de la rythmique arabe dans la poésie française), a vu une partie de ses ½uvres traduite en anglais,en russe et en espagnol.
Sa poésie projette un souffle novateur à l’isthme de deux rives Nord et Sud. Elle a tendance, de l’avis de la critique nationale et internationale, à jeter les bases d’un nouvel ordre poétique.
-Source :Le Renouveau :31 décembre 2005



Youssef Rezouga : Bouillon de vers



Zohra Abid



Un poète loin du tumulte fait du bruit et…, le succès des libraires. Deux nouveaux recueils. Des ouvrages lui y sont consacrés et toute une corbeille de réflexions suit le cortège d’éditions. L’événement poétique 2004 est placé sous le sceau de Youssef Rezouga. Un poète qui se moque des ballades et des formes fixes de la poésie au bonheur des vers libres A la fois étonnant et limpide, Youssef Rezouga est particulièrement apprécié. Autour de lui, plus qu’un questionnement et plus qu’une simple étude. Dans la collection «Un poète de chez nous», il paraît incessamment dans les éditions Sotepa «Le Troubadour des temps modernes». Il s’agit des écrits épars en français signés par des critiques qui se sont interrogés sur la poésie de Youssef Rezouga. Ils sont: Hédi Khelil, Frej Lahouar, Ali Abbassi Ettoumi, Hachemi Ghachem, Hafedh Jédidi. La jaquette de cet ouvrage qui scelle 82 pages, illustre le portrait de notre poète, vu en 1986 par le peintre irakien Sabih Kalach. Un autre ouvrage baptisé «Quatre lunes: pour que la Terre tourne autrement». Il réunit les quatre poètes les plus réputés de par le monde contemporain. De Tunisie, c’est Youssef Rezouga qui hisse nos couleurs. Philip Hacket représente son San Francisco. Du Brésil, c’est la poétesse Vera Regina qui scande ses mots et rythmes. Quant à Moscou, elle nous envoie Rimma Kazakova, tout en flamme. L’ouvrage nous rend compte de l’expérience de ces quatre références de la poésie d’aujourd’hui. Derrière lui, un travail colossal de traduction. Il est en anglais et arabe concernant Philip Hacket et Youssef Rzouga, et en français et arabe pour le couple du Brésil et Moscou. Paraît aussi et dans les mêmes éditions de Sotepa «L’Orchestre du Poète» de la critique, notre collègue Houyam Ferchichi, qui, dans 112 pages, a passé le peigne fin sur l’½uvre de Youssef Rzouga «Déclaration de l’état d’alerte». «La porte entrouverte» est aussi une somme d’analyses griffées par Chamseddine El Ouni, Abdelwaheb El Moulawah et Jamila Mejri. Un travail sagement orchestré par Hafedh Mahfoudh sur l’½uvre de Rzouga. Et ce n’est pas tout. Car, le poème qui porte le titre de «Epistémé de l’issue» de notre poète, a suscité de multiples réactions signées par Hédi Dabbabi, Hafedh Mahfoudh, Hatem Naggati, Chedli Karwachi… Le poète et critique Chamseddine El Ouni les a rassemblées en une cinquantaine de pages. L’ouvrage porte le titre de «A bas le masque.

•Etat de mot et d’esprit



Actualité oblige! Notre poète ne peut rester indifférent. Il déverse alors toute sa colère et toutes ses émotions dans deux recueils, qui s’ajoutent, enthousiastes, à son répertoire, au bonheur des férus de la poésie, des libraires et des critiques. Tous les deux apparaissent dans les éditions Sotepa. Le premier concernant bien-sûr les événements actuels qui tourmentent la planète. C’est un seul poème qui s’étend sur 100 pages. Aérée de temps en temps par une aile, le poème se voit aussi intercalé par un débris d’obus ou autres. Quant à la couverture, elle revient à une des pionnières de l’art plastique Sonia Delamoux, une Turque qui a longtemps résidé en France. Il s’agit d’un papillon dans l’abstrait. Le titre du recueil est plus que provocateur. «Le papillon et la dynamite» est donc de la colère qui dépasse la rébellion. Quant au second recueil, Youssef Rzouga lui a choisi le titre de «Yogama», le livre de yoga poétique. Il enveloppe 51 «yogama». En 82 pages, le poète s’est intéressé aux mots, à les féconder, loin de l’esprit. Et le tableau de Matisse «Femme à l’amphore» qui illustre la couverture est un avant-goût des poèmes à l’intérieur. Z.A.

Rythme occiriental" ou la mouvance conciliatrice



"Le fil (s) de l'Araignée" de Youssef Rzouga



Heifa BACCAR



Avec près d'une douzaine de recueils de poésie, le grand poète tunisien Youssef Rzouga n'est toujours pas au crépuscule de son génie créatif…
Pour sa dernière ½uvre "le fil (s) de l'Araignée", il se propose même d'édifier un pont entre l'Orient et l'Occident par le seul visage de son matériau de prédilection, la poésie. Il est alors innovant, entreprenant, conciliant… et serait même selon certains connaissances, l'instigateur d'un nouveau courant poétique…
Comment a-t-il pu y parvenir? Comment donner forme à cette séduisante idée sans risquer, même si tel n'est pas l'objectif, de verser dans une ½uvre de déconstruction avec toutes les acrobaties langagières que cela suppose…?

Pour Chantal Morcrette, poète française qui a préfacé l'ouvrage, l'entreprise est on ne peut plus claire:
Youssef Rzouga, en osant une musicalité nouvelle, en insérant la métrique arabe dans la poésie française est bien l'instigateur de l'intitulé "Rythme occiriental", une prouesse en somme, et non des moindres.
Ce nouveau rythme résulterait d'une insertion des mesures orientales dans la composition française tout en prenant en considération certaines alternances précises de syllabes brèves et longues qui donnent à la poésie orientale son rythme et son secret…
Tel un chef d'½uvre, le poète dirigerait sa symphonie en s'appuyant sur des notes et des tempos… il y a d'un côté la note, la voix et son timbre d'origine occidentale et puis il y a d'un autre côté le rythme, la danse et l'alternance d'origine orientale…
Si toute l'innovation, voire la révolution consiste en ce mélange purement technique du reste, les amoureux du chant poétique qui se suffisent aux sons, aux échos, à la cadence incantatoire, à la beauté et à la musicalité du verbe ne manqueront pas de ressentir déroute et frustrations… c'est que la construction langagière à caractère fragmentaire soutenant un refus de la linéarité logique, aussi bien que chronologique, voire même rythmique ressemble par son étrangeté énigmatique, son irréductible opacité sémantique, sa déconcertante défection du sens, plus à une ½uvre de déconstruction dans laquelle tout se perd y compris le sens…
Le sens nous échappe dans ces formes verbales mouvantes et chaotiques… on lit et on relit presque dans les deux sens , clefs nous fuient ou se rouillent dans nos nains sans qu'on parvienne à déverouiller le mystère…
Le poète, serait-il le Rimbaud des temps modernes, aimant à occulter et à obstruer à plonger dans le clair-obscur la référence, procédant sans cesse à un véritable brouillage des pistes, allant vers l'extra-linguistique, bouleversant les schémas établis et transgressant les règles, ou serait-il plus proche par sa structure sonore et cet impressionnant dispositif musical de cette douce symphonie du chant verlainien (Paul Verlaine) ou encore de cet éblouissant magicien de l'art verbal, Charles Baudelaire, qui porte haut toute la superbe de cette figure royale, la métaphore.
Rzouga est-il un peu celui-ci, ou celui-là, en plus de cet espèce d'ornement sonore "Le rythme occiriental" que seule une oreille experte peut en entrevoir les contours.
Si tel est le cas, force est de constater qu'on est ici bien loin des vents novateurs annoncés et du courant poétique acclamé… Combien même l'émiettement narratif est poussé à son extrême limite, pénible est aussi l'appréciation…
Tout en reconnaisant l'exploit linguistique du poète, sa parfaite maîtrise de la langue de Molière, le lecteur peut certes succomber au charme de la mouvance, se complaire dans l'indicible, l'imprévisible, ce mélange d'ordinaire et d'extraordinaire, il ne pourra s'enrichir de ce message porté par le soyeux frémissement de la sagesse poétique, encore moins, on le craint, caresser les douces saveurs des sonorités dites orientales.
Et à moins d'être un professionnel averti, on ne verra qu'une manière subtile de recomposer, moyennant quelques nuances, une musique qu'on connaît bien, celle des poètes de la plus haute tour, déjà évoqués…
________
- "Le fil (s) de l'Araignée", 95 pages, édition SOTEPA.



Le fil(s) de l’araignée :



Au c½ur du chaos…



Samia Harrar



Vertige, transe, errance, et au c½ur des mots, le chaos !
Avec son « fil(s) de l’araignée », Youssef Rzouga ne fait pas que mêler allègrement, la poésie et la prose, tordant, au passage, le cou à la syntaxe de la plus belle des façons, mais il nous entraîne aussi à sa suite, dans une errance sans fi n.
Au propre, comme au figuré, il noie le poisson, et nous éreinte.
Un voyage qui nous mène, nous malmène d’une rive à l’autre, comme une bouteille jetée à la mer, qui se débat comme elle peut au milieu des vagues pour que parvienne à son destinataire, un message de toute façon codifié.
Un poème, un feed-back, et la nave va, au gré des vents, de la tempête.
Amour, amour, amour…, la vie, comme une rencontre fulgurante, comme un éternel recommencement heureusement, malheureusement ?
Youssef Rzouga caracole au gré d’une inspiration, par ailleurs contrôlée, étudiée, à la recherche d’un temps perdu, qui serait celui de la poésie pure, ou de la pure des poésies.
Une escale, un souvenir, un enchantement, un chagrin, un départ, une turpitude, comme des petits cailloux du Petit Poucet, que les oiseaux ne pourront grignoter. Ils s’y casseraient le bec…
Alors on émerge, la respiration coupée, haletants, heureux d’en finir, et heureux de recommencer.
Un feed-back ? L’errance se fait délice, au gré des mots, et le souffle plus ample à chaque fois que l’on aura saisi la direction des vents.
Le Renouveau

Le fil(s) de l’araignée et The Gound Zero



Le rythme de la vie après le 11 septembre



Imen ABDERRAHMANI



Un grand défi que Youssef Rzouga essaie de relever ! Depuis 1970, Youssef Rzouga est présent sur la scène poétique tunisienne avec des images originales qui mettent en exergue son talent et ses capacités de créer et d’innover. Ayant vu le jour, au printemps 1957 à Ksour Essef, ce beau village du gouvernorat de Mahdia, Youssef Rzouga a nourri sa poésie des beaux paysages et de la vie quotidienne des habitants de cette région. «Je te surpasse par mes chagrins», «La langue des branches», «Le programme de la rose», «L’astrolabe de Youssef, le voyageur», «Le loup dans le verbe», «Le pays entre les mains», «Fleurs de bioxyde de l’histoire», «Déclaration d’un état d’alerte», «¼uvres complètes/Tome 1», «Le papillon et la dynamite» et «Yogana», sont autant de recueils de poèmes qui ont dévoilé l’orientation poétique et l’approche esthétique de ce poète. «Le fil(s) de l’araignée» (Hallucinations spéculaires) et «The Ground Zero», deux recueils de poésie qui viennent de voir le jour, présentant deux nouvelles expériences dans le parcours de ce poète. Sur 95 pages, Rzouga nous présente le fruit d’un travail artistique et esthétique qu’il a mené dans la langue de Voltaire ! Oui, c’est pour la première fois, durant presque une quarantaine d’années de combat avec les vers et le rythme, que Youssef Rzouga présente pour les amoureux de la poésie, les résultats de son aventure. Le deuxième recueil, qui a vu le jour parallèlement au premier, est «The Ground Zero». Soucieux des problèmes du quotidien et dans une conjoncture épineuse et douloureuse, «The Gound Zero» est né traduisant ses préoccupations artistiques et humaines. De cette terre où tout est calculé par les machines, où les émotions se perdent devant les messages électriques et les programmations, Youssef Rzouga nous parle avec des rythmes et des vers relatant le rythme de la vie après le 11 septembre.

«Le Fil(s) de l’Araignée» :



Sur le chemin d’un souvenir



Imen ABDERRAHMANI



Dans son recueil «Le fil(s) de l’araignée : Hallucinations spéculaires», le poète Youssef Rezouga a choisi de lancer un pont entre l’Orient et l’Occident; sur les pages de nouveau recueil de poèmes, il annonce la naissance d’un courant poétique sur le rythme «Occiriental». Entre le fil de l’araignée et son fils, Youssef Rezouga faisait ses hallucinations spéculaires lançant un pont géant entre deux écoles poétiques. Habité par la folie de la poésie — tant mieux pour lui et pour ses lecteurs — Youssef Rezouga rejette le conformisme, les idées prêtes et les clichés d’images. Rythmant sa poésie au rythme de la vie contemporaine, Youssef Rezouga multiplie les masques et change les vues pour nous transmettre toutes ces images qui dérangent son âme de poète. «Le fil(s) de l’araignée» est une belle surprise pour les lecteurs de Youssef Rezouga qui a choisi les surprendre par un recueil de poème écrit dans la langue de Voltaire. Sur 95 pages, ce poète a lancé les bases de cette aventure entre l’Orient et l’Occident sur un rythme moderne, riche en musicalité où il a fait danser, harmonieusement, la poésie arabe et française. Laissant libre cours à son imagination, Youssef Rezouga a créé le rythme «Occiriental»; partant d’une idée théorique, ce poète a fait un mariage subtil entre deux courants poétiques qui rythment l’Orient et l’Occident. Le rêve est généreux et légitime, les fruits aussi ! «Un rythme particulier contribue à construire cet édifice, pour un rapprochement entre deux cultures. Il nous faut lui donner un nom, l’augurer, le concrétiser : «Le rythme occiriental». Poètes d’Orient et d’Occident s’unissent et dansent ensemble. Un courant poétique vient de naître, osant un rythme nouveau, une musicalité nouvelle par l’insertion de la métrique arabe dans la poésie française», témoigne la poète française Chantal Morcrette dans la préface de ce recueil de poèmes. «Le temps des poètes» et «Le fil(s) de l’araignée» sont les deux axes qui rythment le recueil de poèmes de Youssef Rezouga. «Après le choc, un chocolat», «Le temps des poètes», «Un dé comme détail : ainsi je t’aime», «Fenêtres à Losanges», «L’énigme», «Compas dans l’½il», «Un fou désir», «La pomme», «Le port de Trieste : un amour tardif», «L’âpre amie de l’im-possible», «Deux inconnu(e)s», «De Perpignan à la Grande Bleue : un poème hurlant», «La fuite», «Un corps, un livre d’art», «Le fil(s) de l’araignée…», «Le retour à l’utérus», «Une rose solitaire ? : Quelle honte !», «Zec ou portrait d’un soi-disant Don Juan», «Que faire ?», «Entre deux guillemets», «D’après Elle…», «Le chien de l’Alphabet + Smashes d’un V.I.P.», «Il pleut au Québec…», «En rose seulement», «Amorce d’un tableau : Cet amour m’est nécessaire…», «Trois tableaux d’amour…» et d’autres poèmes courts et rythmés sur les rythmes de cette vie moderne sont les fruits de cette rencontre entre la poésie arabe et la poésie occidentale. Dans «Le fil(s) de l’araignée» (Hallucinations spéculaires), Youssef Rezouga a inséré les mesures orientales dans la composition moderne tant en prenant en considération «certaines alternances précises de syllabes, brèves et longues qui donnent à la poésie orientale son rythme et son secret». Parallèlement et sur le même espace de chaque poème, Youssef Rezouga a présenté les avis de quelques poètes occidentaux concernant l’application de la métrique arabe dans la poésie française; entre l’approbation et la désapprobation oscillent les avis mettant en exergue l’originalité de cette aventure poétique qui est restée fidèle aux thèmes principaux de ses précédents poèmes : l’amour, la mort et la guerre.


Le fil(s) de l’araignée et The Ground zero de Youssef Rzouga



Le rythme «occiriental»



Salem TRABELSI



On comparera la poésie de Youssef Rzouga au pas d’une femme qui avance pieds nus, mais qui fait un bruit de gros sabots. Cette femme/poésie de Youssef Rzouga a de la modernité dans sa complexion de l’humour noir, dans sa démarche et de la profondeur dans les assonances de sa voix.
Et comme toute femme moderne, et avertie, cette poésie ose inventer ses mots et rouler son langage sur les néologismes. Oui, ce sont des images et c’est la première impression que nous avons eue après la lecture des derniers recueils de Youssef Rzouga Le fil(s) de l’araignée en langue française et The Ground zero en langue arabe. L’image encore et toujours, car le poète dans
ses derniers recueils se joue des images et semble user sa vie à courir leur danger. «L’oiseau de sa
part gazouille. Il gifle le rayon néant et prie les rayons d’un soleil paresseux. La belle écriture sur
le tableau. Et la craie qui rougit entre ses doigts» (De Perpignan à la Grande Bleue).
Autre particularité de cette poésie mêlée à la prose, c’est sa rythmique innovatrice. C’est ce qui fait écrire à Chantal Morcette dans la préface du recueil Le fil(s) de l’araignée : «Le rythme occiriental : poètes d’Orient et d’Occident s’unissent et dansent ensemble. Un courant poétique vient de naître, osant un rythme nouveau, une musicalité nouvelle par l’insertion de la métrique arabe dans la poésie française». La poétesse Chantal Morcette fait, par ailleurs, dans sa préface une
remarquable analyse de cette nouvelle rythmique qu’elle qualifie entre deux langues.
Mais il n’y a pas que le mariage des deux langues et des deux cultures qui donne de l’originalité
à ce recueil. Youssef Rzouga fait preuve d’intelligence dans son traitement de la langue de Voltaire, puisqu’il a épousé cette langue sous le contrat de la fluidité, de l’extrême et difficile simplicité de dire les drames intimes en les inscrivant dans la grande cacophonie de l’humanité.
Youssef Rzouga, pour qui tout est prétexte à un poème, donne une dimension universelle à des fragments de situation et à des coins de mémoire où l’amour a laissé quelques roses par-ci et beaucoup d’épines par-là. Le poète n’écrit pas en français comme s’il était exilé dans une langue mais il écrit en français comme s’il ouvrait un tiroir plein de navires pour partir en voyage. Un voyage à travers les mots qu’il n’hésite pas à charger de sa propre culture et de ses préoccupations propres.

Yotalia, la ville des poètes ?



Imen Abderrahmani




Connaissez-vous Yotalia? L’avez-vous visité un jour ? Ne cherchez pas trop la réponse car le duo Youssef Rzouga et Héra Vox vous invitent à une balade dans les coins et les recoins de cette ville ; une balade virtuelle sur les pages de ce nouveau recueil de poèmes qui s’inscrit dans le cadre de tout un projet poétique entre un artiste de l’Orient, de la Tunisie, à savoir Youssef Rzouga, et un autre de l’Occident et plus précisément de France, à savoir Héra Vox. Les deux voix ont choisi de chanter des sujets du quotidien à travers des images et des phrases banales. Porté par cette envie de rapprocher l’Orient de l’Occident et de créer de ponts culturels communs, le duo semble tomber dans la facilité. À force de courir derrière des rêves en rose pour l’Humanité, Youssef Rzouga et Héra Vox sont tombés dans l’ambiguïté, dans le flou.
Yotalia que l’artiste Chantal Morcrette présente comme “une ville, un chemin où Occident et Orient se rejoignent” n’a pu traduire le souffle poétique de Youssef Rzouga, son originalité en tant que voix bilingue.… “Yotalia”, ce recueil de poèmes de 200 pages, est un maillon dans toute une démarche artistique que Youssef Rzouga a choisi de suivre… On connaît le talent de Rzouga, lauréat de plusieurs prix nationaux et arabes et ses capacités d’innover dans les images et dans le langage et c’est pour cette raison qu’on aspire à mieux.
Le Quotidien de Tunis, 10 novembre 2005

Commentaire de Chantal Morcrette :



Que faut-il relever de cette critique ? Qu’est-ce que le talent en poésie ? Une ride sur le beau visage de la création ? Un pansement de soie sur la plaie purulente d’un visage ? Combien faut-il de talent, ou de prix, ou de relations pour tuer la dialectique récurrente du Père ? Par la conclusion étroite portée sur « le talent de Rzouga, lauréat de plusieurs prix nationaux et arabes et ses capacités d’innover dans les images et dans le langage et c’est pour cette raison qu’on aspire à mieux », quasi confiscation de la dualité poétique intrinsèque au recueil tel qu’il a été conçu. L’Autre, l’étrangère, Elle : discours faible, n’induisant dans le duo la dynamique de souffle dont nous habitua pourtant Youssef Rzouga. Au mieux « élitisme totémique », au pire « occultation vénielle » de la substance intrinsèque du poème. Expression hélas courante des médiations élitistes habituelles selon une dialectique de castes : les mots titrés, médaillés, honorés, récompensés par les cercles et réseaux amis et/ou partisans. Partisans d’une certaine littérature. Or, la poésie est rebelle, part en tout sens, et mène précisément ailleurs que vers les réseaux d’influence attendus ! « Elle et lui » regardent autrement. Derrière les moucharabiehs de la poésie le duo tente d’approcher un désarmement identitaire. Il n’y a « de rêves en rose pour l’Humanité » dans Yotalia mais médiation originale ; dans un désordre ambulatoire joyeux mais appréhensif ; en sursis de tout. Par les clefs de l’altérité, de la mitoyenneté et de la mixité originelles — faisant grandir tout près des mots de vies à trépas (déconstruction) et de trépas à trois petits pas (construction) les polarités potentielles des différences —, masques, virtus, duels, confusions, conversions et possibles complètent la course de l’inachevé. Compléter l’inachevé : contraction poétique dans laquelle entrer de plein pied afin de tenter d’approcher les contraires, le temps et l’espace, l’inconnu, l’anonyme, le candide, l’immense … Comment mieux accompagner ces accidents de mitoyenneté qu’en confrontant images et graphes selon des modes opératoires tantôt originaux (naissance), tantôt clichés (re-connaissance), prosaïques et flous, en appelant à la fois à la simplicité, aux rêves, à la gravité et à la sur-médiation ? Surmédiation / conciliation : actes volontaires circonstanciels d’une médiation originelle insatisfaisante. L’universalité dépasse l’originel. Repères désarmés, hybrides, temporalité cahotique, renversement d’images, au-delà déconfisqué, pérennité à la racine proximale de l’Etre-l’Autre, habitudes culbutées… Mais toujours le duo, le dialogue. C’est pourquoi « on » aurait attendu une critique autre que celle axée essentiellement sur le talent primé de Youssef Rzouga.


http://chantal-morcrette.blogspot.com/search?updated-max=2009-12-22T05:21:00Z&max-results=20


Deux voix dans une même langue



Hassen Bahani



Peut-on partir d’un lieu, espace géographique situé à la frontière de deux cultures, décomposer l’alphabet pour le recomposer autrement ? Retrouver l’humain en entier par la grâce envoûtante de la poésie, par la pensée du je et de l’autre réunis en un seul mot substance qui brûle jusqu'à dévorer tous les tabous….peut-on s’extravaser pour écrire et nommer, aimer pour comprendre ?
Face à la question de l’altérité telle qu’elle peut être redéfinie dans le désir vorace d’annuler les parcours en sens unique, deux pètes mènent une expérience de rencontre et de dialogue par l’exploration indéfini des ressources de le langue, celle précisément qui fait jaillir la cité possible. Et cette expérience devient, le parcours du poème faisant, pont à la refondation du mot. Plus de rupture entre la terre vécue et le terre rêvée. L’ancre cède à l’onde. L’offrande est totale et devient génératrice d’offrance puisqu’elle exprime une communion de langues : l’une susurrée avec la voix féminine de Héra Vox, poétesse française ; l’autre projetée avec le souffle masculin de Youssef Rzouga, poète tunisien. Les deux poètes se rencontrent pour nommer autrement la cité, celle de proximité, de fraternité, d’amitié, du chemin de croisement entre deux cultures méditerranéennes, l’une française, l’autre arabe, l’une occidentale, l’autre orientale. Deux voix dites dans la même substance matricielle de langue-frontière. Héra Vox et Youssef Rzouga rêvent d’aller au bout de leur expérience poétique pour réinventer le mot, la langue, le pays. Yotalia devient espace de déconstruction recomposition, de fondation, d’offrance communicative, de communion, de création d’un symbole universel. Y.Rzouga nous donne la preuve ici que « la force d’une langue ne se mesure pas à la violence avec laquelle elle rejette ce qui lui est étranger, mais à la profondeur avec laquelle elle l’assimile » (G½the ) ; et H.Vox que tous poète « qui ne connaît pas la langues étrangères ignore tout de sa propre langue ». L’un écrit : « Ecrire le corps : Ecrire le rythme d’un certain nord / Ecrire le rythme d’un certain sud … Ecrire à mi-mot l’autre, son environ…Ecrire le pont et le sens d’un vent / Ecrire le sens inverse de l’impossible » et l’autre « quand le nord et le sud se rejoignent, c’est la méditerranée entière qui déborde, libre comme femme captive d’aucun tabou ». L’un est l’autre, l’autre et l’un (unis dans leur perméable dualité) se sont rendus accessible à l’expérience de l’altérité- mêmeté, de l’autre et du soi ; ils ont su tracer poétiquement l’humain dans un raccourci géographique à l’isthme de deux rives ; ont pu graver l’osmose des écritures dans un élan vital vers l’espace du corps. La poésie devient lieu de tous les secrets perdus, susceptibles d’être transposés en brèves méditations. Et pour faire jaillir l’efficience créatrice, il faut savoir dire la voix intime de l’autre, tout en faisant état de son enracinement dans sa propre langue. Et c’est pouvoir communier, c’est-à-dire se situer dans l’entre-deux du langage. La poésie serait ce chemin qui mène à l’ailleurs par la seule vertu fondatrice de l’alphabet : l’alphabet de la quête, de l’appel, de la symbolisation,de l’évocation, de l’empreinte corporelle , du sens , des sources multiples et fécondes, de ce que nous avons nommé plus haut off rance. Et comme il faut – pour se recréer – voyager, se déplacer alors ce déplacement devient non plus synonyme d’exil mais de renaissance. En chaque endroit nouveau, non pas le sentiment d’errance mais l’écho d’une fraternité, d’une intimité, d’un mystère que le poète, tout poète se doit de recueillir pour le communiquer aux autres : le poète est ainsi passeur de tout ce qui fait l’homme, passager dans l’infinie réserve culturelle du monde ; être de passage il doit assumer son devoir d’aller vers l’autre, revendiquer sa condition du langue et de cultures pour recréer en soi le sens de toutes les quêtes puisque toute langue lui appartient. Le symbole peut alors s’ériger Yotalia ! dès lors pourquoi continuer à nourrir cette fallacieuse séparation Orient / Occident ? Plus qu’un point de rencontre, une conjonction des contraires, confusion du multiple : »seule à seul et quatre chemins, on est enfin à vie, passeurs de mille et une mémoires (p.200). A l’isthme de l’Orient / Occident, les deux poètes se sont approprié le lieu pour le transformer en demeure : le ciel, la mer, la terre deviennent l’allégorie d’une mémoire vive : Yotalia !


«Mille et un poèmes» :



Joyeuse complicité…



Imen ABDERRAHMANI



Héra Vox et Youssef Rzouga partagent le même chemin, celui de l’amour. Sur les pages de «Mille et un poèmes», ils ont fondé le royaume de l’amour avec les mots. La poésie semble être le seul monde où Youssef Rzouga peut expérimenter ses idées, s’aventurer… bref, c’est de la poésie qu’il tire la légitimité de son existence poétique. Dès qu’on finit avec un recueil de poèmes, il surprend ses lecteurs avec un autre qui marque les péripéties d’une aventure poétique où s’entremêlent la patience et la passion. «Mille et un poèmes» tel est le titre de cette nouvelle histoire d’amour que Youssef Rzouga et Héra Vox ont brodée sur les pages de ce recueil de poèmes. Dans ses précédents recueils de poèmes et en particulier dans «The Ground Zero», Rzouga nous a esquissé l’image de la vie contemporaine en se référant au village de Mac Luhan et aux nouvelles lois qu’impose la mondialisation. Des images sombres et effrayantes ont marqué son précédent recueil de poèmes plongeant les lecteurs dans la morosité. Cette tristesse intense n’a pas duré et Youssef Rzouga s’est révolté pour renaître des cendres du marasme donnant le jour à des textes poétiques dédiés à l’amour. Cette plongée dans l’univers sentimental n’a pas été en solo car notre poète tunisien a choisi de partager cette aventure avec une voix occidentale, un c½ur qui bat, autrement, mais qui bat aussi pour l’amour. Sur les 119 pages de ce nouveau recueil de poèmes, Youssef Rzouga et Héra Vox ont chanté, en duo, l’amour soulignant sa nécessité pour oublier l’hypocrisie et le matérialisme de ce monde. Ce duo poétique, la main dans la main et le mot contre le mot, a partagé le même rêve. Rapprocher l’Orient et l’Occident par le biais de la poésie tel est l’objectif suprême de ce duo, de ces deux voix de deux mondes différents. «Mille et un poèmes» est un dialogue doux entre les deux où chacun a libéré sa folie créative, ses rêves pour bien tisser son univers poétique et émotionnel. Une écriture nouvelle où Youssef Rzouga et Héra Vox sont allés jusqu’au bout de l’imaginaire, ils n’ont pas hésité à recourir à des flashs mythologiques, à la faune et la flore etc, dans une écriture recherchée. «Si je te quitte un peu C’est tout juste Pour te rencontre ailleurs.. Et boire un café noir Avec les oiseaux», écrit Youssef Rzouga. Héra Vox voyagera loin avec sa plume pour nous confier un rêve, une idée. «Deux ombres ont envie de danser Si quelqu’un quelque part rêve Cours vite dire au silence Que le nez abîme la vérité des fleurs» «Mille et un poèmes» est un recueil de poèmes à lire puis à rêver !
Mille et un poèmes

Entre deux rives...



Samia Harrar



Aux confluents de deux rives, un rêve d’amour. Une rencontre, une fulgurance, et des étoiles plein les yeux, entre deux yeux et deux regards.. Une voix : Youssef Rzouga ; deux voix : Héra Vox à la sienne jointe. Et puis 101 poèmes, qui enfanteront d’autres désirs d’écritures, d’autres désirs de jouer, de jongler avec des mots.
« …Pour un temps nouveau ».
Mille et un poèmes, en un champ contre-champ, pour qu’à l’amour réponde l’amour.
« Au bord de la mer morte, tu m’ouvriras ta porte … »
Chantera Héra Vox
« On se verra là…,au bord de la mer morte… » avait chanté le poète.
Le rythme est taquin, mutin, pensif et décalé, souriant, retors, juste pour rire, juste pour espérer. Parce que c’était lui, parce que c’était elle.
Aux confluents de la poésie, une langue, comme un dague meurtrier, pour la beauté du geste.
Un rêve, un blanc, une plage d’immense silence et la nature qui vient s’y inscrire, à travers « cigale » et « fourmi ».
Alors, la respiration devient plus saccadée et le souffle moins ample, mais plus porteur.
Rauque, abrupt pics, qui blessent, pour réveiller l’ancestrale torpeur. Mais il s’agit d’amour, décliné sous ses multiples facettes, comme un harcèlement.
Youssef Rzouga et son cadavre exquis,exquis comme une douce sieste, face à la mer.
Héra Vox, son double, à sa voix mêlée, du tac au tac, pour franchir dans l’allégresse la mer de toutes les infinitudes, avant de continuer son chemin.
Le Renouveau 08 / 11 / 2005

PRESENCE DE YOUSSEF RZOUGA



Passage d’un oiseau libre



Hatem Bouriel



Après les nombreux prix engrangés à l’échelle arabe, le mouvement de traduction des ½uvres de Youssef Rzouga s’accélère avec la publication de trois ouvrages.
Assurément, Youssef Rzouga compte parmi les auteurs les plus actifs sur la scène poétique actuelle.
Multiforme, son engagement pour la poésie se développe depuis plus de vingt ans à travers de nombreux recueils mais aussi par le biais du travail critique et de l’animation littéraire.
Les dernières années ont apporté à Rzouga ce qu’attend tout artiste investi dans son ½uvre : une large reconnaissance qui lui a valu d’obtenir des prix de référence sur la scène arabe et également un intérêt de plusieurs traducteurs qui ont permis à son univers poétique de passer à la langue française et anglaise.
Deux ouvrages viennent ainsi de paraître proposant des traductions d’½uvres de Youssef Rzouga. Intitulé Pacem In terris(autrement dit Paix sur la terre),juxtapose des ½uvres en arabe de Rzouga,traduites en anglais par Khaoula Krich avec des textes originaux du poète américain Philip Hackett.
Là encore, la confluence des univers poétiques révèle la modernité des ½uvres de Rzouga, leur dialogue intime avec celles de Hackett.
L’éclat rythmique, le jeu référentiel et le reflet des âmes donne une profondeur à ce dialogue qui, avec des mots choisis, est aussi un plaidoyer pacifiste, un pas de deux qui conjugue le tourbillon du monde avec une exigeante introspection.
Si Pacem in terris nous ramène à des moments fondateurs dans le poème de Rzouga, Two hells in the heart (deux enfers au c½ur) creuse encore plus ce sillon.
Cette petite anthologie, également traduite de l’arabe à l’anglais par Kaoula Krich, nous installe dans ce tiraillement caractéristique de l’approche de Rzouga.
Dialectique des contraires,les poèmes choisis sont à la croisée du moment et du mouvement.
La lenteur, le laconisme assumé, le dépouillement graphique font de cet ouvrage un condensé brillant de l’approche de Rzouga qui, dans le poème Racines et Tatouages,culmine dans un manifeste qui allie l’inéluctable de la racine à l’étrangeté du tatouage.
Errant dans un univers Rimbaldien, l’âme et le corps effectuent d’inattendues translations entre des forêts de symboles et des brasiers de significations.
Oasis de lumières, quelques ½uvres du photographe suédois Anders Sandstom interviennent comme contrepoint à ce désir d’ombre, à ce tiraillement du poète.
Présentes à l’état de traces, ces photographies approfondissent le dilemme poétique posé par le titre même de l’ouvrage.
Qu’ajouter sinon que ces deux ouvrages parus chez Sotepa 2005 confirment l’envergure de Youssef Rzouga, sa notoriété désormais internationale.
Invitations à redécouvrir ce qui fait l’originalité d’un poète qui publie sans interruption depuis 1970,qui creuse dans la chair vive des métaphores pour s’installer dans les textures intimes du verbe, ces deux ½uvres brèves et fortes soulignent bien l’envol puissant d’un oiseau libre.
______________
Le Renouveau 26 / 01 / 2006

Le jardin de la France



Hatem Bouriel



Le jardin de la France comporte une vingtaine de poèmes très représentatifs de l’approche de Rzouga.
Fourmillant de références, déployés sur une rythme qui alterne la brièveté et l’emphase,d’essence profondément ludique, ce recueil est d’habiles jeux de mots qui transcendent les significations à l’image de l’opéra inachevé qui ouvre le recueil entre chorégraphie de l’âme et géographie du corps.
Tour à tour lumineux, ou graves, les poèmes de Rzouga disent sa dette à l’universel tout en s’inscrivant dans les terroirs saheliens où il puise son inspiration.
Véritable envoûtement,ces textes instaurent une sémantique débridée, une expérimentation verbale qui déroute et surtout un imaginaire prolifique accoucheur d’images toujours inattendues.
Le Renouveau 26 / 01 / 2006
Le jardin de la France » (en français), « pacem in terris », « two hells in the heart » (en anglais) de youssef rzouga

L’autisme revu et corrigé



Heifa Baccar



Si l’année 2003 fut année faste et féconde pour le poète Youssef Rzouga, qui a vu paraître d’un coup et au bout d’une expérience s’étalant sur plus d’un quart de siècle, le premier tome de son oeuvre complète comportant cinq recueils, une biographie sous le titre « Le verger et ses alentours » et une approche critique de l’un de ses recueils intitulé « la langue de l’époque conquiert la poésie » signé Ezzeddine Madani, l’année 2005 l’est davantage.
En effet, après, « Le fils de l’araignée », « Yotalia », et « 1001poèmes », Rzouga vient de lancer ses toutes dernières créations « le jardin de la France » en français, « pacem in terris » et « two hells in the heart » traduits en anglais. Nous rappelons à nos lecteurs que l’auteur est considéré par la critique comme l’instigateur d’un nouveau courant poétique intitulé « rythme occiriental », une sorte de symphonie poétique s’appuyant sur des notes et des tempos, résultant d’une insertion des mesures orientales dans la composition française et donnant à voir d’un coté la note, la voix et son timbre d’origine occidentale et de l’autre coté, le rythme, la danse et l’alternance d’origine orientale… Acquis à la réputation d’être un prodigieux alchimiste du verbe, une sorte d’émule de Rimbaud aimant à occulter et à obstruer, à plonger dans le clair obscur la référence, procédant ainsi sans cesse à un véritable brouillage des pistes, Rzouga est aussi ce poète mu par un profond sens esthétique tout en s’employant sans sans cesse à explorer de nouvelles voies d’expressions et à adapter ses vers aux préoccupation de son époque… C’est ainsi, que s’appuyant sur un savoir encyclopédique (mathématique, physique, biologie, informatique) et recourant à une méthode de poétisation originale, il a établi des relations insoupçonnées entre les termes scientifiques et littéraires au profit d’un nouvel imaginaire poétique moderne, voire réconcilié avec l’exigence d’un nouveau millénaire sous tous ses aspects transculturels et mondialisés. Dans son dernier recueil « le jardin de la France » encadrant une belle vitrine des extraits de vers de quelques génies de la création poétique, tels que Paul Eluard, Foucault, Paul Verlaine, Pouchkine, Pablo Neruda, Rzouga déploie ses « habituelles » acrobaties langagières…mais comme résolu à mettre plus de sens et de cohérence, certainement en raison de l’autisme dont certains accusent sa poésie, mais certainement aussi, parce que parvenant de plus en plus difficilement à se faire comprendre, l’auteur affiche, du moins dans ce dernier recueil, comme une espèce de renoncement à sa légendaire opacité sémantique et son refus de la linéarité aussi bien logique, chronologique, que rythmique…Si les lecteurs apprécient ce ton nouveau, plus terrestre ?certainement dirions nous ! Autrement, comme le dit si bien le grand poète Mahmoud Dérouiche, à quoi servirait une écriture, aussi belle soit-elle, si elle n’est comprise que par son auteur… !

LE LOUP DANS LE VERBE



Une reconquête de soi



Mustapha Habibi



La scène littéraire vient d’être émaillée par la naissance d’un recueil de poésie dont la qualité artistique et le choix de thèmes sont exceptionnels : « Le loup dans le verbe » du poète Youssef Rzouga.
Par définition, une étude sur un poète tel Youssef Rzouga ne peut être une entreprise facile. Notre objectif ici ne devait avoir d’autre but que de le refléter aussi fidèlement que possible. Sa présente ½uvre qui est parfaitement conforme à sa personnalité forte et sensiblement contagieuse apporte un autre exemple de cette autorité poétique et artistique incontestable qui s’impose de plus en plus sur la scène littéraire arabe et internationale.
Youssef Rzouga étant un phénomène particulièrement marquant et rayonnant en matière de poésie moderne et ce, en dehors des autres systèmes rythmiques.
« Le loup dans le verbe » comprend une quinzaine de poèmes dont on peut citer « La règle du jeu », « Un B pour la dame du bien et un M pour la dame du mal », « Le loup dans le verbe », « Finalement lardé », « Rang du rire », « Cette voie n’est point la mienne », « Rêve », « Vers le crépuscule », etc.
Dans cette poésie il n’y a pas de place pour l’hermétisme qui caractérise, généralement, plus d’une expérience poétique en langue arabe.
Au contraire, chez Youssef Rzouga, tout est clarté. Mais ce qui se dégage surtout de ses poèmes à travers ses déterminations, comme c’est le cas à travers les images, les dessins et les mondes qu’animent une verve et une inspiration créatrices de vie et divulgatrices de mécanismes et d’énigmes, c’est une sincérité touchante, quoique souvent inquiétante par sa véracité criante.
« Ces mots par lesquels je m’amuse, ne sont guère mes mots, mais mon linceul ».
C’est à partir de là qu’apparaît le message du poète Youssef Rzouga. Un message qui semble, parfois latent ou difficile à saisir. Un message dont il a maillé le cadre et modelé le contenu effectivement par sa conscience ou comme le pélican nourrit du sang de son propre c½ur, de sorte à ce que le poème habille celui qui le déclame. Dans le présent ouvrage, on ne peut ne pas ressentir un certain pessimisme souvent terrifiant.
Essentiellement, lorsqu’il s’agit de ce sinistre constat à l’endroit de cette identité arabe qui s’égare et se disloque. Déjà nous dit le poète cette arabité est en pleine décomposition : c’est du moment où l’édifice (haïqal) s’effondre et où le moi perd sa souveraineté, de même que le lendemain.
L’expression ici de la trame de l’identité arabe et son rétrécissement sous le poids et les pressions des événements ne diffère pas beaucoup d’un poète à un autre.
Si le Palestinien Mahmoud Darwiche exprime sa détermination à rester là où il est, à tout prix et par tous les temps, notre poète Youssef Rzouga malgré la traîtrise « des frères de Joseph » et bien qu’il constate, clairement que l’édifice soit en ruine, invite, quant à lui, les accusateurs du loup en leur disant : « Venez tous et dirigez vous vers moi en pèlerinage ».
Il est vrai que « Le loup dans le verbe » est le réquisitoire d’une déception, celle d’une conscience civilisationnelle vivante et qui se veut en interaction avec la dynamique de l’Histoire. Mais ces mots par leur sincérité, leur innocence et leur pureté deviennent-ils, un moyen efficace de cette reconquête de l’être, de son affirmation ?
Youssef Rzouga enfermé avec le loup dans l’expression relate ce drame tantôt comme un mythe, tantôt comme une tragédie.
Dans cette image, Youssef Rzouga néglige l’aspect artistique du drame arabe au profit du tragique, donc de la réalité,
Interrogeant comme dans un mythe la langue, la terre, le crépuscule, « le chiffre », « la montre », les victoires, la rose dans le miroir, les matins, les vents, les clabauderies, les routes et le poème, il finit par s’emparer du Taureau enraidi de l’Histoire, pour que s’entremêlent les mots avec le mouvement.
Rien ne me manque pour être parfait
Pourtant loin d’être tout à fait un humain
Je ne dérive point de la tribu « Al Naft »
Mis de l’escouade de Kahtane Ben Kaht
Ma cause : je n’en ai guère.
Dans le poème intitulé un « Loup dans le verbe », le poète à la différence de Mahmoud Darwiche ne se plaint pas de la traîtrise et de la cruauté de ses frères mais à ces derniers qu’il se plaint.
Je vivais mes frères dans la bombance
Ô mes frères dans l’autruche
Prétendant que ma légitimité surgit
De mon allure de prophète
Je ne savais point que j’étais dupe
Que ceux qui m’entourent m’évitent
On m’a dit qu’ils sont mes partisans
Qu’ils veillent et prennent soin de moi
On m’a dit que je suis arabe
Par l’affirmative j’ai répondu
Et ouvert les fenêtres pour prendre de l’air
Sitôt qu’un gaz nauséabond a brûlé mes narines
Ayant trempé la paume dans l’eau
La pieuvre m’a saisi et souillé
Ma main de bitume.
Cette identité arabe ainsi redécouverte, déshabillée devient objet de consternation, de honte et de regret.
Je ne suis donc point libre
Je suis arabe par un autre que moi
et n’ayant de force que le poème
Pour réaliser que je suis imbécile.
Ce cri d’un c½ur blessé par cette vérité n’est pas sans nous rappeler les complaintes de nos villageoises dans leurs chants berbères. Mais sait-on que d’autres, beaucoup d’autres avant nous ont eu à goûter de cette mûre amère depuis Tadmur et Carthage en passant par Grenade.
Bref, le mots blessures, les mots hantés par le loup de la mythologie, le loup erreur, le loup mensonge, le loup trahison, le loup mirage, peuvent devenir obscurité, tumulte, terreur, cadavres et questionnement
J’ai demandé au mômes que s’est-il passé.
Rien m’a-t-il répondu
Puis, il se baisse pour m’offrir une fleur
Et plante son poignard dans mon sang
Je demande toujours que s’est-il passé ?
Le Renouveau 19 Mai 1998

Impressum

Tag der Veröffentlichung: 24.01.2010

Alle Rechte vorbehalten

Nächste Seite
Seite 1 /