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Bacchanales au centre de détente

 

Ludovic den Hartog

 

 

 

 

Bacchanales au Centre de détente

 

 

Une mortelle bien en chair rencontre le dieu du chaos

 

Du même auteur :

 

Sur BookRix

 

  • Bacchanales au centre de détente
  • Le retour de Tirésias
  • La guerrière
  • Tous sur Clémentine
  • Charlotte passe à l’attaque

 

 

Sur Amazon

 

  • Taisez-vous, méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent (47 p.)

 

  • Le plaisir des dieux (et elle batailla jusqu’au petit matin - suite de « Bacchanales au centre de détente ») (81 p.)

 

  • Série Callipyge

 

  • Quatre étudiants pour la prof 62 p.
  • Insatiable ? 70 p.
  • Préparatifs érotiques et initiation surprise 84 p.
  • Seule contre tous 57 p.
  • Ménage à trois 49 p.

 

  • Série Alice

 

  • Alice s’émancipe 99 p.
  • Les malheurs d’Alice 112 p. (bloqué par Amazon)

 

  • Série Cathy

 

  • Cathy mène la danse au concert de country – Jeudi 120 p.
  • Cathy se déchaîne au concert de country – Vendredi 147 p.
  • Cathy se libère au concert de country – Samedi 110 p.
  • En préparation : Cathy et les 7 mousquetaires au concert de country – Dimanche et lundi

 

 

  • Itinéraire sentimental, 277 p.

 

I

 

 

Claudine roule tout doucement dans le parking désert. Par la fenêtre grande ouverte, elle entend les graviers crisser sous ses pneus. La nuit est tombée, douce, paisible, mais Claudine a les mains glacées et la tête en ébullition. Elle ne peut s’empêcher d’évaluer le nombre des voitures garées çà et là. Il y en a peut-être une trentaine... Il y a de l’affluence ce soir, car il faut penser que certains seront venus à deux ou trois. Même en comptant les couples et quelques audacieuses dans le nombre, vu ce qu’elle a en tête, trente voitures ça pourrait se révéler exorbitant !

Quand elle ouvre le coffre pour prendre son sac, elle est sur le point de renoncer. Elle doit prendre appui pour ne pas défaillir : - Mais qu’est-ce que je viens foutre ici, grands dieux, quelle connerie je vais faire ? Mais qu’est-ce qui me pousse à faire ça ?

Elle relève la tête, ferme les yeux, aspire à fond ; tout est calme, les grillons stridulent... Non, quelque chose la pousse. Allons, ce n’est pas le moment de faiblir, elle le regretterait ensuite... Elle souffle en arrondissant les lèvres comme si elle était en plein effort et, d’un même geste, arrache son sac de sport, referme le coffre et part sans se retourner.

Claudine longe le bâtiment ; par les larges baies vitrées elle distingue la piscine intérieure, le bassin des plongeoirs, désert. Sûr ! À cette heure-ci le vendredi, ce n’est pas là que les choses intéressantes se passent. A droite, le stade d’athlétisme : en dépit de l’heure tardive et de la chaleur, sous l’éclairage violent, quelques silhouettes en short et maillot s’obstinent encore à courir, à lancer, à sauter.

Dans sa prime jeunesse, elle-même a beaucoup fréquenté les pistes : c’était avant que la nature lui octroie des formes généreuses et que son tempérament de gourmande fasse le reste. Il n’a pas fallu plus de quelques mois pour que la gamine maigrichonne se mue en une belle plante ronde ; adieu pistes et sautoirs ! Elle s’est mise à lancer le disque et le javelot, sans grande conviction, surtout pour prendre de l’exercice et continuer à voir les copains et les copines...

C’est d’ailleurs pendant l’entraînement d’hiver, en soulevant de la fonte en salle, qu’elle a rencontré son mari, il y a de cela... Seigneur ! Ceux qui s’exercent là n’étaient pas encore nés, ou alors tout juste ! Elle portait un petit short noir sur un legging rose clair et avait bien repéré le garçon qui, depuis un moment, matait ses cuisses en plein effort.

Il s’est approché, il a compté du doigt la charge de ses squats, il a dit « stupéfiant ! » comme pour lui-même, puis il a ajouté en la regardant droit dans les yeux, qu’elle était impressionnante et qu’on ne voyait pas beaucoup de filles comme elle.

Elle a d’abord eu un petit doute : comment devait-elle prendre ces compliments ? Car elle s’était vite prise au jeu de la souplesse et de la puissance, gagnant beaucoup de muscle en quelques mois, beaucoup de force physique aussi, ce qui ne faisait pas l’affaire de tous les mâles.

Au début, ça n’avait été qu’une stratégie pour faire reculer le gras. Dans son esprit, cette débauche d’énergie devait permettre à la gourmande qu’elle était de pouvoir manger sans se priver, en ne prenant pas de poids. Avec un peu d’amertume elle avait constaté qu’il n’en était rien, au contraire. Mais deux ans plus tard, elle était pleinement réconciliée avec son corps. En fait, elle ne s’était alourdie qu’à proportion de la musculature qui, à présent, étayait son corps et fluidifiait ses mouvements, dessinant en particulier d’impressionnants reliefs au dessus des genoux.

Son travail acharné avait donc payé et si le résultat était inattendu, il était loin de lui déplaire. Les fortes cuisses et les jambes de Claudine étaient galbées et avaient la consistance du béton, ses fesses étaient tracées au compas ; du coup en été, elle avait recommencé à mettre des jupettes sympa. Ses bras étaient fermes et pleins, ses épaules joliment carrées et sous le dodu de fille, ses abdos étaient en acier trempé, on aurait pu casser des noix dessus ! En outre Claudine se tenait désormais très droite, les reins bien cambrés. Elle avait ainsi l’impression de projeter vers l’avant une poitrine qu’elle aurait dû plutôt chercher à dissimuler, mais tant pis ! Elle faisait fi des remarques égrillardes et des lazzis. Dans son genre elle se trouvait belle et se fichait du reste. Et qu’on ne se hasarde pas à la palper, l’impudent y aurait laissé quelques doigts !

Ce soir-là, Eric ne faisait preuve d’aucune ironie ; il était sincèrement admiratif et avait les idées assez larges pour sortir avec une fille dont les performances physiques dépassaient les siennes, et de loin. En réalité il était bien trop flemmard pour tenter de refaire son handicap ! Le même soir, ils se retrouvèrent dans une pizzeria. Il sut trouver le chemin de son cœur, elle lui donna immédiatement toute assurance sur l’avenir et ils ne se quittèrent plus. Claudine en eut une bouffée de nostalgie. Dieu, comme elle avait aimé cet homme ! Et aujourd’hui ? Qu’en était-il ?

Cinq ou six jeunes gens sont appuyés à une rambarde, torses nus ; ils arrêtent leur discussion pour la suivre du regard. L’un deux parle à voix basse, elle sent que la remarque la concerne. Savent-ils ce qui se passe ici parfois ? Se doutent-ils de ce qu’elle va oser ? Non, une fois passée elle entend juste le mot « laiterie ». Seulement une impertinence, une remarque grivoise sur les avantages de la brune mûrissante qui passe devant eux. Ils ont repéré la liberté de sa poitrine qui ondoie paisiblement sous un débardeur léger. En outre elle se balade dans un pantalon de sport beige qui ne cache pas grand chose de ses rondeurs.

De sa jeunesse sportive elle a conservé sa carrure. Et puis elle a une puissance et une résistance que peu de femmes possèdent. Elle n’est pas franchement grosse, non, mais après trois grossesses et quelques tonnes de sucreries, il faut avouer qu’elle est bien ronde ! Ses larges hanches dessinées en amphore sont devenues un peu carrées, les superbes nichons de sa jeunesse sont lourds, ses fesses potelées vadrouillent à la marche, la chair de ses cuisses vibre à chaque pas... Cependant les jeunes gens plaisanteraient moins s’ils savaient que son ventre douillet est absolument nu là-dessous... plus nu que nu puisque, cet après-midi, elle a été entièrement dépilée par les soins de son esthéticienne. Elle passe son chemin.

Arrivée devant l’entrée elle s’arrête. Que ressent au juste quelqu’un qui pousse la porte d’un immeuble de vingt étages, avec l’intention de se précipiter du dernier ? Une bouffée d’angoisse lui tort le ventre, mais l’élan qui l’anime est décidément le plus fort. Elle entre, présente sa carte, prend son billet. Comme si de rien n’était la caissière exécute rapidement les opérations routinières en la regardant à peine, comme il y a six mois quand Claudine a participé pour la première fois aux agapes des vendredis.

C’était avec Martine. Serait-elle venue ce soir-là, si elle avait su que ça changerait absolument tout de l’idée qu’elle se faisait d’elle-même, que ça renverserait les perspectives, que ça risquerait de chambouler sa vie... ? Oui, elle aurait malgré tout suivi Martine, même en connaissance de cause. Rebrousser chemin ? Impossible désormais ! En revenir à l’état antérieur, à une petite vie bien réglée, à l’amour conjugal confortable et raplapla, en admettant qu’il soit encore possible ? Inconcevable ! Du moins pas avant que l’expérience de la luxure ultime ait été menée à son terme. Il faut qu’elle sache ! Elle ne renoncera pas même si c’est une folie ; elle tient à vivre ça, tant qu’il en est encore temps !

Et s’il était déjà trop tard ? A 46 ans une femme n’est plus de première jeunesse et le corps de Claudine n’a rien à voir avec celui d’un top model. Eric, son mari, lui répète souvent qu’elle est très attirante, qu’elle a encore tous les atouts pour plaire aux hommes. Mais quel crédit accorder aux affirmations flatteuses d’un type qui la néglige et qui, elle le sait, va voir ailleurs depuis au moins trois ans ?

Bon, c’est pourtant vrai que les hommes la regardent encore... Tout dépend de la façon dont elle s’habille en fait. L’année dernière, elle portait un petit blouson de cuir blanc sur une jupe droite bleu-marine qu’elle avait d’abord failli enlever, la trouvant trop moulante. Dans le miroir, elle observait surtout la douce ampleur de son ventre qu’elle essayait de rentrer ; elle en avait presque oublié ses fesses, ses bonnes grosses fesses baladeuses et tendres qui ballonnaient l’étoffe de la façon la plus indécente. Et à la pâtisserie, alors qu’elle passait prendre une commande - le gâteau d’anniversaire de sa fille Anne - un tout jeune homme ne l’avait-il pas abordée, commençant, fort platement, par lui demander l’heure avant de lui proposer un café ? Il était plutôt mignon. Quelle folle elle a été ce jour-là, de le trouver trop gamin !

Ce serait à refaire, elle te le saisirait par le col : « J’m’en fous pas mal de ton café ! Viens donc plutôt par ici » elle te le plaquerait contre un mur pour lui envahir la bouche de sa langue, lui fouiller dans la braguette, sortir illico son engin en espérant qu’il soit bien gros ! Elle sourit toute seule ; non, bien sûr, jamais elle ne ferait ou ne dirait une chose pareille ! Une femme comme elle n’agit pas ainsi. En fait, cet hiver elle n’aurait pas même osé penser en ces termes, ne parlons pas de les formuler. Cependant si c’était à refaire aujourd’hui, elle aurait une autre attitude : elle accepterait son café et discuterait avec lui. Elle ne verrouillerait pas tout dès le départ, elle lui... elle leur laisserait une chance, une vraie chance.

Une chance de quoi au fait, puisqu’elle ne veut pas quitter son mari et qu’il ne serait pas question de refaire sa vie avec un gamin ? Eh bien, voyons les choses en face : une chance d’éprouver du bonheur et de la joie de vivre, le temps que ça aurait duré. Claudine se sent… Oui, c’est cela, elle se sent comme déverrouillée et la perspective d’avoir une activité sexuelle purement récréative ne lui fait plus peur.

Elle a bien changé au cours des derniers mois. A commencer par la faim de louve de sa jeunesse qui est revenue sans crier gare et s’est réinstallée en elle, percutant sans vergogne son quotidien conventionnel et plat, résonnant lourdement dans son bas-ventre.

Elle arrive aux vestiaires, ils sont déserts ; dix heures moins le quart. Apparemment tout le monde est déjà en place. Elle ouvre un casier libre, insère la petite carte magnétique et enlève son paréo. Sa nudité prospère est à l’étal, Claudine espère sincèrement être encore désirable. Elle a un peu de mal à s’extraire du débardeur qu’elle tire par en haut ; quand elle en émerge, elle s’aperçoit dans le miroir de l’allée. Avec les bras levés, comme ça, ses gros nichons en bataille prennent un air si vulnérable.... On dirait qu’ils appellent des mains pour les protéger et les soutenir.

Elle hausse les épaules. Bon, c’est sûr, avec des hommes qui rêvent de jeunes filles en fleur, de lianes et de gazelles virginales, il y a de sérieux doutes ! Mais avec des mecs qui aiment les vraies femmes qui veulent et qui savent tout leur donner, elle a certainement son coup à jouer. Allez, on jette les dés, rien ne va plus ! Elle se dirige résolument vers le bain.

 

II

 

 

Claudine n’avait aucune envie de fréquenter un centre de détente. Son amie Martine l’y a traînée presque de force, pour la sortir, disait-elle, de son train-train. Elle lui a vanté un club sympa, des installations « au top », sportives et autres : piscine, sauna, bain turc, salle de musculation, de massage, jacuzzi, solarium et tout le tremblement « avec des gens vraiment super ». Et Claudine s’est finalement laissé convaincre, même si elle trouve ça plutôt cher.

Les premières fois elles ont fréquenté le club en mémères sur le retour, choisissant pour le bain turc les horaires réservés aux dames seules et ambitionnant apparemment de le rester. Ce n’est pas à proprement parler le hammam traditionnel, plutôt un bain relaxant : douce vapeur légèrement parfumée d’essences aromatiques, petit bassin et parcours d’eau salée à 35°. Adroitement réparties le long des parois, de nombreuses buses créent autant de courants, de remous, de nuages de bulles, tous assidûment fréquentés par ces dames pour masser les points faibles de leurs anatomies, tout en papotant entre copines.

Au vrai, la plupart de celles qui viennent se détendre dans cette ambiance tropicale ont d’excellentes raisons de ne plus vouloir s’afficher : maturité affaissée, seins en cataracte, ventres enflés et mollassons retombant sur des pubis fanés, cuisses grumeleuses et tremblotantes, cicatrices, déformations ou mutilations diverses, vieillesse plissée, ridulée, avachie : les misères du corps humain déclinées au féminin.

Ce fut Martine qui, la première, en eut son compte des séances entre nanas marquées par le destin ; elle décida, puisqu’elle décidait de tout, qu’il leur fallait se risquer dans le bain mixte. D’abord Claudine ne voulut rien entendre, mais Martine, qui affichait plus de 90 kg pour son mètre soixante-trois, lui demanda de quoi elle avait peur et lui fit remarquer que si l’une des deux devait se sentir gênée, c’était plutôt elle-même.

C’est ainsi qu’un samedi soir, se risquant au verdict des regards masculins, elles pénétrèrent dans l’agencement spacieux des salles qu’elles connaissaient bien : décor coquet – colonnettes, volutes, arabesques, fontaines et rigoles - bel étagement de banquettes en gradins, petits recoins discrets ici ou là, le tout réparti autour d’un vaste bassin central. Plus morte que vive, Claudine pénétra dans l’étuve en serrant autour d’elle un drap de plage suffisamment vaste pour en couvrir deux comme elle. Elle entraîna Martine vers une banquette à l’écart et demeura prostrée là un bon moment, n’osant même pas lever le nez. Quand son audacieuse amie prétendit s’immerger, elle la suivit le cœur battant, se débrouillant pour descendre dans l’eau à toute vitesse derrière son écran, parvenant à ne pratiquement rien montrer de ses grâces. Ses seins avaient tendance à remonter et à se pavaner en surface mais somme toute, c’était un moindre mal.

Il y eut ainsi quelques séances et Claudine la complexée, la timorée, prit conscience de deux choses importantes. D’abord, mis à part certains hommes manifestement en quête de chair fraîche, mais qui ne la traitaient pas différemment des autres femmes, les personnes présentes ne lui accordaient qu’une attention très distraite ; ensuite, dans toute sa rondeur, comparée aux autres, elle ne se trouvait pas si mal que ça... Peu à peu elle se sentit plus à l’aise, poussant un jour l’audace jusqu’à abandonner son gigantesque pagne sur un banc avant d’effectuer à découvert les quelques pas qui la séparaient de l’eau, les seins ondoyant et la chair vibrante. Elle s’appliqua à faire montre de la plus grande indifférence en dépit de son angoisse, apparemment insoucieuse des yeux indiscrets qui, à n’en pas douter, évaluaient le poids et la consistance de ses gros nichons, souverainement dédaigneuse de toutes les mains qui rêvaient de serrer sa taille encore bien marquée, de suivre la courbure de ses larges hanches, d’envelopper son ventre gracieusement bombé, d’effleurer le satin de ses fortes cuisses, de palper l’impériale ampleur de son derrière. Elle trouva ainsi un équilibre et commença de vraiment se plaire dans cet endroit jusqu’à la semaine fatidique où, consacrant leur soirée du samedi à un spectacle, les deux amies décidèrent que le bain turc serait pour un autre jour.

C’était un vendredi soir. Les choses se déroulèrent comme à l’accoutumée jusqu’à vingt et une heures trente, horaire habituel de fermeture de l’établissement. Les gens sortirent normalement, mais en attendant Martine dans le hall, Claudine réalisa soudain que l’endroit ne jouissait pas du calme habituel à cette heure tardive. La caissière était toujours en place, l’appariteur ne se tenait pas près de la porte d’entrée pour la verrouiller une fois le dernier client parti. Au contraire, tout un groupe attendait manifestement l’ouverture des sas.

 

- Tu as vu, Martine ? Il y a encore une séance… Mais alors c’est carrément une nocturne ! Dis, ce doit être marrant, surtout le petit bassin qui se prolonge au dehors : dans l’eau chaude en hiver, sous la lune, sous les étoiles, en pleine nuit, tu imagines ?

- Oui, sans doute... attends, je me renseigne...

 

Martine échangea quelques mots avec la caissière et revint :

 

- Chaque premier vendredi du mois, c’est ouvert jusqu’à une heure du matin mais c’est bizarre, il faut une carte spéciale. « Question de sécurité » a-t-elle dit.

 

- Ben, on n’a jamais rien fait de mal, que je sache ! On la demandera, voilà tout.

 

A la première occasion elles furent exactes au rendez-vous. Suite à une demande écrite, la carte mauve « spéciale nocturnes » leur avait été attribuée sans aucun problème. Claudine remarqua une chose qui lui parut étrange : plusieurs dizaines de clients attendaient que la place leur soit livrée, mais à part cinq couples il n’y avait que des hommes. En fait, en dehors d’elles-mêmes et de deux jeunes filles, il n’y avait pas d’autres femmes seules. Après tout qu’est-ce que ça peut bien faire ? songea-t-elle.

On entra, elles passèrent au vestiaire puis, tirant chacune au passage un tapis de mousse, elles se hâtèrent de rejoindre la place qu’elles affectionnaient, près d’une jolie fontaine qui glougloutait ; c’était un banc encastré dans un léger renfoncement, discret, mais qui permettait de voir une grande partie de la salle.

Qui sait pourquoi ? Claudine se sentait un peu de vague à l’âme ce soir-là, et l’esprit plein de nostalgie. Les deux jeunes filles s’étaient installées non loin des deux femmes d’âge mûr ; elles étaient mignonnes, chacune dans son genre. La brune, cheveux tirés, grande, fine, très belle avec ses grands yeux clairs en amande, avait noué sous ses aisselles un linge un peu court qui s’ouvrait à chaque pas, découvrant son flan gauche jusqu’à laisser entrevoir la rondeur d’une fesse ou l’ombre du pubis. Une coquine qui entendait préserver certaines apparences pensa Claudine. La blonde, cheveux abandonnés à l’humidité, traits communs, nez camus, était nettement moins jolie. Elle était aussi plus petite, plus ronde, et son derrière roulait sous la serviette de bain qu’elle avait nouée à la taille, laissant résolument découverte une poitrine spectaculaire. La fille connaissait ses avantages et le regard des hommes ne trompait pas. La remarque de Martine parvint à Claudine comme en écho à ses pensées :

 

- Regarde la petite blonde, cette paire de nichons ! On dirait qu’ils sont gonflés à l’hélium !

- Oui, j’ai vu... Pourtant c’est du naturel. Allez ! Avoue-le ! Ils sont superbes !

- Elle le sait bien la petite garce, mais ça fait un peu grosse vache ! Et regarde la tête de tous ces couillons ! Ils n’ont d’yeux que pour elle ! Pourtant elle est plutôt moche ! Il leur en faut peu aux mecs... En plus, si ça se trouve, elle est nulle au pieu !

- Ca, c’est une méchanceté gratuite ! Et puis j’ai l’impression que tu tombes mal...

- Bon, d’accord, ça en jette ! Mais il faut se les trimballer tout le temps et ça pèse une tonne ; sans compter que ça vieillit vite, regarde, ils commencent à dégringoler.

 Tu sais, je connais bien la question ! Et tant que ça dure, elle est sûre de ne pas rester seule. Pas comme toi...  pensa Claudine sans le dire. Martine, en effet, paraissait oublier que sa copine, elle aussi, avait de très gros seins. Jamais ils n’avaient eu la forme délicieuse et la fermeté des deux énormités de la fille, mais ils avaient eu leur petit succès. Dans les fêtes ou en discothèque, chaque fois que Claudine enfilait un petit haut moulant elle trouvait de la compagnie ; rarement la compagnie souhaitée d’ailleurs, loin de là ! Souvent juste de quoi égayer la soirée et faire la nique aux copines pendant quelques heures... Cependant jamais elle n’avait fait tapisserie. Au fond, tout ça était bien innocent.

Qui sait pourquoi, de vieux souvenirs remontent tout à coup... Une période de sa vie qu’elle avait presque oubliée, si riche, si contrastée, si brève : quelques saisons tout au plus. Claudine avait très vite rencontré Eric et la petite Aurore était arrivée dans la foulée. Draguer en petit haut moulant ? Elle n’y avait plus jamais pensé, ne vivant que pour son mari et ses enfants, entre les casseroles, les couches, la lessive, le repassage et – quel supplice – les devoirs des petits. A croire que la journée de classe ne suffisait pas à leur bonheur !

En voyant ces deux jeunes filles qui avaient encore toute la vie devant elles, Claudine méditait sur son propre destin. Après Aurore étaient arrivés Anne, puis Sébastien. Ils étaient tous partis : Aurore avait convolé avec un prince charmant et était sur le point de la rendre grand-mère, ce dont elle se réjouissait sans complexe. Anne, à peine sortie d’une école de commerce, venait de se trouver un emploi et vivait déjà du sien, menant – indiscrétion d’Aurore – une vie aussi agitée... qu’insatiable. Sébastien venait d’avoir 19 ans et était parti faire ses études à une centaine de kilomètres, ne rentrant qu’un week-end sur deux avec son chargement de linge sale.

Quant à son mari, il se débrouillait pour être le moins possible avec elle, affectant d’être très pris par son travail. Il y avait déjà trois ou quatre ans que leurs rapports s’étaient distendus, en fait depuis que l’ancien DRH – son chef de service – était parti en retraite, remplacé par une certaine Jocelyne.

Claudine se sentait trahie, à l’instar de beaucoup de femmes : elle s’était dépensée sans compter pour le bénéfice d’autrui, pour le confort de sa nichée, et à présent qu’elle prenait de l’âge et que les oisillons s’étaient envolés, le mâle désertait le nid. Tôt ou tard, il leur faudrait affronter et résoudre le problème. En attendant, insidieusement, traîtreusement, sa vie avait été bouffée en tâches ménagères et en soucis domestiques ! A l’approche de la cinquantaine, quelle signification prenait une existence ainsi dépensée au profit de gens qui avaient gravité autour d’elle, pour qui elle avait tant compté et qui prenaient à présent leurs distances, détournant d’elle leurs regards et leurs projets, l’abandonnant à une insoutenable solitude que le shopping, les cours d’aquarelle, et aussi Martine avec son club de sport, peinaient à meubler ? Elle en venait à douloureusement regretter de ne pas avoir fait carrière, alors qu’elle était bien partie pour ça.

 

- Hé ! Regarde ! Ca n’a pas traîné...

 

Claudine émergea de ses pensées pour croiser le regard entendu de Martine qui, du menton, lui désignait les deux filles. Un garçon était venu s’asseoir entre elles ; il leur parlait à voix basse, on n’entendait rien de ce qu’il disait, juste les réactions de la blonde qui faisait mine de s’insurger mais qui riait un peu trop fort au regard des précisions qu’elle demandait :

 

- Quoi ? Oh, non ! Mais vous voulez rire, tous là ? Qu’est-ce qui vous fait penser qu’on est des filles à ça ! T’as entendu la proposition Charlotte ?

 

Mais Charlotte baissait le nez et ne répondait rien.

 

- Hein ? Qui ça ? Lequel ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il a de spécial ?

 

Le garçon lui murmura quelque chose, puis, d’un doigt presque vengeur, désigna la tribune d’en face. Dans la brume légère on distinguait les mines enjouées ; quelques mains s’agitèrent pour faire coucou, puis un colosse au poil noir se leva - longs cheveux bouclés, barbu, ventru - et fit une révérence ; lorsqu’il se releva, comme par hasard sa serviette était tombée, un sexe démesuré pendouillait entre ses cuisses.

Martine avait soudain porté les mains à son visage, apparemment effrayée :

 

- Mon Dieu ! Quel cochon ! T’as vu ça ? Mais t’as vu ça ? Quelle horreur ! Ca existe des engins pareils ?

- Ça, il faut reconnaître qu’il est drôlement outillé !

- Tu imagines ? Tu connais un type habillé et tu te retrouves en face de... de ça ?

 

L’homme, tranquillement, avait renoué sa serviette et était retourné s’asseoir. Claudine ne put s’empêcher de songer que son sexe était, au repos, bien plus imposant que celui d’Eric en érection. Pourtant son mari était plutôt beau garçon. Que devenait pareil monstre au comble de l’excitation ? Elle n’en avait pas vraiment idée, mais se demanda quel genre de sensations pouvait procurer à une femme un engin de cette démesure. Elle affecta malgré tout de prendre les choses à la légère :

 

- Pourquoi, ça t’intéresse toi ? Quelle importance ? Si c’était mon mec je m’en arrangerais. Et si tu aimais ce type, je pense qu’il ferait l’affaire pour toi aussi. De toute façon, les géants sont souvent très doux ; je suis sûre que celui-là n’essaierait même pas de pénétrer une femme avant de l’avoir bien préparée.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Le supplice du pal, oui ! En plus, avec cette énorme brute, on risque l’écrasement !

 

Claudine trouva ces préjugés très injustes. Après tout, ce type n’avait pas choisi de faire deux bons mètres et 160 kilos ; dans la vie, il était peut-être charmant et délicat. En réalité il ne lui déplaisait pas ce géant ; au contraire ! Il aurait fallu discuter un peu avec lui avant de jeter l’anathème. Cependant elle n’insista pas.

A côté, l’ambiance avait changé. Le garçon et la blonde confabulaient avec Charlotte ; ils lui proposaient manifestement quelque chose car l’autre, sans ouvrir la bouche, les yeux rivés au sol, répondait obstinément par la négative en secouant la tête.

Claudine fut soudain attirée par autre chose ; dans le coin gauche de la salle, une femme venait d’élever la voix. C’était un couple qui discutait ferme avec deux hommes d’âge mûr :

 

- Non, non et non ! Pas les deux ! Rien à faire, je ne veux pas !

 

Les trois hommes parlementèrent brièvement, le mari esquissa un vague geste d’impuissance à l’adresse des deux autres ; alors seulement la femme se laissa entraîner en compagnie d’un des compères, sous l’œil nostalgique de l’autre. Le trio disparut dans l’ombre, en direction des petites salles à jacuzzi.

Eh bien ! Il s’en passait des choses, pendant les nocturnes ! Claudine était loin de s’attendre à ça ! Elle comprenait mieux, à présent, la nécessité de la « carte spéciale » : on devait aisément l’attribuer aux femmes seules et aux couples, mais il y avait fort à parier que les hommes isolés étaient parrainés, triés sur le volet.

A droite les deux filles se consultaient toujours. Un autre type était arrivé, sa serviette autour des hanches, physique de bureaucrate, mince et adipeux à la fois, le dos un peu rond, la trentaine dégarnie ; il se tenait debout devant elles, mais n’intervenait pas. Il y eut un moment de silence ; apparemment, miss gros seins était à bout d’arguments. Pour finir elle se leva :

 

- Bon, alors on se retrouve à la sortie ?

- OK ! Désolée, Carine. Ca ira pour toi ?

- Sans problème ! Mais ça aurait été plus marrant de le faire à deux.

- Je sais, oui, mais j’ai vraiment pas la tête à ça.

 

La dénommée Carine soupira, puis elle fit une chose relativement banale mais qui, au vu des circonstances, prit une signification précise. Elle se tourna vers la tribune d’en face, écarta les jambes, poings sur les hanches, puis d’un geste négligent elle fit tomber sa serviette. Alors elle s’étira longuement, paresseusement, langoureusement, reins cambrés, comme une grosse chatte ensommeillée, projetant ostensiblement vers l’avant sa miraculeuse paire de nichons et tendant vers l’arrière une croupe nettement trop basse et lourde pour être honnête, mais bien belle quand même. En face il y eut des appréciations bruyantes, on applaudit, on tapa des pieds nus sur le dallage.

A ce point la fille prit la main de l’un et l’autre garçon, elle les regarda, d’un air de dire « on va où, chez vous ou chez moi ? ». Les garçons se consultèrent du regard, le trio disparut lui aussi vers les jacuzzis, la fille toute petite entre les deux mecs, dans le balancement outrancier de ses fesses charnues. En face, dans un joyeux tohu-bohu, une vingtaine d’hommes, pas moins, se levèrent des banquettes pour les suivre. Le géant barbu les dépassait tous d’une bonne tête.

 

- Mais regarde-moi ça ! C’est écœurant ! D’abord l’autre brute, et puis maintenant… Tiens, j’en suis malade ! Alors ça, jamais on ne me reverra ici ! Mais c’est un vrai claque ! Dès demain j’écris à la direction et je leur renvoie leur foutue carte !

 

Martine paraissait sincèrement furieuse. Étrange... Elle ne la connaissait pas sous ce jour de « mère la vertu »... Elle-même, à vrai dire, était prise au dépourvu, mais elle acceptait l’idée que chacun s’amuse à sa manière. Tant qu’on ne faisait pas de mal aux autres, et tant qu’on ne lui demandait rien à titre personnel... Elle prit le parti d’en rire :

 

- C’est vrai que tu m’attires dans de drôles d’endroits ! Et tout à l’heure, tu as vu les autres, là-bas à gauche ? Mais, au fait... observe bien ! Pendant qu’on s’occupait du spectacle, les couples ont tous disparu.

- C’est répugnant ! Je ne comprends vraiment pas ces femmes-là ! Se laisser faire des trucs aussi dégoûtants, aussi dégradants ! Et leurs maris ? A quoi pensent-ils ?

- Mais Martine, je ne te savais pas si attachée à l’ordre moral !

- Et moi je te trouve bien complaisante ! C’est vrai que l’idée de la nocturne, c’est de toi ! Qui sait si tu n’en avais pas entendu parler avant ? Si tu as une idée derrière la tête, ne te gêne surtout pas pour moi !

 

Claudine n’eut pas à répondre à cette accusation gratuite. Une dizaine d’hommes restait sur place et, il fallait bien que cela arrivât, deux compères s’avancèrent vers les deux femmes demeurées quasiment seules dans la salle. C’étaient des types d’une quarantaine d’années ; l’un d’eux n’était pas terrible, mais Claudine trouva que l’autre n’était pas si mal...

 

- Bonsoir, mesdames ; on ne vous encore jamais vues ici ; je me trompe ?

 

Martine leur répondit du ton le plus rogue :

 

- Et on ne nous y reverra jamais ! Foutez-nous la paix ! Il ne manquait plus que ça ! Tu viens Claudine ?

 

Serrant nerveusement sa serviette autour de son gros corps, Martine prit le chemin des douches. Ce fut à Claudine d’esquisser un geste d’impuissance qu’elle accompagna d’un vague sourire. Après tout, ces deux types s’étaient présentés correctement et, si elle avait bien compris, ils n’avaient rien entrepris qui fût contraire aux coutumes de l’endroit : inutile d’être désagréable.

Dans les vestiaires, elles se rhabillèrent en silence. Martine n’ouvrait pas la bouche, sourcils froncés, moue boudeuse, gestes secs. Claudine peinait quelque peu à faire entrer toutes ses richesses dans son jean. Elle en profita :

 

- Dur le mois de janvier ! Les fêtes, c’est vraiment une sale période pour la ligne !

 

Martine ne daigna pas répondre ; elle lâcha seulement :

 

- Tu sais, je t’ai vue faire coucou aux deux types ; et dans mon dos, en plus ! Je ne te croyais pas comme ça !

 

Claudine trouva qu’elle était injuste, mais ne voulut pas la provoquer davantage, elle avait toujours eu les scènes en horreur. A ce moment passèrent deux femmes de service dans le couloir contigu, elles entrèrent dans leur local ; la porte était ouverte, on entendit distinctement leur conversation :

 

- Eh ben dis donc, elle n’a pas peur des mouches la petite.

- Ouais, elle fait fort !

- Oh, elle doit avoir l’habitude de ce genre de truc, on voit qu’elle n’en est pas à son coup d’essai.

- Tu parles ! Combien ils sont sur elle ? Cinq ? Six ?

- Au moins, oui ! Elle disparaît dessous ! Sans compter ceux qui matent en attendant leur tour ! Quel appétit !

- Cette petite-là ? Va savoir au juste de quoi elle a envie… ! Avec nous autres les femmes, faut jamais se fier aux apparences ! Si ça se trouve, elle vient ici quand elle a envie de se défouler, mais dans la vie elle est très sage !

- En tout cas, avec le grand Denys elle va être gâtée !

- Ouille ! Elle va la sentir passer, tu veux dire… Et t’as vu ? Tous les jacuzzis sont occupés ! Ah, les nocturnes... Au début c’était pas comme ça !

- Ne m’en parle pas ! Tout à l’heure j’ai même eu une proposition. A mon âge et avec ma blouse, tu te rends compte ?

 

Elles ressortirent avec leurs chariots. On les entendit rire encore au-delà des portes battantes.

Le voyage de retour s’effectua dans un silence intégral. Martine la déposa, lui disant à peine au revoir. Une fois entrée chez elle, Claudine eut la désagréable surprise de trouver un message sur le répondeur : Eric l’informait qu’il ne pourrait rentrer de déplacement comme il en avait l’intention, il lui souhaitait bonne nuit et l’embrassait. Tu parles d’un faux-jeton !

 

 

 

III

 

 

Encore une nuit à passer toute seule dans le vaste appartement désolé qui, en d’autres temps, avait été si plein de vie. Claudine va jusqu’à la cuisine, sort le pain, ouvre le frigo, hésite, sort une bouteille de rosé et la boîte de rillettes. Mais pendant qu’elle mange dans le silence, des images défilent devant ses yeux : oui, en ce moment-même, pendant qu’elle bouffe toute seule dans son coin, sans homme, une fille est en train de s’envoyer un tas de mecs.

Leurs sexes, leurs queues qui se confondent dans la répétition de la prestation masculine jusqu’à n’en plus constituer qu’une seule, éternellement bandée, insatiable, inépuisable, c’est une chose dont elle ne sait que penser. En fait, ce fantasme l’embarrasse plutôt. Mais leurs mains... En ce moment, de partout, des mains viennent toucher la blonde Carine, elles l’effleurent, la rudoient, la câlinent, la fouillent, caressantes, curieuses, cruelles, inquisitrices, et puis douces, fines, épaisses, rugueuses, à l’instar de leurs propriétaires respectifs. Et toutes ces bouches qui embrassent, bisouillent, agacent, lèchent, mordent à pleines dents. Quel effet ça fait à une femme ?

En reposant son verre elle prend soudain conscience de mastiquer mécaniquement... Horreur ! Elle a vidé un tiers de la bouteille et la moitié de son pot de rillettes mais, toute à son rêve, elle n’en a même pas senti le goût ! Mon Dieu, mais où en est-elle au juste ? Depuis combien de temps n’a-t-on pas touché Claudine avec amour ? Et même, sans parler d’amour, depuis combien de temps des mains n’ont-elles pas touché son corps avec intérêt, avec la folie du désir brut, dans la passion de la découverte ? Oh, que cela lui manque tout à coup ! Elle se sent comme à l’abandon, bannie sur une autre planète, en exil de son corps qu’elle gave de sucreries et de rillettes, tristes substituts de plaisirs qu’on ne reçoit jamais, mortelle consolation !

Le plaisir... depuis combien de temps au juste Claudine n’a-t-elle pas pris son pied, un vrai pied, un vrai de vrai ? Dans son esprit, il ne s’agit pas d’orgasme ; pour ça, depuis toujours elle s’arrange toute seule quand une envie la prend, toujours impromptue, souvent importune, pressante et impérieuse, comme les femmes savent en avoir dans le secret de leur ventre. Non, il s’agit d’autre chose : depuis combien de temps n’a-t-elle pas été en phase avec son mari, partenaire exclusif ?

Il n’en porte pas toute la responsabilité d’ailleurs ; Eric est un amant valeureux, doux et attentionné. Le problème n’est pas là ; il a été - il est toujours - dans sa disponibilité à elle, dans la liberté qu’elle n’a pas su s’accorder ou, en somme, dans l’espace qu’elle n’a pas su ménager au désir, à celui de son mari comme au sien propre.

Quand Eric venait à sa femme, combien de fois n’a-t-il pas été repoussé au nom d’un reproche universel et plurimillénaire :

 

  • Tu ne penses qu’à ça ! Je n’ai pas que ça à faire !

 

Ou bien elle le contentait en quatrième vitesse, sans passion ni désir, parce que le soir elle était crevée, parce que demain matin il faudrait faire déjeuner les gosses et les habiller pour aller à l’école, parce qu’une journée finissait et une autre s’annonçait, pleine de repassage, de courses, de vaccins, de papiers, de cuisine...

Et pourtant le fait que les formes de Claudine aient pris quelque ampleur avec les années ne le rebutait pas, au contraire. Ne lui disait-il pas qu’elle était « fellinienne », que son corps était « un hymne à la chair » ?

Il avait été un temps où il adorait lui faire monter les escaliers après qu’elle ait retiré sa culotte et remonté sa jupe sur ses reins ! Pour son compte, elle n’aimait pas jouer les animaux de cirque, mais elle lui donnait, parfois, satisfaction ; il la contemplait alors d’en bas, commentant avec enthousiasme le roulis outrancier de ses larges hanches, ne tarissant pas d’éloges sur, disait-il : « son cul de jument de brasseur », vantant l’attrait des lèvres charnues qui se dévoilaient dans la douillette rondeur des cuisses de nymphe, et répondant incontinent à cet appel, bandant comme un âne.

Il avait aussi beaucoup bataillé pour qu’elle fasse ses courses à l’hypermarché uniquement vêtue d’une robe en jersey mauve qu’il adorait, tout simplement parce que l’étoffe lui collait à la peau de la façon la plus charmante, ou la plus indécente. A Claudine cette idée parut d’abord saugrenue :

 

- Je n’ai plus 20 ans, j’ai les seins trop lourds, ils commencent à tomber, en plus ils se balancent quand je marche ; ce ne sera pas beau ! Et puis au fond, à quoi bon être nue si personne n’en sait rien ? Je ne te comprends pas !

 

Il prétendait que nombre de femmes se livraient furtivement à ce genre d’exercice - ce dont elle doutait fort - que c’était en quelque sorte de l’exhibitionnisme au féminin, secret, clandestin même. On ne s’y dénudait pas, mais on courait à chaque instant le risque fou de se perdre, d’être trahie par quelqu’un ou quelque chose d’inattendu… terreur blanche !

Comme tous les couples, ils avaient eu des hauts et des bas. Lors d’un retour de flamme particulièrement intense, elle avait finalement donné son accord. Dire qu’elle s’était sentie mal à l’aise relèverait d’un fort euphémisme ! En dépit de la présence rassurante de son mari, Claudine était morte d’inquiétude, vivant dans la hantise de n’importe quel petit incident. Ce qui lui était insoutenable, ce n’était pas tant le risque d’apparaître sans voiles que celui de se voir percée à jour dans une démarche érotique qui n’était pas la sienne. Derrière son caddy elle se sentait plus nue que nue, supposant, à tort ou à raison, que cette nudité était perceptible, voire évidente. A ses yeux il était manifeste que ses gros nichons dépourvus de soutien étaient trop lourds pour ce genre de sport, ballonnant la petite robe un peu au dessus de la ceinture et se berçant mollement sous l’étoffe légère, au rythme de ses pas.

Entre deux rayons elle serra prestement sa ceinture à bloc et tira un peu sur le tissu pour faire en sorte que ses seins soient un peu tenus. Elle nota l’air de satisfaction de son mari et fronça quelque peu les sourcils : c’était suspect. Mais ce ne fut qu’en passant devant un miroir du rayon habillement qu’elle vit de quelle façon le léger vêtement exaltait les exubérances de sa silhouette. La taille étranglée accentuait magistralement l’ampleur des hanches, le tout pour un bénéfice dérisoire, car son encombrante poitrine gonflait l’étoffe comme une voile. Mais le pire était que sous le coup de l’émotion, ses mamelons avaient durci et dardaient à en perforer le jersey. Or les siens étaient tout sauf discrets, surtout après avoir consciencieusement et longuement nourri son petit monde. Autant exposer sa sexualité devant la foule !

Un homme les croisa, les yeux rivés sur ses nichons ; il se mit à les suivre, sous l’œil goguenard de son mari. Une femme entre deux âges la regarda dans les yeux et la toisa sévèrement. C’en fut trop pour Claudine : elle redonna vite fait un peu de mou à sa robe et se dirigea vers les caisses. Au grand regret de Eric, qui trouvait sa femme superbe et avait déjà imaginé une variante hivernale avec un collier et un manteau de laine bien serré à la taille par une ceinture, on en resta à cette unique expérience.

Oui, de toutes ces requêtes masculines elle avait fait bon marché, traitant ces jeux érotiques comme fantaisie de bas étage, dédaignant de s’y prêter, refusant de satisfaire son mari au nom de sa vulgarité à lui et de sa dignité à elle. Elle le regrettait aujourd’hui ; sur ce plan elle avait porté un préjudice à leur couple. Elle avait totalement sous-estimé le risque qu’en prenant de l’âge, Eric se tourne vers une femme plus docile, plus imaginative ou… plus futée. Et bien sûr, elle a entendu dire par une collègue de son mari que la Jocelyne en question donnerait volontiers dans la coquinerie et l’audace.

Qui sait si cet après-midi, au nom de leur complicité, elle ne s’est pas baladée totalement à poil sous un tailleur très strict lors d’une réunion de travail, provoquant d’une œillade entendue son amant émoustillé ? Qui sait si, dans l’ascenseur, jouant les scandaleuses dans le dos du Directeur général, elle n’a pas remonté sa jupe devant Eric, quémandant pour ses fesses nues un gage clandestin de sa tendresse ? Oh, elle n’excuse pas son mari, loin de là, mais à la longue, elle est parvenue à entrer dans sa logique d’homme : il avait ses raisons et ses impératifs, lui aussi. Ce serait à refaire, elle lui donnerait satisfaction ; en tout ! Dans un couple, la connivence n’a pas de prix. Et aujourd’hui ? A-t-il encore envie de partager ce genre de choses avec elle ? Serait-il encore temps ?

Ce fut ainsi qu’au milieu de la nuit, dans le silence de sa cuisine, oui, justement là ! Face à la pendule murale qui égrenait les secondes et face à un pot de rillettes encore ouvert, grotesque témoin de ses échecs, réalisant toute l’étendue de sa solitude, Claudine fit sa révolution. Elle embrocha sur une pique la tête du gouverneur de sa Bastille intérieure, elle démonta pierre par pierre sa petite forteresse personnelle, elle en termina avec son enfermement.

Elle ne parla de rien à personne, ni à Eric qu’elle s’appliqua, pour une fois, à dignement accueillir quand il revint le lendemain « - pas ce soir, ma chérie, je suis crevé ! », ni à Martine qui la rappela le mercredi pour lui dire qu’elle ne serait pas disponible cette semaine. Claudine reposa doucement le combiné : « La pauvre… ». De toute façon elle n’avait pas besoin d’elle pour en finir avec les sucreries et les rillettes.

 

 

 

 

 

 

IV

 

 

Le premier vendredi du mois suivant elle se rendit au club, juste pour voir, sans autre véritable intention que d’assister au spectacle, omettant de préciser à Eric que Martine n’était pas de la fête. Pas de Carine cette fois-là : beaucoup d’hommes évidemment, dont l’énorme barbu, trois femmes d’une bonne quarantaine d’années, comme elle, voire plus âgées, pas spécialement affriolantes, et quelques couples en quête d’émotions fortes. A peine de quoi distraire tous ces messieurs ! Comme disait son grand-père : « - C’est pas toujours dimanche et lendemain fête ! ».

Il y eut évidemment quelques échanges, mais dans la discrétion. Bien sûr on vint chercher Claudine, mais elle ne s’estimait pas encore prête. Après qu’elle eut décliné les offres à trois reprises, toujours gentiment et avec le sourire, on n’insista point. La soirée versa donc dans une certaine monotonie. Claudine en était presque déçue : Carine était-elle seule de son espèce ? Elle avait tant aimé sa pétulance, son culot, son audace, sa vitalité... C’est ce qui avait produit une telle impression sur elle.

Car elle savait bien que n’importe quelle femme normalement constituée pouvait en faire autant que Carine. Mais la plupart s’y refusaient. Avoir deux amants à la fois était un fantasme féminin assez courant, mais au-delà on longeait des rivages inconnus qu’il valait mieux ne pas aborder.

Affronter une vingtaine de types en forme, c’était le fait d’une professionnelle et ça devait représenter, montre en main, peut-être deux bonnes heures de labeur ? Y chercher du plaisir, c’était remettre en cause toute une conception de la féminité, ce que Claudine faisait volontiers. A ses yeux, toute la valeur de l’acte résidait dans sa gratuité, dans la fantaisie débridée de la femme, dans la quête collective du plaisir, dans une démarche de complicité qui solidarisait les partenaires.

En l’occurrence, c’était évident, les hommes n’étaient que des exécutants soumis au bon vouloir de leur unique maîtresse, d’autant que ça ne pouvait fonctionner que dans un sens : on ne pouvait imaginer un homme aux prises avec vingt femmes...

Elle part un moment se baigner à l’extérieur, sous une lune éclatante, le corps bien à l’abri dans la chaleur de l’eau, le visage tapi dans les fumerolles de vapeur qui se traînent au ras de la surface, attendant d’être aspirées par l’atmosphère glaciale de février. Brusquement, vers minuit, l’ambiance change, Claudine entend soudain s’élever un joyeux chahut, immédiatement identifiable. Que se passe-t-il ?

Main dans la main comme deux tourtereaux, en amoureux, un type et sa compagne se sont mis à arpenter le dallage devant les tribunes, comme passant l’assistance en revue. Et c’est bien ce qu’ils font, mais de loin Claudine ne le comprend pas tout de suite. En y regardant de plus près, elle s’aperçoit que, bien serrée contre son mec, la femme passe l’assistance au crible. De temps à autre, de la main droite, elle pointe l’index sur l’un des hommes assis. Déjà trois types sont descendus de leur perchoir ; désormais ils sont tous debout à s’agiter et à brailler dans la joie : « moi, moi ! » les plus gâtés par la nature n’hésitant pas à tomber la serviette pour mettre leurs attributs à l’étalage, certains bandant déjà superbement.

C’est une femme entre deux âges, traits communs, cheveux châtains très courts, lunettée, très mince, ventre ultra plat, un corps en excellent état mais, trouve Claudine, sans charme particulier. Pourquoi, d’ailleurs, en serait-il autrement ? Faut-il donc un physique exceptionnel pour être libertin ? Tous ces gens sont des gens comme les autres et ne prétendent pas à mieux. Entièrement nue, la femme ne montre aucun signe de gêne, rigolant et paraissant ignorer les lazzis et les provocations. A d’autres ! Claudine voit que les doigts de sa main gauche sont encastrés, indissociables, dans ceux de son compagnon, car c’est de ce contact, il ne peut en aller autrement, que proviennent toute sa superbe, son énergie, sa sublime audace. La veinarde ! Il faudra que Claudine trouve seule les ressources nécessaires.

La femme se tourne vers son mec, comme pour demander son avis. La moue dubitative, il ne paraît pas lui apporter beaucoup d’aide. Question de nombre, sans doute ? Comme négligemment dans tout ce cirque, elle en fait descendre encore deux, dont le géant barbu ; puis tout ce petit monde se dirige vers les inévitables jacuzzis, elle bien droite, tête haute, tout petits seins pointus, ventre rentré, reins cambrés, fesses à peine bombées, en remorque de son homme dont elle n’a jamais lâché la main. Les portes battantes en plastique ne se sont pas encore refermées sur eux que quinze au moins des recalés se lèvent et leur emboîtent le pas, dans l’intention, sans doute, de jouir du spectacle, lot de consolation des exclus...

Cette nuit-là, en rentrant chez elle, Claudine sait qu’elle va participer. Problème : dans quelle configuration ? Elle va jusqu’à la chambre, Eric ronfle doucement. Elle caresse tendrement les cheveux qui grisonnent peu à peu, aussi vrai qu’elle n’a jamais cessé de l’aimer et qu’elle lui trouve encore plein de charme. Mon pauvre vieux, avec ta pétasse de directrice, qu’est-ce que tu peux être innocent ! Et ringard ! Si tu savais... 

Elle décide de prolonger la soirée dans la cuisine. Elle sort la bouteille de lait, change d’avis, passe au salon et, sans allumer la lumière, se pose dans un fauteuil avec une triple dose du plus vieil Armagnac de la maison. Ensuite elle se met à réfléchir posément. En somme, elle a un mois pour fomenter son coup.

La première question est relative à ce mari auquel elle tient toujours. Faut-il qu’elle tente de l’associer à sa démarche ou faut-il qu’elle demeure la solitaire qu’on a fait d’elle, par la force des choses ? Amener Eric au club un vendredi de nocturne, ce peut être une façon de sauver son mariage ; ce peut être, de même, une façon de le saborder, à ceci près qu’elle risquerait dès lors de se voir reprocher ses turpitudes devant un magistrat lors d’un divorce, voire devant ses enfants. Vis à vis d’Anne pas de problème, car d’après ce qu’elle a compris des confidences offusquées d’Aurore, elle n’est pas loin d’en faire autant que les gens du club. Mais les deux autres ? En dépit de son fort désir de partager cette expérience avec le seul homme qu’elle ait jamais vraiment connu et aimé, voire de l’épater et de le récupérer, elle opte tristement pour la prudence.

La deuxième question se rapporte à l’acte en soi : va-t-elle se borner à s’éclipser vers l’intimité relative des jacuzzis avec un partenaire d’allure sympathique ou va-t-elle ouvertement se livrer à la luxure la plus indécente, la plus défendue, la plus tabou ? Va-t-elle verser dans cette débauche qu’une femme honnête, saine de corps et d’esprit, ne saurait admettre, ne parlons pas de la désirer ? Balayant d’un sourire amer toutes les barrières, les inhibitions, tous les préjugés placés en travers de sa route, elle se concentre sur ses envies à elle, décidant une fois pour toutes qu’elle n’aura pas à les justifier, fût-ce à ses propres yeux. Elle envisage le problème sous deux angles distincts.

D’une part, se donner à un homme, voire à deux, ça veut dire s’en occuper, mais malgré tout fonctionner dans une relative normalité. Se livrer à plusieurs, cela signifie s’installer au mieux et les laisser agir à leur guise, se laisser vivre au gré de leur excitation. Car une femme peut se consacrer activement à deux, peut-être à trois hommes… Mais s’ils sont davantage à se disputer ses faveurs, elle ne peut plus guère que leur offrir son corps pour qu’ils le dévorent tout cru, ce qui, dans un sens, peut se révéler très confortable. Au surplus, Claudine trouve un avantage moral à cette perspective : il lui semble, paradoxalement, qu’on trompe moins son mari en se livrant à une meute anonyme qu’en se donnant à un homme aimé dont on prendrait le plaisir en charge. Bon, de toute façon, Eric n’a pas tant de scrupules.

Cependant demeure un hic, et un gros ! Privée comme elle est d’expérience en la matière, Claudine se doute bien, malgré tout, que la sexualité débridée d’un groupe d’hommes ne ressemble en rien à celle d’un amant pépère ; toute la question est de savoir si elle appréciera la chose... Et si elle n’aime pas ? Voire si elle trouve ça odieux ? Avec des hommes délicats, l’exercice est déjà très spécial, mais avec des bourrins ? Et vouloir stopper un groupe en pleine action, n’est-ce pas comme prétendre arrêter un train en marche ? Tiendra-t-elle alors le choc pendant le temps nécessaire, se laissant infliger, sans plus la désirer, une séance devenue plus ou moins répugnante durant un temps qui lui semblera infini ?

L’idée lui vient qu’en ne s’offrant pas avant minuit, elle courra moins le risque de trouver le temps long. Assise les jambes sous elle dans le fauteuil, en train de siroter son alcool, elle est heureuse d’avoir trouvé cet expédient, du moins pour sa première expérience. Car c’est l’évidence, en cas de succès, il y en aura forcément d’autres.

Ce dont elle a besoin en ce moment, c’est qu’on la désire, c’est qu’on bande pour elle, ardemment, puissamment, interminablement. En dépit de son inexpérience, depuis qu’elle a vu Carine à l’œuvre, elle ne pense plus qu’à une chose : se donner à ce groupe d’inconnus, devenir leur femme, leur femelle, le point focal où convergeront leurs énergies réunies, l’unique réceptacle de leur prodigalité, et ne plus sentir que des mains, des bouches, des queues, sans avoir à penser ni à s’occuper d’autre chose. Baiser, baiser, baiser, en avoir jusqu’à plus soif – oui, pourquoi pas ? Merde à la fin ! - et vouer tout le reste aux gémonies !

Les circonstances jouèrent contre elle : le vendredi du mois suivant, elle n’en avait pas terminé avec ses règles, le vendredi du mois d’après, Aurore était là, avec son mari et leur nouveau-né. Il y a un temps pour tout. Ce soir-là, elle se consacra toute entière, et avec joie, aux fourneaux et à sa fille qui allaitait. Quand un vendredi fatidique revint, elle n’était plus trop motivée ; son projet de luxure semblait si loin, si déraisonnable ! Et puis une vie entière de bonne mère et de bonne épouse ainsi jetée aux orties ! Comment avait-elle pu seulement désirer certaines choses ?

Elle finit cependant par s’apercevoir que le monde l’avait reprise en main. On était début juillet, il faisait une chaleur à crever. Elle se vit tout à coup dans le miroir du couloir, déambulant en compagnie d’un bac de glace à la noix qu’elle était en train de consciencieusement vider à la suite d’un repas solitaire, pourtant prolongé et copieux, aussi vrai qu’elle avait l’estomac vaste et diligent qui allait de pair avec son appétit féroce.

Elle se surprit du regard, cuillère en l’air, ses beaux yeux verts horriblement tristes dans sa jolie petite bouille qui commençait à sérieusement s’empâter, les cheveux tirés, en désordre, un peu congestionnée. Elle se souvint alors que quelques mois auparavant elle avait perdu des kilos en fort peu de temps, sans même y penser, prenant à nouveau grand plaisir à retourner chez la coiffeuse, demandant le carré long qui lui allait à ravir vingt ans auparavant. De dépit elle tapa du pied en râlant pour elle-même :

 

- Ca y est ! Je me suis encore fait posséder !

 

Du côté d’Eric, bien sûr, rien n’avait changé ; à se demander pourquoi ils restaient ensemble ! Mais le fait est qu’ils restaient ensemble et que, de son côté, elle n’avait nulle envie de le quitter.

Claudine retourna au club trois jours plus tard, c’était justement le bon vendredi. Il y avait du monde et pas mal de couples ce soir-là, ça baisait dans tous les petits recoins. Tantôt ici, tantôt là, des femmes enchantées manifestaient leur enthousiasme d’être prises dans les coins sombres, riaient aux éclats, hurlaient sous les chatouilles ou les coups de martinets, partout des hommes circulaient en pleine érection, l’ambiance était à la bonne humeur.

On assista surtout à la prestation d’une Carine singulièrement en forme, arrivant avec ses fabuleux nichons à l’air libre, et un petit flacon. Ce devait être une huile relaxante ou un lubrifiant car une fois installée, elle se mit à se masser longuement et langoureusement. Elle commença par sa poitrine impériale, ballottant, comprimant, pétrissant les lourdes mappemondes, malmenant à dessein la chair dense et élastique ; elle descendit ensuite le long de son petit ventre rondouillard jusqu’à l’entrejambes, puis jusqu’à l’entre-fesses qui fut ostensiblement traité en profondeur – charmante invitation – sous les vivats et les barrissements d’enthousiasme. Hors l’évidente utilité de cette précaution, la fille avait le goût du spectacle !

Claudine eut soudain une peur panique d’être trois crans en dessous et de ne pas plaire. Passe pour son visage qu’elle trouvait encore convenable, passe pour ses rondeurs, ses seins lourds et ses grosses fesses, car une fois bien coiffée, maquillée et pomponnée dans les bons vêtements, Claudine déclenchait régulièrement des attaques en règle. Mais qu’allaient-ils penser de sa nudité, surtout dans l’humidité ambiante qui collait les cheveux à la moiteur du visage ?

Son ventre, surtout, l’inquiétait. Personnellement elle trouvait du charme à sa « panse à bébés », comme l’appelait affectueusement son mari. Ca n’avait rien d’une bedaine, c’était le ventre câlin et douillet d’une vraie femme aimante. Il était ample et vaste, avec un nombril gracieusement enfoui dans la chair grassouillette, mais lisse et tendre, ce qui lui donnait un sens de vulnérabilité : la partie la plus précieuse du corps féminin, mal protégée, peu défendue, symboliquement exposée à tous les dangers. Son mari disait qu’il évoquait celui de la nymphe du « Concert champêtre » de Giorgione. Et c’est vrai qu’il y avait beaucoup de ça. Mais enfin les hommes ne préféraient-ils pas les ventres bien tendus, plats ou artistiquement galbés par le fitness ? Elle en était très inquiète.

Elle avait bien tort car ce soir-là, Claudine se rendit par trois fois dans les petites salles aux baignoires bouillonnantes, avec des hommes différents. Carine, juste à côté, hurlait joyeusement ses encouragements :

 

- Allez-y ! Allez-y ! Venez, venez ! Je vous aime tous ! Je vous veux tous !

 

Un groupe fourni s’agglomérait à la porte de son jacuzzi avec des types qui se masturbaient doucement pour arriver fin prêts. C’était de la pure folie, pourtant les choses se déroulaient dans l’ordre et avec une forme étonnante de discipline.

Ramasser ainsi les restes  de la jeune fille ne choqua pas Claudine outre mesure. Après tout, qu’était-elle en l’occurrence, sinon disciple d’une bacchante ?

Le premier la baisa en trois minutes comme un petit lapin, mais ce fut un événement. Jamais un autre homme ne l’avait pénétrée depuis qu’elle s’était donnée à Eric, 27 ans auparavant !

La nature n’avait pas été très généreuse pour son compagnon du moment et d’abord elle ne sentit presque rien. Claudine avait remonté ses genoux pour lui faciliter la pénétration, elle les redescendit tout doucement et avec les jambes tendues contre celles de l’homme, les choses s’améliorèrent quelque peu. Ca aurait même pu finir par marcher, mais elle eut du mal à se retenir de rire en le voyant s’agiter si rapidement au dessus d’elle, les yeux fermés, concentré comme pour une épreuve olympique. Pourtant elle était pleine de reconnaissance et d’enthousiasme, au point de faire une grosse bise sur le front du type incrédule quand il en eut terminé : le pas était franchi, le Rubicon aussi !

Le second qui attendait l’accrocha à la sortie du jacuzzi, il était maigre et fort laid ; elle ne risquait certes pas de le désirer, mais ce n’était pas une raison suffisante pour lui refuser son plaisir. Elle lui proposa cependant de la prendre en levrette « pour changer », il ignorait que c’était pour ne pas le voir.

La troisième fois - grande première - il y en eut deux ! Deux garçons dans la vingtaine et qui n’étaient pas mal du tout, avec un physique de sportifs et de belles queues vigoureuses ; deux pour elle toute seule dans le bain de bulles ! Ils se montrèrent ardents, fort désireux d’elle, ce qui la ravit, très doux avec ses gros seins, très méchants avec son gros cul qu’ils fouaillèrent fougueusement et sauvagement. Elle espéra juste que ça ne laisserait pas de traces trop voyantes...

Curieusement, après cette fessée féroce, c’est avec délicatesse qu’ils la prirent tour à tour, la complimentant sur son corps, se relayant quand leur plaisir commençait à monter. Et ce fut en leur compagnie qu’elle renoua avec l’orgasme. Quand elle le sentit venir, elle fit savoir à son partenaire du moment que les petits jeux d’échanges étaient terminés. Il adopta donc un rythme plus que soutenu, faisant ballotter ses gros seins abandonnés à eux-mêmes, au point de faire des vagues dans la chair tendre. Compatissant, l’autre garçon lui souffla :

 

  • Ca va te faire mal à force !

 

Avec une prévenance qui la surprit agréablement, il s’agenouilla derrière sa tête et s’empara des nichons baladeurs pour les contenir en les massant légèrement. Effectivement c’était nettement plus confortable. Son baiseur résistait vaillamment. Elle le tenait par les fesses, accompagnant son mouvement, soupirant, l’encourageant de la voix :

 

  • C’est bon, c’est trop bon, continue, t’arrête pas, me lâche pas hein, c’est trop bon !

 

Et c’était vrai que c’était bon ! Oh, bien sûr, il y avait les sensations qui montaient de son vagin amoureusement brutalisé, mais il y avait surtout ce mouvement, cette énergie qu’elle sentait à nouveau, ce jeune homme plein de force qui la désirait tellement, qui bandait si dur pour elle. Depuis combien de temps ne l’avait-on pas baisée avec autant de fougue ? Et n’avait-elle pas encore tant à donner autour d’elle ? Du plaisir, de la tendresse, de la joie, du bonheur. En la poignardant si sauvagement, son jeune partenaire lui faisait sentir toute sa puissance de mâle. Elle lui donna honnêtement son point de vue de femme sans fausse pudeur, juste pour qu’il se sente bien :

 

  • Comme tu es beau mon chéri, comme tu es fort. Elle est grosse ta queue, je la sens bien.

 

Il put résister jusqu’à ce qu’elle jouisse, intensément et longuement. Ce fut un orgasme de ceux qui montent, qui montent, qui bourgeonnent, se dilatent, qui explosent enfin comme un bombe et s’épanouissent comme un champignon atomique dans le ventre dévasté.

Pas encore remise et quoique n’ayant plus rien à y gagner, elle ne refusa évidemment pas son plaisir au second. Il la fit mettre à quatre pattes, posa ses mains sur ses hanches, s’extasia devant leur largeur, s’enthousiasma pour le volume et la douceur de ses fesses :

 

  • Mon mari me dit que j’ai un cul de jument de brasseur !

  • J’ai dans l’idée que c’est un compliment. Il faut avouer qu’il impose le respect ton cul !

  • Et allez donc ! Tu parles de compliments ! Pour une femme c’est le rêve !

  • Vous ne comprenez rien au désir masculin ; ou vous préférez l’ignorer. Mais c’est le cul le plus excitant que j’aie vu depuis longtemps !

  • Il est plein de cellulite…

  • Alors j’adore ta cellulite !

 

Tout de suite après son orgasme, la seconde pénétration lui fit un effet inattendu. Elle n’avait pas l’habitude de repiquer au truc aussitôt, et au surplus avec quelqu’un qui en voulait. C’était surprenant de se confronter à une énergie toute fraîche alors que le combat aurait dû être achevé ! Du coup elle avait l’impression d’être embarquée dans le cours d’un torrent qui l’entraînait irrésistiblement et c’était tout sauf désagréable. Claudine se disait même qu’en se laissant aller, comme maintenant, en s’abandonnant, elle aurait pu continuer très longtemps. Elle décida que ce remplissage énergique était tout bonnement délicieux, même hors de toute prétention orgasmique.

Le garçon ne bougeait pratiquement pas. Il se bornait à la guider des mains, crispant ses doigts dans sa chair dodue et c’était elle qui, avec ses grosses fesses, assurait les allées et venues autour de la queue qui la dilatait fort agréablement. Il se fit jouir quand il le décida, au rythme de croisière qu’il lui imposait. Elle l’accompagna du mieux qu’elle pouvait, se consacrant à son plaisir.

Ce qui la combla de bonheur, ce fut qu’au lieu de la laisser choir une fois retrouvée la paix du corps, ils restèrent un long moment avec elle à discuter et à la câliner. Elle reposait contre eux ; le premier palpait l’intérieur charnu de ses cuisses ou fouillait son sexe du bout des doigts, avec la plus grande délicatesse, le second massait gentiment ses seins en goûtant leurs poids et leur souplesse, s’étonnant de la taille des mamelons qui, dûment titillés, se dressaient dans ses doigts…

 

  • Ils deviennent gros et durs quand une femme nourrit des bébés. Mais c’est vrai que les miens sont énormes. Avouez que mon corps vous change de celui des jeunes filles !

  • Oui, mais il n’y a pas que ton corps, ton attitude aussi est différente. Tu es notre première femme accomplie et c’est une découverte. Une vraie femme adulte… Je sais pas comment t’expliquer…

  • Et c’est comment ?

  • Impressionnant. C’est délicieux en fait ! Et toi Kevin, tu en penses quoi ?

  • Sensationnelle ! A tous points de vue !

  • Alors n’expliquez rien. Faites comme moi, prenez les choses comme elles viennent et profitez du moment présent.

 

Elle se sentait bien avec eux, savourant pleinement son bonheur et son bien-être. Elle aussi les gâtait et les abreuvait de baisers et de caresses, se concentrant sur leurs jeunes couilles qu’elle malaxait précautionneusement et sur leurs queues dont la vigueur était en train de renaître, pour son plus grand bonheur.

Ainsi c’était vrai, elle plaisait encore, et à des garçons frais émoulus de l’adolescence ! Mais le site fermait et au moment de reprendre l’offensive ils durent se quitter, à regret. Kevin et Lucas étaient étudiants et partageaient un grand appartement avec deux autres camarades ; ils lui offrirent de finir la nuit chez eux.

Ils avaient évoqué la possibilité de la prendre à deux. En dépit des précautions annoncées, elle angoissait à l’idée d’avoir mal à son petit cucul. Peu importe, ce n’était pas suffisant pour renoncer à l’expérience. Elle les voyait venir aussi… Avec leurs deux voisins… tout un programme ! Mais ce n’était pas la perspective de se retrouver avec quatre jeunes brigands pour réaliser des acrobaties à la Carine qui lui fit décliner la proposition. Non, pas après ce qu’elle venait de vivre ! C’était seulement qu’elle ne pouvait pas découcher sans un bon motif :

 

  • Une autre fois les garçons, quand mon mari sera en déplacement (chez Jocelyne ?) promis juré ! (vous pouvez déjà préparer votre lubrifiant, parce que je ne m’en vante pas, mais j’ai drôlement envie d’essayer...)

 

Ils lui dirent encore combien cette petite séance leur avait plu et combien ils espéraient qu’elle se renouvellerait. Elle les rassura avec enthousiasme, acceptant de grand cœur une carte avec leurs numéros de téléphone.

 

  • Je vous appelle dès que je suis disponible, c’est promis !

 

En rentrant chez elle, Claudine avait l’impression qu’il lui était poussé des ailes. Que de temps perdu en goinfrerie, en niaiseries, en frustrations, en vaine jalousie ! C’était si facile d’avoir du bonheur et son corps de femme ne rechignait certes pas à la tâche ! D’ailleurs de quelle « paix du corps » parlait-on ? Pour son compte elle ne se sentait ni fatiguée, ni lassée. Si ça n’avait tenu qu’à elle, ses deux jeunes compagnons auraient pu reprendre l’offensive ou d’autres auraient pu venir les relayer, pourvu qu’ils soient aussi gentils et mignons que les deux premiers. En fait, oui, pourquoi le nier ? Elle avait encore très faim ! Mais cette fois elle n’ouvrit pas le frigo pour y chercher des rillettes.

Le parfum de sa liberté nouvelle embaumait jusqu’à la chambre conjugale. Elle réveilla son Eric qui ne l’avait pas touchée depuis trois mois et lui sauta dessus, ardente comme aux premiers jours, la tête fourrée de sexe et le sexe dégoulinant à force d’excitation. Heureusement, la belle Jocelyne avait laissé quelques forces au volage émerveillé...

En définitive, vu le plein succès de l’opération, peut-être allait-on pouvoir envisager une phase « reconquête » et mener une contre-offensive sur le terrain même de la chapardeuse : monter une contre-attaque à base d’émotions fortes ! Pauvre chéri… Enfoncée, la mère Jocelyne !

 

V

 

 

 

Pour ce soir, Claudine n’a pas vraiment de stratégie. Elle se demande même comment procéder ; elle n’a certes pas le tempérament provocateur ni l’assurance d’une Carine, ni son expérience d’ailleurs, elle n’a pas d’épaule masculine sur laquelle s’appuyer, pas même celle d’un de ces hommes voyeurs qui prennent grand plaisir à regarder leur nana prise et reprise par d’autres. Après tout pourquoi pas, puisqu’il y a des femmes manifestement enchantées de les contenter ?

Alors forcément, faute d’expérience elle est un peu angoissée ; elle a aussi le cœur un peu serré en pensant au nombre d’hommes à accueillir. Mais si Carine peut le faire, pourquoi pas elle ? Et sa liberté, sa vraie liberté, est à ce prix. Car elle espère avoir beaucoup de plaisir et jouir à fond. Sinon à quoi bon ? Mais elle a en outre le sentiment d’accomplir une performance déraisonnable, de conquérir l’inutile, comme une alpiniste qui grimpe l’Everest sans oxygène. Elle veut affirmer sa puissance de femme, elle caresse l’idée d’accomplir quelque chose qu’aucun mec ne pourrait se permettre. Et puis se faire baiser par tant d’hommes, c’est aussi leur nier le moindre pouvoir sur elle. En étant à tout le monde, elle n’est plus à personne. Aucun ne pourra se vanter de l’avoir « possédée ». C’est elle la dévoreuse ! Elle n’a même pas l’impression de tromper Eric ! Dans son esprit, ça se passe sur un autre plan.

Elle ne songe plus qu’à cette soirée. Ce sera Sa soirée ! Ce n’est pourtant pas l’amour qui lui a manqué ce mois-ci. Dès le lundi elle rappelait Kevin et Lucas et les rejoignait chez eux. En dépit de leur âge, les garçons étaient des libertins confirmés et leur relation tourna comme elle le prévoyait. Claudine n’avait pas tardé à avoir les quatre jeunes colocataires sur elle. Elle était en train de prendre des habitudes d’abondance dont elle aurait du mal à se défaire si la disette revenait. D’un autre côté, de la baise récréative mais tendre, c’était ce qu’elle pouvait attendre de mieux et elle se demandait comment elle avait pu vivre sans sexe pendant toutes ces années.

Avec ses quatre petits copains qui agissaient parfois avec une débauche d’énergie digne de leur jeunesse, elle se sentait parfois un tantinet maltraitée en tant que femme, pour ne pas dire utilisée ; pourtant jamais elle ne se sentit diminuée. Cela se passait toujours dans des limites où ses partenaires restaient à son écoute, lui montrant le plus grand respect en tant qu’individu. C’est elle qui s’astreignait volontairement à devenir le jouet favori de quatre jeunes hommes entreprenants, expérimentés, imaginatifs, joueurs, au sommet de leur forme sexuelle, parfois un tantinet sadiques, mais qui savaient aussi rester tendres et délicats. Quand ils commençaient à aller trop loin ou s’ils lui faisaient franchement mal, il suffisait qu’elle les gronde tout doucement pour qu’ils stoppent aussitôt l’exercice en cours et l’entourent de leur prévenance. C’était le grand luxe, la Rolls de la baise !

Pour l’heure, un peu par hasard un peu par chance, tous quatre étaient célibataires. Il n’aurait plus manqué qu’une petite copine tombe sur leur petit groupe en pleine séance d’expérimentation ! Un jour ils se lasseraient et retourneraient aux jeunes filles de leur âge. Pour le moment elle jouissait de leur contact, de toutes les façons, elle profitait du présent, de ce cadeau de la vie, accumulant les plaisirs, s’abandonnant à la jouissance jusqu’à l’épuisement, absorbant le bonheur comme une éponge, épuisant son corps dans le défi permanent de tenir tête aux quatre jeunes gens, le ventre en feu.

Ils avaient tenu à passer toute une nuit avec elle, attendant avec la plus grande impatience qu’Éric soit « en déplacement ». Pour les rejoindre, elle avait préparé une petite mallette avec son maquillage et un rechange. Elle se sentait très en forme ; heureusement, vu la débauche d’énergie qu’il lui faudrait fournir pendant des heures et des heures pour contenter son petit monde. A son arrivée ils lui firent une surprise, lui agitant sous le nez quatre certificats HIV porteurs de la mention « néant ».

Ils firent une première pause pour dévorer des pizzas commandées à l’avance. Ils mangèrent nus, assis à même le sol, avec les doigts, comme des sauvages, en rugissant tant ils étaient affamés. Le vagin de Claudine avait absorbé tellement de sperme que même après qu’il eut été consciencieusement essuyé, il continuait de dégouliner. Tout le monde rigolait en observant le liquide douteux qui goûtait de son sexe tandis qu’elle déchirait sa pizza à belles dents, avec un appétit féroce. Elle avait la bouche toute barbouillée, mais les garçons rieurs s’acharnaient à lui refuser des serviettes en papier, exprès pour lécher ses lèvres infréquentables afin de les nettoyer.

Ils tentèrent tout ce que quatre hommes pouvaient faire à une femme pour lui faire du bien sans lui faire de mal. Elle consentit à tout, même quand c’était plutôt douloureux. Elle était venue pour se donner, pas pour se refuser par prudence ou par pudibonderie.

Physiquement exténuée, brisée, un peu meurtrie, abrutie de jouissance, elle s’était carrément endormie au cours du dernier rapport, tard dans la nuit. En tout cas, elle ne se souvenait pas d’en avoir connu la fin, ni d’avoir vu jouir Lucas qui, les couilles asséchées mais bandant toujours superbement, la besognait paisiblement pour le seul plaisir de l’acte, incapable de parvenir à ses fins.

Elle s’était réveillée au petit matin et avait dû dégager les garçons pour aller faire pipi, car ils s’étaient tous endormis par terre, reposant sur leur femme, son sein droit pour la main de Kevin, son sein gauche pour celle de Lucas qui dormait carrément sur son épaule, la tête de Louis dans la plénitude de son ventre – certainement le mieux installé –, tandis qu’allongé entre ses jambes et ses cuisses, pesant lourdement sur sa vessie, Jules avait la joue sur la rondeur de son bas-ventre. Le temps d’aller aux toilettes, sa circulation se rétablit en lui causant des fourmis très douloureuses. Elle abandonna ses amants à leur sort et, courbaturée comme après une intense séance d’entraînement, s’étendit sur le canapé pour finir sa nuit.

Au matin elle était la plus fraîche des cinq, à tous points de vue ; triomphant intérieurement, elle se dit alors qu’elle n’aurait échangé sa féminité forte et résistante contre aucun autre état.

Ses rapports avec son mari s’en étaient trouvés simplifiés. Elle n’attendait plus rien de lui à présent. Elle se limitait à s’offrir de temps à autre parce qu’un couple en âge et en condition de baiser qui ne baise plus, ce n’est pas vraiment un couple. Ca n’avait plus rien d’enthousiasmant mais il ne fallait pas non plus être injuste. Comment comparer une nuit entière en compagnie de jeunes gens virils et plein de fantaisie, avec un quart d’heure en compagnie d’un quinquagénaire affectionné, mais dont elle connaissait toutes les ruses ? Le combat n’était pas égal. Et puis Kevin et compagnie auraient 50 ans un jour, eux aussi.

Le dernier week-end, Eric l’a passé avec elle. Elle a joué le jeu, lui faisant de bons petits plats et asséchant sa libido, hélas sans qu’il lui en coûte aucun effort. N’empêche, elle était heureuse de voir qu’il la désirait encore et qu’il bandait fort pour elle, heureuse de sentir ses mains pétrir et claquer joyeusement ses rondeurs. Elle a subtilement essayé d’introduire quelques jeux, mais on aurait dit que pour lui, il était trop tard, il n’y croyait plus ; en tout cas il n’y croyait plus avec elle. Serait-ce le moment de tenter de faire connaissance avec sa maîtresse ? Ce serait à voir. Mais comment vont-ils prendre les choses tous les deux ?

Le dimanche soir il s’est endormi devant la télé. Elle a pris une glace, une seule, aussi vrai qu’elle en a terminé avec ses aberrations alimentaires. Elle s’en serait volontiers servie pour badigeonner son entrée, l’invitant à la nettoyer de la langue. Devant lui qui dormait, elle introduisit entièrement le maxi esquimau dans son vagin et se masturba un moment avec le gros gode glacial, murmurant à son mari :

 

  • Tu vois ce que je sais faire maintenant ? Trop tard pour toi ?

 

Puis elle le sortit lentement de son ventre et se contenta de le déguster en le regardant roupiller : Tu veux que je te dise un secret ? Le chocolat, c’est meilleur dans la bouche du haut.

Où va leur vie ? Où va sa vie à elle ? Inéluctablement vers la vieillesse. Soit. Ce ne sera pas sans qu’elle se soit battue jusqu’à son dernier souffle.

 

En sortant des vestiaires, Claudine s’est étendue le plus naturellement du monde sur un tapis de mousse, dans l’un de ses endroits favoris pour se relaxer et goûter l’eau chaude en attendant que les événements se précipitent. Carine n’est pas là ; heureusement, sinon elle n’oserait rien entreprendre.

Deux hommes sont immédiatement venus la solliciter. En effet ce soir, s’il y a beaucoup d’accompagnatrices, peu de femmes se déclarent disponibles. Elle ne s’est pas refusée, elle les a suivis, comme pour un échauffement - vieux souvenir de sportive - mais sans prendre de plaisir ; elle en aurait été incapable tant elle est tendue. Elle est à nouveau revenue à sa place avec le cul en feu. Elle s’est étonnée de cette marotte : il paraît que c’est très motivant de voir sa chair rouler, valser, ondoyer sous la grêle... Alors elle a consenti à la violence amoureuse, elle a tendu d’elle-même ses rondeurs tendres et joufflues, les offrant à leur cruel câlin. Délicieuse brûlure… Ils ont parlé d’apporter un martinet pour la prochaine fois. Après tout pourquoi pas ? Ce qui la tuait, c’était l’indifférence. Elle se sent le vagin en émoi, l’âme délicieusement perdue d’angoisse et le ventre palpitant de désir encore insatisfait, enflammé de frustration féminine.

A présent deux autres silhouettes se détachent dans la pénombre. Elles approchent… Kévin et Lucas ! Les traîtres ! Elle leur avait longuement parlé de son projet. Ils l’avaient approuvé en tant que « démarche érotique extrême », mais prise par un restant de pudeur, elle ne voulait pas qu’ils la voient livrée en pâture à une troupe anonyme. Ils me prennent à mon propre piège. Qu’est-ce que je fais ? C’est peut-être le bon moment, mais il n’est même pas 10 heures et demie... Allons, au diable la prudence, ça suffit comme ça ! A présent ce que veut la nouvelle Claudine, elle le prend !

Elle sourit à ses deux amis, se lève, leur donne à l’un puis à l’autre un long baiser tendre, sous les vivats du public :

 

  • Vous êtes venus malgré tout. J’espère que ça ne va pas vous troubler.

  • Ne dis donc pas de bêtises !

  • C’est que pour le moment, je suis un peu votre nana…

  • Justement ! On est venu te soutenir, on ne voulait pas que tu soies toute seule.

  • Vous êtes des amours.

 

Lucas prend sa main, disposé à l’escorter et Claudine, précédée par Kevin, superbement nue, tête haute, entame le tour du bassin jusqu’à la rive d’en face.

Tout en elle n’est que féminité saine, tendre et vigoureuse : les gros seins qui ondoient doucement à la marche, les larges hanches maternes, la chair vibrante des cuisses dodues, le doux balancement des fesses somptueuses, encore écarlates des coups reçus, et le ventre bien garni, si douillet, si fragile et en même temps si plein et si ferme, respirant la force et l’endurance.

Mais quel silence ! Dans la tribune, contrairement à l’habitude, les acteurs restent médusés. Juste quelques murmures... pas le sympathique et joyeux enthousiasme exprimé d’habitude par ces hommes quand ils vont pouvoir disposer d’une compagne pour en jouir à satiété. Pourtant le message est clair : si elle n’en regarde aucun, c’est qu’elle n’exclut personne : ils sont les bienvenus, tous autant qu’ils sont. Jamais Claudine n’a envisagé autrement les choses.

Feignant la désinvolture, elle continue de regarder droit devant elle. Qu’est-ce à dire ? Ils la trouvent trop grosse ? Ridicule peut-être, à son âge et avec son gabarit ? Ses compagnons du moment étaient-ils donc les seuls à la désirer ? Les autres vont-ils tous dédaigner son cadeau ? Au point où elle en est, quelle tragédie ce serait ! Non, pitié, pas ça, ça lui ferait trop mal ! Elle en termine en face, suit le coin, tourne à gauche, même chose le long des banquettes du petit côté. Kevin et Lucas lui ouvrent toutes grandes les portes battantes… Quelle catastrophe ! Encore heureux que ses amis soient avec elle ! Un peu de chaleur humaine, ça fait tellement de bien.

Comme toujours hors de l’étuve, la fraîcheur, toute relative, la saisit désagréablement. Elle a le temps de descendre les marches et de dépasser les jacuzzis jusqu’à la salle de massage, avant qu’une extraordinaire clameur se fasse entendre derrière elle. Un peu effrayée, ne comprenant pas bien, toujours assistée de son sigisbée, elle pose le pied sur une marche du petit bassin où repose une eau très bleue qui ne bouillonne pas encore. Voilà qu’en haut les portes battantes s’ouvrent violemment, encore et encore, et encore, et encore... Les pas d’une foule aux pieds nus martèlent les dalles. Les voilà tous à l’entrée, demeurant là dans l’attente, prostrés, muets ; alors le géant barbu, étonnant de puissance, se fraie un passage, bras herculéens, panse démesurée, une espèce d’aubergine obscène dodelinant mollement entre ses cuisses massives :

 

- Tout doux les gars, vous voyez bien que vous lui faites peur ! En plus elle est toute seule. Tout doux, c’est fête ce soir, on est tous amoureux ! Il faut que tout le monde ait du bonheur... Elle en premier, sinon ça n’aurait aucun sens. Tenez, allez donc chercher le Samos. Et puis ouvrez un ou deux cubis, qu’on boive un bon coup ! Ramenez une table de massage réglée à bonne hauteur ! Avec les étriers. Et des tapis en mousse aussi. Et des coussins ! Épais les tapis ! Il faut qu’elle soit bien. Et n’oubliez pas les huiles de massage ! Et les parfums à brûler ! Et l’huile d’amande douce ! Sur l’étagère, dans une boîte ouvragée, il y a un petit martinet ; il y a aussi un pinceau en poils de martre. Ca fait longtemps qu’il n’a pas servi : nettoyez-le bien !

 

Claudine se sent la gorge nouée par l’angoisse. Il se rapproche et s’adresse à elle, comme pour s’excuser. Il a les lèvres épaisses, le nez un peu rond et des yeux rieurs, mais ils sont très doux. Elle l’a toujours su.

 

- Je pense que tu mérites un traitement spécial. Au fait tu t’appelles comment ?

 

Aidant à apporter la table, Kevin intervient :

 

- Elle s’appelle Claudine ! C’est notre copine, une femme vraiment super !

- Eh bien Claudine, t’es une belle femme ! Ouais, t’es vraiment, vraiment, une bien, bien belle femme. Ici on m’appelle Denys. Mais mon vrai nom est Dionysos.

- Ah ? Vous êtes Grec ?

- En quelque sorte… Tu n’as pas d’homme ?

- Si.

- Et il t’a laissée seule ? Étrange…

- Mais j’ai Kevin et Lucas.

- Deux bons garçons… Alors tu viens en cachette ?

- Eh bien… Oui, on peut le dire comme ça.

 

Elle parvient à ébaucher un pâle sourire.

 

- Mais tu trembles… Tiens, bois avec moi, tu verras, ça va te faire du bien.

 

Voici qu’on tend au colosse, sortis d’on ne sait où, une flasque et deux petits verres à pied. Claudine fronce les sourcils :

 

- Qu’est-ce que c’est ?

- Ne t’inquiète pas ! Ce n’est que du vin de chez moi, avec du miel, du jaune d’œuf, des épices ; rien qu’un petit remontant, tu peux être tranquille.

 

Toujours un pied en dehors de la baignoire, un pied sur la première marche, Claudine prend un des deux verres. Elle trempe ses lèvres dans le breuvage doré…

 

- C’est drôlement fort ! C’est bon…

- Fort, doux, corsé… comme moi… et aussi comme toi, je crois ! Encore une petite goutte ?

 

Elle tend son verre. Mais voici que Kevin, s’empare d’un nichon, le soulevant pour y enfouir son visage, aspirant et mâchouillant goulûment son énorme mamelon dressé au garde-à-vous, tandis que Lucas tombe à genoux entre ses cuisses écartées et colle sa bouche à ses lèvres encore béantes des assauts précédents. Instantanément la langue expérimentée trouve le point sensible, Claudine frémit. Alors, continuant de la regarder dans les yeux, mais s’adressant aux autres :

 

- Oui, c’est ça les gars… préparez-la bien, entourez-la, dorlotez-la, chouchoutez-la. Elle n’en sait rien encore, mais c’est une prêtresse du culte. Elle mérite qu’on prenne grand soin d’elle et il nous faut la combler, sans quoi le retour au chaos ne portera pas d’élan régénérateur et le mystère des noces de l’homme et de la Terre-mère ne pourra être célébré comme il se doit ! Réjouissons-nous ! Venez mes amis, entrez et tous ensemble, couvrons notre magnifique épouse !

 

Elle aussi regarde le grand Denys droit dans les yeux, jusqu’à ce que les siens se ferment... Elle n’est pas loin de défaillir, le vagin ruisselant de désir. Tout doucement elle s’abandonne, se laissant glisser dans leurs bras....

 

 

 

Cher lecteur, si vous êtes arrivé jusqu'ici, c'est que cette histoire ne vous a pas déplu. Si vous voulez lire la suite, rendez-vous sur Amazon et voyez "Le plaisir des dieux - et elle batailla jusqu'au petit matin". Vous verrez que cette séance collective a tenu toutes ses promesses, vous verrez aussi que Claudine contrairement à ce qu'elle imaginait, n'est pas rentrée chez elle après la fermeture du centre. Elle s'attendait à une soirée exaltante, elle ne savait pas combien la nuit serait épuisante...

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Tag der Veröffentlichung: 18.05.2019

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