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L'art de triompher d'une argumentation spécieuse

Une approche méthodologique suivie d'un exemple :

la critique de l'encyclique 'Laudato Si' du pape François.

Introduction. But du travail et sources.

Le texte qui suit a pour but d'aider le lecteur confronté à l'argumentation d'un orateur ou d'un auteur un peu trop habile à propos de sujets intellectuels, religieux, politiques ou autres.

Il n'a rien d'original, reprenant essentiellement les notions que l'on peut trouver chez les auteurs classiques.

On a utilisé en particulier:

- les définitions que l'on peut trouver dans le dictionnaire internet « Imago Mundi » (site http://www.cosmovisions.com/esprit.htm).

- « L'art d'Avoir toujours raison » , de Schopenhauer (Traduction de Eristische Dialektik, par Dominique Miermont, éditions Mille et Une Nuit).

- « Le Petit Cours d'auto-défense intellectuelle », de Normand Baillargeon, que l'on peut trouver sur Internet (site: http://olivier.hammam.free.fr) et qui a été publié, étendu et approfondi, sous la forme d'un livre du même titre par Lux Éditeur (anciennement Comeau & Nadeau) au Canada.

- « Apprendre à Penser », texte mis sur internet par Yvan Pelletier, professeur ç la Faculté de philosophie de l'Université Laval, Canada, en 1998. (http://www.fp.ulaval.ca/fp/groups.asp)

On a également cherché des définitions et des citations chez Saint Thomas d'Aquin, Marcel De Corte, Karl Popper, Aristote, Pascal, Newman, le Père Bouyer et d'autres auteurs.

La nécessité d'un art de l'argumentation

L'idée qu'il est possible de raisonner sans préjugé est une idée naïve. A la vérité, au moment où nous prenons la décision de raisonner, notre intelligence, nos habitudes, notre sens moral ont été depuis longtemps sous l'influence du monde extérieur: de nos parents, de nos éducateurs, des personnes qui, à des titres divers ont participé à notre formation, ainsi que des institutions, Église, gouvernement, université, médias, agences de publicité etc.

La première tâche de l'intelligence qui s'éveille est de passer les informations devant lesquelles elle se trouve au crible de la critique. Elle se trouve, en effet, en possession de (ou faut-il dire 'en proie à'?) tout un nombre de conceptions, d'idées, de sympathies et d'antipathies qui lui ont été léguées par la famille, l'entourage, l'école et la société en général. La table rase n'existe pas. L'accès à la vérité passe donc forcément par la critique. Pour tout être raisonnable et raisonnablement autonome, un des premiers devoirs que l'homme libre se doit à lui même est de secouer l'arbre, de vérifier si les connaissances qu'il a acquises sont ou non valables.

La critique n'est évidemment pas supérieure à l'acquisition des connaissances – mais elle est indispensable à la formation d'une pensée indépendante. Dans le domaine religieux, elle est même indispensable à l'acquisition d'une foi éclairée, ainsi que l'a montré l'histoire des hérésies, dont la propagation est le plus souvent due à la paresse intellectuelle du grand nombre. Critique au nom de quoi? demandera-t-on. En fait, essentiellement au nom de ce sens du discernement inné en chacun de nous. Ce sens n'est pas nécessairement très fiable dans toutes les circonstances, mais il y a un certain nombre d'occasions où on peut lui faire confiance de façon absolue: par exemple, si l'on trouve deux billets de banque portant le même numéro, c'est une certitude absolue qu'au moins l'un des deux est un faux, même si un causeur particulièrement brillant tente de nous persuader du contraire (cet exemple est dû à Karl Popper).

Nous sommes des êtres sociaux. La construction d'une intelligence bien meublée se fait moins par l'effort solitaire de notre esprit que par l'intermédiaire d'un dialogue avec les représentants de l'humanité avec lesquels les circonstances nous mettent en contact - y compris les auteurs du passé. Mais ce dialogue ne peut être fructueux que si nous nous soumettons à des règles nous prémunissant de l'erreur en provenance soit de nous-mêmes, soit des autres. L'art de raisonner juste et de ne pas (trop) s'en laisser conter demande une vigilance constante.

Dans toutes les sociétés, l’information et l’accès à l’information sont des données politiques cruciales et il est essentiel d'être conscient non seulement du danger que peuvent constituer les fautes d'observation ou de raisonnement dont nous pourrions être personnellement responsables, mais aussi la propagande à laquelle nous sommes soumis à tout instant.

Le but de ce qui suit est de formuler quelques règles susceptibles de nous protéger de ce danger.

Ce sont avant tout des règles négatives. Il est évident qu'elles ne représentent pas le tout de la vie intellectuelle. On est bien conscient que ce qui est requis d'un être humain est un équilibre entre deux tendances: celle qui nous pousse à scruter de manière critiques les hypothèses qui nous sont soumises et celle qui nous invite à garder une grande ouverture aux idées nouvelles. Mais il faut savoir se limiter. On s'est donc borné dans les pages qui suivent à l'aspect critique.

1. Logique et argumentation. Raisonnement et erreurs.

1.1. La notion de concept et sa relation au réel

Pour connaître un objet, l'intelligence produit une « représentation » de celui-ci. Cette représentation est ce qu'on appelle un concept. Toute connaissance s'accomplit par concepts. Tout concept est un moyen de connaître la réalité. Connaître une chose, c’est « se faire une idée » de cette chose, idée grâce à laquelle nous connaissons la chose en question. Toute connaissance s'effectue par engendrement, au sein de la pensée, d'un système de signes par lesquels l'intelligence s'exprime à elle-même la réalité qu'elle connaît. Le concept ainsi produit est essentiel à l'intelligence. Sans lui l'intelligence ne saurait se dire à elle-même ce que la réalité est. Mais si essentiel qu'il soit, il n'est pas ce que l'intelligence appréhende, il est ce par quoi l'intelligence appréhende la réalité. Quand on se fait une idée d'une chose, ce n'est pas cette idée que l'on contemple, mais la chose par cette idée.

L'intelligence est capable de raisonner et d'argumenter sur la base des concepts. Un certain nombre de règles ont été découvertes depuis longtemps par les logiciens pour éviter les faux-pas dans cette activité. Toutefois il est essentiel de garder toujours à l'esprit que les concepts ne sont que des moyens, qu'ils peuvent être inadéquats et qu'il est d'une élémentaire prudence de vérifier constamment leur correspondance au réel.

1.2. Définition du Raisonnement

Le raisonnement est l'opération de l'esprit qui consiste à faire passer sa certitude d'un jugement à un autre jugement.

On raisonne par analogie, par induction, et par déduction.

- Raisonner par analogie, c'est s'appuyer sur plusieurs ressemblances partielles entre plusieurs objets, pour affirmer une ressemblance totale.

- Raisonner par induction, c'est observer des faits particuliers en plus ou moins grand nombre, pour s'élever à la connaissance des lois qui les régissent, c'est aller du particulier au général.

- Le raisonnement déductif est l'opération contraire, qui consiste à descendre du général au particulier. Tout raisonnement de cette nature suppose au moins deux vérités acquises, et, par conséquent, deux jugements antérieurs (A=B, et B=C), de la comparaison desquels résulte le troisième (C=A). Ce raisonnement a pour base le principe de contradiction (« un chose ne peut être égale à son contraire en même temps et sous le même rapport »). Il n'est accompli que quand notre raison a conçu un troisième rapport et porté un troisième jugement implicitement contenu dans les deux premiers: c'est le syllogisme.

La nécessité du raisonnement est due à la faiblesse de notre intelligence. Celle-ci ne peut saisir directement que quelques évidences. Elle est donc constamment dans la nécessité de se prouver à elle-même que les principes plus complexes auxquels sa raison l'incline à croire sont bien justifiés.

Souvent, l'appellation de raisonnement est réservée au raisonnement déductif, ce qui est un abus.

1.3. La discussion et l'argumentation.

La logique peut être considérée comme l'art de raisonner pour soi-même; la discussion est l'art de convaincre autrui, en utilisant une argumentation.

L'argumentation est l'emploi des moyens de preuve qui sont nécessaires pour soutenir une opinion. Elle diffère du raisonnement en ce que celui-ci peut être naturel, tandis qu'elle est toujours artificielle et qu'elle suppose une thèse à soutenir entre deux adversaires ou plusieurs adversaires.

L'expérience montre que la recherche intellectuelle se fait naturellement dans la discussion, le dialogue. Ceci est basé sur la conviction que tous les hommes raisonnent de la même façon et aperçoivent les même évidences, et que ce qui me convainc convaincra également autrui. C'est basé également sur la constatation qu'il est plus facile de critiquer, d'écarter les idées fausses (c'est à dire celles qui conduisent à contredire un principe admis comme évident), que de procéder de façon positive, et l'on critiquera naturellement plus spontanément les idées d'autrui que les siennes propres. Le jeu de la discussion s'articulera dès lors tout naturellement autour d'un personnage qui proposera des idées et d'un second personnage qui s'efforcera de montrer que les idées proposées sont fausses (les deux personnages en question étant susceptibles de changer de rôle en cours de discussion).

Dans le meilleur des cas, l'argumentation méritera l'appellation de démonstration. Dans un grand nombre de situation, les parties en discussion feront toutefois appel à des arguments, de bonne ou de mauvaise foi, qui ne méritent pas cette appellation.

1.4. Définition de la démonstration.

De la même façon que le terme de raisonnement est souvent réservé au raisonnement déductif, la tendance naturelle est de réserver le terme de démonstration à la démonstration par syllogisme, ce qui est également abusif mais correspond à l'usage.

Certaines notions se présentent à nous avec une évidence irréfragable; les posséder, c'est ce qu'on appelle savoir; les transmettre aux autres avec la même autorité, c'est démontrer. Les axiomes et les définitions a priori sont des vérités indémontrables, évidentes par elles-mêmes. Ce sont les principes fondamentaux de toute démonstration. Faire passer l'évidence des principes dans les conséquences, telle est l’œuvre de la démonstration: on part de vérités évidentes (par elles-mêmes ou par démonstration antérieure), pour arriver à rendre évidentes des vérités qui ne sont pas telles d'abord, et tout le mécanisme de la démonstration consiste à prouver que celles-ci sont contenues dans celles-là. 

La démonstration doit se soumettre à des règles strictes que Pascal résume ainsi:

1° prouver toutes les propositions un peu obscures, en n'employant à leur preuve que les définitions qui auront précédé, ou les axiomes qui auront été accordés, ou les propositions qui auront déjà été démontrées;

2° n'abuser jamais de l'équivoque des termes.

Dans le cas de la démonstration par syllogisme, la démonstration doit évidemment se soumettre aux mêmes règles que le raisonnement.

Dans certains cas la démonstration directe est impossible et l'on fait ce qu'on appelle une démonstration par l'absurde. En prenant pour point de départ une hypothèse contraire à la proposition qu'on veut établir, on arrive à montrer que cette hypothèse conduit nécessairement à quelque contradiction. L'inconvénient de ce genre de démonstration, qu'on ne doit employer que faute de mieux, c'est de prouver, non pas que les choses sont d'une certaine façon et encore moins pourquoi, mais seulement qu'on ne peut pas concevoir sans absurdité qu'elles soient autrement.

1.5. Les erreurs

1.5.1. Causes des erreurs

L'erreur est l'état où se trouve l'esprit quand le jugement qu'il porte est en contradiction avec les faits, avec la vérité. Les philosophes ont cherché à déterminer avec précision les causes des erreurs humaines, parce qu'il devient plus facile alors d'y porter remède. Descartes a essayé de ramener toutes ces causes à une seule, la précipitation dans les jugements. Les humains en effet, ne se tromperaient jamais, ou se tromperaient très peu, s'il n'affirmait rien qui ne soit évident. Malheureusement les choses sont moins simples que ne le pensait le philosophe français.

On distingue communément trois grandes espèces d'erreur:

a) l'illusion (erreur de perception),

b) le préjugé (erreur de jugement).

c) le paralogisme (raisonnement faux).

Au dire de certains auteurs, toute erreur serait au fond une erreur de raisonnement et par conséquent un paralogisme, mais cette thèse ne peut se soutenir qu'à la condition de supposer, à la base de toute perception et de tout jugement, un raisonnement inconscient, ce qui est abusif : la perception et le jugement peuvent être directement source d'erreur.

L'illusion ou erreur de perception

La conscience, dont la mission est de nous informer des phénomènes, nous les montre tellement mêlés et confondus, qu'il est souvent difficile de les distinguer avec netteté les uns des autres. C'est là l'origine des erreurs de perception.

Le rapport des sens est souvent faux et trompeur: si les objets sont trop éloignés de nous, notre vue nous induit en erreur sur leur forme, leur grandeur, leur distance; un bâton que nous plongeons dans l'eau nous paraît courbé ; si nous sommes malades, les sensations du goût, de l'odorat, de la vue, soient altérées. La mémoire confond souvent ses souvenirs, soit

Impressum

Verlag: BookRix GmbH & Co. KG

Tag der Veröffentlichung: 20.04.2016
ISBN: 978-3-7396-4972-6

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