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Anthologie sur l'enfer

Compilation par Marcel Toussaint. Version 2.0. Avril 2016.

PRÉFACE

"L'une des premières causes de tous nos malheurs actuels, disait saint Pie IX, c'est qu'on ne prêche plus sur l'enfer."

Et le Père Faber, un des grands écrivains ascétiques du dix-neuvième siècle disait; "La plus fatale préparation du démon pour la venue de l’Antéchrist, c'est l'affaiblissement de la croyance des hommes au châtiment éternel."

Or

1. Il est de foi que l'enfer existe, ainsi que le prouvent maints passages de l'Évangile.

2. Il est de foi que les damnés subiront la double peine du dam et du sens. Au jugement dernier, Jésus-Christ dira aux réprouvés: "Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel.". Il est certain que le feu de l'enfer est un feu, non pas métaphorique, mais réel, car, dit saint Thomas, un châtiment corporel peut seul s'adapter à la nature des corps des réprouvés. Un confesseur ne peut absoudre le pénitent qui s'obstinerait à penser que le feu de l'enfer est métaphorique, et non réel.

3. Il est de foi que les peines de l'enfer ne seront pas égales pour tous les damnés, mais seront proportionnées à la gravité et au nombre de leurs péchés. Cette vérité a été définie par le Concile de Florence.

4. Il est de foi que l'enfer est éternel et que tous les adultes sans aucune exception seront sauvés ou damnés, car tous les hommes ressusciteront à la fin du monde et seront jugés par Jésus-Christ; après quoi: "Les réprouvés iront au supplice éternel, mais les justes à la vie éternelle". Il n'y a de lieu intermédiaire entre le ciel et l'enfer.

5. « Je tiens en quelque sorte pour certain, dit saint Jérôme, et une longue expérience me l'a appris, qu'on ne fait jamais une bonne mort, quand on a toujours mené une mauvaise vie »

6. La sainte Vierge n'a pas hésité à montrer l'enfer aux trois petits enfants de Fatima.

On trouvera dans cette anthologie des considérations et des récits publiés sur l'internet ou dans divers ouvrages anciens et modernes, catholiques en général, mais aussi orthodoxes et protestants. Les références sont généralement données. On a rassemblé une petite bibliographie sommaire à la fin de l'ouvrage.

Tous les textes de cette anthologies peuvent être trouvés autre part et sont, sauf erreur, du domaine public. On a simplement pensé qu'il pouvait être utile de les rassembler pour en faciliter la consultation. Quelques témoignages anglais ont été traduits de façon un peu résumée. Si quelque propriétaire droit de publication se sent lésé, qu'il veuille bien adresser ses remarques à l'adresse e-mail donnée en dernière page. On veillera à lui donner satisfaction. Bien entendu et sous réserve des droits d'autrui, tout ce qu'on trouvera ici peut être librement recopié.

L'ouvrage est en deux parties; la première rassemble des témoignages relativement brefs copiés de diverses sources ; la deuxième donne le texte de quelques livres que l'on peut trouver partout mais que le lecteur sera peut-être heureux de trouver sans devoir se livrer à des recherches. Trois sont des visions contemporaines de l'enfer; le livre de Mary Cathryn Baxter, celui de John Mc Cormack et la célèbre Lettre d'une damnée, éditée par Mgr Cristiani. Les autres textes sont; une copie de l'article « ENFER » de l'encyclopédie catholique; le traité de l'enfer de sainte Françoise Romaine, ainsi que deux textes sur le petit nombre des élus. Ces derniers textes peuvent être trouvés (ainsi qu'un certain nombre d'autres) sur le site; www.JesusMarie.com.

Mais pour commencer, afin d'éviter au lecteur de sombrer dans un pessimisme excessif, on a donné en introduction trois textes sur la miséricorde divine.

Certains des textes dus à des non catholiques rendent parfois un ton bizarre pour un catholique. On se souviendra alors que, alors que beaucoup des hiérarques de l’Église catholique et des communautés chrétiennes séparées ont perdu la foi dans le châtiment des fautes en enfer, il n'est pas étonnant que le Seigneur ait pris la résolution, de plus en plus souvent, d'intervenir par lui-même pour rappeler cette terrible vérité et sauver le plus de gens possible (il n'est pas nécessaire de croire en l'enfer pour y aller ; par contre, pour éviter d'y aller et connaître le Ciel, la foi est nécessaire), en s'exprimant d'une façon qui touche ceux à qui ils s'adresse, quel que soit le milieu dans lequel ils ont été élevés, et qui laisse évidemment des traces dans leur façon de relater ce qu'ils ont vécu.

Si l’autorité de l'Église condamnait ce qui est présenté ici, le responsable de cette compilation se soumettrait sans problème.


INTRODUCTION. LA MISÉRICORDE DE DIEU

RÉCIT DE MGR DE SÉGUR

Est-on certain de la damnation de quelqu'un que l'on voit mal mourir? Non ; c'est le secret de Dieu seul.

Il y a des gens qui envoient tout le monde en enfer, comme il y en a d'autres qui envoient tout le monde au ciel. Les premiers s'imaginent être justes, et les seconds se croient charitables. Les uns et les autres se trompent ; et leur première erreur est de vouloir juger des choses qu'il n'est pas donné à l'homme de connaître ici-bas.

En voyant mal mourir quelqu'un, on doit trembler sans doute, et non point se dissimuler l'effrayante probabilité d'une réprobation éternelle. C'est ainsi qu'à Paris, il y a quelques années, une malheureuse mère, apprenant la mort de son fils dans d'affreuses circonstances, resta, deux jours durant, à genoux, se traînant de meuble en meuble, poussant des cris de désespoir, et répétant sans cesse; « Mon enfant! mon pauvre enfant!... dans le feu!... brûler, brûler éternellement! » C'était horrible à voir et à entendre.

Et néanmoins, quelque probable, quelque certaine que puisse paraître la perte éternelle de quelqu'un, il reste toujours, dans l'impénétrable mystère de ce qui se passe entre l'âme et Dieu au moment suprême, de quoi ne pas désespérer. Qui dira ce qui se passe au fond des âmes, même, chez les plus coupables, dans cet instant unique où le Dieu de bonté, qui a créé tous les hommes par amour, qui les a rachetés de son sang et qui veut le salut de tous, fait nécessairement, pour sauver chacun d'eux, son dernier effort de grâce et de miséricorde? Il faut si peu de temps à la volonté pour se retourner vers son Dieu!

Aussi l’Église ne tolère-t-elle point que l'on prononce comme certaine, la damnation de qui que ce soit. C'est, en effet, usurper la place de Dieu. Sauf Judas, et quelques autres encore, dont la réprobation est plus ou moins explicitement révélée par Dieu lui-même dans l’Écriture Sainte, la damnation de personne n'est absolument sûre.

Le Saint-Siège en a donné une preuve curieuse, il n'y a pas longtemps, à l'occasion du procès de béatification d'un grand serviteur de Dieu, le P. Palotta, qui a vécu et est mort à Rome dans les sentiments d'une admirable sainteté, sous le Pontificat de Grégoire XVI. Un jour, le saint prêtre accompagnait au dernier supplice un assassin de la pire espèce, qui refusait obstinément de se repentir, qui se moquait de Dieu, blasphémait et ricanait jusque sur l'échafaud. Le P. Palotta avait épuisé tous les moyens de conversion. Il était sur l'échafaud, à côté de ce misérable ; le visage baigné de larmes, il s'était jeté à ses genoux, le suppliant d'accepter le pardon de ses crimes, lui montrant l'abîme béant de l'enfer dans lequel il allait tomber; à tout cela, le monstre avait répondu par une insulte et par un dernier blasphème et sa tête venait de tomber sous le fatal couperet. Dans l'exaltation de sa foi, de sa douleur, de son indignation, et aussi pour que cet affreux scandale se changeât pour la foule des assistants en une leçon salutaire, le saint prêtre se releva, saisit par les cheveux la tête ensanglantée du supplicié, et la présentant à la multitude; « Tenez! s'écria-t-il d'une voix tonnante ; regardez-bien; voici la face d'un réprouvé! »

Ce mouvement de foi était certes bien concevable, et en un sens, il était très admirable. Il faillit cependant, dit-on, arrêter le procès de béatification du Vénérable P. Palotta ; tant l’Église est Mère de miséricorde, et tant elle espère, même contre l'espérance, dès qu'il s'agit du salut éternel d'une âme!

C'est là ce qui peut laisser quelque espérance et apporter quelque consolation aux véritables chrétiens, en présence de certaines morts effrayantes, subites et imprévues, ou même positivement mauvaises. A ne juger que l'apparence, ces pauvres âmes sont évidemment perdues; il y a tant d'années que ce vieillard vivait loin des sacrements, se moquait de la Religion, affichait l'incrédulité! Ce pauvre jeune homme, mort sans pouvoir se reconnaître, se conduisait si mal, et ses mœurs étaient si déplorables! Cet homme, cette femme, ont été surpris par la mort dans un si mauvais moment, et il parait si certain qu'ils n'ont pas eu le temps de rentrer en eux-mêmes! N'importe; nous ne devons pas, nous ne pouvons pas dire d'une manière absolue qu'ils sont damnés. Sans rien relâcher des droits de la sainteté et de la justice de Dieu, ne perdons jamais de vue ceux de sa miséricorde.

Je me rappelle à ce sujet un fait bien extraordinaire, et tout à la fois bien consolant. La source d'où je le tiens, est pour moi un sûr garant de sa parfaite authenticité.

Dans un des meilleurs couvents de Paris, vit encore aujourd'hui une religieuse, d'origine juive, aussi remarquable par ses hautes vertus que par son intelligence. Ses parents étaient israélites, et je ne sais comment, à l'âge d'environ vingt ans, elle se convertit et reçut le Baptême. Sa mère était une vraie juive ; elle prenait sa religion au sérieux, et pratiquait d'ailleurs toutes les vertus d'une bonne mère de famille. Elle aimait sa fille avec passion.

Lorsqu'elle apprit la conversion de sa fille, elle entra dans une fureur indescriptible ; à partir de ce jour, ce fut un déchaînement non interrompu de menaces et de ruses de tout genre pour ramener « l'apostate », comme elle l'appelait, à la religion de ses pères. De son côté, la jeune chrétienne, pleine de foi et de ferveur, priait sans cesse et faisait tout pour obtenir la la conversion de sa mère.

Voyant la stérilité absolue de ses efforts, et pensant qu'un grand sacrifice obtiendrait, plus que toutes les prières, la grâce qu'elle sollicitait, elle résolut de se donner tout entière à Jésus-Christ et de se faire religieuse ; ce qu'elle exécuta courageusement. Elle avait alors environ vingt-cinq ans. La malheureuse mère fut plus exaspérée que jamais et contre sa fille et contre la religion chrétienne ; ce qui ne faisait qu'augmenter l'ardeur de la nouvelle Religieuse, pour conquérir à Dieu une âme aussi chère.

Elle continua ainsi pendant vingt ans. Elle voyait sa mère de temps en temps ; l'affection maternelle était un peu revenue ; mais du moins en apparence, aucun progrès du côté de l'âme.

Un jour, la pauvre religieuse reçoit une lettre qui lui apprend que sa mère vient d'être enlevée par une mort subite. On l'avait trouvée morte dans son lit.

Décrire le désespoir de la religieuse serait chose impossible. A moitié folle de douleur, ne sachant plus ce qu'elle faisait ni ce qu'elle disait, elle court la lettre à la main, se jeter au pied du Saint-Sacrement ; et lorsque ses sanglots lui permettent de penser et de parler, elle dit, ou plutôt elle crie à Notre-Seigneur; « Mon Dieu! est-ce donc ainsi que vous avez eu égard à mes supplications, à mes larmes, à tout ce que je fais depuis vingt ans? » Et lui énumérant, pour ainsi dire, ses sacrifices de tout genre, elle ajoute, avec un déchirement inexprimable; « Et penser que malgré tout cela, ma mère, ma pauvre mère est damnée! »

Elle n'avait pas achevé, qu'une voix, sortie du Tabernacle, lui dit avec un accent sévère; « Qu'en sais-tu? » Épouvantée, la pauvre sœur reste interdite. « Sache, reprit la voix du Sauveur, sache, pour te confondre et tout à la fois pour te consoler, qu'à cause de toi, j'ai donné à ta mère, au moment suprême, une grâce si puissante de lumière et de repentir, que sa dernière parole a été; « Je me repens et je meurs dans la religion de ma fille ». Ta mère est sauvée. Elle est en Purgatoire. Ne te lasse point de prier pour elle ».

J'ai entendu raconter plus d'un fait analogue. Quelle que soit l'authenticité de chacun en particulier, ils témoignent tous d'une grande et douce vérité, à savoir qu'en ce monde la miséricorde de Dieu surabonde ; qu'au dernier moment, elle fait un effort suprême pour arracher les pécheurs à l'enfer ; et qu'enfin ceux-là seuls tombent entre les mains de l'éternelle justice, qui refusent jusqu'à la fin les avances de la miséricorde.

LE SAINT CURE D'ARS (1786-1859)

Une dame avait perdu son mari, homme irréligieux, qui avait fini sa vie par le suicide. Inconsolable sur son sort, qu'elle croyait être la damnation éternelle, elle fut amenée par hasard à Ars et chercha à rencontrer le saint Curé pour l'interroger sur le malheureux défunt. Elle réussit à l'approcher et, avant même qu'elle eût pu lui dire un mot, le saint lui murmura à l'oreille: Il est sauvé... Oui, il est sauvé, insista-t-il. La pauvre femme fit un geste de la tête qui voulait dire: Oh! ce n'est pas possible. Alors, d'un ton affirmatif encore:
« Je vous dis qu'il est sauvé, qu'il est en purgatoire et qu'il faut prier pour lui... Entre le parapet du pont et l'eau il a eu le temps de faire un acte de repentir. C'est la très Sainte Vierge qui a obtenu sa grâce. Rappelez-vous le mois de Marie élevé dans votre chambre. Votre époux irréligieux ne s'y est point opposé; il s'est même parfois uni à votre prière... Cela lui a mérité un suprême pardon. »

In Abbé Trochu, Le saint curé d'Ars, Paris, Lethielleux.

Saint Jean Marie Vianney, avait l'habitude de prêcher que le plus grand acte de charité envers le prochain était de sauver son âme de l'enfer. Et le second acte de charité est de soulager et de libérer les âmes des souffrances du Purgatoire. Un jour dans sa petite église (où jusqu'à ce jour on conserve son corps intact), un homme possédé du démon s'est approché de saint Jean Marie Vianney et lui dit: "Je te déteste, je te hais parce que tu as arraché de mes mains 85,000 âmes."

On dit aussi que saint François de Sales, d'après les statistiques, a converti, et probablement sauvé, plus de 75,000 hérétiques. (Source; abbé Marcel Nault, Canadien, 1927-1997, sermon à Fatima.)

SAINTE THÉRÈSE DE L'ENFANT JÉSUS ET PRANZINI

Dans son adolescence, sainte Thérèse de l'enfant Jésus ressentit le besoin de prier pour la conversion des pécheurs. Les journaux parlaient alors abondamment d'un condamné à mort, Henri Pranzini, qu'ils présentent comme un monstre, car il n'avait jamais exprimé le moindre regret de ses meurtres. L'exécution devait avoir lieu au cours de l'été 1887. Thérèse décida d'obtenir sa conversion. Elle fit pour cela des sacrifices et pria intensément. Confiante dans la miséricorde de Dieu, elle lui demanda un simple signe de conversion afin d'être encouragée dans ses prières. Lors de son exécution, Pranzini refusa de voir le prêtre mais, au dernier moment, il se retourna et embrassa la Croix avant de mourir. Le récit de la mort de Pranzini, qu'elle lut dans le journal de son père marqua Thérèse et conforta sa vocation. Elle poursuivit ses prières pour Pranzini et demanda que des messes soient célébrées pour celui qu'elle appelait « son premier enfant ». Elle était certaine que Dieu lui avait pardonné.

PREMIÈRE PARTIE. RÉVÉLATIONS ET APPARITIONS DE DAMNÉS

 

EXTRAITS DE MESSAGES À DES SAINTS CANONISÉS

 

SAINTE CATHERINE DE SIENNE

(Traité de la Discrétion, Ch 36-41)

XXXVI.-Explication de cette parole de Jésus-Christ: « J’enverrai le Consolateur, qui convaincra le monde d’injustice et de faux jugements » (S. Jean, VI, 8).

1.- Il y a trois condamnations qui confondent le monde. La première fut portée quand le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres, et qu’ils le reçurent dans sa plénitude, fortifiés par ma puissance et illuminés par la sagesse de mon Fils bien-aimé. Alors le Saint-Esprit, qui est une même chose avec moi et avec mon Fils, accusa le monde par la bouche des disciples avec la doctrine de ma Vérité. Les disciples et ceux qui leur ont succédé, en suivant la vérité qu’ils en avaient reçue, accusèrent aussi le monde; et cette accusation est permanente. J’accuse le monde par le moyen de la sainte Écriture et de mes serviteurs, sur la langue desquels je mets l’Esprit Saint lorsqu’ils annoncent ma vérité, comme le démon se met sur la langue de ses serviteurs qui suivent les flots du monde. Mais cette accusation n’est qu’un doux reproche, inspiré par l’ardent amour que j’ai pour le salut des âmes.

2.- Personne ne peut dire: Je n’ai pas été enseigné et repris, car la vérité a fait discerner le vice et la vertu. J’ai révélé la récompense de la vertu et le châtiment du vice, pour inspirer de bons désirs et une crainte salutaire, pour faire aimer la vertu et détester le vice. La vérité n’a pas été enseignée par un ange, pour qu’on ne dise pas: Un ange est un esprit bienheureux qui ne peut pécher, et qui ne sent pas comme nous les attaques de la chair, et le fardeau du corps.

3.- Cette excuse n’est pas possible, car ma Vérité s’est revêtue d’une chair comme la vôtre. Et voyez ceux qui ont suivi mon Verbe, n’étaient-ils pas des hommes mortels et passibles comme vous? n’éprouvaient-ils pas des révoltes de la chair contre l’esprit? Mon héraut, le glorieux saint Paul, et tant d’autres saints, n’ont-ils pas eu à combattre ainsi d’une manière ou d’une autre?

4.- J’ai permis, et je permets ces passions, pour accroître la grâce et augmenter la vertu dans les âmes. Les saints sont nés sous la loi du péché comme vous; ils se sont nourris de la même nourriture, et je suis le même Dieu que j’étais alors. Ma puissance n’a pas faibli et ne peut faiblir; je puis et je veux assister ceux qui réclament mon assistance. L’homme veut que je l’assiste, quand il quitte le fleuve du monde et va sur le pont de ma Vérité en suivant ma doctrine.

5.- Il n’y a donc pas d’excuse, puisque l’homme est prévenu et que la vérité lui est continuellement montrée. S’il ne se corrige pas quand il est temps encore, il sera condamné au second jugement. Au moment de la mort, lorsque ma justice criera: «  Levez-vous, morts; venez au jugement. Surgite, mortui, venite ad judicium », c’est-à-dire: Vous qui êtes morts à la grâce et qui allez mourir à la vie, levez-vous, et venez devant le Juge suprême avec vos injustices et vos faux jugements, avec cette lumière éteinte de la foi, qu’avait allumée.en vous le baptême, et qu’ont étouffée l’orgueil et les vanités, du cœur. Vous avez tendu votre voile à tous les vents contraires à votre salut; le souffle de la flatterie a enflé le voile de l’amour-propre et vous avez descendu le fleuve des délices et des honneurs du monde, en suivant volontairement les faiblesses de la chair et les tentations du démon. Le démon, aidé par votre volonté, vous a menés par sa route d’en bas dans les eaux courantes, qui vous ont entraînés avec lui dans la damnation éternelle.

XXXVII.- De la seconde condamnation, où l’homme est convaincu d’injustice et de faux jugements.

1.- Cette seconde condamnation a lieu, ma très chère fille, dans le moment suprême, où il n’y a plus de ressource. Quand paraît la mort, et que l’homme voit qu’il ne peut m’échapper, le ver de la conscience, engourdi par l’amour-propre, commence à se réveiller et à ronger l’âme, en la jugeant et en lui montrant l’abîme où elle va tomber par sa faute. Si l’âme alors avait assez de lumières pour connaître et pleurer sa faute, non pas à cause de la peine de l’enfer qui la menace, mais à cause de moi qu’elle a offensé, moi qui suis l’éternelle et souveraine bonté, l’âme trouverait encore miséricorde. Mais si elle passe cette limite de la mort sans ouvrir les yeux, sans espérer dans le sang de mon Fils, avec le seul remords de la conscience et le regret de son malheur, et non pas celui de mon offense, elle tombe dans la damnation éternelle.

2.- Alors elle est jugée rigoureusement par ma justice, et convaincue d’injustice et d’erreur: non seulement d’injustice et d’erreur générales parce qu’elle a suivi les-sentiers coupables du monde, mais d’injustice et d’erreur particulières, parce qu’à son dernier moment, elle aura jugé sa misère plus grande que ma miséricorde. C’est là le péché qui ne se pardonne ni en ce monde ni en l’autre. Elle a repoussé, méprisé ma miséricorde; et ce péché est plus grand que tous ceux qu’elle a commis. Le désespoir de Judas m’a plus offensé et a été plus pénible à mon Fils que sa trahison même. L’homme est surtout condamné pour avoir faussement jugé son péché plus grand que ma miséricorde; c’est pour cela qu’il est puni et torturé avec les démons éternellement.

3.- L’homme est convaincu d’injustice parce qu’il regrette plus son malheur que mon offense, car il est injuste en ne faisant pas ce qu’il me doit et ce qu’il se doit à lui-même. Il me doit l’amour et les larmes amères de son cœur pour l’injure qu’il m’a faite, et loin de me les offrir, il pleure, seulement par amour pour lui-même, la peine qu’il a méritée. Tu vois donc qu’il est coupable d’injustice et d’erreur, et qu’il est puni de l’une et de l’autre. Il a méprisé ma miséricorde, et ma justice le livre aux supplices avec ses sens et avec le démon, le cruel tyran dont il s’est rendu l’esclave par ces sens, qui devaient le servir, Ils seront tourmentés ensemble comme ils ont péché ensemble l’homme sera tourmenté par mes ministres, les démons, que ma justice a chargés de torturer ceux qui font le mal.

XXXVIII.- Des quatre principaux supplices des damnés, auxquels se rapportent tous les autres.

1.- Ma fille, ma langue ne pourra jamais dire ce que souffrent ces pauvres âmes. Il y a trois vices principaux l’amour-propre, l’estime de soi-même et l’orgueil, qui en découle, avec toutes ses injustices, ses cruautés, ses débauches et ses excès; il y a aussi dans l’enfer quatre supplices qui surpassent tous les autres: le damné est d’abord privé de ma vision, et cette peine est si grande, que, s’il était possible, il aimerait mieux souffrir le feu et les autres tourments, et me voir, qu’être exempt de toute souffrance et ne pas me voir.

2.- Cette peine en produit une seconde, qui est le ver de la conscience qui la ronge sans cesse. Le damné voit que, par sa faute, il s’est privé de ma vue et de la société des anges, et qu’il s’est rendu digne de la société et de la vue du démon.

3.- Cette vue du démon est la troisième peine, et cette peine double son malheur. Les saints trouvent leur bonheur éternel dans ma vision; ils y goûtent dans la joie la récompense des épreuves qu’ils ont supportées avec tant d’amour pour moi et tant de mépris pour eux-mêmes. Ces infortunés, au contraire, trouvent sans cesse leur supplice dans la vision du démon, parce qu’en le voyant ils se connaissent et comprennent ce qu’ils ont mérité par leurs fautes. Alors le ver de la conscience les ronge plus cruellement et les dévore comme un feu insatiable. Ce qui rend cette peine terrible, c’est qu’ils voient le démon dans sa réalité; et sa figure est si affreuse, que l’imagination de l’homme ne pourrait jamais le concevoir.

4.- Tu dois te rappeler que je te le montrai un seul instant au milieu des flammes, et que cet instant fut si pénible, que tu aurais préféré, en revenant à toi, marcher dans le feu jusqu’au jugement dernier plutôt que de le revoir; et cependant ce que tu en as vu ne peut te faire comprendre combien il est horrible, car la justice divine le montre bien plus horrible encore à l’âme qui est séparée de moi, et cette peine est proportionnée à la grandeur de sa faute.

5.- Le quatrième supplice de l’enfer est le feu. Ce feu brûle et ne consume pas, parce que l’âme, qui est incorporelle, ne peut être consumée par le feu comme la matière; ma justice veut que ce feu la brûle et la torture sans la détruire, et ce supplice est en rapport avec la diversité et la gravité de ses fautes.

6.- Ces quatre principaux tourments sont accompagnés de beaucoup d’autres, tels que le froid, le chaud et les grincements de dents. Voilà comment seront punis ceux qui, après avoir été convaincus d’injustice et d’erreur pendant, leur vie, ne se seront pas convertis et n’auront pas voulu, à l’heure de leur mort, espérer en moi et pleurer l’offense qu’ils m’avaient faite plus que la peine qu’ils avaient méritée.

XXXIX. - De la troisième condamnation, qui aura lieu au jour du jugement.

1.- Il me reste à te parler de la troisième condamnation, qui aura lieu au dernier jour du jugement. Je t’ai parlé des deux autres, mais tu verras mieux, en connaissant la troisième, à quel point l’homme se trompe. Le jugement général renouvellera et augmentera le supplice de cette pauvre âme par la réunion de son corps, qui lui causera une confusion, une honte insupportable. Lorsqu’au dernier jour, le Verbe, mon Fils, viendra dans ma majesté juger le monde avec sa justice divine, il n’apparaîtra pas dans sa faiblesse, comme quand il naquit dans le sein d’une vierge, dans une étable, parmi des animaux, et mourut entre deux voleurs.

2.- Alors je cachais ma puissance en lui; je le laissai souffrir et mourir comme homme, sans que la nature divine fût séparée de la nature humaine, afin qu’il pût satisfaire pour vous. Il ne viendra pas ainsi au dernier jour; il viendra juger dans toute sa puissance et sa personnalité; toute créature sera dans l’épouvante, et il rendra à chacun ce qui lui est dû.

3.- Les malheureux damnés éprouveront à son aspect un tel supplice, une si grande terreur, que des paroles ne pourraient jamais l’exprimer; les justes éprouveront une crainte respectueuse mêlée d’une grande joie, Le visage du juge ne changera pas, parce qu’il est immuable; selon la nature divine, il est une même chose avec moi; et selon la nature humaine, il est immuable encore, car il a revêtu la gloire de la résurrection. Mais le réprouvé ne le verra que d’un œil ténébreux et vicié. L’œil malade qui regarde la lumière du soleil n’y voit que ténèbres, tandis que l’œil sain en admire la splendeur. Ce n’est pas la faute du soleil, qui ne change pas plus pour l’aveugle que pour celui qui voit, mais c’est la faute de l’œil qui est malade. De même les damnés verront mon Fils dans les ténèbres, la confusion et la haine. Ce sera leur faute et non celle de la majesté divine avec laquelle il viendra juger le monde.

XL. - Les damnés ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien.

1.- La haine des damnés est telle, qu’ils ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien, mais ils blasphèment sans cesse contre moi. Pourquoi ne peuvent-ils désirer aucun bien? parce qu’avec la vie de l’homme finit l’usage de son libre arbitre; il a perdu le temps qu’il avait pour pouvoir mériter. Quand, par le péché mortel, on meurt dans la haine, la justice divine enchaîne pour toujours à la haine l’âme, qui reste éternellement obstinée dans le mal qu’elle a commis, se dévorant elle-même et augmentant sa peine des peines de ceux dont elle a causé la damnation.

2.- Le mauvais riche demandait en grâce que Lazare allât trouver ses frères qui étaient restés dans Je monde pour leur annoncer son supplice (S Luc, XVI, 27-28). Ce n’était pas par charité qu’il le faisait, ni par compassion pour ses frères, puisqu’il était privé de charité et qu’il ne pouvait. désirer rien d’utile à mon honneur et au salut des autres. Je t’ai dit que les damnés ne peuvent vouloir aucun bien à leur prochain, et qu’ils me blasphèment, parce que leur vie a fini dans la haine de Dieu et de la vertu.

3.- Pourquoi la demande du mauvais riche? Il la faisait parce qu’il avait été le plus grand parmi ses frères et qu’il leur avait fait partager les iniquités de sa vie. Il était ainsi cause de leur damnation, et il craignait de voir augmenter sa peine, leurs tourments devant s’ajouter aux siens; car ceux qui meurent dans la haine se dévorent éternellement entre eux dans la haine.


MARIE D'AGREDA (1602 - 1665)

María de Ágreda, ou Marie d'Agréda est une religieuse et une mystique espagnole.Née à Agréda en Vieille-Castille, dans une famille de quatre enfants, elle entra dans l'ordre de l'Immaculée-conception le 13 janvier 1619 avec sa mère et sa sœur, alors que son père et ses frères entrèrent dans les frères du Saint-Sacrement.

À partir de 1620, elle a vécu une série de visions extatiques du Saint-Esprit, de la passion du Christ, de la Pentecôte, de l'Enfant-Jésus et de la Reine des anges. Elle tombait en ravissement devant le Saint-Sacrement et semblait avoir un don de lévitation. Elle dut toutefois subir des assauts occultes.

Choisie comme abbesse en 1627, elle a reçu des apparitions de la Sainte Vierge la même année, qui l'a chargée de la mission d'écrire l'histoire de sa vie. Son œuvre principale est "La Cité mystique". Décédée en 1665, sa cause en béatification fut introduite en 1671 et elle fut déclarée vénérable huit années plus tard.

Marie d’Agréda dans une de ses visions a reçu du ciel des révélations sur les démons. Ces révélations ont la caractéristique de raconter les réunions tenues dans l'enfer par les démons.

Paroles d'un démon

"Quoique nous connaissions ces vérités, et que nous les confessions ici avec terreur entre nous, il ne faut pas pourtant le faire devant les hommes; et c'est ce que je vous prescris, afin qu'ils ne puissent pas connaître notre ignorance, non plus que notre faiblesse. (…)"

Judas

1249. Les démons s'emparèrent de l'âme de Judas et la menèrent dans l'enfer; quant à son corps, il resta pendu, et ses entrailles crevèrent et se répandirent: éclatante punition de la trahison de cet infâme disciple, dont furent vivement frappés tous ceux qui en furent témoins.

Le corps demeura trois jours attaché à l'arbre. Pendant ce temps-là les Juifs entreprirent de l'ôter de cette potence et de l'enterrer secrètement, parce que ce spectacle causait une grande confusion aux prêtres et aux pharisiens, qui ne pouvaient point récuser ce témoignage de leur méchanceté; mais en dépit de leurs efforts, ils ne purent parvenir à détacher le cadavre, jusqu'à ce que, les trois jours écoulés, les démons eux-mêmes l'ôtèrent de l'arbre par la permission de la justice divine, et l'emportèrent pour le réunir à son âme, afin que le malheureux Judas reçût dès lors et à jamais au fond des abîmes éternels, en corps et en rime, le châtiment dû à son péché.

Et comme ce qui m'a été révélé des justes supplices infligés au perfide disciple est un digne sujet de terreur et d'étonnement, je le dirai avec les détails dans lesquels il m'a été prescrit d'entrer.

Entre les gouffres obscurs qui se trouvent dans les abîmes de l'enfer, il y en avait un fort grand, où les tourments étaient beaucoup plus rigoureux que dans les autres, et oit il n'y avait aucun damné, parce que les démons n'avaient encore. pu y précipiter aucune âme, malgré tous les efforts qu'ils avaient faits depuis Caïn jusqu'à ce jour-là. Tout l'enfer s'étonnait de cette impossibilité dont il ignorait le secret, jusqu'à ce qu'y fût arrivée l'âme de Judas; car les démons purent facilement la précipiter dans cet effroyable gouffre, auparavant inhabité.

La raison en était que dès la création du monde ce lien, ou toutes les peines étaient redoublées, fut destiné pour les mauvais chrétiens qui, après avoir reçu le baptême, se damneraient pour n'avoir pas profité des sacrements, de la doctrine, de la passion et de la mort du Rédempteur, et de l'intercession de sa très-sainte Mère.

Et comme Judas fut le premier qui participa avec tant d'abondance à ces bienfaits pour son salut, s'il eût voulu s'en servir, et qui les méprisa avec tant d'obstination, il fut aussi le premier qui entra dans ce lieu épouvantable et qui éprouva les tourments réservés pour lui et pour tous ceux qui l'imiteront.

1250. II m'a été expressément enjoint d'écrire ce mystère pour l'instruction de tous les chrétiens, et surtout des prêtres, des prélats et des religieux, qui fréquentent et reçoivent plus souvent le sacré corps et le précieux sang de notre Seigneur Jésus-Christ, et qui, par les obligations de leur état, sont plus étroitement attachés à son service.

Que ne puis-je, afin de n'essuyer moi-même aucun reproche, trouver des paroles et des raisons assez fortes pour en donner une juste idée et réveiller une trop commune insensibilité Je voudrais que cet exemple nous profitât à tous, et qu'il nous apprît à craindre la punition qui attend tous les mauvais chrétiens, chacun selon son état.

Les démons tourmentèrent Judas avec une cruauté inconcevable, pour se venger de ce qu'il avait persisté dans la résolution de vendre son divin Maître, par la passion et par la mort duquel ils devaient être vaincus et privés de l'empire du monde. Ils en connurent une nouvelle rage contre notre Sauveur et contre la très-sainte Mère, et ils l'exercent, autant qu'il leur est permis, sur tous ceux qui imitent le traître disciple, et qui méprisent comme lui la doctrine évangélique, les sacrements de la loi de grâce et le fruit de la rédemption.

Il est bien juste que ces esprits des ténèbres fassent ressentir toute leur fureur aux membres du corps mystique de l'Église qui, loin de s'être unis à leur chef Jésus-Christ, s'en sont volontairement séparés, et ont mieux aimé se livrer à eux, qui l'abhorrent et le maudissent avec un orgueil et une haine implacable, et qui, comme instruments de la justice divine, punissent impitoyablement les ingratitudes que ceux qui ont été rachetés commettent contre leur Rédempteur. Que les enfants de la sainte Église fassent de sérieuses réflexions sur cette vérité; car s'ils la méditent souvent, il n'est pas possible qu'ils n'en soient vivement touchés, et qu'ils ne se résolvent d'éviter un malheur si déplorable.

1451. Lucifer et ses ministres d'iniquité étaient fort attentifs à tout ce qui arrivait dans le cours de la passion, tour achever de s'assurer si notre Seigneur Jésus-Christ était le Messie et le Rédempteur du monde. Car parfois les miracles le leur persuadaient, et parfois les actions et les défaillances de la nature humaine que notre Sauveur avait acceptées pour nous, leur faisaient croire le contraire; mais où les doutes du dragon augmentèrent davantage, ce fut dans le jardin, où il sentit la force de ces mots que prononça le Seigneur: C'est moi au même instant, les démons tombèrent à la renverse, comme les soldats en la présence de Jésus-Christ. Il y avait fort peu de temps qu'ils étaient sortis de l'enfer, après avoir été chassés du cénacle. C'était la bienheureuse Marie qui, comme je l'ai rapporté, les avait chasses de ce lieu sacré et précipités dans l'abîme, et de tout ce qui se passait Lucifer conclut avec ses satellites qu'il devait y avoir quelque chose de tout à fait extraordinaire dans cette. force du Fils et de la Mère, à laquelle ils n'avaient jamais rien rencontré de semblable. Lorsqu'il lai fut permis de se relever dans le jardin, il s'adressa à ses compagnons, et leur dit: « Il n'est pas possible que ce pouvoir vienne d'un simple mortel; sans doute celai-ci est Dieu et homme tout ensemble. S'il meurt, selon notre projet, il opérera par sa mort la rédemption et satisfera à la justice de Dieu; et du coup notre empire est détruit, et toutes nos prétentions sont frustrées. Nous avons mal calculé en machinant sa perte.

Que si maintenant nous ne pouvons plus empêcher sa mort, voyons jusqu'où ira sa patience, et faisons en sorte que ses ennemis le traitent avec la cruauté la plus atroce. Irritons-les contre lui, excitons-les par nos suggestions impies à le couvrir de mille opprobres et des outrages les plus sanglants; qu'ils s'ingénient à inventer les nouveaux tourments auxquels ils pourront livrer sa personne, pour provoquer sa colère, et observons les effets que produiront en lui toutes ces choses.

Les démons firent tous les essais qu'ils avaient concertés, mais avec un succès bien différent, comme le prouve l'histoire de la passion, à cause des mystérieux desseins du Très-Haut, dont j'ai déjà parlé et dont je parlerai encore. Ils poussèrent les bourreaux à outrager notre Seigneur Jésus-Christ par des vilenies plus odieuses que celles dont, en fait, ils se rendirent coupables sur sa personne divine; mais il ne permit point qui ils lui fissent d'autres outrages que ceux qu'il voulait bien subir, et qu'il était convenable qu'il subit, leur laissant déployer en ceux-ci toute leur fureur. »

Un autre secret

303. Je veux, ma fille, vous découvrir un autre secret. Vous savez que mon Fils et mon Seigneur dit dans l'Évangile que les anges se réjouissent dans le ciel lorsqu'un pécheur fait pénitence et entre dans le chemin de la vie éternelle par le moyen de sa justification. Il en est de même, sous un autre rapport, lorsque les justes font des œuvres de véritable vertu, qui leur méritent de nouveaux degrés de gloire.

Or, ce qui se passe dans le ciel à la conversion des pécheurs et à raison de l'accroissement des mérites des justes, se reproduit en sens inverse chez les démons et dans l'enfer, lorsque les justes pèchent ou que les pécheurs commettent de nouvelles fautes. Car les hommes n'en commettent aucune, quelque légère qu'elle soit, que les démons n'en aient une satisfaction particulière.

C'est pourquoi ceux qui les tentent en donnent aussitôt avis à ceux qui sont dans les prisons éternelles, afin qu ils s'en réjouissent et qu'ils connaissent ces nouveaux péchés qu ils enregistrent dans leur mémoire, pour en accuser les coupables devant le juste juge, afin qu'ils sachent par là qu'ils ont une plus grande juridiction sur les malheureux pécheurs qu'ils ont réduits sous leur empire, plus ou moins, selon l'énormité des péchés qu'ils ont commis; telle est la haine qu'ils ont contre les hommes et la trahison qu'ils leur font, lorsqu'ils les trompent par quelque plaisir passager et apparent.

ais le Très-Haut, qui est juste en toutes ses œuvres, a aussi ordonné, comme en punition de cette méchanceté, que la conversion des pécheurs et les bonnes œuvres des justes causassent aussi un tourment particulier à ces ennemis, qui, dans leur extrême malice, se réjouissent de la perte des hommes.

304. Cet ordre de la divine Providence tourmente fort tous les démons; car non-seulement ce châtiment les confond et les accable dans la haine mortelle qu'ils ont contre les hommes, mais, en outre, par les victoires que les saints et les pécheurs convertis remportent sur eux, le Seigneur leur ôte une grande partie des forces que leur ont données et que leur donnent ceux qui se laissent séduire par leurs mensonges, et qui pèchent contre leur Dieu véritable.

Dans ces occasions, les démons font peser sur les damnés le nouveau tourment qu'ils subissent; et comme il y a dans le ciel une nouvelle joie pour toutes les bonne œuvres et pour la pénitence des pécheurs, il y a aussi dans l'enfer, lorsque les démons entrent en fureur, une nouvelle confusion, un nouveau désespoir, qui cause de nouvelles peines accidentelles à tous les habitants de ce séjour d'horreur. C'est de cette manière que le ciel et l'enfer prennent une part égale, mais par des effets si contraires, à la conversion et à la justification du pécheur.

Lorsque les âmes sont justifiées par le moyen des sacrements, spécialement par la confession faite avec une véritable douleur, il arrive maintes fois que, les démons n'osent plus, pendant quelque temps, paraître devant le pénitent, et perdent même, pour des heures entières, la hardiesse de le regarder, si lui-même ne leur rend des forces par ses ingratitudes envers Dieu, et en s'exposant de nouveau aux occasions du péché; car dans ce cas les démons s'affranchissent de la crainte que leur ont causée la véritable pénitence et la justification.

305. La tristesse et la douleur sont bannies du ciel; mais, si elles n'y étaient pas impossibles, rien au monde n'affligerait les bienheureux autant que de voir celui qui a été justifié retomber dans le péché et perdre de nouveau la grâce, et le pécheur s'en éloigner de plus en plus et se mettre comme dans l'impossibilité de la recouvrer. La malice du péché est telle, que naturellement il serait capable de contrister le ciel, comme la vertu et la pénitence tourmentent réellement l'enfer.

Or considérez, ma très-chère fille, dans quelle ignorance dangereuse de ces vérités vivent communément les mortels, privant le ciel de la joie qu'il recevrait de la justification de leur âme; Dieu, de la gloire extérieure qui lui en résulterait; et l'enfer, du châtiment qui est infligé aux démons, parce qu'ils se réjouissent de la chute et de la perte des hommes.

Je veux, ma fille, que vous tâchiez, comme une servante fidèle et prudente, de profiter des lumières dont vous êtes favorisée, pour réparer ces maux. Vous devez aussi vous approcher toujours du sacrement de la pénitence avec ferveur, avec respect et avec une intime douleur de vos péchés; car ce remède cause une grande terreur au dragon, qui fait tous ses efforts pour tromper les âmes et les porter par ses artifices à recevoir ce sacrement avec tiédeur, par coutume, sans douleur et sans les dispositions requises. Et le démon fait ces efforts, non-seulement afin de perdre les âmes, mais encore afin d'éviter le tourment qu'il ressent à la vue d'un vrai pénitent dûment justifié, qui l'accable et le confond dans la malignité de son orgueil.

306. Je vous avertis encore, ma bien-aimée, que, quoique ce soit une vérité infaillible que ces dragons infernaux soient les auteurs et les maîtres du mensonge, qu'ils traitent avec les hommes dans l'intention de les tromper en tout, et qu'ils prétendent toujours, par un redoublement de malice, leur transmettre l'esprit d'erreur par lequel ils les perdent; néanmoins, lorsque ces ennemis, dans leurs conciliabules, délibèrent ensemble et discutent entre eux les résolutions perfides qu'ils prennent pour tromper les mortels, alors ils traitent de quelques vérités qu'ils connaissent et qu'ils ne peuvent nier; car ils les comprennent toutes, et s'ils les communiquent aux hommes, ce n'est pas pour les leur enseigner, mais pour les jeter dans les ténèbres, en les leur proposant mêlées avec des erreurs et des faussetés dont ils se servent pour assurer le succès de leurs desseins impies.

Et comme vous avez révélé dans ce chapitre et dans toute cette histoire les secrets de tant de conciliabules et de complots de la malice de ces esprits malfaisants, ils sont fort irrités contre vous, parce qu'ils s'imaginaient que ces secrets n'arriveraient jamais à la connaissance des hommes, et qu'ils ne seraient point informés non plus de ce qu'ils machinent contre eux dans leurs assemblées.

C'est pour cette raison qu'ils déploieront toute leur fureur pour se venger de vous; mais le Très-Haut vous assistera si vous l'invoquez, et si vous trichez vous-même de briser la tète du dragon. Demandez aussi au Seigneur que, par sa divine clémence, ces avis et ces instructions que je vous donne servent à détromper les mortels, et priez-le de leur communiquer sa divine lumière, afin qu'ils profitent de ce bienfait. Soyez vous-même la première à y correspondre de votre côté avec toute la fidélité possible, comme celle qui est la plus obligée entre tous les enfants de ce siècle; car, comme vous recevez davantage, votre ingratitude serait plus horrible et le triomphe des démons; vos ennemis, serait plus grand, si, connaissant leur méchanceté, vous ne faisiez tous vos efforts pour les vaincre avec la protection du Très-Haut et avec l'assistance de ses anges.

Conciliabule en enfer

1424. La chute que Lucifer et ses démons firent des hauteurs du Calvaire jusqu'au fond de l'abîme fut plus violente que quand ils furent précipités du ciel. Et quoique ce triste lieu soit toujours une terre ténébreuse, couverte des ombres de la mort, pleine d'horreur, de misère et de tourments, comme le dit le saint homme Job, il y régna en ce moment un désordre plus affreux encore: car les damnés furent saisis d'une nouvelle épouvante, et eurent à souffrir une peine supplémentaire, à cause de la violence avec laquelle les démons se jetèrent sur eux en tombant, et des excès de rage auxquels ils se livrèrent.

Il est bien vrai qu'ils n'ont pas le pouvoir dans l'enfer de tourmenter les âmes selon leur volonté, et de les mettre dans des lieux où les peines sont plus ou moins grandes, attendu que cela est réglé par la puissance de la justice divine, suivant le degré de démérite de chacun des réprouvés, qui ne sont tourmentés que dans cette mesure. Mais, outre la peine essentielle, le juste Juge ordonne qu'ils puissent successivement souffrir, en certaines circonstances, d'autres peines accidentelles; parce que leurs péchés ont laissé des racines dans le monde, et plusieurs mauvais exemples qui contribuent à la perte, d'un grand nombre de personnes, et c'est le nouvel effet de leurs péchés qu'ils n'ont point réparés, qui leur cause ces peines.

Les démons firent subir à Judas de nouveaux supplices pour avoir vendu Jésus-Christ, et pour lui avoir procuré la mort. Et ils surent alors que le lieu si horrible où ils l'avaient mis, et que j'ai déjà dépeint, était destiné pour la punition de ceux qui, ayant reçu la foi, se damneraient faute de bonnes œuvres, et de ceux qui mépriseraient délibérément le culte de cette vertu, et le fruit de la rédemption. C'est, contre cette classe de réprouvés que les démons tournent toute leur colère; tâchant d'exercer sur eux la haine qu'ils ont conçue contre Jésus et Marie.

1425. Aussitôt que Lucifer eut reçu la permission de s'occuper de ses nouveaux desseins, et put sortir de l'abattement dans lequel il resta quelque temps plongé, il entreprit de communiquer aux démons la nouvelle rage qu'il avait contré le Seigneur. C'est pourquoi il les assembla tous, et s'étant placé sur un lieu éminent, il leur dit:

« Vous n'ignorez pas, vous autres qui avez depuis tant de siècles embrassé mon juste parti, et qui y demeurerez fidèles pour venger mes injures, vous n'ignorez pas, dis-je, celle que je viens de recevoir de ce nouvel Homme-Dieu; vous savez qu'il m'a tenu dans une étrange perplexité durant trente-trois ans, me cachant son être divin et les opérations de son âme, et qu'il a triomphé de nous par la mort même que nous lui avons procurée pour nous en défaire.

Je l'ai abhorré avant même qu'il prit la chair humaine, et j'ai refusé de le reconnaître comme plus digne que moi de recevoir les adorations de tous en qualité de souverain Seigneur. Et quoique j'aie été précipité du ciel avec vous à cause de cette résistance, et revêtu de cette difformité si indigne de ma grandeur et de ma beauté primitive, ce qui me tourmente plus que ma déchéance, c'est de me voir si opprimé par cet homme et par sa Mère. Je les ai cherchés avec une activité infatigable dès que le premier homme fut créé, pour les détruire ou pour anéantir du moins toutes leurs œuvres et empêcher que personne ne le reconnût pour son Dieu, et ne profitât des exemples du Fils et de la Mère. J'ai fait tous mes efforts pour y réussir, mais ç'a été en vain, puisqu'il m'a vaincu par son humilité et par sa pauvreté, qu'il m'a renversé par sa patience, et qu'il m'a enfin privé par sa Passion et par sa mort ignominieuse de l'empire que j'exerçais sur le monde. Cela me tourmente tellement, que si je pouvais l'arracher de la droite de son Père où il va s'asseoir triomphant, et l'entraîner ensuite, avec tous ceux qu'il a rachetés, dans les abîmes où nous sommes, je n'en serais pas encore satisfait, et ma fureur ne serait pas encore apaisée.

1426.« Est-il possible que la nature humaine, si inférieure à la mienne, doive être autant élevée au-dessus de toutes les créatures! Qu'elle soit si aimée et si favorisée de son Créateur, qu'il l'ait unie à lui-même en la personne du Verbe éternel! Qu'elle m'ait persécuté avant même cette union, et qu'après elle m'ait défait et confondu à ce point!

Je l'ai toujours regardée comme ma plus cruelle ennemie; elle m'a toujours été odieuse. O hommes si favorisés du Dieu que j'abhorre, et si aimés de son ardente charité, comment empêcherai-je votre bonheur? Comment vous rendrai-je aussi malheureux que moi, puisque je ne puis anéantir l'être que vous avez reçu? Que ferons-nous maintenant, ô mes sujets? Comment rétablirons-nous notre empire?

Comment recouvrerons-nous nos forces pour attaquer l'homme? Comment pourrons-nous désormais le vaincre? Car dorénavant, à moins que les mortels ne soient tout à fait insensibles et ingrats, à moins qu'ils ne soient plus endurcis que nous à l'égard de cet Homme-Dieu qui les a rachetés avec tant d'amour, il est certain qu'ils le suivront tous à l'envi; ils lui donneront leur cœur et embrasseront sa douce loi; personne ne voudra prêter l'oreille à nos mensonges; ils fuiront les vains honneurs que nous leur promettons, et rechercheront les mépris; ils s'attacheront à mortifier leur chair, et connaîtront le danger qui se trouve dans les plaisirs; ils abandonneront les richesses pour embrasser la pauvreté, qui a été si honorée de leur Maître, et ils dédaigneront tout ce que nous pourrons offrir à leurs sens, pour imiter leur véritable Rédempteur.

Ainsi notre royaume sera détruit puisque personne ne viendra demeurer avec nous dans ce lieu de confusion et de supplices; ils acquerront tous le bonheur que nous avons perdu; ils s'humilieront et souffriront avec patience; rien ne restera à ma fureur et à mon orgueil.

1427. O malheureux que je suis, quels tourments me cause ma propre erreur! Si j'ai tenté cet homme dans le désert, cela n'a servi qu'à lui faire remporter sur moi une insigne victoire, et laisser un exemple très-efficace aux hommes pour me vaincre. Si je l'ai persécuté, il n'en a que mieux fait éclater son humilité et sa patience.

Si j'ai persuadé à Judas de le vendre, et aux Juifs de le crucifier avec tant de cruauté, ce n'a été que pour avancer ma ruine et le salut des hommes, et que pour établir dans le monde cette doctrine que je voulais détruire.

Comment Celui qui était Dieu a-t-il pu s'humilier de la sorte?

Comment a-t-il tant souffert de la part d'hommes si méchants?

Comment ai-je moi-même tant travaillé à rendre la rédemption des hommes si abondante, si admirable et si divine, qu'elle me tourmente horriblement, et me réduit à une telle impuissance?

Comment cette femme, qui est sa Mère et mon ennemie, est-elle si forte et si invincible? Ce pouvoir est extraordinaire chez une simple créature; sans doute elle le reçoit du Verbe éternel, à qui elle a donné la chair humaine. Le Tout-Puissant m'a toujours fait une guerre à outrance par le moyen de cette femme, que mon ambition m'a fait détester dès le premier moment où son image me fut représentée. Mais si je ne parviens point à assouvir ma haine et à satisfaire mon orgueil, je n'en persisterai pas moins à combattre perpétuellement ce Rédempteur, sa Mère et les hommes.

Eh bien donc, compagnons, voici le moment de nous livrer à notre haine contre Dieu. Approchez-vous pour conférer avec moi sur les moyens dont nous nous servirons, car je souhaite connaître votre opinion sur cette affaire.

1428. Quelques-uns des principaux démons répondirent à cette horrible proposition de Lucifer, et l'encouragèrent en lui communiquant divers desseins qu'ils avaient couvés pour empêcher le fruit de la rédemption dans les hommes. Ils convinrent tous qu'il n'était pas possible de s'attaquer à la personne de Jésus-Christ, ni de diminuer le prix infini de ses mérites, ni de détruire l'efficace de ses sacrements, ni de changer la doctrine qu'il avait prêchée; mais qu'il fallait néanmoins, en tenant compte des nouveaux moyens et des nouvelles faveurs que Dieu avait ménagés pour le salut des hommes, inventer de nouveaux artifices pour les empêcher d'en faire leur profit, et essayer de les séduire par de plus grandes tentations.

A cet effet, plusieurs démons des plus rusés dirent: « Il est vrai que les hommes ont maintenant une nouvelle doctrine et une loi fort puissante; qu'ils ont de nouveaux sacrements, qui sont efficaces, un nouvel exemplaire, qui est le Maître des vertus, et une éloquente Avocate en cette femme extraordinaire; mais les inclinations et les passions de leur chair et de leur nature sont toujours les mêmes, et les choses délectables et sensibles n'ont point été changées.

Ainsi, en redoublant de malice, nous détruirons, autant qu'il dépend de nous, ce que ce Dieu homme a opéré pour eux, et nous leur ferons une vigoureuse guerre, car nous tâcherons de les attirer à nous par nos suggestions et d'exciter leurs passions, afin qu'ils se laissent entraîner à leur impétuosité sans considérer leurs suites funestes; nous savons tous que la capacité humaine est si bornée, qu'étant occupée à un objet, elle ne peut être attentive à ce qui lui est opposé. »

1429. Après cette délibération, les démons se partagèrent en plusieurs bandes, suivant les différents vices, et se départirent les offices qu'ils devaient exercer pour tenter les hommes avec toute l'astuce possible. Ils décidèrent qu'ils devaient s'efforcer dé maintenir l'idolâtrie dans le monde, afin que les hommes n'arrivassent point à la connaissance du vrai Dieu et de la rédemption du genre humain. Et que si l'idolâtrie disparaissait ils feraient naître de nouvelles sectes et des hérésies, en choisissant à cet effet les hommes les plus pervers et les plus corrompus, qui seraient les premiers à les embrasser et à les enseigner.

C'est dans ce conciliabule infernal que furent inventées la secte de Mahomet, les hérésies d'Arius, de Pélage, de Nestorius, et toutes celles qui se sont produites dans le monde depuis la primitive Église jusqu'à nos jours, entre plusieurs autres qu'ils y forgèrent et qu'il n'est ni nécessaire ni convenable de rapporter ici. Lucifer approuva ce système diabolique parce qu'il était contraire à la vérité divine, et sapait le fondement du salut des hommes, qui consiste en la foi. Et il félicita, caressa et plaça près de lui les démons qui l'avaient imaginé, et s'étaient chargés de chercher les impies propres à introduire ces erreurs.

1430. D'autres démons promirent pour leur compte de pervertir les inclinations des petits enfants en les observant dès leur berceau; d'autres encore, de rendre les parents négligents dans l'éducation de leurs enfants, soit par aversion, soit par une tendresse excessive, et d'inspirer aux enfants de l'antipathie pour leurs parents.

Il y en eut qui s'offrirent à semer la division entre les personnes mariées, et à leur faciliter l'adultère et le mépris de leurs obligations réciproques et de la fidélité qu'elles se doivent.

Tous contractèrent l'engagement de propager parmi les hommes les querelles, la haine, la discorde et la vengeance; de les y exciter parles jugements téméraires, par l'orgueil, par la sensualité, par l'avarice et par l'ambition; de combattre par des arguments captieux toutes les vertus que Jésus-Christ avait enseignées, et surtout de détourner les mortels du souvenir de sa Passion et de sa mort, et du bienfait de la rédemption, de la pensée des supplices de l'enfer et de leur éternité. Par tolus ces moyens les démons se flattèrent que les hommes s'attacheraient exclusivement aux choses sensibles, et ne se mettraient pas fort en peine des choses spirituelles et de leur propre salut.

1431. Lucifer ayant ouï ces projets et plusieurs autres que les démons avaient formés, leur dit:

« Je suis fort content de vos avis, je les admets et les approuve tous, et je ne doute pas que nous n'obtenions un succès facile sur ceux qui n'embrasseront point la loi que ce Rédempteur adonnée aux hommes. Mais ce sera une affaire grave que d'attaquer ceux qui la recevront. Néanmoins je prétends employer toute ma rage contre cette loi, et persécuter cruellement ceux qui la suivront; à ceux-là nous devons faire une guerre acharnée jusqu'à la fin du monde. Je vais tâcher de semer mon ivraie dans cette nouvelle Église, c'est-à-dire l'ambition, l'avarice, la sensualité, les haines mortelles et tous les vices dont je suis la source.

Car si les péchés se multiplient une fois parmi les fidèles, ils irriteront Dieu par leur malice et par leur grossière ingratitude, et l'obligeront à leur refuser avec justice les secours de la grâce si abondants que leur Rédempteur leur a mérités; et s'ils s'en privent par leurs iniquités, nous sommes sûrs de remporter sur eux de grandes victoires.

Il faut aussi que nous travaillions à leur ôter la piété et le goût de tout ce qui est spirituel et divin, de sorte qu'ils ne comprennent point la vertu des sacrements, ou qu'ils les reçoivent sans s'être purifiés de leurs péchés, ou du moins sans dévotion; car, comme ces bienfaits sont spirituels, il est indispensable de les recevoir avec ferveur pour en augmenter le fruit. Et si les mortels méprisent leur remède, ils recouvreront bien tard leur sauté et résisteront moins à nos tentations; ils ne découvriront point nos mensonges, ils oublieront les faveurs célestes, méconnaîtront la mémoire de leur Rédempteur et dédaigneront l'intercession de sa Mère; cette noire ingratitude les rendra indignes de la grâce, et leur Dieu et leur Sauveur sera trop irrité pour la leur accorder. Je veux que tous vous secondiez mon entreprise et que vous y apportiez tous vos soins, sans perdre ni temps ni occasion d'exécuter ce que je vous commande. »

1432. Il n'est pas possible d'exposer les résolutions que Lucifer et ses ministres prirent dans cette occasion contre la sainte Église et ses enfants, pour tâcher, d'absorber ces eaux du Jourdain. Il nous suffira de dire que cette conférence dura presque une année entière après la mort de Jésus-Christ, et de considérer dans quel état se trouvait anciennement le monde, et celui dans lequel il se trouve depuis cette précieuse mort, et depuis que le Seigneur a manifesté la vérité de la foi par tant de miracles, par tant de bienfaits, et par les exemples de tant de saints personnages.

Et si tout cela ne suffit pas pour ramener les mortels dans le chemin du salut, on peut comprendre l'étendue du pouvoir que Lucifer s'est acquis sur eux et l'acharnement de la haine qu'il leur a vouée, haine telle, que nous pouvons dire avec saint Jean: « Malheur à la terre, car Satan descend vers vous, plein de fureur et de rage. »

Mais, hélas! faut-il que des vérités aussi infaillibles et aussi importantes que celles-là, et si propres à nous faire connaître notre danger et à nous le faire éviter par tous les moyens possibles, soient aujourd'hui si éloignées du souvenir des mortels qui né remarquent pas, les. pertes irréparables que cet oubli cause dans le monde!

Nôtre ennemi est rusé, cruel et vigilant, et nous restons cependant les bras croisés! Doit-on s'étonner que Lucifer soit devenu si puissant dans le monde, quand tant de gens l'écoutent, l'accueillent et croient à ses mensonges, et que très-peu lui résistent, parce qu'ils ne songent pas à la mort éternelle que cet implacable ennemi leur procure avec tant de malice? Je prie ceux qui liront ceci de ne point mépriser un danger si effroyable.

Et si la situation du monde et ses malheurs, si les expériences funestes que chacun fait en soi-même ne sont pas capables de nous éclairer sur l'imminence du péril, apprenons au moins à le connaître par la grandeur des secours que notre adorable Sauveur nous a laissés dans son Église; car il ne nous aurait pas donné tant de remèdes si l'extrême gravité de notre maladie ne nous eût exposés aux pins terribles chances d'une mort éternelle.

Les démons et la Sainte Vierge

322. J'ai dit au paragraphe 130 du chapitre XIe, qu'au moment où s'opéra le mystère ineffable de l'incarnation, Lucifer et tous les autres esprits rebelles sentirent la vertu du bras du Tout-Puissant, qui les précipita dans le plus profond des abîmes. Ils y furent abattus quelques jours, jusqu'à ce que le même Seigneur, par sa providence admirable, leur permit de se relever de cet abattement dont ils ignoraient la cause.

Or, après s'être redressé, le grand dragon s'avança vers le monde, pour reconnaître, en parcourant toute la terre, s'il était survenu quelque chose de nouveau à quoi il pût attribuer le coup imprévu qui l'avait frappé, lui et tous ses ministres. Le superbe prince des ténèbres ne voulut point confier cette recherche à ses seuls compagnons; mais il se mit lui-même en campagne avec eux, et explorant le monde entier avec autant de ruse que de méchanceté, il alla s'enquérant partout, guettant de toutes parts les faits pour tâcher de découvrir ce qu'il brûlait de savoir.

Il employa trois mois à cette ardente recherche; au bout de ce temps il dut retourner dans l'enfer, aussi ignorant de la vérité qu'il en était sorti, parce que le moment n'était pas encore venu pour lui de pénétrer des mystères aussi divins, sa malignité étant si ténébreuse, qu'il ne devait pas jouir de leurs effets admirables, ni en glorifier et bénir son Créateur comme nous, qui devions participer aux fruits de la rédemption.

323. L'ennemi de Dieu se trouvait toujours plus confus et tourmenté, sans savoir à quoi attribuer son nouveau malheur: ce qui fut cause qu'il convoqua toutes les troupes infernales, sans excepter aucun démon, pour délibérer sur ce cas. Et ayant pris la première place dans ce conciliabule, il leur tint ce discours:

Vous savez bien, mes sujets, avec quelle ardeur j'ai travaillé à me venger de Dieu, en faisant tout pour détruire sa puissance, depuis qu'il nous a dépouillés de la nôtre et bannis de notre maison.

Et quoique je ne puisse point l'atteindre lui-même, je n'ai point perdu un instant, je n'ai point négligé une occasion pour attaquer les hommes, qu'il aime, et pour les réduire sous mon empire; j'ai peuplé par mes forces et par mes soins mon royaume, et j'ai un grand nombre de nations qui me suivent et qui m'obéissent; je gagne tous les jours une quantité innombrable d'âmes que j'éloigne de la connaissance de Dieu et de l'obéissance qu'elles lui doivent, afin qu'elles né parviennent point à jouir de ce que nous avons perdu; je prétends au contraire les entraîner dans les supplices éternels que nous endurons, puisqu'elles ont suivi ma doctrine et mes traces, et j'assouvirai sur elles la haine que j'ai conçue contre leur Créateur.

Mais tout cela me parait peu de chose, et je suis encore tout étourdi de la nouvelle secousse que nous avons ressentie; car depuis que nous avons été chassés du ciel, il ne nous était rien arrivé de semblable, et jamais nous n'avions été frappés, terrassés d'une manière aussi violente: je reconnais que ce coup a singulièrement ébranlé mes forces comme les vôtres. Un effet aussi insolite, aussi extraordinaire, ne peut s'expliquer que par une cause nouvelle, et le sentiment de notre faiblesse me fait vivement craindre la ruine de notre empire.

324. « Cette affaire demande une nouvelle attention, ma fureur persiste, et l'ardeur de la vengeance me dévore toujours. J'ai quitté l'abîme, j'ai parcouru toute la terre, j'en ai examiné avec un très-grand soin tous les habitants, et je n'ai trouvé aucune chose, notable. J’ai observé et persécuté toutes les femmes vertueuses et parfaites appartenant à la race de l'ennemie implacable que nous avons connue dans le ciel, pour tâcher de la rencontrer parmi elles; mais aucun indice ne me marque qu'elle soit née, car je n'en vois aucune avec les qualités que me parait devoir réunir. la femme appelée. à être la, Mère du Messie.

Une fille que je craignais à cause de ses grandes vertus, et que je persécutai dans le Temple, est maintenant mariée ainsi elle ne peut être celle que nous cherchons, car Isaïe a dit qu'elle doit être vierge. Néanmoins je la crains et je, la déteste, car étant si vertueuse, il pourrait bien arriver que d'elle naquit la Mère du Messie ou quelque grand prophète; il ne m'a pas été possible de me l'assujettir jusqu'à présent en aucune chose, et, je pénètre moins dans la conduite de sa vie que dans. celle des autres.

Elle m'a toujours résisté avec une, fermeté invincible; je la perds facilement de vue, et quand je pense à elle, je ne puis m'en approcher autant que de ses compagnes. Je ne parviens point à discerner si cette difficulté et cet oubli proviennent d'une cause mystérieuse, ou s'ils résultent du mépris même que je fais d'une simple femmelette.

Mais j'y prendrai bien garde à l'avenir, car elle nous a commandé en deux occasions récentes où nous n'avons pu résister à son empire, ni à l'énergie souveraine avec laquelle elle nous a privés de la possession que nous avions des personnes dont elle nous a chassés. Cela est digne de toute notre attention, et cette créature mérite mon indignation par cela seul qu'elle a opéré dans ces occasions.

C'est pourquoi je jure de la persécuter et de la dompter, et pour cette entreprise je demande le concours de toutes, vos forces, de toute votre malice; car celui qui se signalera dans cette victoire que je me promets de remporter, recevra de ma grande puissance des récompenses considérables. »

325. Toute la populace infernale, après avoir écouté attentivement Lucifer, loua et approuva, ses intentions; elle lui dit de ne pas craindre que cette femme compromît ses succès ou ternit ses triomphes puisque son pouvoir était si grand, qu'il avait assujetti à son empire le monde presque entier.

Les démons convinrent ensuite des moyens qu'ils prendraient pour persécuter la très-chaste Marie, comme femme distinguée par ses vertus et par une sainteté singulière, et non point comme Mère du Verbe incarné; car, comme je l'ai dit, ils ignoraient alors le mystère caché. Après qu'ils eurent pris cette résolution, notre divine Princesse eut à soutenir un long combat contre Lucifer et ses ministres d'iniquité, afin qu'elle pût écraser d'autant plus souvent la tête à ce dragon infernal.

Et quoique dans le cours de la vie de cette Vierge puissante, ç'ait été là une grande et mémorable bataille, elle en livra une plus grande encore au prince des ténèbres, lorsqu'elle resta sur la terre après l'ascension de son très-saint Fils. Je parlerai de celle-ci dans la troisième partie de cette divine histoire, à laquelle on me l'a fait rapporter, car elle fut fort mystérieuse, attendu qu'à cette époque Lucifer connaissait la Mère de Dieu; saint Jean en a fait mention au XIIe chapitre de l'Apocalypse, comme je le dirai en son lieu.

326. La providence du Très-Haut fut admirable dans la dispensation des mystères incompréhensibles de l'incarnation, et elle l'est maintenant dans le gouvernement de l'Église catholique. Et il est sûr qu'il fallait que cette farté et douce Providence cachât plusieurs choses aux démons qu'il n'était pas à propos qu'ils sussent, tant parce qu'ils sont indignes de connaître les mystères sacrés, que parce que à l'égard de, ces ennemis, la puissance divine doit se manifester avec plus d'éclat que les autres attributs, afin de les accabler de tout son poids.

En outre, grâce à leur ignorance des œuvres que Dieu leur cache, l'économie de l'Église et l'exécution de tons les mystères que Dieu y opère, se déroulent sur un plan plus doux; c'est une barrière contre laquelle viennent se briser tous les efforts du démon furieux, pour les choses que la Majesté divine veut soustraire à ses attaques. Sans doute elle peut et pourrait toujours le dompter et le retenir; mais le Seigneur dispense toutes choses en la manière qui convient le mieux à sa bonté infinie.

C'est pour cette raison que le Très-Haut cacha à ces esprits rebelles la dignité de l'auguste Marie, le miracle de sa grossesse, son intégrité virginale avant et après l'enfantement, et en lui donnant un époux, il tenait cela dans un plus grand secret.

Ils ne connurent non plus la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ avec certitude qu'à l'heure de sa mort; et dès lors ils découvrirent plusieurs mystères de la rédemption sur lesquels ils s'étaient mépris et aveuglés; car, s'ils eussent connu auparavant cet adorable Seigneur, ils eussent plutôt tâché d'empêcher sa mort, comme le dit l'Apôtre, qu'excité les Juifs à lui en infliger une aussi cruelle, ainsi que je le rapporterai en son lieu. Ils auraient prétendu détourner la rédemption, et, publier eux-mêmes devant le monde qu'il était le Christ vrai Dieu; et c'est pour cela que quand saint Pierre le reconnut et le confessa pour tel, il lui ordonna à lui et aux autres apôtres, de n'en rien dire à personne.

Et bien que les démons se doutassent que le Sauveur fût le Messie, et qu'ils l'appelassent même Fils du Très-Haut, il cause des miracles qu'il faisait et de ce qu'il les chassait des corps, comme le raconte saint Luc, sa divine Majesté, ne permettait pourtant pas qu'ils dissent, avec une ferme assurance ce qu'ils pensaient; car, en voyant notre Seigneur Jésus Christ pauvre, méprisé et outragé, les doutes qu'ils avaient se dissipaient aussitôt; c'est qu'aveuglés par leur orgueil démesuré, ils ne purent jamais pénétrer le mystère de l'humilité du Sauveur.

327. Or, comme Lucifer ne connaissait point en la très-pure Marie la dignité de Mère de Dieu lorsqu'il lui prépara la terrible persécution que l'on verra bientôt, il lui en fit depuis subir une beaucoup plus cruelle, sachant qui elle était.

Car s'il eût su, dans la circonstance dont je vais parler, que c'était celle qu'il avait vue dans le ciel revêtue du Soleil, et celle qui lui devait écraser la tête, il eût été pris d'un tel accès de fureur et de rage, qu'il se fût transformé en un feu comparable à celui de la foudre.

Que si en la regardant seulement comme une femme sainte et parfaite, les démons conçurent tous contre elle une si grande indignation, il est certain que s'ils eussent connu son excellence, ils eussent, dans la limite de leur pouvoir, bouleversé la nature entière pour mieux la persécuter et même pour l'exterminer~Mais comme le dragon et ses complices ignoraient d'un côté le mystère caché de notre divine Dame, et que d'un autre ils découvraient en elle une vertu si puissante et une sainteté si sublime; dans la confusion où toutes ces choses les mettaient, ils allaient tâtonnant et se perdant en conjectures; ils se demandaient les uns aux autres quelle pouvait être cette femme contre laquelle ils reconnaissaient que tous leurs efforts étaient si impuissants, et si ce n'était point par hasard celle qui devait occuper le rang le plus éminent entre les simples créatures?

325. Certains répondaient qu'il n'était pas possible que cette femme fût la Mère du Messie que les fidèles attendaient, parce que, outre qu'elle était mariée, son mari et elle étaient fort pauvres, fort humbles et fort Feu connus dans le monde; qu'ils ne se distinguaient point par des miracles, et qu'ils ne se faisaient ni estimer ni craindre des hommes.

Et comme Lucifer et ses ministres étaient si superbes, ils ne pouvaient se persuader qu'un mépris aussi souverain de soi-même et une humilité aussi rare fussent comparables avec la grandeur et la dignité de Mère de Dieu, et leur chef s'imaginait que le Tout-Puissant, étant d'une nature infiniment supérieure à la sienne, ne choisirait pas une condition qui lui avait tant déplu à lui même.

Enfin il fut trompé par sa présomption mime et par son fol orgueil, c'est-à-dire par les vices les plus propres, par les ténèbres qu'ils répandent, à aveugler l'entendement et à précipiter la volonté. C’est pour cette raison que Salomon dit que leur propre malice les avait aveuglés de telle sorte qu'ils ne comprissent point que le Verbe éternel devait choisir de pareils moyens afin d'abattre la hautaine arrogance du dragon, dont les pensées étaient beaucoup plus éloignées des jugements du Très-Haut que le ciel n'est distant de la terre; car il croyait que Dieu descendrait sur la terre, pour la combattre, dans un grand appareil et une pompe éclatante, humiliant d'une main puissante les superbes, les princes et les monarques, dont le démon avait enflé le cœur, comme on le vit chez tant de rois qui régnèrent avant la venue de notre Seigneur Jésus-Christ, hommes si pleins d'orgueil et de présomption, qu'ils paraissaient avoir perdu le sens commun et la connaissance de leur condition mortelle et de leur origine terrestre. Lucifer mesurait tout cela suivant ses idées, et il lui semblait que Dieu dût agir dans cette vue avec la même fureur et les mêmes procédés avec lesquels l'ennemi attaque les œuvres du Seigneur.

329. Mais sa divine Majesté, qui est la sagesse infinie, fit tout le contraire de ce que Lucifer croyait car pour le vaincre elle ne vint pas seulement avec sa toute-puissance, mais elle se servit aussi de l'humilité, de la douceur, de l'obéissance et de la pauvreté, qui sont les armes de sa milice, et non pas dit faste et de l'ostentation de la vanité mondaine, qui s'appuie sur les richesses de la terre. Elle vint dans l'obscurité et sans aucun éclat sensible; elle choisit une Mère pauvre, et elle vint mépriser tout ce que le monde estime, et enseigner la science de la vie par la doctrine et par l'exemple; de sorte due le démon se trouva trompé et vaincu par les moyens qui l'humiliaient et le tourmentaient le plus.

330. Dans l'ignorance de tons ces mystères, Lucifer employa quelques jours à étudier et à reconnaître le naturel de l'auguste Marie, son tempérament, ses démarches, ses inclinations, la juste mesure, la tranquillité et l'égalité d'âme qu'elle apportait dans toutes ses actions; car ces choses ne lui étaient point cachées.

Et ayant trouvé que tout en elle était si parfait, que, malgré la douceur de son caractère, elle lui présentait comme un mur impénétrable, il consulta de nouveau les démons et leur exposa la difficulté qu'il voyait à pouvoir tenter cette femme, sans dissimuler que l'entreprise était extrêmement ardue. Tous dressèrent leurs batteries, et se préparèrent à l'attaquer de concert par toutes sortes de tentations formidables. Je dirai dans les chapitres suivants comment ils s'y prirent, et j'y raconterai le glorieux triomphe que notre invincible Reine remporta sur tous ces ennemis, et toutes les malices dont ils se servirent contre elle.

Lucifer

933. L'empire tyrannique de Lucifer n'était pas si paisible dans le monde après l'incarnation du Verbe, qu'il l'avait été dans les siècles précédents; car dès lors que le Fils du Père éternel fut descendu du ciel, et eut pris chair humaine dans le sein virginal de la très-pure Marie, ce fort armé sentit tout à coup l'action nouvelle, inconnue, énergique, d'une puissance supérieure qui le dominait et le terrassait, comme on l'a vu plus haut, il éprouva depuis la même chose lorsque l'Enfant Jésus et sa Mère entrèrent dans l'Égypte, comme je l'ai aussi marqué; et cette même vertu divine vainquit ce dragon dans plusieurs autres occasions par l'organe de notre grande Reine.

Le souvenir de ces événements accrut l'étrange impression qu'il ressentit à la vue des couvres que notre Sauveur commença à opérer, et que nous avons racontées dans le chapitre précédent, et tout cela joint ensemble inspira des frayeurs extraordinaires à cet ancien serpent, et lui fit soupçonner la présence dans le monde d'une nouvelle et redoutable puissance.

Mais comme ce mystère de la rédemption du genre humain lut était si caché, il se démenait dans sa fureur et dans ses doutes, sans pouvoir découvrir la vérité, quoique depuis sa chute du ciel, il n'eût cessé de chercher dans des alarmes continuelles, à connaître quand et comment le Verbe éternel descendrait pour prendre chair humaine; car c'était ce que l'orgueil du rebelle craignait le plus. Et ce fut cette inquiétude qui le força à convoquer toutes les assemblées que j'ai indiquées dans cette histoire, et que j'indiquerai dans la suite.

934. Or, cet ennemi se trouvant rempli de confusion pour ce qui arrivait et à lui et à ses ministres par Jésus et Marie, se mit à se demander par quelle vertu ils le repoussaient, lorsqu'il tâchait de séduire les malades et les agonisants, et à réfléchir aussi sur les autres choses qui arrivaient par le secours de la Reine du ciel; et comme il ne parvenait point à eu découvrir le secret, il résolut de conseiller ses principaux ministres des ténèbres qui, étaient les plus consommés en ruse et en malice. Il poussa un hurlement horrible dans l'enfer, tel que les démons emploient pour se faire entendre entre eux, et par ce cri il les convoqua tous, comme lui étant subordonnés; et quand ils furent tous assemblés, il leur dit:

« Mes ministres et mes compagnons, qui avez toujours suivi ma juste rébellion, vous savez que dans le premier état où le Créateur de toutes choses nous avait placés, nous le reconnûmes pour la cause universelle de tout notre être, et que, comme tel, nous l’honorâmes; mais lorsqu'il nous ordonna, au préjudice de notre beauté et de notre grandeur, qui a un si grand rapport, avec sa Divinité, d'adorer et de servir la personne du Verbe en la nature humaine qu'il voulait prendre, nous résistâmes à sa volonté; car quoique j'avouasse que je lui devais cet honneur comme Dieu, comme homme, d'une nature vile et si inférieure à la mienne, je ne pus souffrir de lui être soumis, et je me plaignis de voir que le Très-Haut ne fit pas pour moi ce qu'il déterminait de faire pour cet homme.

Il ne nous commanda pas seulement de l'adorer, mais il nous ordonna aussi de reconnaître pour notre supérieure une femme qui devait être une simple créature terrestre, et qu'il devait choisir pour être sa mère. Je ressentis ces injures aussi bien que vous; nous nous y opposâmes et résolûmes de résister à cet ordre, et c'est pour cela que nous fûmes punis par le malheureux état où nous nous trouvons, et par les peines que nous souffrons.

Quoique nous connaissions ces vérités, et que nous les confessions ici avec terreur entre nous, il ne faut pas pourtant le faire devant les hommes; et c'est ce que je vous prescris, afin qu'ils ne puissent pas connaître notre ignorance, non plus que notre faiblesse.

935. « Mais si cet Homme-Dieu qu'on attend, et sa mère doivent causer notre ruine, il est certain que leur venue au monde sera notre plus cruel tourment et le sujet de notre plus grande rage; c'est pour cela que je dois faire tous mes efforts pour l'empêcher et pour les détruire, quand même il me faudrait bouleverser tout l'univers. Vous savez combien jusqu'à présent j'ai été invincible, puisqu'une si grande partie du monde est soumise à mon empire et à ma volonté, et trompée par mes ruses.

Je vous ai pourtant vus depuis quelques années repoussés et domptés en plusieurs occasions; je vois que vos forces s'amoindrissent, et moi-même je subis l'influence d'une puissance supérieure, qui m'intimide et en quelque sorte m'enchaîne. J'ai parcouru plus d'une fois avec vous tous les recoins de la terre, pour tâcher d'y découvrir le fait nouveau auquel on pourrait attribuer cet affaiblissement et cette oppression que nous sentons.

Je ne crois pas que ce Messie promis au peuple choisi de Dieu ait paru, car non-seulement nous ne le trouvons en aucun endroit du monde, mais aucun indice certain ne semble annoncer sa venue; nous ne voyons nulle part ce bruit, cet éclat, cette pompe, qui marquerait sa présence parmi les hommes.

Néanmoins je crains que le temps de sa descente du ciel n'approche; ainsi il faut que nous déployions toute notre activité et toute notre fureur pour le détruire et pour perdre la femme qu'il choisira pour être sa mère.

Si quelqu'un de vous se distingue par son zèle, je lui témoignerai une plus grande reconnaissance. Je trouve jusqu'à présent des péchés, et les effets de ces mêmes péchés, en tous les hommes; je ne découvre en aucun la majesté et la grandeur dont se revêtira le Verbe incarné quand il se manifestera à eux, et qu'il les obligera tous à D'adorer et à lui offrir des sacrifices. Ce sera là la marque infaillible de son avènement au monde; et le caractère distinctif de sa personne auquel nous pourrons le reconnaître, ce sera d'être exempt du péché et des effets que produit le péché chez les enfants d'Adam.

936. « C'est pour ces raisons, poursuivit Lucifer, que ma confusion est plus grande.: car si le Verbe éternel n'est pas descendu sur la terre, je ne puis découvrir la cause des choses insolites que nous sentons, ni deviner de qui cette force qui nous abat peut sortir. Qui nous a chassés de toute l'Égypte? Qui a renversé les temples et ruiné les idoles de ce pays, dont tous les habitants nous adoraient? Qui nous traverse maintenant dans le pays de Galilée et dans les lieux circonvoisins, et nous empêche d'aborder une foule de gens à l'heure de leur mort pour les pervertir? Qui tire du péché tant d'hommes qui sortent de notre juridiction, et fait que d'autres améliorent leur vie et se plaisent à s'entretenir du royaume de Dieu?

Si le mal continue, nous sommes menacés d'une grande perte, et de nouveaux tourments peuvent résulter pour nous de cette cause que nous ne parvenons pas à connaître. Il faut donc y remédier, et chercher encore s'il se trouve dans le monde quelque grand prophète ou saint qui commence à nous persécuter; pour moi, je n'en ai découvert aucun à qui je puisse attribuer une si grande vertu ni tant de pouvoir.

C'est seulement contre cette femme, notre ennemie, que j'ai une haine mortelle, surtout depuis que nous l'avons persécutée dans le Temple, et ensuite depuis qu'elle est partie de sa maison de Nazareth: car nous avons été toujours vaincus et renversés par la vertu qui l'environne; elle nous a résisté par cette même vertu avec une force invincible, et a toujours triomphé de notre malice; je n'ai jamais pu sonder son intérieur ni la toucher en sa personne.

Cette femme a un fils; elle assista avec lui à la mort de son père, et il nous fut à tous impossible d'approcher de l'endroit où ils se trouvaient. Ce sont des gens pauvres et méprisés; c'est une femmelette tout à fait vulgaire et qui mène une vie cachée; je crois pourtant que le fils et la mère sont justes, car j'ai toujours tâché de les incliner aux vices qui sont communs aux hommes, et il ne m'a jamais été possible d'exciter en eux le moindre des désordres et des mouvements vicieux qui sont si ordinaires et si naturels en tous les autres.

Je vois que le Dieu tout-puissant me cache l'état de ces deux âmes; et puisqu'il m'empêche de découvrir si elles sont justes ou pécheresses, il y a là sans doute quelque mystère caché contre nous; et quoique l'état de quelques autres âmes nous ait aussi été caché en d'autres occasions, il la été rarement, et moins que dans le cas actuel.

Que si cet homme n'est pas le Messie promis, du moins le Fils et la Mère seront justes, et par conséquent nos ennemis; et il n'en faut pas, davantage pour que nous les persécutions, et que nous travaillions à les abattre et à découvrir qui ils sont. Suivez-moi tous dans cette entreprise avec une grande confiance, car je serai le premier à les attaquer.

937. Lucifer acheva par cette exhortation son long discours, dans lequel il proposa aux démons plusieurs autres raisons et plusieurs desseins remplis de méchanceté qu'il n'est pas nécessaire de raconter ici, puisque je dois traiter encore de ces secrets dans la suite de cette histoire, pour mieux faire connaître les ruses de ces esprits rebelles.

Ce prince des ténèbres sortit incontinent de l'enfer, suivi de légions innombrables de démons qui, se répandant par tout le monde, le parcoururent plusieurs fois pour observer, avec toute la finesse de leur malice, les justes qui y vivaient, tentant ceux qu'ils purent découvrir, et les provoquant, aussi bien que plusieurs autres personnes, à des iniquités conçues par ces méchants ennemis; mais la sagesse de notre Seigneur Jésus-Christ cacha à l'orgueil de Lucifer et de ses compagnons sa personne et celle de sa très-sainte Mère durant plusieurs jours; de sorte qu'il ne permit point qu'ils les vissent et les connussent jusqu'à ce que sa Majesté se rendit au désert, où il allait consentir à être tenté après y avoir gardé un fort long jeûne; et alors Lucifer le tenta, comme je le dirai en son lieu. (…)

Jésus-Christ

1128. Tous les mystères que renfermait le triomphe de notre Sauveur furent grands et admirables, comme nous l'avons remarqué; mais ce qui se passa dans l'enfer accablé par le pouvoir divin, lorsque les démons y furent précipités au moment de l'entrée triomphale de Jésus dans la ville sainte, ne nous fournit pas en son genre un moindre sujet d'admiration. Depuis le dimanche auquel ils essuyèrent cette défaite jusqu'au mardi suivant, ils restèrent deux jours entiers sous le poids de-la droite du Très-Haut, éperdus à la fois de honte et fureur, et ils exhalaient leur rage devant tous les damnés par des hurlements effroyables; une nouvelle épouvante se répandit à travers ces sombres régions, dont les infortunés habitants virent s'accroître leurs tourments.

Le prince des ténèbres Lucifer, plus troublé que tous les autres, convoqua tous les démons, et se plaçant, comme leur chef, dans un lieu plus élevé, il leur dit

1129.« II n'est pas possible que cet homme, qui nous persécute de la sorte, qui ruine notre empire et qui brise mes forces, ne soit plus que prophète. Car Moïse, Élie et Élisée, et nos autres anciens ennemis ne nous ont jamais vaincu avec une pareille. violence, quoiqu'ils aient opéré d'autres merveilles; et je remarque même qu'il ne m'a pas été caché autant d’œuvres de ceux-là que de celui-ci, surtout quant à ce qui se passe dans son intérieur, où je ne sais presque rien découvrir. Or comment un simple homme pourrait-il faire cela, et exercer sur toutes choses un pouvoir aussi absolu que celui que tout le monde lui reconnaît?

Il reçoit sans émotion et sans aucune complaisance les louanges que les hommes lui donnent pour les merveilles qu'il a faites. Il a montré en cette entrée triomphante qu'il vient de faire dans Jérusalem un nouveau pouvoir sur nous et sur le monde, puisque je ne me trouve pas assez fort pour accomplir mon dessein, qui est de le détruire et d'effacer son nom de la terre des vivants.

A l'occasion de ce triomphe, non-seulement les siens l'ont proclamé publiquement bienheureux, mais beaucoup de gens soumis à ma domination se sont joints à eux et l'ont même reconnu pour le Messie, pour Celui qui est promis dans la loi des Juifs; de sorte qu'ils ont tous été portés à le révérer et à l'adorer. C'est beaucoup pour un simple mortel, et si celui-ci n'est rien de plus, il est sûr qu'aucun autre n'a joui auprès dé Dieu d'une aussi haute faveur, et qu'il s'en sert et s'en servira encore pour nous causer de grandes. pertes; car depuis que nous avons été chassés du ciel, il ne nous est pas arrivé d'essuyer des défaites comparables à celles auxquelles nous accoutume cet homme depuis sa naissance, ni de rencontrer une pareille vertu.

Et s'il est par malheur le Verbe incarné (comme nous avons sujet de le craindre), nous ne devons rien négliger, c'est une affaire qui demande toute notre attention: parce que si nous le laissons vivre, il attirera tous les hommes après lui par son exemple et par sa doctrine. J'ai tâché quelquefois, pour assouvir ma haine, de lui ôter la vie, mais ç'a été toujours en vain; car dans son pays j'avais disposé quelques personnes à le précipiter du haut d'une montagne, et il eut la puissance d'échapper à ses ennemis. Une autre fois, étant à Jérusalem, je fis prendre à plusieurs pharisiens la résolution de le lapider, et il se déroba tout à coup à leurs regards.

1130. J'ai maintenant pris des mesures plus sûres avec son disciple et notre ami Judas; je lui ai inspiré le dessein. de vendre et de, livrer son maître aux pharisiens, que j'ai aussi animés d'une furieuse envie par laquelle ils le feront sans doute mourir d'une mort fort cruelle, comme ils le désirent. Ils n'attendent qu'une occasion favorable, et je la leur prépare avec tout le zèle et toute l'adresse dont je suis capable car Judas, les scribes et les princes des prêtres feront tout ce que je leur proposerai.

Je trouve néanmoins en cette entreprise une grande difficulté que nous devons redouter et qui demande de sérieuses réflexions c'est, que si cet homme est le Messie qu'attendent ceux de sa nation, il offrira ses peines et sa mort pour la résurrection des hommes, et il satisfera et méritera infiniment pour tous. Il ouvrira le ciel, et les mortels y jouiront des récompenses dont Dieu nous a privés, et ce sera pour nous un nouveau et insupportable tourment si nous ne faisons tous nos efforts pour l'empêcher.

En outre, cet homme souffrant et méritant laissera au monde un nouvel exemple de patience pour les autres; car il est très-doux et très-humble de cœur, nous ne l'avons jamais vu impatient ni troublé: il enseignera à tous la pratique de ces vertus, que j'abhorre le plus et qui déplaisent au même point à tous ceux qui me suivent. Ainsi il faut pour nos propres intérêts que nous délibérions sur ce que nous devons faire pour persécuter ce nouvel homme, et que vous me disiez ce que vous pensez de cette grave affaire. »

1131. Ces esprits de ténèbres entrèrent en de longues conférences sur cette proposition de Lucifer, se livrant à tous les transports de leur rage contre notre Sauveur, mais aussi regrettant l'erreur que déjà ils croyaient avoir commise, en travaillant à sa perte avec tant d'astuce et de malice; par un surcroît de cette même malice, ils prétendirent dès lors revenir sur leurs pas et empêcher sa mort, parce qu'ils étaient confirmés dans le doute qu'ils avaient que Jésus pût être le Messie, tout en ne parvenant pas à s'en assurer d'une manière certaine.

Cette crainte jeta Lucifer dans un si grand et si pénible trouble, qu'ayant approuvé la nouvelle résolution qu'ils prirent de s'opposer à la mort du Sauveur, il rompit l'assemblée et leur dit: « Soyez sûrs, mes amis, que si cet homme est véritablement Dieu, il sauvera tous les hommes par ses souffrances et par sa mort; il détruira par ce moyen notre empire, et les mortels seront élevés à une nouvelle félicité et revêtus contre nous d'une nouvelle puissance. Quelle énorme bévue nous avons faite en machinant sa perte! Allons donc détourner notre propre malheur. »

1132. Après cette décision, Lucifer et tous ses ministres se rendirent dans la ville et dans les environs de Jérusalem, où ils firent quelques tentatives auprès de Pilate et de sa femme pour empêcher la mort du Seigneur, ainsi que le racontent les évangélistes; ils en firent aussi plusieurs autres qui ne sont pas mentionnées dans l'histoire évangélique, et qui ne laissent pourtant pas d'être véritables. Ainsi ils s'adressèrent en premier lieu à Judas, et par de nouvelles suggestions ils tâchèrent de le dissuader de la vente de son divin Maître, qu'il avait déjà conclue. Et comme il ne se décidait point à renoncer à son entreprise, le démon lui apparut sous une forme sensible, et fit tous ses efforts pour le persuader de ne plus songer à ôter la vie à Jésus-Christ par la main des pharisiens. Connaissant l'avarice insatiable du perfide disciple, il lui offrit beaucoup d'argent, afin qu'il ne le livrât pas à ses ennemis. De sorte que Lucifer se donna plus de peine en cette circonstance que lorsqu'il l'avait auparavant porté à vendre son doux et divin Maître.

1133. Mais, hélas! que la misère humaine est grande! Le démon, qui avait déterminé Judas à lui obéir pour le mal, fut impuissant lorsqu'il voulut le faire reculer. C'est que la force de la grâce que ce malheureux avait perdue ne secondait pas l'intention de l'ennemi, et sans ce divin secours, tous les raisonnements, toutes les impulsions du dehors ne sauraient amener une âme à quitter le péché et à suivre le véritable bien.

Il n'était pas impossible à Dieu de porter à la vertu le cœur de ce disciple infidèle, mais la sollicitation du démon qui lui avait fait perdre la grâce, n'était pas un moyen convenable pour la lui faire recouvrer. Et le Seigneur avait de quoi justifier la cause de son équité ineffable s'il ne lui donnait pas d'autres secours, puisque Judas était arrivé à une si grande obstination même dans l'école de notre divin Maître, en résistant si souvent à sa doctrine, à ses inspirations et à ses faveurs, en méprisant avec une effroyable témérité ses conseils paternels, ceux de sa très-douce Mère, l'exemple de leur sainte vie, leur conversation, et les vertus de tous les autres apôtres.

L'impie disciple avait tout repoussé avec une opiniâtreté plus grande que celle d'un démon, et que celle d'un homme qui est libre de faire le bien; il se précipita comme un forcené dans la carrière du mal; et il alla si loin, que la haine qu'il avait conçue contre son-Sauveur et contre la Mère de miséricorde le rendit incapable de chercher cette même miséricorde, indigne de la lumière nécessaire pour distinguer la même lumière, et comme insensible même à la raison et à la loi naturelle, qui auraient suffi pour le détourner de persécuter l'innocent dont les mains libérales l'avaient comblé de bienfaits. Grande leçon pour la fragilité et la folie des hommes, qui sont exposés à tomber et à périr dans de semblables périls, parce qu'ils ne les craignent pas, et à donner à leur tour l'exemple d'une chute si malheureuse et si déplorable.

1134. Lés démons ayant perdu l'espoir de changer les dispositions de Judas, s'en éloignèrent, et entreprirent les pharisiens, auxquels ils firent les mêmes propositions et tâchèrent de les persuader, de ne point persécuter notre Seigneur Jésus Christ: Mais par les mêmes raisons ils ne réussirent pas mieux auprès d'eux qu'auprès de Judas, car il ne leur fut pas possible de leur faire quitter le mauvais dessein. qu'ils avaient formé.

Il y eut bien quelques scribes qui par des motifs humains se demandèrent si ce qu'ils avaient résolu leur serait profitable; mais comme ils n'étaient pas assistés de la grâce, la haine et l'envie qu'ils avaient conçues contre le Sauveur reprenaient bientôt le. dessus- dans leur âme. Les malins songèrent ensuite à travailler la femme de Pilate et Pilate lui-même; et se servant de la pitié naturelle aux femmes, ils la portèrent, comme il est rapporté dans l'Évangile, à lui envoyer dire de rie point condamner cet homme juste: Par cet avis et par plusieurs considérations qu'ils présentèrent à Pilate ils lé déterminèrent à toutes les tentatives qu'il fit pour soustraire l'innocent Seigneur à une sentence dé mort, comme je le raconterai avec les détails nécessaires. Lucifer et ses ministres n'aboutirent malgré tous leurs efforts à aucun résultat.

Lorsqu'ils en reconnurent l'inutilité, ils changèrent de plan, et entrant dans une nouvelle fureur, ils excitèrent les pharisiens, leurs satellites et les bourreau à faire mourir le Sauveur de la mort la plus prompte; mais après l'avoir tourmenté avec la cruauté impie qu'ils déployèrent pour altérer sa patience invincible. Le Seigneur permit qu'on lui fit subir tous les tourments imaginables, pour les hautes fins de la rédemption du genre humain, quoiqu'il empêchât que les bourreaux n'exerçassent quelques cruautés indécentes auxquelles les démons les provoquaient contre son adorable personne, comme je le dirai plus loin.

1135. Le mercredi qui suivit l'entrée de notre Seigneur Jésus-Christ dans Jérusalem (ce fut le jour qu'il passa tout entier à Béthanie sans aller au Temple, les scribes et les pharisiens s'assemblèrent de nouveau dans la maison dit chef des prêtres, qui s'appelait Caïphe, pour délibérer sur les moyens de se saisir par la ruse du Rédempteur du monde et de le faire mourir, parce que les honneurs que tout le peuple lui avait rendus dans cette conjoncture avaient augmenté leur haine et leur envie contre sa Majesté. Cette envie venait de ce que notre Seigneur Jésus-Christ avait ressuscité Lazare, et des autres merveilles qu'il avait faites dans le Temple. Ils décidèrent dans cette assemblée qu'il fallait lui ôter la vie, tout en couvrant leur horrible dessein du prétexte du bien commun, comme le dit Caïphe prophétisant le contraire de ce qu'il prétendait.

Le démon voyant leur résolution, inspira à quelques-uns la précaution de ne point exécuter leur projet, au jour de la fête de Pâque, de peur que le peuple, qui révérait Jésus-Christ comme le Messie ou comme un grand prophète; n'excitât quelque tumulte. Lucifer fit cela pour voir si, en retardant la mort du Sauveur, il pourrait l’empêcher. Mais comme Judas était déjà tyrannisé par sa propre avarice et par sa propre méchanceté, et privé de la grâce dont il aurait eu besoin pour en secouer le joug, il se rendit fort troublé et inquiet à l'assemblée des princes des prêtres, et leur proposa de leur livrer son maître; la vente en fut conclue pour trente pièces d'argent, le traître se contentant de cette somme pour le prix de Celui qui renferme en lui-même tous les trésors du ciel et de la terre; et afin de ne point perdre cette occasion, les princes des prêtres bâclèrent leur odieux marché malgré l'inconvénient de l'approche de la Pâque, la sagesse et la providence de Dieu le disposant de la sorte.

1136. C'est alors que notre Rédempteur dit à ses disciples ce que saint Matthieu rapporte: Sachez que dans deux jours le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié. Judas était absent lorsqu'il leur adressa ces paroles; mais brûlant de consommer sa trahison, il revint bientôt auprès des apôtres, et le perfide tâchait de découvrir par les questions qu'il faisait à ses compagnons, au Seigneur lui-même et à sa très-sainte Mère, par quel lieu ils passeraient en partant de Béthanie, et ce que son divin Maître avait résolu de faire durant ces jours de fête.

(...)

SAINTE THÉODORA (+ 308)

Sainte Théodora, disciple du grand saint Basile le Nouveau, fut conduite dans les profondeurs de la terre pour y voir les terribles et insoutenables souffrances infernales destinées aux pécheurs, après sa visite des demeures du Paradis..

Elle a aussi raconté sa mort avec force détails. Nous citons ci-dessous une partie de son récit à Grégoire, un autre disciple de Saint Basile: « Mon fils Grégoire, tu me questionnes au sujet d'une chose terrible, dont le souvenir même est effrayant. Lorsque sonna l'heure de ma mort, je vis des personnages que je n'avais jamais vus et j'entendis des paroles que je n'avais jamais entendues. Que dire? Des malheurs pénibles et cruels, dont je n'avais nulle idée, m'attendaient en raison de mes actes. Mais, par la prière et l'aide de Basile, notre père commun, j'en fus délivrée. Comment te raconter la douleur corporelle, l'angoisse et la fatigue auxquelles sont soumis les mourants? C'est comme si une personne nue tombait dans un grand feu pour s'y consumer et être réduite en cendres. C'est ainsi qu'est détruit l'homme par la mort à l'heure de la séparation de l'âme et du corps.

Approchant du terme de ma vie, je vis une multitude d'éthiopiens entourer ma couche. Leurs visages étaient sombres comme la suie ou le goudron, et leurs yeux luisaient comme des charbons ardents. Les voir était plus cruel que la géhenne elle-même. Ils s'agitèrent bruyamment. Les uns mugissaient comme des animaux sauvages ou du bétail, d'autres aboyaient comme des chiens ou hurlaient comme des loups. En me voyant, ils devinrent furieux et se précipitèrent sur moi en grinçant des dents, avec la visible intention de me dévorer sur-le-champ. A ce moment-là, dans l'attente de l'arrivée de quelque juge, on sortit les parchemins et on déroula les rouleaux sur lesquels étaient inscrites toutes mes mauvaises actions. Ma pauvre âme trembla de terreur. Non seulement la tristesse de la mort m'accablait, mais la fureur terrifiante de ces éthiopiens était pour moi comme une seconde mort, plus douloureuse encore. Je me tournai de tous côtés pour éviter de les voir et de les entendre, mais ils déambulaient partout. Et personne pour me porter secours! Parvenue à un total affaiblissement, je vis deux anges de lumière s'approcher de moi, tels des jeunes gens d'une beauté inexprimable. Leurs visages rayonnaient, leur regard était tout amour, leurs cheveux scintillaient comme la neige, blancs aux reflets d'or. Leurs vêtements étincelaient comme l'éclair, leurs poitrines étaient ceintes d'or. S'approchant de ma couche, ils se tinrent sur le côté droit et chuchotèrent. Je me réjouis en les voyant et je les dévisageai avec plaisir. Les noirs éthiopiens frissonnèrent et s'éloignèrent quelque peu. Un des lumineux jeunes gens s'adressa avec colère aux démons ténébreux: ô, impudiques, maudits, ténébreux et méchants ennemis du genre humain! Pourquoi venez-vous troubler les mourants et effrayer par un tel tapage l'âme qui se sépare du corps? Ne vous réjouissez pas trop car vous ne trouver rien ici. Cette âme jouit de la miséricorde de Dieu, vous n'avez aucune chance! Lorsque l'ange se tut, les éthiopiens chancelèrent, vociférèrent, montrèrent les mauvaises actions que j'avais commises depuis ma jeunesse et crièrent: nous ne trouverons rien? Et à qui sont ces péchés? N'est-ce pas elle qui a fait ceci et cela? Criant ainsi, ils attendaient la mort. Et voilà que la mort vint, rugissant comme un lion, exhibant l'aspect terrible d'un humain sans corps, d'un squelette. Elle portait divers instruments de torture: épées, flèches, lances, faux, scies, haches, hameçons, et d'autres encore, à l'usage inconnu.

Voyant cela, ma pauvre âme trembla de peur. Les saints anges dirent à la mort: ne tarde pas, délie cette âme des liens charnels, délie-la vite mais doucement, le poids de ses péchés n'est pas grand! La mort s'approcha de moi, prit une petite hache et trancha d'abord mes jambes, puis mes bras; ensuite, elle affaiblit tous mes membres à l'aide d'autres instruments, les séparant les uns des autres au niveau des articulations. Je fus privée de bras, de jambes; tout mon corps s'engourdit, je ne pouvais plus bouger. Ensuite, elle trancha ma tête qui me devint étrangère, immobilisée elle aussi. Après avoir dissout un breuvage dans une coupe, elle l'approcha de mes lèvres et me le fit boire de force. Ce breuvage était si amer que mon âme ne put le supporter: elle tressaillit et se sépara brutalement de mon corps. Les anges lumineux la reçurent aussitôt dans leurs bras. En me retournant, j'examinai avec étonnement mon corps allongé, insensible, et inerte comme un vêtement que j'aurais ôté et jeté. Alors que les saints anges me tenaient, les démons à l'aspect d'éthiopiens nous entourèrent en criant: cette âme a beaucoup de péchés, qu'elle en réponde! Et ils les exhibèrent. Les saints anges cherchèrent mes bonnes actions et, grâce à Dieu, ils en trouvèrent. Ramassant tout ce que j'avais pu faire de bien un jour ou l'autre avec l'aide de Dieu, ils se préparèrent à faire contrepoids à mes mauvaises actions. Voyant cela, les éthiopiens grincèrent des dents. Ils auraient bien voulu m'arracher sans attendre des mains des anges pour me conduire au fond de l'enfer! Soudain notre saint père Basile apparut et dit aux anges: anges de Dieu, cette âme m'a beaucoup servi durant ma vieillesse, j'ai prié Dieu pour elle et Il m'en a fait don. En prononçant ces paroles, il sortit de son sein un petit sac rouge bien plein, à mon idée, d'or pur, et le donna aux anges en disant: quand vous passerez les épreuves aériennes, rachetez les dettes de cette âme avec ceci, dès que les esprits malins commenceront à la torturer. Je suis riche par la grâce de Dieu, j'ai amassé beaucoup de trésors par ma sueur et mes efforts, et je fais don de ce petit sac à l'âme qui m'a servi.

Ayant prononcé ces mots, il partit. Les esprits malins, perplexes, firent entendre cris et lamentations, puis ils s'éloignèrent. Saint Basile revint en apportant plusieurs récipients contenant de l'huile pure et une myrrhe précieuse. Il les ouvrit l'un après l'autre et les versa sur moi, me couvrant d'une bonne odeur spirituelle. Je me sentis transformée et illuminée. Saint Basile dit aux saints anges: quand vous aurez fait tout ce qui convient, faites-la entrer dans la demeure que le Seigneur m'a préparée, afin qu'elle y vive! Ayant dit cela, il devint invisible. Les anges me prirent et nous nous dirigeâmes vers l'orient».

La sainte a aussi donné la description détaillée des épreuves qui suivent la mort et l'ordre dans lequel elles se déroulent dans les airs. Ayant, nous dit-elle, abandonné sur la terre son corps sans vie, elle commença son ascension vers l'orient, guidée par deux anges.

Alors qu'elle montait vers le ciel, elle rencontra les esprits ténébreux de la première épreuve, qui examinent tous les péchés humains commis en parole, comme les bavardages, les jurons, les railleries, les blasphèmes, les chansons passionnelles, les exclamations indécentes, les rires et autres choses semblables. Le plus souvent, l'homme ne fait aucun cas de ces péchés, ne s'en repent pas devant Dieu et ne les confesse pas à son père spirituel. Cependant, le Seigneur a dit clairement: Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toutes les paroles vaines qu'ils auront proférées. Car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné (Mt.12,36-37). Et l'Apôtre ordonne: Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, ni déshonnête, ni propos insensé, ni plaisanterie (Eph.4,29845,4). Les démons accusèrent l'âme de Théodora avec cruauté et ténacité, présentant tous les péchés commis en parole depuis sa jeunesse. Les saints anges les contestèrent, opposant les bonnes œuvres.

Rachetée à la première épreuve, Théodora monta plus haut et s'approcha de la deuxième épreuve, où sont examinés les mensonges, les parjures, le fait de prononcer en vain le Nom de Dieu ou de dissimuler ses péchés au père spirituel lors de la confession.

S'étant libérée là aussi, elle passa à la troisième épreuve, où sont examinés les calomnies contre le prochain, les jugements, l'humiliation, l'atteinte à l'honneur d'autrui, les injures et les railleries faites en oubliant ses propres péchés et défauts, ou en y prêtant aucune attention. Ceux qui ont commis des péchés de ce genre sont questionnés par les féroces examinateurs avec une cruauté toute particulière, car ils se sont conduits comme des antéchrists, ils se sont approprié la dignité du Christ en jugeant et en écrasant leur prochain.

La quatrième épreuve est celle de la gourmandise. On y dénonce la gloutonnerie, l'ivrognerie, le fait de manger à tout moment ou en cachette, de manger sans dire la prière, la transgression des jeûnes, la luxure, la volupté, le rassasiement, le fait de participer à des festins, et tous les plaisirs accordés au ventre.

Après s'être libérée de cette épreuve, Sainte Théodora reprit un peu courage et dit aux saints anges qui l'accompagnaient: « Il me semble que personne sur terre ne sait ce qui se passe ici et ce qui attend l'âme pécheresse après la mort ». Les anges lui répondirent: « La Parole Divine, lue quotidiennement à l'église, et prêchée par les serviteurs de Dieu ne l'explique-t-elle donc pas? Ceux qui se sont attachés aux vanités terrestres ne prêtent aucune attention à la Parole de Dieu, ils jouissent quotidiennement de l'ivrognerie, ils mangent à satiété et boivent sans crainte de Dieu, ne pensent pas à la vie future et n'écoutent pas l’Écriture qui dit: malheur à vous qui êtes rassasiés car vous aurez faim! (Luc6,25). Ils considèrent la Sainte Écriture comme une fable, vivent dans la négligence, s'amusent et festoient joyeusement chaque jour au son de la musique et des chœurs, à l'instar du riche de l’Évangile. Toutefois, ceux qui sont miséricordieux, font profiter les pauvres de leurs bienfaits, et aident les nécessiteux, reçoivent facilement le pardon de Dieu pour leurs péchés et passent les épreuves avec bonheur grâce à leurs aumônes. L’Écriture dit: L'aumône délivre de la mort et purifie de tout péché. Celui qui fait des aumônes et agit avec justice aura la vie; ceux qui commettent le péché sont les ennemis de leur vie. (Tobie21). Ceux qui ne s'efforcent pas de se purifier de leurs péchés par des aumônes ne pourront pas éviter le malheur lors des épreuves, ils seront ravis par les publicains qui les feront descendre dans de cruelles souffrances vers les prisons souterraines de l'enfer où ils seront enchaînés jusqu'au terrible jugement du Christ.»

En s'entretenant ainsi, ils atteignirent la cinquième épreuve, celle de la paresse. Là furent comptés tous les jours et toutes les heures passés dans la négligence à servir Dieu. Là furent examinés l'acédie, l'abandon des prières à l'église ou dans la cellule, par paresse, négligence, ou froideur envers Dieu. Là sont questionnés les paresseux qui profitent du travail des autres et refusent de travailler eux-mêmes, ceux qui perçoivent un salaire mais accomplissent leur travail avec négligence.

Après vint la sixième épreuve, où l'on examine les vols et les rapts en tout genre, grossiers ou selon la bienséance, manifestes ou cachés.

Puis vint la septième épreuve, celle de l'amour de l'argent et de l'avarice.

Ensuite vint la huitième épreuve, où sont accusés les concussionnaires, les usuriers et ceux qui s'approprient le bien d'autrui.

Plus loin encore, l'épreuve de l'injustice, la neuvième épreuve, où sont dénoncés les juges iniques au jugement partiel, qui se laissent acheter, condamnent les innocents et justifient les coupables. Là sont examinées les balances inexactes, les marchandages injustes.

La dixième épreuve est l'épreuve de l'envie où sont examinés ceux qui s'adonnent à cette passion pernicieuse et à ses conséquences.

A la onzième épreuve, les esprits hautains examinent l'orgueil, la vanité, la présomption, le dédain, la louange de soi-même, le fait de ne pas honorer comme il se doit les parents, les pouvoirs ecclésiastiques ou civils, de ne pas leur obéir ou de leur désobéir.

La douzième épreuve est celle de la colère et de la fureur.

La treizième épreuve est celle de la rancune.

Après avoir dépassé cette épreuve, Sainte Théodora demanda aux anges:

- Je vous en prie, dites-moi comment ces effrayantes puissances aériennes connaissent les mauvaises actions, autant manifestes que cachées, de tous les hommes vivant dans le monde entier.

- Au saint baptême chaque homme reçoit un ange gardien qui veille invisiblement sur lui, l'instruit nuit et jour dans les bonnes actions, tout au long de sa vie et jusqu'à l'heure de la mort. Il note toutes les bonnes actions pour lesquelles cet homme serait susceptible d'être digne de la miséricorde du Seigneur et de la rétribution éternelle. De la même façon, le prince des ténèbres, qui a pour objectif d'entraîner dans la perdition le genre humain, envoie auprès de chaque homme un esprit malin qui le suit partout, note ses mauvaises actions, lui suggère astucieusement de faire le mal, puis visite chaque épreuve pour y rapporter les péchés correspondants. Voilà comment les pouvoirs aériens connaissent les péchés de tous les hommes. Quand l'âme se sépare du corps et s'efforce de monter rejoindre son Créateur au ciel, les esprits malins lui dressent des obstacles en dénonçant les péchés qu'ils ont inscrits. Si l'âme possède davantage de bonnes actions que de péchés, ils ne pourront pas la retenir. Dans le cas contraire, ils l'enfermeront dans une prison d'où elle ne pourra pas voir Dieu. Elle sera torturée tant que la puissance de Dieu le permettra, et tant qu'elle n'aura pas été rachetée par les prières de l’Église et les aumônes des proches. Si l'âme s'avère vraiment pécheresse et abominable devant Dieu, au point qu'il ne lui reste plus aucune espérance de salut et qu'elle soit digne de la perdition éternelle, alors elle sera descendue immédiatement dans l'abîme où les démons connaîtront eux-aussi les souffrances éternelles. Elle y sera gardée jusqu'au deuxième Avènement du Christ, après quoi elle s'unira au corps et souffrira avec lui dans la géhenne éternelle. II faut savoir encore que ceux qui empruntent la voie des épreuves et des questions sont uniquement ceux qui ont été éclairés par la foi chrétienne et lavés par le Saint Baptême. Elle n'est donc destinée ni aux païens, ni aux musulmans, ni à tous ceux qui sont étrangers à Dieu: ceux-là, encore vivants dans leur corps, sont déjà morts, et enterrés en enfer par l'âme. Au moment de leur mort, les démons les saisissent immédiatement comme un dû et les descendent sans épreuve dans l'abîme de la géhenne.

Après cet entretien, Sainte Théodora atteignit la quatorzième épreuve, celle du meurtre, où sont examinés non seulement le brigandage et le meurtre, mais aussi les coups, les gifles et les heurts.

Plus haut eut lieu la quinzième épreuve, celle de la magie, de la sorcellerie, des charmes, des poisons, de l'ensorcellement et de l'invocation des démons. Au cours de cette épreuve, les démons ne trouvèrent rien à reprocher à la bienheureuse Théodora et ils lui crièrent, furieux: « Quand tu arriveras à l'épreuve de l'adultère, nous verrons si tu pourras t'en tirer...».

En continuant à s'élever, elle demanda aux saints anges: Est-ce possible que tous les chrétiens doivent passer par ces lieux, et que personne ne puisse les traverser sans être soumis aux questions et à la peur?

- Il n'y a pas d'autre voie pour les âmes chrétiennes qui montent vers le ciel. Toutes passent ici, mais toutes ne sont pas questionnées comme celles qui ont commis des péchés sans les avoir complètement confessés, par honte devant le père spirituel. Si quelqu'un confesse ses péchés dans la vérité, les regrette et se repent du mal qu'il a commis, alors ses péchés sont effacés par la miséricorde de Dieu, et quand l'âme arrive ici, les examinateurs aériens ne trouvent rien en ouvrant les livres, c'est pourquoi ils ne peuvent ni offenser l'âme, ni l'effrayer, et c'est ainsi qu'elle s'élève joyeusement vers le trône de la grâce.

En conversant ainsi, ils atteignirent la seizième épreuve, celle de la dépravation, où sont examinés tous les genres de débauche, c'est-à-dire les péchés d'adultère des personnes qui ne sont pas liées par le mariage. On y examine les rêveries coupables, le fait de s'attarder en pensée sur ces rêveries, le consentement au péché et la jouissance, les regards voluptueux, les attouchements obscènes. Quand Théodora fut parvenue à cette épreuve, les esprits ténébreux furent très étonnés qu'elle soit arrivée jusque-là, et ils l'accusèrent avec cruauté, surtout pour son manque de franchise envers son père spirituel.

Ensuite, ils arrivèrent à la dix-septième épreuve, où sont examinés tous les péchés d'adultère des personnes vivant dans le mariage (le fait de ne pas respecter la fidélité entre époux, de souiller le lit conjugal) ou les péchés d'adultère des personnes consacrées à Dieu, qui ont promis au Christ leur pureté.

La dix-huitième épreuve est celle de l'homosexualité, où sont passés en revue les péchés d'adultère contraires à la nature, ainsi que l'inceste.

Après avoir dépassé cette épreuve les saints anges dirent à Théodora: «Tu as vu les terribles et abominables épreuves de l'adultère! Sache que rare est l'âme qui les dépasse librement. Le monde entier est enfoncé dans le mal des tentations et de la souillure, tous les hommes sont voluptueux et débauchés. Les pensées du cœur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse (Gen.8,21) et c'est à peine si quelqu'un se garde de la souillure de l'adultère. Peu nombreux sont ceux qui mettent à mort les convoitises de la chair et qui dépassent sans encombre ces épreuves! La plupart de ceux qui sont arrivés jusque là périssent. Les féroces questionneurs ravissent les âmes et les précipitent en enfer. Les puissances des épreuves d'adultère se vantent qu'à eux seuls, ils remplissent plus que toutes les autres épreuves les fournaises de l'enfer. Rends grâce à Dieu, Théodora, d'avoir évité les pièges des épreuves d'adultère, et ceci grâce aux prières de ton père Saint Basile. A présent, tu ne connaîtras plus la peur! ».

La dix-neuvième épreuve est celle des hérésies, où sont examinés les raisonnements injustes sur la foi, les doutes dans la foi, l'apostasie et le reniement de la foi orthodoxe, le blasphème et autres péchés contre la seule véritable confession de la foi.

Après avoir dépassé cette épreuve, ils approchèrent des portes célestes, et rencontrèrent les esprits de la dernière et vingtième épreuve, celle de l'absence ou de l'insuffisance de charité, et de la cruauté. Si quelqu'un accomplit de nombreux exploits spirituels, des jeûnes, des veilles, des métanies, des prières, s'il garde de toute souillure la pureté de sa virginité, s'il épuise son corps dans l'abstinence, mais se montre impitoyable et ferme son cœur au prochain, alors il sera précipité du haut du ciel lors de cette épreuve, et sera enfermé pour l'éternité dans l'abîme de l’enfer.

Enfin, avec une joie ineffable, ils s'approchèrent des portes célestes. Celles-ci brillaient comme du cristal. Elles rayonnaient de manière indicible et des jeunes gens semblables au soleil se tenaient au milieu d'elles. Voyant la sainte guidée par les anges, ils se réjouirent pour elle de la voir dépasser victorieusement, couverte par la miséricorde divine, les épreuves aériennes. Avec grand amour, ils la firent traverser les portes. Pendant sa marche à travers les épreuves, Sainte Théodora avait noté que chaque épreuve était présidée par un prince particulier, et que les esprits de chaque épreuve présentaient une apparence extérieure conforme au type de péché examiné à l'épreuve.

Les grands saints (qui par nature sont semblables à l'ancien Adam, mais sont parvenus à la perfection du Nouvel Adam, notre Seigneur Jésus-Christ) traversent les épreuves à une vitesse extraordinaire et avec grande gloire. Ils sont élevés au ciel par l'Esprit Saint qui, déjà pendant leur pèlerinage terrestre, leur inspirait constamment le désir de se séparer du corps et d'être avec le Christ (Phil.1,23).

Source; Père Nicodème, http://spiritualite-orthodoxe.blogspot.fr/2012/01/parole-sur-la-mort_10.html

SAINTE BRIGITTE DE SUÈDE; JUGEMENT D'UN CLERC DAMNÉ

Quelqu'un qui devait être jugé vint devant le tribunal. (Cet homme était un chanoine noble, sous-diacre. Ayant obtenu une fausse dispense pour épouser une fille fort riche, il mourut de mort subite sans jouir de ce qu'il désirait.) On entendit la voix du Père, qui lui dit: Malheur à vous, de ce que vous êtes né! Non pas que Dieu se repentît de l'avoir fait, mais il parlait comme celui qui a coutume de souffrir et de compatir à l'affligé. Après, la voix du Fils répondit: J'ai versé mon sang pour l'amour de vous, et j'ai souffert pour vous une peine très amère; vous vous êtes éloigné de tout ce bien, et n'avez rien en vous de tout ceci. La voix du Saint-Esprit dit: J'ai cherché dans tous les replis de son cœur, pour savoir si par hasard j'y trouverais un peu de charité et d'affection, mais il est froid comme la glace, dur comme la pierre: je n'ai rien avec lui. Les trois voix n'ont pas été ouïes comme s'il y avait trois dieux, mais elles ont été proférées pour l'amour de vous, ô mon épouse! car vous ne pouviez autrement entendre ce mystère.

 

Après, ces trois voix du Père, du Fils et du Saint-Esprit, se sont changées soudain en une voix qui a dit: Le royaume des cieux ne vous est dû aucunement.

La Mère de miséricorde ne dit pas un mot, n'ouvrit pas le sein de sa miséricorde, car celui qui devait être jugé en était indigne, et tous les saints criaient d'une commune voix, disant: Telle est la rigueur, telle est la fureur de la divine justice, qu'il soit banni du royaume et de la joie éternelle.

Et tous ceux qui étaient en purgatoire dirent: Les douleurs que nous endurons, quelques amères qu'elles soient, ne peuvent vous punir de vos péchés, car vous méritez de souffrir de plus grandes peines: partant, vous serez séparé de nous.

Alors celui qui devait être jugé criait d'une voix horrible, disant: Malheur! malheur à la semence dont j'ai été engendré et formé!

Après, il disait: Malheureuse soit l'heure où mon âme a été unie à mon corps! Maudit soit celui qui m'a donné le corps et l'âme!

En troisième lieu, il criait et disait: Maudite soit l'heure où je suis sorti vivant du ventre de ma mère!

Alors sortirent de l'enfer trois voix qui disaient:

Venez à moi, âme maudite, entrez dans la mort éternelle et dans la douleur sans fin. Ensuite une autre voix horrible, épouvantable, s'entendit, criant: Venez, ô âme vide de bien! livrez-vous à notre malice, car il n'y aura aucun de nous qui ne vous replisse de la fureur de sa malice et de sa peine.

En troisième lieu, cette voix disait: Venez, ô âme maudite! lourde comme une pierre qui s'enfonce toujours et ne trouve jamais le fond où elle puisse reposer: de même, vous descendrez en un lieu plus profond et plus horrible que le nôtre, afin que vous ne puissiez vous arrêter avant d'arriver à l'abîme profond et épouvantable.

Et alors Notre-Seigneur lui dit: Je fais comme un homme qui a plusieurs femmes: voyant la chute de l'une, il se tourne vers les autres et se réjouit avec elles: de même, je détourne de lui ma face et ma miséricorde infinie, et je regarde d'un œil favorable mes serviteurs et me réjouis avec eux. Partant, quand vous entendez la chute funeste et la misère déplorable de celui-ci, servez-moi aussi sincèrement que je vous ai fait plus de miséricorde. Fuyez le monde impur et son insatiable concupiscence. N'ai-je pas enduré une passion amère et anéantissante pour la gloire du monde? Ne pouvais-je pas le racheter avec moins de douleur? Oui, vraiment. Mais la rigueur de la justice l'exigeait de la sorte: car comme l'homme avait péché par tous ses membres, aussi fallait-il satisfaire pour tous. Pour cela, la Divinité, compatissant à l'homme, brûla d'une si grande charité et d'un si grand amour envers la Vierge sainte, qu'elle prit d'elle la nature humaine en laquelle Notre-Seigneur porta toute la peine que l'homme devait supporter. Donc, si, pour l'amour de vous, je supporte votre peine, demeurez, comme mes vrais et fidèles serviteurs demeurent, en humilité, afin que vous n'ayez honte de rien ni ne craigniez rien que moi.

Gardez-vous tellement de parler, que, si vous saviez que ce fût ma volonté, vous ne voudriez jamais parler. Ne vous attristez pas pour les choses temporelles, car elles sont périssables, puisque je puis enrichir et appauvrir celui que je voudrai. Partant, ô mon épouse! mettez en moi toute votre espérance.

(Livre 1 Chapitre 28)

INTERROGATOIRE D'UN MOINE, VU PAR SAINTE BRIGITTE

Vers la fin de l'été 1346 Brigitte se rendit à Vadstena. Il s'agissait sans doute de poser la première pierre d'un couvent. Elle emmenait des amis et une suite nombreuse. Chemin faisant, ses compagnons causaient avec elle. A l'une de leurs demandes elle cessa de répondre. Ravie en extase, elle n'appartenait plus à ce monde et les rênes tombèrent de ses mains. Un serviteur mit pied à terre, et dut la guider entre les chaumières de pêcheurs groupées autour des ruines du château. Quand on arriva au monastère de Sainte Marie où les Cisterciens offraient l'hospitalité à leur suzeraine, son extase, qui durait depuis près d'une heure, n'avait point cessé. Il fallut l'en arracher violemment. Affligée elle se tourna vers son confesseur; on lui faisait quitter un entretien céleste où Dieu répondait à des questions qu'elle n'eût point osé formuler, comme jadis il répondait aux questions de Job.

Durant cette vision, Brigitte apercevait une échelle qui, de la terre, montait jusqu'aux pieds du Juge suprême. Près de son Fils se tenait la Vierge Mère, entourée d'anges et d'une foule de saints. Sur les degrés l'extatique discernait un religieux suédois, qu'elle croyait intelligent des choses de Dieu et savant théologien; mais dans sa vision, il ressemblait plutôt à un démon qu'à un moine. Plein d'orgueil et de ruse, le docteur interrogea seize fois son Juge, et seize fois le Juge daigna répondre.

I. Pourquoi, disait le moine, m'avez-vous donné des sens, si ce n'est pas pour faire leur volonté?

Mon ami, répondait le Maître, les sens ne sont pas les instruments du bon plaisir de l'homme, ils doivent servir au bien de son âme.

II. Pourquoi, continuait le théologien, n'est-il pas permis de s'enorgueillir, puisque votre passion a expié nos fautes? Pourquoi n'est-il pas permis de se venger, de jouir ou de se reposer?

L'orgueil éloigne du ciel, l'humilité y conduit, répliquait le Juge. Le rôle du corps de l'homme et des biens temporels est de faire acquérir à l'âme les biens éternels. La source de la justice n'est pas la vengeance, mais la charité. On ne doit prendre le repos nécessaire à l'infirmité humaine que si la pénitence a châtié l'insolence de la chair.

III. Pourquoi notre chair a-t-elle des appétits qu'il nous est interdit de satisfaire? Pourquoi la nourriture nous est-elle offerte, si nous ne pouvons nous rassasier? A quoi nous sert le libre arbitre, si nous n'en faisons pas usage? L'instinct de la reproduction, s'il doit être combattu? Le cœur, si nous réprimons son amour pour ce qui nous cause des jouissances?

Le Juge reprenait: L'homme est doué d'intelligence afin de conduire ses sens dans la voie de la vie et de les arrêter sur la voie de la mort. La nourriture soutient les forces; mais, prise avec excès, elle les épuise. Le seul usage raisonnable du libre arbitre est de renoncer à sa volonté propre pour la soumettre à la volonté de Dieu. L'union de l'homme et de la femme n'a d'autre but que la transmission légitime de la vie. Le cœur humain est destiné à renfermer ma divinité; il doit avoir en moi ses délices.

IV. Pourquoi, demanda encore le moine, chercher la sagesse divine, quand je suis doué de sagesse humaine?

Le Juge parla ainsi: Le sage selon le monde est aveugle selon Dieu. Il faut donc rechercher doublement la sagesse divine.

Pourquoi pleurer lorsque je nage dans la prospérité, et me réjouir en l'affliction de la chair?
Les honneurs du siècle conduisent l'homme à sa perte s'il ne les porte pas dans la prière et les larmes. Au contraire, l'affliction et l'infirmité de la chair mènent au bonheur.

Pourquoi craindre si je suis fort?

La force humaine n'est rien devant la force divine.

Pourquoi soumettre ma volonté, dont je suis le maître?

Le libre arbitre privé de guide ne peut être qu'une source de péchés.

V. Le moine continua: Pourquoi avez-vous créé les vers de terre et les fauves dangereux? Comment permettez-vous les infirmités, les juges iniques et les affres de la mort?

Le Juge répliqua: Depuis la désobéissance par laquelle l'homme s'est élevé contre son Dieu, je me sers des animaux pour châtier les méchants, éprouver les bons, et inspirer de l'humilité aux uns et aux autres. L'infirmité frappe le corps, afin de le conserver chaste et de le réduire à la patience. L'iniquité des juges est tolérée pour l'avancement des justes. A l'heure de la mort, il est équitable que l'homme se purifie par des souffrances expiatoires.

VI. Le moine reprit: Pourquoi, parmi les enfants, les uns meurent-ils avant de naître, quoique doués d'une âme, et les autres reçoivent-ils le baptême? Pourquoi permettre la ruine du juste et la fortune de l'impie? Pourquoi la peste, la famine, la mort imprévue et le meurtre?

L'enfant meurt avant de naître, répondit le Juge, soit à cause des péchés des parents, soit par l'intervention de ma justice. Quoiqu'il ne puisse pas jouir de la vision béatifique, je le traite avec miséricorde. Les justes doivent désirer l'affliction, à l'égal d'un bien. S'ils la tolèrent sans en comprendre l'effet, il viendra un jour où, comme l'enfant devenu homme, ils verront la nécessité de la discipline qui les a formés. La tribulation épargne les impies, parce qu'elle les rendrait plus méchants encore. Les hommes sont frappés par la peste et la famine, afin que ceux qui ne confessent pas le Seigneur dans la joie le confessent dans l'adversité. Si les mortels savaient l'instant de leur mort, ils serviraient Dieu par crainte, au lieu de le servir par charité. D'ailleurs, n'est-il pas équitable que la créature soit frappée d'incertitude, puisqu'elle s'est éloignée de la certitude? Quant aux meurtres, ils sont permis pour l'épreuve des justes ou pour la damnation méritée des serviteurs de Satan.

VII. Pourquoi, ajouta le religieux, y a-t-il au monde des choses belles et d'autres viles? Pourquoi moi qui suis beau, riche et de sang noble, ne pourrai-je pas suivre le sentiment du monde, et m'élever au-dessus du vulgaire? Pourquoi ne pas me préférer à autrui, puisque j'ai droit à plus d'honneurs? Pourquoi ne pas rechercher la gloire que je mérite? Pourquoi ne pas demander un salaire, si je rends service?

Les biens de ce monde ne sont utiles qu'à ceux qui les méprisent, répondit le Juge. Tout homme est conçu dans l'iniquité. Sa volonté ne peut rien au sang dont il naît. Si le noble est supérieur au roturier, il doit craindre que le jugement suprême ne soit d'autant plus rigoureux à son égard qu'il a reçu davantage; en dehors du nécessaire, l'homme ne possède que pour donner. S'enorgueillir de richesses, prêtées par la Providence serait une usurpation, et rechercher sa propre louange une tromperie; Dieu seul, source de toute bonté, est bon par essence. Si l'on réclame une récompense temporelle pour des services de charité, on se prive du salaire éternel.

VIII. Pourquoi, argumenta le docteur, permettez-vous le culte des idoles? Pourquoi ne pas révéler votre gloire à l'homme afin qu'il vous désire? Pourquoi ne pas lui montrer les anges, les saints, les démons et les peines éternelles? Cela le porterait au bien.

En foudroyant les idoles, répliqua le Juge, j'attenterais à la liberté de l'homme et lui ferais une injure indigne de ma justice. Si je lui apparaissais dans ma gloire entouré de ma cour, il mourrait de joie. Mes saints se révèlent à lui sous un voile conforme à son infirmité, afin que leur beauté ne le distraie pas du culte de Dieu. La vue de l'enfer le laisserait en proie à une terreur qui détruirait sa charité. D'ailleurs, s'il contemplait le monde futur, où serait le mérite de sa foi, le travail de son amour?

IX. Pourquoi, poursuivit le moine, l'inégalité des dons divins? Pourquoi Marie est-elle préférée aux autres créatures? Pourquoi l'ange, pur esprit, vit-il dans la joie, tandis que l'homme passe son existence à souffrir, sous une enveloppe de terre? Pourquoi la raison accordée à la race d'Adam est-elle refusée aux animaux? Pourquoi la vie donnée aux bêtes manque-t-elle aux créatures insensibles? Pourquoi la lumière du jour fait-elle place à la nuit?

La prescience divine, dit le Juge, n'est pas cause de la perte des hommes. Nul n'égale Marie en gloire, parce que nul ne l'a égalée en amour. La révolte de quelques-uns des esprits créés avant le temps a introduit le mal dans la création. Parmi les anges, les superbes que rien n'excitait au mal, sinon le dérèglement de leur volonté, sont punis sans rémission; les humbles jouissent de Dieu dans la stabilité, qu'un acte irrévocable de leur volonté leur assure à jamais. Les souffrances imposées à l'homme par son enveloppe corporelle lui inspirent l'humilité et l'aident à mériter la gloire éternelle. Les animaux n'ont point de raison, afin que l'homme puisse les dominer. Tout ce qui vit et doit mourir se meut, s'il n'en est empêché par quelque obstacle. La matière inanimée n'a point de mouvement volontaire, parce qu'elle se révolterait contre les fils d'Adam. La nuit invite au repos, sans lequel l'âme infatigable briserait le corps. La lumière figure le jour éternel des élus et aide l'homme à supporter ses peines. Par son péché il avait. perdu les clartés du paradis; les ténèbres de la terre le lui rappellent.

X. Pourquoi, continua le théologien, avez-vous revêtu votre divinité de la nature humaine? Comment peut-elle contenir et ne point être contenue? Pourquoi n'êtes-vous pas né dès la conception, et dans la maturité de l'âge? Ayant été conçu sans péché, pourquoi fûtes-vous circoncis et baptisé?

Le mode de rédemption devait être semblable à la faute, répartit le Juge. La forme perdue par la nature humaine lui fut restituée grâce à la charité divine qui, faisant Dieu visible à l'homme, scella leur réconciliation dans l'amour. C'est parce que ma divinité contient tout, qu'elle ne peut être contenue. Je me suis revêtu d'humanité, selon les lois naturelles, afin qu'on ne prît pas mon corps pour un fantôme. J'ai grandi à la manière des autres enfants, pour ne pas séduire les esprits par un prodige qui eut inspiré la crainte, non la charité. Je me suis fait circoncire, bien que seulement par ma mère je fusse de la race d'Adam sans quoi mes ennemis auraient dit: Il ordonne ce qu'il ne veut pas pratiquer. Mon baptême est un exemple, et montre à l'homme le ciel ouvert sur lui comme il le fut sur moi.

XI. Ô Juge, continua le questionneur, pourquoi n'avez-vous pas manifesté votre divinité avec votre humanité? Pourquoi n'avez-vous pas révélé en une fois votre parole, fait votre œuvre en une heure, et montré votre puissance à l'instant de votre mort?

A la vue de ma divinité, dit pour la seconde fois le Juge, les hommes eussent été consumés, annihilés par la joie. Ma parole: Non me videbit homo et vivet (l'homme ne me verra pas et vivra), doit rester vraie. Les prophètes eux-mêmes n'ont point contemplé la nature divine. Quand j'ai voulu me montrer à l'homme, j'ai pris sa propre forme. La nourriture de mes paroles ne saurait être distribuée en une fois; elle convient aux besoins successifs de l'âme, comme le pain quotidien convient aux besoins du corps. Quoique le temps n'existe pas pour moi j'ai voulu une succession de périodes déterminées dans ma vie terrestre, ainsi que dans la création du monde. Environné, d'une part de croyants, de l'autre d'incrédules, je devais soutenir la foi des fidèles par des enseignements ou des exemples venant à leur heure, et tolérer mes ennemis autant qu'il convenait à ma justice. Si je m'étais révélé aux hommes en un instant, ils m'eussent suivi par crainte, non par amour, et le mystère de la rédemption ne se fût point accompli. Selon les prophéties, mon corps innocent était semblable à celui qui pécha en Adam, afin que je fusse pareil à ceux que je venais racheter, que je pusse travailler du matin au soir, d'année en année jusqu'à ma mort. A ma dernière heure, je n'ai pas manifesté mon pouvoir, pour accomplir les prophéties, et laisser un exemple de patience. En quittant la croix, je n'aurais pas converti les impies. Ils s'indignaient lorsque je guérissais les malades et ressuscitais les morts. Ils eussent attribué mon miracle à la magie.

XII. Pourquoi, dit le moine, êtes-vous né d'une vierge? Pourquoi n'avez-vous révélé par aucun signe sensible la virginité de votre mère? Pourquoi n'avez-vous fait connaître votre naissance qu'à un très petit nombre d'hommes? Pourquoi avez-vous fui en Égypte et permis le massacre des innocents? Pourquoi souffrez-vous le blasphème et laissez-vous le mensonge l'emporter sur la vérité?

Je suis né d'une vierge, répliqua le Juge, parce que la virginité est ce qu'il y a de plus pur sur terre. Un miracle prouvant la virginité de ma mère n'eût point convaincu les blasphémateurs, qui résistent aux prédictions des prophètes et au témoignage de Joseph. J'ai laissé à Marie le mérite d'être ignorée et à ma naissance le caractère d'humilité qui confond la superbe humaine. J'ai caché le moment de ma venue en le monde pour que le démon, mon adversaire, ne le connût point avant le temps fixé, ni les hommes avant l'heure voulue de la grâce. La fuite en Égypte est une manifestation de mon infirmité. Elle doit aussi enseigner à se soustraire à la persécution, pour la plus grande gloire de Dieu. Le massacre des innocents, figure de ma passion, révèle le mystère de l'appel divin. Je souffre les blasphémateurs, dans l'attente de leur conversion. C'est l'homme qui veut le règne du mensonge en préférant le faux au vrai.

XIII. Ô Juge, reprit le questionneur, pourquoi laissez-vous votre grâce à certains pécheurs et l'enlevez-vous à d'autres? Pourquoi prévenez-vous parfois l'enfance d'un homme de grâces que vous refusez à sa vieillesse? Pourquoi l'inégalité des épreuves, l'inégalité de l'intelligence, l'inégalité de l'entendement? Pourquoi appelez-vous les uns dès le commencement de leur carrière, les autres à la fin?

Le Juge reprit: L'homme, enivré de sa volonté propre, doit apprendre que tout lui vient de Dieu; aussi la grâce lui est tantôt accordée, tantôt refusée. Le Seigneur, prévoyant la fidélité de certains enfants, la résistance de certains vieillards, fervents à leur début dans la vie, donne sans compter les lumières utiles, ou les retire si elles doivent augmenter la sévérité de son arrêt. L'impie ne porterait souvent pas la souffrance sans murmurer; s'il y échappe en ce monde, il est à craindre qu'il ne soit damné dans l'autre. L'intelligence et l'entendement ne sont rien, comparés à l'esprit de conduite. Chacun possède les connaissances qu'il lui faut pour se sauver. Parfois peu de lumière éclaire; davantage éblouirait l'esprit et le porterait à douter. Ceux qui abusent de leur raison seront châtiés. Bien écrire, bien dire est vanité, si l'on ne vit bien. La mesure des grâces répond à l'usage que l'homme fait de son libre arbitre. La prospérité des méchants témoigne de la patience du Seigneur, qui les entretient dans l'espoir. L'adversité des justes, du souci que Dieu garde de leur prouver l'instabilité des joies terrestres. L'heure de la vocation de l'homme est celle où il est le mieux disposé à entendre l'appel divin.

XIV. Le moine ajouta: Pourquoi les animaux souffrent-ils, puisqu'ils ne jouiront pas? Pourquoi, venant à la vie sans péché, sont-ils enfantés dans la douleur? Pourquoi le nouveau-né, ignorant du mal, porte-t-il la responsabilité des fautes de son père? Pourquoi l'imprévu déjoue-t-il la prévision? Pourquoi, la mort de l'impie parait-elle parfois glorieuse, et celle du juste infâme?

Les animaux, dit le Juge, naissent dans la douleur et vivent dans la peine, comme la race d'Adam, parce qu'en toute la création l'ordre a été troublé par le péché originel. L'homme, auteur de leurs maux, doit y compatir. L'enfant porte le péché du père, parce que rien de pur ne sort du monde; mais le baptême affranchit le chrétien. On reste libre de ne pas suivre les funestes exemples qui perpétuent les châtiments dans les races; grâce à la Rédemption chacun ne répond que de ses actes. Dieu cache ses desseins aux hommes afin de tempérer de crainte leur amour, et d'amour leur crainte. Il en est de l'issue de la vie comme des prospérités et des adversités qui marquent son cours. Souvent la récompense terrestre précède le châtiment céleste, et le châtiment terrestre la récompense céleste. Le démon peut entourer de vaine gloire la fin de ses serviteurs, et les justes entrer au ciel par une porte honteuse à voir. Qu'on ne discute pas mes arrêts. Ceux qui ont voulu les comprendre par leur propre sagesse ont souvent perdu l'espérance.

XV. Cependant le moine continuait de parler: Pourquoi avez-vous créé les choses inutiles?

Je n'ai rien créé d'inutile, déclara le Juge mais par le péché originel l'homme s'est privé de voir les choses dans leur vérité. De même qu'un enfant élevé dans un cachot ne comprendrait pas la lumière du jour, il ne comprend plus les clartés célestes.

Pourquoi ne voit-on pas les âmes?

L'âme est trop supérieure au corps pour être aperçue par des yeux corporels.

Pourquoi n'exaucez-vous pas les prières de vos amis?

Dieu n'exauce pas toujours les prières de ses amis, parce qu'il voit mieux le bien réel.

Pourquoi n'a-t-on pas la liberté de faire tout le mal qu'on veut?

La justice divine soustrait, pour un temps, les impies au démon et s'efforce de les détourner du mal; elle leur offre l'exemple des justes que l'épreuve excite à de grandes entreprises.

Pourquoi les maux immérités?

En passant par la tentation, les fidèles comprennent l'efficacité de la grâce qui, sans un effort personnel, ne pourrait cependant pas les sauver.

Pourquoi ceux qu'anime l'Esprit Saint conservent-ils la puissance de pécher?

L'âme qu'inspire l'Esprit Saint garde, avec le libre arbitre, la faculté de pécher. Si elle s'éloigne de Dieu, Dieu s'éloigne d'elle.

Pourquoi le démon tente-t-il toujours les uns et jamais les autres?

Le démon est le bourreau des justes, dont il augmente la gloire éternelle. Il est aussi le bourreau des méchants, qu'il châtie parfois dès cette vie. Son action est dans les secrets de la Providence.

XVI. Pour la dernière fois le moine prit la parole: Comment aurez-vous les brebis à votre droite et les bons à votre gauche?

La droite et la gauche de Dieu, répartit le Juge, ne peuvent s'entendre qu'au sens spirituel de lumières et de ténèbres, de gloire sublime et de privation de tout bien. Les brebis et les boucs ne sont que les symboles de l'innocence et du péché.

Pourquoi, si vous êtes égal à Dieu, est-il écrit que ni vous ni les anges ne savaient l'heure du jugement?

J'ignorais l'heure du jugement, cachée à toutes les créatures, en tant qu'homme et non en tant que Dieu.

Pourquoi y a-t-il désaccord dans les récits des évangélistes tous quatre inspirés de l'Esprit Saint?

L’Esprit Saint diffère en ses œuvres et en ses inspirations. La vérité complète est dans la réunion de tous les Évangiles; certains d'entre eux entendent la lettre, d'autres l'esprit de mes leçons.

Pourquoi avez-vous si longtemps différé votre incarnation?

Mon incarnation arriva en son temps, après que la loi naturelle eut témoigné du penchant de l'humanité au bien, et que la loi écrite eut montré à l'homme la misère humaine.

Pourquoi, après avoir déclaré qu'une seule âme vaut plus que le monde, n'envoyez-vous pas partout vos prédicateurs?

Fait à l'image de ma divinité, l'homme est sur terre ce qu'il y a de plus noble Mais s'il abuse de sa raison et de mes dons, le temps de ma justice remplace celui de ma miséricorde; il n'est plus digne d'écouter les messagers de salut, et je ne charge point mes serviteurs de travaux inutiles.
A son tour le Juge interrogea celui qui, détestant la vérité, parlait en pharisien, non pour s'éclairer mais pour exercer sa malice:

Tu as l'intelligence du bien et du mal, lui dit le Rédempteur; pourquoi donc préfères-tu les richesses périssables aux biens éternels?

Parce que, répliqua le moine, l'entraînement de mes sens l'emporte sur la voix de ma raison.

Plein de miséricorde, le Christ se tourna vers l'âme en péril

A la fin de ta vie, déclara le Sauveur au pécheur, tu verras ce que valent ta vaine éloquence et la faveur du siècle. Que tu serais heureux si tu étais fidèle aux devoirs de ta profession.

Le Juge et le religieux disparurent. Ces paroles furent les dernières que Brigitte entendit.

(Livre V des Révélations de Sainte Brigitte de Suède)

 

ANNE-CATHERINE EMMERICH

VISIONS: FRAGMENTS SUR LA DESCENTE AUX ENFERS

Lorsque Jésus rendit sa très sainte âme en poussant un grand cri, je la vis, semblable à une forme lumineuse, pénétrer dans la terre au pied de la croix...........

(Jésus visite les limbes et en délivre les patriarches).....

Je le vis enfin, comme un juge sévère, s’approcher de l’enfer qui était au fond de l’abîme. L’enfer m’apparut sous la forme d’une voûte immense taillée dans le roc, et d’un aspect épouvantable: les ténèbres y régnaient partout et l’on n’y voyait qu’une lueur très faible comme d’un reflet métallique. On apercevait à l’entrée d’énormes portes noires dont la seule vue faisait frémir. Les portes furent enfoncées: un hurlement d’horreur se fit entendre et l’horrible monde des ténèbres apparut.

Le séjour des bienheureux m’apparaît ordinairement sous la forme de la céleste Jérusalem, comme une ville composée de châteaux magnifiques, placés au milieu de jardins pleins de fleurs et de fruits merveilleux et dont la beauté varie suivant les degrés de béatitude de ceux des habitants. Je vis de même l’enfer sous la forme d’un assemblage d’hommes demeurant dans des maisons au milieu des champs. Mais tandis que dans le séjour des bienheureux, tout est ordonné selon les lois de la béatitude parfaite, d’une harmonie éternelle et de la paix infinie; dans l’enfer, au contraire, tout est désordonné, car il n’y règne que la discorde, la haine et le désespoir.

Dans le ciel, ce sont des édifices admirablement beaux et transparents, séjour du bonheur et de l’adoration, avec des jardins remplis de fruits merveilleux, qui sont la nourriture des élus.

Dans l’enfer, ce sont d’affreuses cavernes où ne règnent que la discorde, la haine et le désespoir. Dans le ciel, ce sont des édifices admirablement beaux et transparents, séjour du bonheur et de l’adoration, avec des jardins remplis de fruits merveilleux, qui sont la nourriture des élus. Dans l’enfer, ce sont d’affreuses cavernes où règnent les ténèbres, séjour du désespoir et de la malédiction, ce sont des déserts, des marais pleins de tout ce qui peut exciter le dégoût et l’horreur. Ici la discorde haineuse des réprouvés, là l’union bienheureuse des saints. Ici tous les genres de perversité et de mensonge sont punis par un nombre infini de tourments; tout y est désolation, sauf la pensée que chacun doit, selon la justice divine, moissonner ce qu’il a semé par ses péchés: on y voit l’essence infernale du péché démasqué, de ce serpent qui dévore ceux qui l’ont nourri dans leur sein. Tout cela peut se comprendre; mais il est impossible d’exprimer tous les détails.

Lorsque les anges eurent ouvert les portes, ce fut comme un chaos de plaintes, d’imprécations, de hurlements et d’injures. Les anges renversèrent des armées entières de démons. Tous furent contraints de reconnaître et d’adorer Jésus, et ce fut pour eux un cruel supplice. La plupart furent enchaînés. Au milieu de l’enfer était un abîme de ténèbres; Lucifer y fut jeté chargé de chaînes, et de noires vapeurs s’étendirent autour de lui. J’appris que Lucifer doit être déchaîné pour un temps, 50 ou 60 ans avant l’an 2000, si je ne me trompe. Quelques démons doivent être déchaînés de temps en temps pour punir et tenter le monde. Je crois que quelques-uns l’ont été de nos jours, d’autres le seront bientôt après.

 

SAINTE THERESE D’AVILA

EXTRAIT DE SES ŒUVRES CHAPITRE XXXII.

Depuis longtemps déjà le Seigneur m’avait accordé un grand nombre des grâces dont j’ai parlé, et d’autres encore fort élevées, quand, un jour, étant en oraison, il sembla que je me trouvais subitement, sans savoir comment, transportée tout entière en enfer. Le Seigneur, je le compris, voulait me montrer la place que les démons m’y avaient préparée et que j’avais méritée par mes péchés. Cette vision dura très peu; mais alors même que je vivrais de longues années, il me serait, je crois, impossible d’en perdre jamais le souvenir.

L’entrée me parut semblable à une ruelle très longue et très étroite, ou encore à un four extrêmement bas, obscur et resserré. Le fond était encore comme une eau fangeuse, très sale, infecte et remplie de reptiles venimeux. A l’extrémité se trouvait une cavité creusée dans une muraille en forme d’alcôve où je me vis placée très à l’étroit. Tout cela était délicieux à la vue, en comparaison de ce que je sentis alors; car je suis loin d’en avoir fait une description suffisante.

Quant à la souffrance que j’endurai dans ce réduit, il me semble impossible d’en donner la moindre idée; on ne saurait jamais la comprendre. Je sentis dans mon âme un feu dont je suis impuissante à décrire la nature, tandis que mon corps passait par des tourments intolérables. J’avais cependant enduré dans ma vie des souffrances bien cruelles; et, de l’aveu des médecins, ce sont les plus grandes dont on puisse être affligé ici bas, car tous les nerfs s’étaient contractés quand je fus percluse de mes membres. J’avais eu aussi à supporter toutes sortes d’autres maux dont quelques-uns, je l’ai dit, venaient du démon. Mais tout cela n’est rien en comparaison de ce que je souffris dans ce cachot. De plus, je voyais que ce tourment devait être sans fin et sans relâche. Et cependant toutes ces souffrances ne sont rien encore auprès de l’agonie de l’âme. Elle éprouve une oppression, une angoisse, une affliction si sensible, une peine si désespérée et si profonde, que je ne saurais l’exprimer. Si je dis que l‘on vous arrache continuellement l’âme, c’est peu, car dans ce cas, c’est un autre qui semble vous ôter la vie. Je ne saurais, je l’avoue, donner une idée de ce feu intérieur et de ce désespoir qui s’ajoutent à des tourments et à des douleurs si terribles. Je ne voyais pas qui me les faisait endurer, mais je me sentais, ce semble, brûler et hacher en morceaux. Je le répète, ce qu’il y a de plus affreux, c’est ce feu intérieur et ce désespoir de l’âme.

Dans ce lieu si infect d’où le moindre espoir de consolation est à jamais banni, il est impossible de s’asseoir ou de se coucher; l’espace manque; j’y étais enfermée comme dans un trou pratiqué dans la muraille; les parois elles-mêmes, objet d’horreur pour la vue, vous accablent de tout leur poids; là tout vous étouffe; il n’y a point de lumière, mais les ténèbres les plus épaisses. Et cependant, chose que je ne saurais comprendre, malgré ce manque de lumière, on aperçoit tout ce qui peut être un tourment pour la vue.

Le Seigneur ne voulut pour lors me montrer rien plus de l’enfer. Il m’a donné, depuis, une vision de choses épouvantables et de châtiments infligés à certains vices; ces tortures me paraissaient beaucoup plus horribles à la vue. Mais, comme je n’en souffrais pas la peine, j’en fus moins effrayée. Dans la vision précédente, au contraire, le Seigneur m’avait fait éprouver véritablement en esprit ces tourments et ses angoisses, comme si mon corps les avait endurés. Je ne sais comment cela se fit, mais je compris bien que c’était une grande grâce et que le Seigneur voulait me faire voir de mes propres yeux l’abîme d’où sa miséricorde m’avait délivrée. Entendre parler de l’enfer, ce n’est rien. Ce que j’avais médité sur les divers tourments qu’on y endure, bien que ce fût rarement, car la voie de la crainte ne convenait pas à mon âme, ce que j’avais considéré sur les déchirements causés par les démons, ce que j’avais lu enfin de divers autres châtiments, tout cela n’est rien auprès de ce supplice. Ce sont deux choses absolument différentes. Elles sont entre elles comme le tableau et l’objet qu’il représente; et la torture du feu de ce monde est bien peu de chose en comparaison du feu de l’enfer. Aussi, je fus épouvantée; malgré les six ans environ écoulés depuis lors, ma terreur est telle en écrivant ces lignes qu’il me semble que mon sang se glace dans mes veines ici même où je me trouve. Aussi, chaque fois que je me rappelle ce souvenir au milieu de mes travaux et de mes peines, toutes les souffrances d’ici-bas ne sont plus rien à mes yeux; il me semble même que, sous un certain rapport, nous nous plaignons sans motif. Je ne crains pas de le redire, c’est là une des grâces les plus insignes que le Seigneur m’ait accordées. Elle a produit en moi le plus grand profit. Elle m’a ôté la crainte des tribulations et des contradictions de la vie, elle m’a donné le courage de les supporter; et elle m’a stimulée à remercier le Seigneur de m’avoir délivrée, comme j’ai tout lieu de le croire maintenant, de ces tourments si longs et si terribles.

Depuis lors, je le répète, tout me paraît facile en comparaison d’un seul instant de ces tortures que j’endurai alors. Je m’étonne même qu’après avoir lu souvent des livres où l’on donne quelque aperçu des peines de l’enfer, je ne les aie point redoutées comme elles le méritent et ne m’en soit pas fait une idée exacte. Où étais-je donc? Comment pouvais-je trouver quelque repos dans ce qui m’entraînait à un si terrible séjour? O mon Dieu, soyez à jamais béni! Comme on voit bien que vous m’aimez beaucoup plus que je ne m’aime moi-même! Que de foi, ô Seigneur, ne m’avez-vous pas délivrée d’une si horrible prison! Que de fois j’y retournais moi-même contre votre volonté!

Cette vision m’a procuré, en outre, une douleur immense de la perte de tant d’âmes et en particulier de ces luthériens qui étaient déjà par le baptême membres de l’Église. Elle m’a procuré aussi les désirs les plus ardents d’être utile aux âmes. Il me semble en vérité que, pour en délivrer une seule de si horribles tourments, je souffrirais très volontiers mille fois la mort. Voici en effet ce que je pense. Quand nous voyons quelqu’un, et surtout une personne amie, au milieu de grandes épreuves et de grandes douleurs, il semble que nous sommes naturellement touchés de compassion; et, si ses souffrances sont intenses, nous les ressentons très vivement. Mais la vue d’une âme condamnée pour l’éternité au supplice des supplices, qui donc la pourrait souffrir? Il n’y a pas de cœur qui n’en serait brisé de douleur. Nous sommes émus de la plus tendre compassion pour les maux d’ici-bas, et cependant nous savons qu’ils sont un terme et finissent avec la vie. Ne le serions-nous pas davantage pour des supplices qui doivent durer toujours? Je ne sais comment nous pouvons vivre en repos quand nous voyons tant d’âmes que le démon entraîne avec lui en enfer.

Cela enfin me fait désirer ardemment que dans l’affaire si importante du salut nous ne soyons satisfaits qu’à la condition de faire tout, oui, tout ce qui dépend de nous. Dieu veuille nous donner la grâce de réaliser ce dessein!

 

SAINT BERNARD-FRANCOIS DE HOYOS

Le 9 janvier 1730, Saint Bernard-François, pendant qu’il faisait les exercices spirituels, eut une vision terrible. Sur l’ordre de Dieu, son Ange gardien le conduisit jusqu’au bord de l’abîme infernal.

Je vis dit-il, une immense étendue de feu; certains damnés, poussés par la rage, sortaient hors des flammes, mais y retombaient aussitôt, précipités par les démons et entraînés vers l’abîme.

Alors,je vis quels étaient les châtiments particuliers des impudiques, des avares, des haineux,etc. Épouvanté par la vue de ces monstres, étourdi par leurs blasphèmes, je détournai mes regards…Ayant parcouru un grand espace, mon Ange me dit: « Viens et vois, et écris ce que tu verras. »

Alors, le sentier que je suivais s’ouvrit, et je vis une cavité plus horrible que la première. Là se tenaient des prêtres indignes, coupables de sacrilèges. Ces misérables souffraient plus que les autres damnés. Ils étaient tourmentés surtout dans les parties de leurs corps qui avaient touché l’hostie consacrée: leurs mains étaient comme des chardons ardents; leurs langues étaient déchirées et pendantes; leur cœur était dévoré par un feu intense et en proie à d’affreuses douleurs…

LA VISION DE L’ENFER DE SAINTE VÉRONIQUE GIULIANI

Le 14 février 1694, sainte Véronique Giuliani, 1660-1727, vit l’enfer ouvert: beaucoup d’âmes y tombaient, qui étaient si vilaines et si noires, qu’elles étaient effrayantes à voir; elles se précipitaient l'une derrière l'autre et disparaissaient au milieu des flammes. Du milieu du feu qui les engloutissait s'élevaient des couteaux, des rasoirs et des instruments de supplices de diverses sortes, qui retombaient ensuite de tout leur poids pour accabler ces malheureux. La Sainte demanda au Seigneur si, parmi les âmes qu'elle avait vu tomber, se trouvait quelque religieux ou religieuse. Et le Seigneur lui connaître que, parmi ces âmes choisies, il en était qui y étaient précipitées et qui l'avaient bien mérité, pour n'avoir pas tenu tout ce qu'elles avaient promis, et pour s’être rendues coupables de tant de violations de leurs règles.

Le 1er avril 1696, Sainte Véronique fut conduite à la bouche de l'enfer. Elle entendit les cris et les blasphèmes des damnés,mais ne remarqua d'abord que ténèbres et puanteur horrible; le feu était noir et épais. Elle vit ensuite beaucoup de démons qui étaient comme vêtus de feu et qui s'animaient à frapper; on lui apprit qu'ils frappaient les damnés.

Le 5 décembre de la même année, elle eut une vision semblable. En même temps, Notre Seigneur se montra à elle flagellé, couronné d'épines et portant une lourde croix. Il lui dit: "Regarde bien ce lieu qui n'aura jamais de fin. Là s’exercent ma justice et mon terrible courroux."

Le 30 juin 1697, il fut dit à la Sainte qu'elle allait passer par de nouvelles souffrances. Ce fut comme une participation aux supplices de l'enfer qu'elle endura pendant une heure à plusieurs reprises. Ce jour là, elle se sentit placée dans une fournaise ardente et elles éprouva des peines atroces, comme des lances qui la perçaient, de fers qui la brûlaient, du plomb bouillant qui lui était versé sur tout le corps.

Le 1er juillet, au matin, elle se retrouva dans ce lieu d'effroi; elle se voyait comme abandonnée de Dieu, incapable de se recommander ni au Seigneur ni aux Saints; non pas qu'elle n'eut pas la pensée de Dieu, tout au contraire, mais elle le voyait sans miséricorde et n'étant que justice.

Le 4 juillet, l'enfer lui parut si vaste que toute la machine du monde,dit-elle, ne serait rien en comparaison. Elle y vit une roue, une meule, d'une grandeur démesurée, qui, à chaque instant, tombait sur les damnés, puis se soulevait pour retomber encore.

le 16 juillet, elle sentit tous les os broyés par des roues qui tournaient tout autour d'elle. En même temps, elle eut le sentiment de la perte de Dieu, peine si atroce, dit-elle, qu'on ne la peut expliquer. Tous les autres tourments paraissent peu de chose auprès de celui-ci.

Le 19 juillet, pendant ce qu'elle appelait l'heure d'éternité, elle se sentit tantôt piquée avec des épingles et des aiguilles, tantôt brûlée par des plaques enflammées, et tantôt déchirée dans ses chairs par des instruments tranchants.

Le 6 février 1703, son confesseur lui avait demandé de prier pour la ville ou elle demeurait ; le Seigneur lui fit voir comme un immense incendie qui dévorait la cité; beaucoup de personnes allaient se jeter dans les flammes, d'autres sur le point de s'y jeter, retournaient en arrière. Il fut révélé à la Sainte que ces flammes représentaient le péché d’impureté, auquel se livraient un trop grand nombre de ses concitoyens; mais d'autres, violemment tentés, savaient y résister. Et le Seigneur lui dit: "Dis à celui qui tient ma place, à ton confesseur qui t'a ordonné de me demander en quoi je suis le plus offensé, que je suis offensé de toutes manières, mais particulièrement de la chair. Il y a aussi parmi ce peuple des inimitiés qui m'offensent grandement, et beaucoup d’âmes vont à l'enfer pour l'éternité."

Le 27 janvier 1718, Marie, apparaissant à sainte Véronique, appela les deux anges qui lui servaient de gardiens et leur ordonna de la conduire en esprit en enfer; elle la bénit et lui dit: « Ma fille, ne crains pas, j'irai avec toi et je t'aiderai. » Soudain, raconte la sainte, je me trouvai dans un lieu obscur, profond et puant, j'y entendis des beuglements de taureaux, des braiments d'ânes, des mugissements de lions, des sifflements de serpents, toutes sortes de voix confuses et effrayantes et de grands roulements de tonnerre qui remplissaient de terreur. J'y vis des éclairs et une fumée fort épaisse. J'aperçus une grande montagne toute couverte de serpents, de vipères et de basilics tout entrelacés et en nombre incalculable. Entendant sortir d'au-dessous d'eux des malédictions et des voix affreuses, je demandai à mes anges quelles étaient ces voix; ils me répondirent que là se trouvaient beaucoup d'âmes dans les tourments. En effet, cette grande montagne s'ouvrit tout à coup, et je la vis toute remplie d'âmes et de démons. Ces âmes étaient toutes attachées ensemble, ne formant qu'une masse; les démons les tenaient ainsi liées à eux-mêmes par des chaînes de feu; chacune des âmes avait plusieurs démons autour d'elle. De là, je fus transportée à une autre montagne, où se trouvaient des taureaux et des chevaux furieux qui mordaient comme des chiens enragés. Le feu leur sortait des yeux, de la bouche et des naseaux, leurs dents semblaient des lances très aiguës et des épées tranchantes, réduisant en miettes en un instant tout ce qu'ils saisissaient. Je compris qu'ils mordaient et dévoraient les âmes. Je vis d'autres montagnes où s'exerçaient des tourments plus cruels, mais il m'est impossible de les décrire. Au centre de ce séjour infernal, s'élève un trône très haut; au milieu de ce trône, il y a un siège formé des démons qui sont les chefs et les princes. Là siège Lucifer, épouvantable, horrible. O Dieu! quelle affreuse figure! Il surpasse en horreur tous les autres démons. Il paraît avoir une tête formée de cent têtes et pleine de lances, au bout desquelles il y a comme un œil qui projette des flèches enflammées qui brûlent tout l'enfer. Bien que le nombre des démons et damnés soit incalculable, tous voient cette tête horrible et reçoivent tourments sur tourments de ce même Lucifer. Il les voit tous et tous le voient. Ici, mes anges me firent comprendre que, de même qu'au ciel la vue de Dieu rend heureux tous les élus, ainsi en enfer l'affreuse figure de Lucifer, ce monstre infernal, est un tourment pour tous les damnés. Leur plus grande peine est d'avoir perdu Dieu. Cette peine, Lucifer la ressent le premier et tous y participent. Il blasphème et tous blasphèment; il maudit et tous maudissent; il souffre et il est torturé et tous souffrent et sont torturés.

A ce moment, mes anges me firent remarquer le coussin qui était le siège de Lucifer et sur lequel il était assis: c'était l'âme de Judas. Sous les pieds de Lucifer, il y avait un coussin bien grand, tout déchiré et couvert de signes; on me fit comprendre que c'étaient des âmes de religieux. Alors le trône fut ouvert et, au milieu des démons, qui se tenaient sous le siège, je vis un grand nombre d'âmes. Quelles sont celles-ci? demandai-je à un des anges. Ils me dirent que c'étaient des prélats, des dignitaires de l’Église, des supérieurs d'âmes consacrées à Dieu.

Je crois que si je n'avais été accompagnée de mes anges et aussi, je pense, invisiblement fortifiée par ma bonne Mère, je serais morte d'épouvante. Tout ce que j'en dis n'est rien et tout ce que j'ai entendu dire aux prédicateurs n'est rien auprès de ce que j'ai vu.

(D'après le Diario ou Journal de la sainte p 479)


SAINT MACAIRE

«Un jour que je me promenais au désert, je trouvai le crane d'un mort par terre, et quand je l'eus secoué avec une branche de palmier, il me parla. Et je lui dis: «Toi, qui es-tu?». Le crâne me répondit: «J'étais le prêtre des idoles pour les Grecs qui résidaient ici, mais toi, tu es Macaire, porteur de l'Esprit; toutes les fois que tu as pitié de ceux qui sont dans le châtiment, et que tu pries pour eux, ils sont consolés quelque peu».

Macaire lui dit: «De quelle manière sont-ils consolés et quel est le châtiment?»

Il lui dit: «Autant le ciel est distant de la terre, autant le feu s'étend au-dessous de nous, et des pieds jusqu'à la tête, nous sommes dans le feu. Et l'on ne peut voir un autre face à face mais le dos de l'un est collé au dos de l'autre. Quand donc tu pries pour nous, on voit le visage de l'autre en partie: voilà la consolation».

Et l'ancien ayant pleuré, dit: «Malheur au jour où l'homme est né!» Et il demanda: «Y a-t-il un autre supplice qui est pire?»

Et le crâne lui dit: «Il y a un plus grand supplice au-dessous de nous».

Et l'ancien demanda: «Et qui se trouvent-là?»

Et le crâne lui dit: «Nous, nous sommes pris en pitié, ne fût-ce qu'un peu, car nous n'avons pas connu Dieu; mais ceux qui, connaissant Dieu, l'ont renié et n'ont pas accompli sa volonté sont en-dessous de nous».

Et l'ancien, ayant pris le crâne, le couvrit d'une tombe de terre.

(Source: Patrologie, cité par Habra dans «La Mort et l'au-delà», p 213.)

SAINT MACAIRE D'ALEXANDRIE

Deux anges apparurent un jour à Saint Macaire d'Alexandrie, un compagnon d'ascèse de Saint Macaire le Grand doté de grands dons spirituels. L'un d'eux lui dit:

« Écoute, Macaire, de quelle façon les âmes quittent le corps, tant celles des fidèles que celles des infidèles. Sache que les choses se passent dans le monde céleste comme dans ce monde-ci. Lorsque le roi envoie ses soldats se saisir de quelqu'un, ils le maîtrisent, même s'il n'est pas consentant, même s'il se défend. Pétrifié par la peur, il tremble, tant il redoute la simple présence de ceux qui entraînent sans pitié. De la même façon, lorsque les anges sont envoyés pour prendre une âme, pieuse ou impie, la peur la saisit. Elle tremble d'effroi en voyant les terribles anges. Elle comprend enfin l'inutilité des richesses, des relations et des amis. Bien qu'elle entende les sanglots de l'entourage, elle est impuissante à articuler une parole et même le moindre son, car elle n'est pas prête pour une telle situation. Elle est effrayée par l'immensité de ce monde nouveau, et par le changement de vie. Elle redoute l'aspect de ceux qui la tiennent déjà en leur pouvoir et ne lui manifestent ni compassion, ni miséricorde. Son attachement au corps était si fort que la séparation provoque en elle une affliction accablante. Sa conscience ne lui apporte aucune consolation, sauf si elle peut se reconnaître quelque bonne œuvre. C'est ainsi que l'âme est jugée par sa conscience, avant même de comparaître devant le Juge Suprême ».

(Publié par Père Nicodème, http://spiritualite-orthodoxe.blogspot.fr)


LE BIENHEUREUX BALDINUCCI

Le bienheureux Baldinucci faisait un jour un sermon en pleine campagne; il représentait à ses auditeurs la rigueur des jugements de Dieu. «Ah! s¹écria-t-il tout à coup, il tombe en ce moment en enfer autant d¹âmes qu¹il y a de feuilles à l¹arbre que voici.» Et soudain toutes les feuilles de l¹arbre désigné tombèrent et jonchèrent le sol; l¹auditoire éclata en sanglots. Ce fait est tiré de la bulle même de béatification du bienheureux jésuite.

(Source: Dom Bernard des Maréchaux: sur le nombre des élus).


LE BIENHEUREUX PIERRE DE JÉRÉMIE

Le Bienheureux Pierre de Jérémie, qu'on fête le 10 mars, âgé de 18 ans, reçu docteur en droit à Bologne, se préparait à une brillante carrière d'avocat lorsque, une nuit, il fut secoué par des coups frappés dans sa chambre. Éveillé en sursaut, il crie: «Qui est là?». Une voix lugubre lui répond: «Ton oncle Joseph, qui vient t'avertir: j'ai été un avocat célèbre; pour gagner des causes, j'ai souvent usé de mensonge; je suis mort richissime, mais, hélas, Dieu m'a damné.»

Remué jusqu'au fond des entrailles par cette vision, Pierre quitta le barreau et le monde, et, après s'être voué à la sainte Vierge, se fit religieux.

(Source: Bonum Certamen N° 71).


SAINT JEAN CLIMAQUE

Saint Jean Climaque raconte que pendant un séjour dans un monastère d'Alexandrie, un voleur se présenta avec repentir pour être admis à la vie monastique. L'higoumène du monastère lui demanda qu'il confesse ses péchés à l'église en présence de tous les frères. Le voleur s'étant exécuté avec ferveur et humilité, l'higoumène le revêtit immédiatement du schème.

Saint Jean lui demanda en privé pourquoi il avait tonsuré aussi vite le voleur. L'higoumène répondit que sa confession lui avait mérité le pardon de toutes ses fautes. «Et n'en doute pas, car un des frères présents m'a fait une confidence. Il a vu un personnage à l'aspect terrible qui tenait en main une tablette écrite et une plume. Tandis que le pénitent avouait ses crimes, l'autre, en toute justice, les effaçait de la tablette avec la plume, selon qu'il est écrit: J'ai dit: je vais confesser contre moi mes péchés au Seigneur et Toi, tu as pardonné l'iniquité de mon cœur (Ps.31,5)»

(Source; Échelle, degré4).


LA RÉALITÉ DE L'ENFER: UNE VISION DE SAINT JEAN BOSCO!

Voici une vision qu’a eue Saint Jean Bosco et que lui-même a racontée à ses jeunes gens.

Je me trouvai avec mon guide (l’ange gardien) au fond d’un précipice, qui débouchait sur une vallée obscure. Et voici qu’apparut un édifice immense, ayant un portail très élevé, fermé. Nous sommes arrivés au fond du précipice. Une chaleur suffocante m’opprime: une fumée épaisse, presque verte, s’élève par-dessus les murs de l’édifice, comme des vagues de flammes ensanglantées.

Je demandai: Où donc sommes-nous?

Lisez, me répondit mon guide, lisez l’inscription au-dessus de la porte.

Il était écrit: «Ubi non est redemptio» c’est-à-dire: où il n y a pas de rédemption.

Cependant je vis précipiter en direction de ce labyrinthe, d’abord un jeune homme, puis un autre, et ensuite trois encore. Tous portaient écrit sur leur front le nom de leurs propres péchés. Mon guide s’exclama: « Voici la cause principale de ces damnations: les compagnons, les mauvais livres et les habitudes perverses. »

Les malheureux étaient des jeunes gens de ma connaissance. Je demandai: Mais alors, il est donc inutile de se dévouer parmi les jeunes, si un si grand nombre font une telle fin? Comment empêcher une semblable ruine?

Ceux que j’ai vus sont encore en vie; c’est toutefois leur état actuel et, s’ils mouraient ainsi, ils viendraient directement ici!

Nous pénétrâmes ensuite dans l’édifice; nous courrions à la vitesse de l’éclair. Nous débouchâmes sur une cour vaste et ténébreuse … Je lus cette inscription: «Ibunt impii in ignem æternum!» c’est-à-dire: Les impies iront au feu éternel! — Viens avec moi! ajouta mon guide. Il me prit par la main et me conduisit devant une petite porte qui s’ouvrit.

À mes yeux se présenta comme une immense caverne, remplie de feu. Ce feu comportait certainement des milliers et milliers de degrés de chaleur. Je ne serais absolument pas capable de décrire cette grotte dans toute son épouvantable réalité … Et voilà, qu’à l’improviste, je vois tomber des jeunes gens dans cette caverne ardente. Le guide me dit: « C’est la transgression du sixième commandement qui est la cause de la ruine éternelle de tant de jeunes gens! » — « Mais si ces jeunes ont péché, ils se sont sans doute confessés aussi! » — « Ils s’étaient confessés, oui, mais ces fautes contre la vertu de pureté, ils les avaient mal confessées, ou simplement cachées. Par exemple, l’un de ces jeunes avait commis ce péché quatre ou cinq fois et il avait dit seulement deux ou trois fois. Il y en a parmi eux quelques-uns qui ont commis ce péché dans leur enfance, et qui n’ont jamais osé le confesser ou l’ont mal confessé en ne disant pas tout. D’autres ont manqué de contrition et de ferme propos; certains même au lieu d’examiner sérieusement leur conscience, cherchaient le moyen de tromper le confesseur. Et celui qui vient à mourir dans cet état de choses, a accepté d’être du nombre des réprouvés et il en sera ainsi pour toute l’éternité … Et maintenant tu veux voir pourquoi la miséricorde de Dieu t’a conduit ici? »

Le guide souleva un voile et je vis un groupe de jeunes gens de cet oratoire, que je connaissais tous, condamnés pour ce péché-là. Parmi eux, il y en avait qui apparemment étaient de bonne conduite.

Le guide continua ainsi: « Prêche partout contre l’immodestie ». Ensuite nous parlâmes pendant une demi-heure environ des conditions nécessaires pour faire une bonne confession, et voici notre conclusion: Changer de vie! … Changer de vie!

Maintenant, ajouta l’ami, maintenant que tu as vu les tourments des damnés, il faut que tu goûtes un peu, toi aussi, les peines de l’Enfer! Au sortir de l’horrible demeure, le guide me prit la main et me la fit toucher au mur de l’extérieur: — je lâchai aussitôt un cri … La vision terminée, je regardai ma main: elle était réellement boursouflée et pendant toute une semaine je dus la tenir bandée … »

Extrait du livre de Dom G.Tomaselli, Y a-t-il un enfer!, page 53.

SOURCE: http://enfer-catholique.blogspot.com/2008/10/saint-jean-bosco.html

 

 

 

EXTRAIT DE MESSAGES DE VISIONS RÉCENTES

 

SOEUR JOSEPHA MENENDEZ

Dans la nuit du mercredi au jeudi 16 mars, vers dix heures - écrit-elle - je commençai à entendre, comme les jours derniers, un bruit confus de cris et de chaînes. Je me levai, je m'habillai et, tremblante de peur, je me mis à genoux près de mon lit. Le bruit se rapprochait. Je sortis du dortoir, ne sachant que faire, j'allai à la cellule de notre bienheureuse Mère, puis je revins au dortoir. Le même bruit terrible m'environnait toujours. Tout à coup, je vis le démon en face de moi, il criait:

" - Attachez-lui les pieds... liez-lui les mains.... "

" Instantanément, je ne vis plus où j'étais, je sentis qu'on me liait étroitement et que l'on m'entraînait. D'autres voix rugissaient:

" - Ce ne sont pas les pieds qu'il faut lui attacher, c'est le cœur! "

" Et le démon répondait:

" - Il n'est pas à moi! "

" Alors, on me tira à travers un long chemin plongé dans l'obscurité. Je commençai à entendre de toutes parts des cris horribles. Dans les parois de cet étroit corridor, les unes en face des autres, il y avait comme des niches d'où sortait de la fumée presque sans flamme, et dont l'odeur était intolérable. De là, des voix proféraient toutes sortes de blasphèmes et des paroles impures. Les unes maudissaient leur corps, les autres leurs parents. D'autres se reprochaient de n'avoir pas profité de l'occasion ou de la lumière pour abandonner le mal. Enfin, c'était une confusion de cris pleins de rage et de désespoir.

(...) Je fus tirée à travers cette sorte de corridor qui n'avait pas de fin. Puis, on me donna un coup violent qui m'enfonça, pliée en deux, dans une de ces niches. Je me sentis comme pressée entre des planches incendiées et transpercée de part en part d'aiguilles brûlantes. En face de moi, à côté de moi, des âmes me maudissaient et blasphémaient. C'est ce qui me fit souffrir le plus.... Mais ce qui ne peut avoir de comparaison avec aucun tourment, c'est l'angoisse de l'âme de se voir séparée de Dieu....

Il me semble que j'ai passé de longues années dans cet enfer - poursuivent les notes - et cependant cela n'a duré que six ou sept heures.... Tout à coup, on me retira violemment et je me trouvai dans un lieu obscur où le démon, après m'avoir frappée, disparut et me laissa libre.... Je ne puis dire ce que je sentis dans mon âme, quand je me rendis compte que j'étais vivante et que je pouvais encore aimer Dieu!

Pour éviter cet enfer et bien que j'aie si peur de souffrir, je ne sais ce que je suis prête à endurer. Je vois clairement que toutes les souffrances du monde ne sont rien en comparaison de la douleur de ne pouvoir plus aimer, car là on ne respire que haine et soif de la perte des âmes!..."

Note; Une odeur intolérable enveloppait Josefa quand s'achevait ces séances d'enfer, comme aussi lors des enlèvements et des persécutions du démon: odeur de soufre, de chair putride et brûlée, qui restait encore sensible autour d'elle, disent les témoins, pendant un quart d'heure ou une demi-heure, mais dont elle-même gardait beaucoup plus longtemps la pénible impression.

Dimanche 19 mars 1922, troisième dimanche du Carême. « Je suis encore descendue dans cet abîme, il me semble que j'y demeure de longues années. J'ai beaucoup souffert, mais le plus grand des tourments est de me croire, pour toujours, incapable d'aimer Notre-Seigneur. Aussi, quand je reviens à la vie, je suis folle de joie. Je crois que je L'aime plus que jamais et que, pour le Lui prouver, je suis prête à souffrir tout ce qu'Il voudra. Il me semble surtout que j'estime et que j'aime ma vocation à la folie. »

Elle ajoute quelques lignes plus loin:

" Ce que je vois me donne un grand courage pour souffrir. Je comprends le prix des moindres sacrifices: Jésus les recueille et s'en sert pour sauver des âmes. C'est un grand aveuglement d'éviter la souffrance, même en de très petites choses, car non seulement elle est d'un grand prix pour nous, mais elle sert à préserver beaucoup d'âmes de si grands tourments. "

" Quand j'arrive en ce lieu - écrit-elle le dimanche 26 mars - j'entends des cris de rage et de joie infernale parce qu'une âme de plus est plongée dans ces tourments! (…) Je n'ai plus conscience à ce moment d'être déjà descendue dans l'enfer; il me semble toujours que c'est la première fois. Il me semble aussi y être pour l'éternité et c'est ce qui me fait tant souffrir, car je me rappelle que je connaissais et que j'aimais Notre-Seigneur, que j'étais religieuse, qu'Il m'avait fait de grandes grâces et donné de nombreux moyens pour me sauver. Qu'ai-je donc fait pour perdre tant de biens?... Comment ai-je été si aveugle?... Et maintenant, il n'y a plus de remède!... Je me souviens aussi de mes communions, de mon Noviciat. Mais ce qui me tourmente le plus, c'est que j'aimais tant le Cœur de Jésus! Je Le connaissais et Il était tout mon Trésor.... Je ne vivais que pour Lui!... Comment vivre maintenant sans Lui?... sans L'aimer?... enveloppée de ces blasphèmes et de cette haine?

Mon âme est oppressée et brisée à un point que je ne peux pas expliquer, car c'est indicible.... »"

Souvent aussi, elle assiste aux efforts acharnés du démon et de ses satellites pour arracher à la Miséricorde des âmes dont il est sur le point de faire sa proie. Ses souffrances semblent bien être alors, dans les Plans de Dieu, la rançon de ces pauvres âmes qui lui devront la grâce victorieuse du dernier instant.

« Le démon - écrit-elle le jeudi 30 mars - est plus furieux que jamais, car il veut perdre trois âmes. Il criait avec fureur aux autres:

" - Qu'elles ne s'échappent pas... elles s'en vont... allez, allez ferme! "

Et j'entendais des cris de rage qui lui répondaient de loin. »

Deux ou trois jours de suite, elle est témoin de cette lutte.

« Je suppliai Notre-Seigneur de faire de moi tout ce qu'Il voudra, pourvu que ces âmes ne se perdent pas - écrit-elle en revenant de l'abîme, le samedi 1er avril. - Je me tournai aussi vers la Sainte Vierge et Elle me donna une grande paix, car Elle me laissa décidée à souffrir n'importe quoi pour les sauver. Je crois qu'Elle ne permettra pas que le démon ait la victoire. »"

Le dimanche 2 avril, dimanche de la Passion, elle écrit de nouveau:

« Le démon criait:

" - Ne les lâchez pas! Soyez attentifs à tout ce qui peut les troubler... qu'elles ne s'échappent pas!... obtenez qu'elles se désespèrent!... "

C'était une confusion de cris et de blasphèmes. Tout à coup, jetant un hurlement de rage, il cria:

" - Peu importe! il m'en reste encore deux. Enlevez-leur la confiance! "

Je compris que l'une de ces âmes venait de lui échapper pour toujours.

" - Vite, vite... - rugissait-il - que ces deux-là n'échappent pas! Saisissez-les, qu'elles se désespèrent!... Vite... elles s'en vont! "

Alors, il se fit dans l'enfer comme un grincement de dents et, dans une fureur indescriptible, le démon rugit:

" - Oh! Puissance!... Puissance de ce Dieu!... qui a plus de force que moi!... Une me reste encore... et celle-là je ne Le laisserai pas s'en emparer. "

L'enfer ne fut plus qu'un cri de blasphème dans un désordre de plaintes et de gémissements. Je compris alors que ces âmes étaient sauvées. Mon cœur fut rempli de joie, quoique dans l'impossibilité de faire un seul acte d'amour, malgré son besoin d'aimer.... Cependant, je ne sens pas cette haine de Notre- Seigneur qu'ont ces malheureuses âmes qui m'entourent, et quand je les entends maudire et blasphémer, c'est une douleur telle, que je souffrirais je ne sais quoi pour qu'Il ne soit plus ainsi outragé et offensé. Ce dont j'ai peur, c'est qu'avec le temps, je ne devienne comme les autres. C'est ce qui me fait tant souffrir, car je me rappelle toujours combien je L'aimais et comme Il était bon pour moi! »


SAINTE FAUSTINE KOWALSKA

Sainte Faustine Kowalska a visité l’enfer:

Elle nous dit: « J’ai vu beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su garder le silence. Elles me l’ont dit elles-mêmes, lorsque je les questionnais pour savoir ce qui avait cause leur perte. C’était des âmes religieuses. »

Sainte Faustine nous dit encore dans son Petit Journal:

« Aujourd’hui j’ai été dans les gouffres de l’enfer, introduite par un ange. C’est un lieu de grands supplices et son étendue est terriblement grande.

Genres de supplices que j’ai vus:

Le premier supplice qui fait l’enfer, c’est la perte de Dieu; le deuxième – les perpétuels remords; le troisième – le sort des damnés ne changera jamais; le quatrième supplice – c’est le feu qui va pénétrer l’âme sans la détruire, c’est un terrible supplice, car c’est un feu purement spirituel, allumé par la colère de Dieu; le cinquième supplice – ce sont les ténèbres continuelles, une terrible odeur étouffante et malgré les ténèbres, les démons et les âmes damnées se voient mutuellement et voient tout le mal des autres et le leur; le sixième supplice c’est la continuelle compagnie de Satan; le septième supplice – un désespoir terrible, la haine de Dieu, les malédictions, les blasphèmes.

Ce sont des supplices que tous les damnés souffrent ensemble, mais ce n’est pas la fin des supplices. Il y a des supplices qui sont destinés aux âmes en particulier. Ce sont les souffrances des sens. Chaque âme est tourmentée d’une façon terrible et indescriptible par ce en quoi ont consisté ses péchés. Il y a de terribles cachots, des gouffres de tortures où chaque supplice diffère de l’autre. Je serai morte a dit Sainte Faustine à la vue de ces terribles souffrances, si la toute puissance de Dieu ne m’avait soutenue. »

Sainte Faustine nous dit encore:

« Que chaque pêcheur sache: Il sera torturé durant toute l’éternité par les sens qu’il a employés pour pécher. J’écris cela sur l’ordre de Dieu pour qu’aucune âme ne puisse s’excuser disant qu’il n’y a pas d’enfer, ou que personne n’y a été et ne sait comment c’est. Moi, Sœur Faustine, par ordre de Dieu, j’ai été dans les gouffres de l’enfer, pour en parler aux âmes et témoigner que l’enfer existe. J’ai l’ordre de Dieu de le laisser par écrit. Les démons ressentaient une grande haine envers moi, mais l’ordre de Dieu les obligeait à m’obéir. Ce que j’ai écrit est un faible reflet des choses que j’ai vues.

J’ai remarqué une chose: Qu’il y a là-bas beaucoup d’âmes qui doutaient que l’enfer existe.

Quand je suis revenue à moi, je ne pouvais pas apaiser ma terreur de ce que les âmes y souffrent si terriblement, c’est pourquoi je prie encore plus ardemment pour la conversion des pécheurs, sans cesse j’appelle la miséricorde divine sur eux. »


SŒUR LUCIE DE FATIMA

Le secret de Fatima.

« Le secret de Fatima comprend trois choses distinctes;

La première fut la vision de l’enfer. Notre Dame nous montra une grande mer de feu, qui paraissait se trouver sous la terre et, plongés dans ce feu, les démons et les âmes, comme s’ils étaient des braises transparentes, noires ou bronzées, avec une forme humaine. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes, qui sortaient d’elles-mêmes avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles retombent dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, avec des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. Les démons se distinguaient par leurs formes horribles et dégoûtantes d’animaux épouvantables et inconnus, mais transparents et noirs. Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre Mère du ciel, qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au ciel. S’il n’en avait pas été ainsi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur.

Ensuite nous levâmes les yeux vers Notre-Dame qui nous dit avec bonté et tristesse:

Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon cœur immaculé. Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes seront sauvées et on aura la paix. »

(Source: MEMOIRES VISION DE L’ENFER)


Message de 1957.

Message de Lucie transmis en 1957 au Père Agostino Fuentès, postulateur de la cause de béatification de François et de Jacinthe, les deux autres enfants voyants de Fatima

Père A. Fuentès: « Je vous apporte un message d'extrême urgence: Le Saint Père m'a permis de rendre visite à Lucie maintenant à Coimbra, devenue Carmélite déchaussée. Elle me reçut, remplie de tristesse, elle est amaigrie et très affligée. Elle dit en me voyant:

« Père, la Madone est très mécontente, car on n'a pas tenu compte de son message de 1917.

Ni les bons, ni les méchants, n'en ont fait de cas, les bons poursuivent leur chemin sans se préoccuper, n'écoutant pas les directives célestes, et les méchants marchent dans la voie large de la perdition, ne tenant aucun compte des châtiments qui les menacent.

Croyez-moi, mon Père, le Seigneur châtiera le monde très vite. Le châtiment est imminent.

Le châtiment matériel arrivera très vite. Pensez, mon Père, à toutes les âmes qui tombent en enfer, et cela arrivera parce qu'on ne prie pas et qu'on ne fait pas pénitence. Tout ceci est la raison de la tristesse de la Sainte Vierge. Père, dites à tous que la Madone me l'a annoncé très souvent: beaucoup de nations disparaîtront de la surface de la terre.

La Russie sera le fléau choisi par Dieu pour châtier l'humanité si nous, par la prière et les Sacrements, nous n'obtenons pas la grâce de sa conversion.

Dites-le, Père. dites que le démon entreprend la bataille décisive contre la Madone.

Ce qui afflige le Cœur Immaculé de Marie et celui de Jésus, c'est la chute des âmes religieuses et sacerdotales. Le démon sait que les religieux et les prêtres, en manquant à leur belle vocation, entraînent de nombreuses âmes en enfer. Il est tout juste temps d'arrêter le châtiment du Ciel, nous avons à notre disposition deux moyens très efficaces: la prière et le sacrifice.

Le démon fait tout ce qu'il peut pour nous distraire et nous enlever le goût de la prière. Nous nous sauverons ou nous nous damnerons ensemble. Toutefois mon Père, il faut dire aux gens qu'ils ne doivent pas rester à espérer un appel à la pénitence et à la prière, ni du Souverain Pontife, ni des évêques, ni des curés, ni des supérieurs généraux.

Il est grand temps que, de sa propre initiative, chacun accomplisse de bonnes et saintes œuvres et réforme sa vie selon les désirs de la Madone. Le démon veut s'emparer des âmes des consacrés, il essaie de les corrompre pour endurcir les autres dans l'impénitence finale. Il emploie toutes les ruses allant même jusqu'à suggérer de retarder l'entrée dans la vie religieuse; il en résulte la stérilité de la vie intérieure et la froideur chez les laïques au sujet du renoncement aux plaisirs et de la totale immolation à Dieu. Dites, Père, que deux choses furent à la base de la sanctification de Jacinthe et de François: l'affliction de la Madone et la vision de l'enfer...

La Madone se trouve placée comme entre deux épées; d'un côté elle voit l'humanité obstinée et indifférente devant les châtiments annoncés; de l'autre elle nous voit qui profanons les Sacrements et méprisons le châtiment qui s'approche en restant incrédules, sensuels et matérialistes.

La Madone a dit expressément: " Nous abordons les derniers temps... "

Elle m'a dit ceci en trois fois:

a) Premièrement elle affirme que le démon a engagé la lutte décisive, c'est-à-dire finale d'où l'un des deux sortira vainqueur ou vaincu. Ou nous sommes avec Dieu, ou nous sommes avec le démon.

b) La seconde fois elle m'a répété que les ultimes remèdes donnés au monde sont le Saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Ultimes signifie qu'il n'y en aura pas d'autres.

c) La troisième fois elle m'a dit que les autres moyens dédaignés par les hommes étant épuisés, elle nous donne - en tremblant - la dernière ancre du salut qui est la Sainte Vierge, en personne (peut-être ses nombreuses apparitions, les signes des larmes, les messages des divers voyants répandus dans toutes les parties du monde).

La Madone m'a dit encore que si nous ne l'écoutions pas et l'offensions encore, nous ne serions plus pardonnés. »


(Extrait du Messager del Cuore di Maria n° 8 du 9 août 1961 publié à Rome avec autorisations officielles, cité par "Présence de la Très Sainte Vierge à San Damiano", Jean Gabriel, Nouvelles Editions Latines)


JACINTHE DE FATIMA

Lucie: « Excellence, je vous ai déjà dit, dans les notes que je vous ai envoyées, après avoir lu le livre sur Jacinthe, qu’elle était très impressionnée par certaines choses révélées dans le secret. Il en était réellement ainsi. La vision de l’enfer l’avait horrifiée à un tel point que toutes les pénitences et les mortifications lui semblaient être insuffisantes pour arriver à préserver quelques âmes de l’enfer.

Eh bien, maintenant, je vais déjà répondre à la seconde question qui m’a été adressée de plusieurs côtés. Comment se fait-il que Jacinthe, si petite, ait pu être possédée d’un tel esprit de mortification et de pénitence?

Il me semble que ce fut, d’abord, par une grâce spéciale que Dieu a voulu lui accorder par l’intermédiaire du Cœur immaculé de Marie, mais aussi, parce qu’elle a vu l’enfer et le malheur des âmes qui y tombent.

Certaines personnes, même pieuses, n’aiment pas parler aux enfants de l’enfer, afin de ne pas les effrayer. Mais Dieu n’a pas hésité à le montrer à trois enfants, dont l’une avait à peine six ans et il savait bien qu’elle en serait horrifiée, au point de se consumer de frayeur, j’ose le dire.

Jacinthe s’asseyait souvent par terre ou sur quelque pierre et, pensive, commençait à dire: « Oh l’enfer! oh l’enfer! Que j’ai pitié des âmes qui vont en enfer! Et les personnes qui sont là, vivantes, à brûler comme du bois dans le feu! » Et, à demi tremblante, elle s’agenouillait, les mains jointes, pour redire la prière que Notre Dame nous avait apprise: «O mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer, conduisez au Paradis toutes les âmes surtout celles qui en ont le plus besoin».

Maintenant, Votre Excellence comprendra pourquoi j’ai conservé l’impression que les dernières paroles de cette prière se rapportent aux âmes qui se trouvent dans un plus grand ou plus imminent danger de damnation. Et Jacinthe demeurait ainsi pendant longtemps agenouillée, répétant la même prière. De temps en temps, elle m’appelait ou appelait son frère (comme si elle s’éveillait d’un songe): « François, François, vous priez avec moi? Il faut beaucoup prier pour sauver les âmes de l’enfer! Il y a tant qui vont là-bas! tant! » D’autres fois, elle demandait: « Comment se fait-il que Notre Dame ne montre pas l’enfer aux pécheurs? S’ils le voyaient, ils ne pécheraient plus, pour ne pas y aller. Tu dois dire à cette Dame de montrer l’enfer à tous ces gens (elle voulait parler de ceux qui se trouvaient à la Cova da Iria au moment de l’Apparition). Tu verras qu’ils se convertiront! » Après, un peu mécontente, elle me demandait: «Pourquoi n’as-tu pas dit à Notre Dame de montrer l’enfer à ces gens? »

- J’ai oublié, répondis-je.

- Moi aussi, j’ai oublié! disait-elle d’un air triste.

Quelquefois, elle demandait encore:

- Quels péchés ces gens commettent-ils pour aller en enfer?

- Je ne sais pas. Peut-être le péché de ne pas aller à la messe le dimanche, de voler, de dire de vilaines paroles, de maudire, de jurer.

- Et ainsi, pour une seule parole, ils vont en enfer?

- Oui, car c’est un péché.

- Qu’est ce que cela leur coûterait de se taire et d’aller à la messe! Quelle piété me font les pécheurs! Ah! si je pouvais leur montrer l’enfer!

Quelquefois, soudainement, elle s’accrochait à moi et disait: « Je vais aller au ciel. Mais toi qui vas rester ici, si Notre Dame le permet, dis à tous ces gens comment est l’enfer, afin qu’ils ne commettent plus de péchés et qu’ils n’y aillent pas ».

D’autres fois, après avoir réfléchi un moment, elle disait: Tant de monde qui tombe en enfer! Tant de monde en enfer!

Afin de la rassurer, je lui disais:

- N’aie pas peur! Tu iras au ciel.

- Oui j’irai, disait-elle paisiblement, mais je voudrais que tous ces gens y aillent aussi!

Lorsque, par mortification, elle ne voulait pas manger, je lui disais:

- Jacinthe, allons, mange maintenant.

- Non! J’offre ce sacrifice pour les pécheurs qui mangent trop.

Quand, déjà malade, elle allait à la messe un jour de semaine, je lui disais:

- Jacinthe, ne viens pas, tu n’en as pas la force; aujourd’hui ce n’est pas dimanche.

- Peu importe, j’y vais pour les pécheurs qui n’y vont même pas le dimanche.

S’il lui arrivait d’entendre une de ces paroles trop libres que certaines personnes se font gloire de prononcer, elle se couvrait la figure de ses mains et disait: « O mon Dieu! ces gens ne savent pas qu’en disant ces choses, ils risquent d’aller en enfer? Pardonnez-leur, mon Jésus, et convertissez-les. Certainement, ils ne savent pas que cela offense Dieu. Quelle pitié, mon Jésus! Je prie pour eux». Et elle répétait alors la prière enseignée par Notre Dame: « O mon Jésus, pardonnez-nous, etc ».

Ici, Excellence, il me vient à l’esprit une réflexion. Quelquefois on m’a demandé si Notre-Dame, à l’une des apparitions nous avait indiqué quelle sorte de péchés offensait davantage Dieu.

D’après ce que l’on dit, Jacinthe, à Lisbonne, a nommé le péché de chair.

Comme c’était une des questions qu’elle me posait quelquefois, je pense maintenant qu’elle l’a peut-être aussi posée à Notre Dame, à Lisbonne, et que Celle-ci le lui a indiqué. »

 

APPARITIONS DE L'ESCORIAL (MME LUZ AMPARO)

Justice de Dieu

Un jour il m'est arrivé d'avoir de La compassion pour ceux qui étaient en enfer, alors le Seigneur s'est fâché et il m'a dit: « Tu es en train de juger comme si Je n'étais pas Juste envers les âmes. Combien de fois t'ai je dit que les âmes qui se condamnent le font de leur plein gré! Moi J'ai œuvré avec Justice en tant que Juge Suprême. Ne doute jamais de la Justice de Dieu! ».

L'enfer est l'unique lieu qui est sans issue. Ceux qui y vont, y vont de leur plein gré parce qu'ils maudissent Dieu. Ils ne veulent pas sortir de l'enfer même s'ils souffrent parce qu'ils haïssent Dieu.

Si Satan s'était humilié, s'il avait été humble, Dieu lui aurait pardonné. Mais à cause de son orgueil, il n'a pas voulu s'abaisser. Dieu n'oblige aucune âme, elle se condamne par sa propre volonté. L'orgueil de ces âmes en arrive à un point tel qu'elles ne reviennent pas en arrière, même condamnées.

Mais Dieu commande et peut sauver les hommes jusqu'au dernier moment. Dieu peut pardonner à qui il veut jusqu'au dernier moment.

(Escorial 03 novembre 2002 )

La Très Sainte Vierge: « Malheur à ceux qui n'écoutent pas ma voix, malheur à ceux qui, l'ayant entendue, l'abandonnent! Pauvres âmes, ceux qui se comportent ainsi, Je les chasse loin de moi, parce qu'ils ne veulent pas que

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Verlag: BookRix GmbH & Co. KG

Tag der Veröffentlichung: 08.04.2016
ISBN: 978-3-7396-4768-5

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