Cover

La vie s’habille avec ce que nous lui donnons pour se vêtir. La mienne n’a guère changé ; elle est faite de romans lus et relus, parfois avec l’unique but obstiné de retrouver une seule phrase dont je ne me souviens que vaguement. Des rencontres aléatoires avec des gens qui veulent plus savoir sur toi puisque très vite ils sentent qu’au fond je ne suis pas seul. De « Le nom des gens » aussi, splendide, avec un Jacques Gamblin tel que j’aimerai l’être ; et de ce film qui porte un titre qui te va si bien, « Beetzy ». Quoi qu’il en soit, à travers des phrases lues ou dites, les rares airs de musique que tu connais tous, des paroles échangées, des images qui défilent aux grands et petits écrans, et malgré ton Adieu, chaque fois un désir puissant s’éveille en moi de te faire l’amour en amour. Partout où je suis, n’importe de ce que je fais, j’ai l’impression que nos regards se croisent quand je prononce ton nom. Et l’espoir fou, irraisonnable, pourtant si vital m’envahit que nos yeux ne perdront plus jamais leurs chemins.

La vie s’habille avec ce que nous gardons d’elle en souvenir. Les miens – quelle surprise ! - ont tous en commun qu’ils appartiennent à notre passé. Avec, chacun un pense-bête unique : des mots inscrits dans un manteau de neige, l’enseigne d’un café qui tangue dans un petit vent, la magie du parfum de la personne jadis à nos côtés, la musique du générique d’un film, un objet minuscule oublié dans un placard, la promesse de la douceur d’un printemps naissant, plein de promesses, des coquillages ramassés quelques part, à l’endroit si lointain, maintenant posés au bord d’un lavabo. Ils surgissent dans notre mémoire consciente parfois avec violence, comme une gifle qui vient de nulle part, parfois avec une douceur rêveuse, tendre, silencieuse, délicieuse. Et nous ne savons pas résister, sur le moment à ce déferlement du passé ; peut-être nous ne l’essayons même plus. Jusqu’à ce que l’instant de la vie prend le dessus et s’en sort tambour battant, vainqueur raisonnable. S’impose pour notre bien, enfin, pour notre mal, hélas, à notre regret, pour les reléguer à leur place véritable, l’oubli. La tête de mon frère qui ne vit que l’instant, et le passé ancestral. D’un tel sort resterait peut-être un c½ur un peu serré, un peu moins généreux ; et peut-être un jour nous déciderions de ne plus nous attacher, à rien ni à personne. Et peut-être nous penserions alors que ces souvenirs ne sont que des mots, les costumes des larmes, les chagrins de la culpabilité, les illusions acharnées nous miroitant que nous pourrions nous baigner deux fois dans le même fleuve. Non ! Que les Dieux nous préservent ces messagers qui nous rapprochent ce qui n’est plus, peintres de nos vies, sculpteurs de nous, de toi, de moi ton nuage noir.

Last but not least : La vie s’habille avec ce que nous prévoyons pour elle. Pas de rêves de richesse, même pas la décision d’arrêter la cigarette, le 31 décembre. Une seule certitude cependant : beaucoup d’années sont encore devant nous, peintes d’une envie de vivre, forte. Tu m’en avais donné la couleur.

Impressum

Tag der Veröffentlichung: 28.11.2011

Alle Rechte vorbehalten

Nächste Seite
Seite 1 /