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La page de titre

Les Pages de la Gloire Immortelle

Quelques Œuvres de L'érudit Humaniste

Mohammad Amin Sheikho

(Qu’Allah sanctifie son âme)

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Recueillies et réalisées par:

Le professeur pédagogue méritant

Abdoul-Khâdir Yahya Al-Dyrani

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Copyright © Amin-sheikho.com

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INTRODUCTION

Je cherche refuge auprès d’Allah contre Satan le lapidé

Au Nom de Dieu, le Tout Compatissant, le Tout Miséricordieux

{Parmi ceux que Nous avons créés, il y a une communauté qui guide (les autres) selon la vérité et par celle-ci exerce la justice.}

Le Noble Coran Sourate Al-A'râf (7): Verset (181)

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Louange à Allah, Seigneur de l'univers. Que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur Le Prophète Mohammad (Pbsl)1 lampe éclairante indiquée comme miséricorde pour l'humanité, sur sa famille et l'ensemble de ses compagnons.

* * *

Vous vous demanderez certainement comme moi, et comme beaucoup d'autres personnes d'ailleurs, comment un si grand érudit a pu accéder à une telle vérité alors que les érudits, les grands guides et les imans avant lui n’ont pu faire pareil? Je vous répondrais que rien ne s’acquiert sans effort.

En effet, les hommes se distinguent par leurs actes. Il en va de même pour les Envoyés de Dieu (Ar-Roussoul) et les nobles Prophètes (Al-Anbiyâ') … ainsi, chacun d'entre nous sera classé selon les actes qu’il aura posés.

Notre grand érudit Mohammad Amin Sheikho a reçu la connaissance d’Allah, et s’est distingué par des actes notoires ainsi que par ses grands et nobles sacrifices pour l'humanité. Allah ne lui a accordé que ce qu’il méritait.

Allah Tout-Puissant a dit: {Et c'est en toute vérité que Nous l’avons fait descendre (le coran) et avec la vérité il est descendu…}2.

APERÇU DE LA VIE DE L'EMINENT ERUDIT MOHAMMAD AMIN SHEIKHO (QU’ALLAH SANCTIFIE SON AME)

Une naissance honorable

Une étoile scintillait sur le ciel de Damas en une nuit bénie de l'an 1890 lorsqu'un commerçant originaire de cette ville, accueillait son nouveau-né. Le père témoigna tellement d'affection pour ce fils, reflet d'une intelligence manifeste et dont la beauté était semblable à celle d'une pleine lune. Dans son enfance, il était actif, intelligent, plein d’enthousiasme et de gaîté à tel enseigne qu'il faisait naître la sérénité et la joie de vivre dans les cœurs de ceux qui l’entouraient. Au fur et à mesure qu’il grandissait, il faisait montre d’une intelligence et d’une force de la personnalité accrues, ce qui l’élevait davantage aux yeux de ses parents. Ils l'adoraient, le soignaient, et lui témoignaient de l'affection et de la sympathie. Mais si tôt, alors qu'il était encore très jeune, la mort vint arracher son cher père après une longue maladie qui fit tant souffrir ce dernier.

La mort de ce père toucha énormément tous ceux qui le connaissaient car il laissait derrière lui une veuve et deux fils. M. Mohammad Amin avait à peine sept ans lorsqu’il devait se charger de protéger sa mère, de la défendre et de la mettre à l'abri de tout mal qui pouvait arriver à la famille après le départ de son père dans l’au-delà, et le voyage de son frère aîné Salim pour la Turquie.

Bien que devenu orphelin, Mohammad Amin se distinguait par sa patience face aux difficultés de la vie. Il a exercé une patience que même des hommes puissants n’ont pu, parce qu'il était membre d'une petite famille respectable ayant connu de nombreuses difficultés.

Le soleil de sa jeunesse et un aperçu de ses actes

De par son honorable lignage rattaché à celui du grand Messager Mohammad (Pbsl), Mohammad Amin pouvait, en ce temps là, côtoyer les plus hautes autorités gouvernant l’État de Turquie, afin que sa famille puisse habiter dans le quartier Sarouja qui était appelé «Petit Istanbul», lieu de résidence des hommes d’État turcs à l’époque. Il eut l'avantage de poursuivre ses études à l'Ecole Royale Ottomane de Damas à Amber.

Mohammad Amin acheva ses études à l’âge de dix-huit ans. Il sortit avec le grade d'officier de la sécurité. Il se distinguait de ses collègues par son courage exceptionnel, sa confiance, sa vérité, son ardeur au travail, sa persévérance et son travail remarquable. Il a dirigé plusieurs postes de police à Damas et est devenu directeur des comtés de cette ville. Il était exemplaire car une fois qu’il prit fonction, la paix et la sécurité s’installèrent dans sa zone d’intervention.

Il était l’œil qui veille et l’arme par excellence dans la besace au service de l’État. En effet, Lorsque l’État était confronté à un criminel ou à un crime, l’on sollicitait généralement son intervention. Lorsque la crainte, le meurtre, la corruption et la criminalité se répandaient dans une région, il était l’espoir, le sauveur qui écartait le danger et libérait le peuple.

Lorsque l’État de Turquie commença à vivre sa décadence, et que la flamme de l’Islam s’éteignait, la corruption et le chaos sévissaient dans le pays tout entier jusqu’au point où le crime, ayant atteint son seuil critique, rendait la vie difficile. Le danger se vivait au quotidien et l'obscurité de la nuit inspirait la terreur: sauf à Damas, ses campagnes et sa banlieue car la sécurité y régnait grâce à l'œil vigilant d'un homme au cœur charitable, et dont les efforts visaient la paix.

Dans sa carrière d'officier, il a affronté avec courage et hardiesse de nombreux criminels, apaisé plusieurs guérillas et en a arrêté les leaders. Toutes ses œuvres ont été couronnées de victoire et de soutien. Il a alors été surnommé «Aslan»3 qui signifie «le lion» pour son audace face au danger. Comme il s'appuyait sur Dieu en tout, il était le seul officier qui a pu combattre l’injustice et le terrorisme de telle sorte que les criminels et les bandits venaient se rendre par crainte de sa bravoure, et solliciter sa justice, son pardon et son contentement.

Par conséquent, il grimpait de grade en grade et, ayant travaillé dans différents postes de police de Damas, il fut nommé directeur de cette citadelle abritant les entrepôts et les prisons. Il est demeuré à ce poste pendant une longue période au cours de laquelle il a posé des actes glorieux et a fait montre d'une bravoure inédite. Il s'est montré d'une grande audace lorsqu’il a libéré des milliers de prisonniers condamnés à mort et les a mis au premier rang pour combattre contre les infidèles ennemis de la nation. Son action était à l'origine du retrait du gibet planté par Jamal Pacha, le bourreau, dans les marchés et les quartiers du pays et qui, chaque jour, scellait le destin de centaines de jeunes gens. Pour cette raison, sa vie fut plusieurs fois risquée, mais Allah de Sa Grâce, de Sa Grande Puissance et Son Assistance, le sauva.

Pendant la période sous mandat français, comme il était officier de la sécurité publique, on le reconduisit à son poste de directeur du district ou chef d’un poste de police, fonction qu'il a exercée jusqu’à la grande révolution syrienne. En raison de son amour pour Dieu et son noble souhait de servir son pays, il était le bras de fer des révolutionnaires et le nerf de la révolution. Tout reposait entre ses mains. Et par sa grande expérience, il inquiétait les forces françaises surtout lorsqu’il changeait une retraite en victoire. Il a livré aux révolutionnaires le plus grand entrepôt d’armes de la France à la Grande Syrie. La nuit, il faisait transporter aux révolutionnaires les armes que la France entreposait dans le château d’Anjar au Liban. (Haut-Commissaire), gouverneur de Syrie à l’époque, perdit la tête et demanda l’exécution de Mohammad Amin. Toutefois, LE TOUT-PUISSANT le sauva, lui et son assistant à partir de Son Verbe, et il devint par la suite un homme de grande confiance pour eux en dépit de leur sentence erronée.

L’orientation et l’invitation à Allah

Lorsque Mohammad Amin eut quarante ans, Dieu lui révéla Son Omniscience. Il commença à vivre en témoin oculaire de la récitation du Prophète (Pbsl) de l'«Al-Fâtiha»4, pendant sa prière (communication avec Dieu). Par la suite, il se mit à diriger ses disciples et portait tout haut le flambeau de l'orientation en toute force et dignité.

On l'appelait «Amin Bey»5 Son salon était très souvent fréquenté par la fleur de la jeunesse de la Syrie, du Liban et d'Iraq, qui réclamait l’onction de son printemps mohammadien, si riche et généreux quand il était question de créer une atmosphère de grâce, d'élévation et de félicité.

Si les nobles actes étaient cités… Dans nos horizons…

En vous l’exemple est donné… Pour chacun d’entre nous…

L'invité d'Allah entre la révélation et les grandes directives

Ses saintes assemblées se caractérisaient par d'exceptionnelles et attrayantes révélations dont le contenu, simple et riche, permettait d'entrevoir une totale réalité. Ses paroles atteignaient leur cible et retombaient calmement et paisiblement dans les cœurs de ceux qui l'écoutaient, alors qu’une lumière les traversant, permettait à leurs esprits de s’élever davantage.

Il effaça l’obscurité, résolut les contradictions et enfin oblitéra les écoles intrigantes et les arguments infondés qui ont créé dans la pensée des hommes un grand écart entre eux et leur Dieu. Il parlait aux hommes de l'existence de Dieu et magnifiait ses Attributs... un Dieu Miséricordieux, Compatissant, Sage, Juste, Pourvoyeur du profit, Donateur, un Dieu qui mérite d’être adoré car à lui appartiennent la beauté, la perfection et le dernier mot. Il est loué même dans le malheur car ce dernier est souvent une cure, un don. Il n’a point besoin ni de création ni de notre allégeance, ni même de notre obéissance car Il est Riche et nous sommes pauvres. Aussi, notre obéissance concourt à notre propre bien et profit. Nous devons L'avoir en nous afin d'entrer dans le règne lumineux de la foi, pour ainsi être protégé du malheur et de l’adversité.

La noble histoire de sa vie était une interprétation par excellence et un vrai plan d'une merveilleuse révélation qu’il devait transmettre. Cette révélation comportait des faits pour lesquels les genoux fléchissent. La réalité était une lumière, la forme une preuve et la vraie pratique un guide. Sa révélation n'avait point d'égale ni dans le monde des civilisations ni parmi les lois positives de la vie d'aujourd'hui. Pourquoi sommes-nous créés? Quel est le but de cet univers? À quoi servent les rituels religieux? À quoi servent le jeûne et sa rupture pendant le ramadan? Quels sont le rendement et le bénéfice de la prière? Pourquoi le pèlerinage dans le désert où il n’y a ni eau ni arbre? Pourquoi existons-nous? D’où venons-nous? Pourquoi la mort? Et que nous réserve l'au-delà? Qu’est-ce que l’esprit? Qu’est-ce que l’âme? Qu’est-ce que la pensée? Qu’est-ce que le Paradis? Qu’est-ce que l’Enfer? Qu’en est-il du problème du destin? Qu’est-ce que c’est que le monde pré-matériel (le monde des esprits)?

Les interrogations sur des faits réels n’ont pas surgi dans les pensées des hommes parce qu'ils étaient si plongés dans le monde de tentation et ses déceptions qu’ils ont oublié de fouiller ses secrets dans les livres de l’existence. Le célèbre savant anglais contemporain, Sir John Bennet, lors d'une de ses rencontres avec des savants occidentaux, disait:

«En effet, toutes les Sciences que nous avons acquises n'atteignent pas le ciel de sciences que possède ce grand érudit de l’Orient»

L'invitation (appel) à Dieu d'Amin Bey est fondée sur une logique qui n'a jamais fait l'objet de discorde: {Dis: Voici ma voie, j’appelle les gens (à la religion) d'Allah, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente. Gloire à Allah! Et je ne suis point du nombre des associateurs}6.

À la lumière de cet honorable Ayah (verset coranique), il se mit à appeler à la religion de Dieu. Pendant plus de trente ans, son appel est centré sur les points suivants:

1- Informer sur la consommation du Dieu Tout-Puissant, et prouver Sa Miséricorde à Son peuple obéissant et Sa Justice à l'égard de Sa création. Il réfutait tout ce qui était produit dans les pensées humaines ainsi que tout ce qui se disait en contradiction avec la Justice, la Clémence, la Miséricorde et toute autre consommation divines. Son guide était la parole de Dieu:

{Et c'est à Allah qu'appartiennent les noms les plus beaux. Invoquez-Le par ces noms (Attributs) et laissez ceux qui profanent Ses noms: Ils seront rétribués pour ce qu'ils ont fait}7.

2- Révéler la mission accomplie des Messagers (Pbsl), dont la pureté d'âme et le caractère irréprochable sont attestés par Dieu dans son livre glorieux. Dieu fit d’eux des exemples suprêmes afin que le monde soit dirigé par eux, tel qu’il est écrit dans le livre intitulé: "infaillibilité des Prophètes". Un livre dont pareil n'eut jamais été rédigé, réfutait toute allégation ou exégèse en désaccord avec la sublimité des Messagers et leur rang élevé, étayant ainsi la parole de Dieu qui dit:

{Voila ceux qu’Allah a guidés: suis donc leur direction…}8.

3- Appeler les hommes à se conformer aux honorables préceptes d'Allah afin d'être véritablement des hommes de piété (reflet de la lumière divine). Mettre en garde les hommes contre les égarements d'esprits, contre les dangers de la dépendance des paroles vaines et les ramener à l'écoute de la parole de Dieu: {Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne retrouvera en sa faveur, hors d'Allah, ni allié ni secoureur}9.

Appeler également à la tradition du Prophète Mohammad (Pbsl) qui dit: «Celui qui possède le discernement est celui qui s’accuse lui-même et travaille pour ce qui vient après la mort, et l’infirme est celui qui suit ses caprices et demande à Dieu d'exaucer ses vœux».

4- Diriger les hommes sur le chemin de la vraie foi, lequel est indiqué par le Messager (Pbsl) à ses nobles compagnons et se trouve dans le livre de Dieu. Nul n’aura le cœur rempli du plaisir de la foi qu'en se conformant à l'Ordre de Dieu, et en renonçant à ses propres désirs (à Commettre le péché). Dieu en fait mention dans les saintes écritures: {...Et quiconque croit en Allah, (Allah) guide son cœur…}10.

5- Révérer l’Envoyé de Dieu (Pbsl), Le glorifier et montrer la position de choix qu'Il occupe auprès d'Allah. Emuler le Prophète (Pbsl) dans sa façon d'aimer, et faire découvrir l'intérêt qu'on récolte à aimer cet âme pur et chaste, en entrant dans le royaume d'Allah à travers Lui et mourir dans un âme de croyance. Emuler le Prophète dans sa perfection en Dieu, comme l'enseigne le Verbe: {Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui; ceux-là seront les gagnants}11.

Cet homme pur a consacré un temps précieux à se battre dans le but de se rapprocher d'Allah. Et grâce à cette proximité, il a atteint les hauts rangs qui lui permirent d'accomplir ses devoirs.

Il a réalisé de grands exploits, accompli des œuvres pieuses du saint combat humain et consenti d'énormes sacrifices humains pour que sa vie soit l'exemple parfait de comportement, de soutien du juste à travers des actes héroïques sans pareil qui ont vaincu et anéanti le mensonge.

Il a consacré sa noble vie au service des hommes. Il s'est battu contre la tendance de l'époque contre vents et marées. Les jours tristes de Damas furent changés, grâce à lui, en de beaux jours reluisant d'espoir, parés de ses œuvres et de la grâce bienveillante de ses sacrifices. Il travaillait sans répit.

Ses paupières ne se fermaient que le temps d'une petite sieste lui permettant de voler au secours de ceux des humains qui étaient accablés par le chagrin, la tristesse et la souffrance; ne se souciant ni de la mort ni de la peine capitale ou de l’argent et des concessions qu’il a dû payer pour l'œuvre de Dieu.

Il s'est retrouvé plusieurs fois sans un sou, malgré la fortune qu'il avait auparavant. Il n’est pas surprenant qu'il ait reçu de Dieu cette révélation manifeste au cours d'une nuit sacrée, afin de témoigner du Règne de Dieu et d'être élevé en âme dans le monde mohammadien sacré et noble qui lui était destiné de par sa véracité, ses efforts et ses sacrifices. De même, quiconque s'évertue à atteindre cet objectif et demeure véridique dans son amour et sa quête de Dieu et de son Messager (Pbsl), trouvera la porte ouverte pour lui ou tout autre fidèle disposé.

Adhésion à la Grande Camaraderie (sa mort)

C’est ainsi qu'il a passé une vie digne, pleine de la connaissance de Dieu sans laquelle il n'aurait pas connu la paix du cœur, et sans laquelle les hommes ne peuvent atteindre le bonheur. Il était la lampe qui, grâce au livre de Dieu, éclairait le chemin des générations en quête du bonheur et la lanterne qui menait l’humanité à la félicité, à l'accomplissement, à la vertu et à une vie agréable aux yeux de Dieu, jusqu’au jour où il adhéra à la Grande Camaraderie en début du mois de Rabi’ Al-Thani de l’année hégirienne (1384) (1964). Il fut inhumé au cimetière du Prophète de Dieu ‘Dhi Al- Kifl’ au quartier Al-Salihiya.

Allah Tout-Puissant a dit: {Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Allah, fait bonne œuvre et dit: je suis du nombre des Musulmans}12.

Prof. A. K. Yahya Al-Dyrani

Chercheur et penseur islamique

(1) LE GRAND SAINT

Il était une fois, il y a plus d’une centaine d’années, un peuple qui vivait dans le bonheur et la simplicité. Leurs maisons, bâties à la façon des Arabes, étaient faites d’argile, disposaient de larges cours, et avaient des pièces éclairées la nuit à la lampe à huile, puisque à cette époque l’électricité n’existait pas.

Des jardins et des arbres entouraient les maisons et leurs cours étaient parées de magnifiques parterres. Les roses et les plantes étaient vivement arrosées par de splendides cours d’eau qui égayaient les âmes et charmaient les yeux. Ils étaient alimentés par le courant fort et frais des principaux fleuves.

Tout allait à merveille: les pluies étaient abondantes, et la terre produisait généreusement. L'on se couchait tôt et se réveillait au petit matin pour prier; il n’y avait ni bruit de véhicules ni fumée des usines, encore moins des accidents de la circulation ou des catastrophes. La tranquillité et la paix régnaient, les gens s’aimaient l’un l’autre (dans une certaine mesure) et étaient unis l’un à l’autre. C’est à ce moment que notre histoire commence.

Ismaël, le hadji, allait et revenait le long du couloir, attendant avec impatience la venue de son enfant nouveau-né.

C’était un remarquable commerçant religieux, d’une grande vertu morale et d’une conduite louable. Il était vraiment noble, généreux et brave.

Quelques heures plus tard, Um Salim, sa femme, accoucha sans difficulté.

C’est un garçon!

Un nouveau-né venait au monde. L'éclat de Son apparence surpassait celui de la pleine lune et sa beauté était sans pareil. Lorsque la bonne nouvelle lui parvint, Ismaël, le hadji, devint extrêmement heureux.

«Allah vient de te donner un enfant mâle…Il est aussi beau que la lune…Alors, quel nom lui donneras-tu?!»

Il dit: «Dieu soit loué…Dieu soit loué, que toute la gloire lui revienne. Son nom sera Mohammad Amin s’il plaît à Dieu.»

Le jeune «Mohammad Amin grandit aux côtés de sa mère, rassuré de l’amour de son père. Sa vie était faite d’admiration, de bien-être et de cadeaux. Son père l’aimait tellement que, chaque matin, avant de quitter la maison pour le travail, il remettait toujours une majidi (l’équivalent d’une demi livre d’or) à la mère de l’enfant, en disant: «Um Salim, prends cette majidi comme argent de poche de notre fils aujourd’hui. Donne-la-lui quand il sortira pour jouer dans le quartier.» Elle prenait la pièce et la gardait.

Lorsqu’arrivait l’heure de sortie du petit héros, ce dernier venait vers sa mère et tendait la main, sans mot dire; alors, elle sortait la majidi, la mettait dans sa tendre petite main.

Ensuite, elle se courbait et l’embrassait, lui recommandant de prendre soin de lui-même, de peur qu’il se fît mal ou se blessât.

Après qu’il avait reçu son argent de poche, il le gaspillait sur ses petits amis, lesquels l'accueillaient chaleureusement. Pas étonnant, car il était leur gentil patron et un dirigeant intelligent et génial.

Quand monsieur Mohammad Amin regardait ses pauvres amis, un sentiment de compassion se dégageait toujours de son cœur à leur endroit. Aussi avait-il l’habitude de recueillir leurs doléances et besoins, et d'y répondre à leur place. A d’autres, il donnait également de petites pièces, au point où la plupart de ses dépenses journalières étaient effectuées sur ses compagnons et amis.

Quel excellent compagnon, généreux et compatissant! Il ne retournait pas à la maison tant que sa poche n’était pas vidée, ayant en grande partie ou entièrement dépensé son argent sur ses amis.

Ce gentil et innocent patron avait gardé ces habitudes jusqu’à l’âge de sept ans. Un jour, Ismaël, le hadji, revint du travail pour la maison plus tôt qu'à l'accoutumée. Il gémissait de douleur sous le poids de la maladie. Lorsque son fils arriva, il l’appela. Alors le jeune garçon se présenta devant lui: «Oui, père, que m’ordonnes-tu de faire?»

Ismaël, le hadji, dit: «Mon cher fils! Viens ici…»

Puis, les yeux inondés de larmes, il jeta sur lui un regard plein d’amour, de pitié et de compassion. Il serra son fils bien-aimé contre sa poitrine et invoqua son créateur, d'une voix remplie d’espoir et de supplication, en disant: «Ô, mon Dieu! En ce qui concerne mon jeune fils Salim, je l’ai moi-même élevé. Qu’il te plaise de t’occuper de cet enfant (Mohammad Amin), parce je suis incapable de le faire.» Ismaël, le hadji, avait senti sa mort prochaine, et peu de temps après, il quitta ce monde pour être recueilli auprès de son créateur…Il mourut!

Il partit de ce monde, laissant derrière lui, seuls dans la maison, le petit orphelin et sa mère. Son fils aîné Salim, avait voyagé après sa formation à l’École Militaire Royale.

La mère était extrêmement triste du fait de la séparation d’avec l’homme de la maison.

Elle s’assit seule avec son petit orphelin, le contemplant avec des yeux tristes et larmoyants. Le reflet de sa tristesse apparut dans les beaux petits yeux verts de son fils, de sorte qu’elle pensa que lui aussi était triste. Il lui était douloureux de le voir dans cet état, quoiqu’ en fait, il ne fût pas triste à proprement parler, car il ne comprenait pas encore la portée d'une telle calamité à cause de son jeune âge. Néanmoins, elle pensait qu’il souffrait de ce tragique départ, tout comme elle. C'est pourquoi cette tendre mère essayait de trouver dans sa mémoire une histoire ou un conte de nature à réconforter son fils bien-aimé, et de libérer ce dernier de la tristesse qui semblait l'envahir. Elle était cependant, seule à vouloir porter la tristesse provoquée par l’absence du défunt.

Elle fouilla intensément dans sa mémoire au point d'en trouver deux événements qui, du vivant de son mari, avaient rendu le défunt particulièrement heureux. Elle coucha l’enfant puis, s’assit à son chevet, et se mit à lui conter la première histoire. Elle disait: «Mon cher fils, délice de mes yeux! Il y’a de cela sept ans, alors que je te portais encore dans mon sein; au cours des derniers mois, je me rendis au marché à la recherche d'une chose dont j'avais besoin…», et elle continua ainsi à raconter son histoire d’un ton empreint à la fois de joie et de tristesse. En effet, lorsqu’elle arpentait le marché à la recherche de certains articles, un homme nommé Ibn-Abidine passa près d’elle.

C’était un homme préoccupé par la quête perpétuelle d'Allah. Il écoutait plus son cœur que sa tête. En ce temps là, Ibn-Abidine était un homme d'une grande renommée à Damas, et bien connu de tous les citoyens.

Il s’approcha d’elle et, au moment de la devancer, celui-ci leva sa main, tapota le dos de cette femme enceinte de sa paume de main, et dit: «Tu portes en ton sein un très…, très…, grand13 saint …!» Sur ces entrefaites, il s’en retourna rapidement au marché et regagna l’endroit où il venait. Cependant, l’écho de sa voix répétait encore ces paroles: «très…, grand, très…, grand!»

La mère continua en disant: «Mon fils! Tout le monde sait que tout ce que cet homme, Ibn-Abidine, dit, finit par se réaliser, car les anges eux-mêmes, à travers lui, parlent et toutes ses actions sont bénies.

En effet, j’étais très heureuse à l’écoute d’une telle prédiction à ton sujet, selon laquelle tu deviendras un très grand saint.

Rapidement la nouvelle se répandit parmi les femmes du voisinage. Elles se la transmirent l’une à l’autre et vinrent me féliciter. C’est ainsi que le cœur de ton père (Paix à son âme) fut rempli de joie, car il savait que tu seras plein de bonté».

Le jeune Amine, couché dans son lit, écoutait silencieusement, attentivement et, regardait de ses yeux candides sa tendre mère, émerveillé par ses paroles douces, tendres et belles.

«Mon fils, ne te souviens-tu pas de ce jour, il y a trois ans, où tu as quitté la chambre de ton père?!» La mère continua son histoire, relatant ainsi le second événement dont elle s’était souvenue.

A travers cet événement, les souhaits et désirs de notre petit héros (qui vont bien au-delà de ceux des enfants de son âge) s'étaient clairement révélés, car à quatre ans, il le vit sortir de la chambre de son père, ayant autour de la tête un morceau d'étoffe blanche à la manière du turban des religieux. Il aspirait à devenir un guide du peuple vers Allah!!

Cependant, chose encore plus étrange, il prit également un béret militaire appartenant à son frère Salim, alors étudiant à l’Ecole Militaire Royale, qu’il posa sur le turban blanc.

C’était un chapeau d’officier! Il se croyait à cheval sur un bâton qu'il tenait entre les jambes. Il voulait devenir officier!

Lorsque ceux qui le regardaient le virent dans cette étrange posture, ils furent saisis de stupéfaction. Et à son défunt père de dire: «Mon fils! Notre trésor! Comment veux-tu assortir deux choses qui ne peuvent aller ensemble! Tu peux être soit un guide14, menant les hommes à Allah, soit un officier, mais pas les deux à la foi, car ces deux fonctions ne peuvent en aucun cas aller ensemble!»

Les yeux de l’enfant reluisaient de confiance et débordaient d’espoir, comme s’il était témoin de l’avenir radieux qui l’attendait. Il soliloqua: «Oui! Je serai à la fois un guide, menant les hommes à Allah, et un officier dans les forces de sécurité, maintenant l’ordre et la justice pour le peuple, garantissant leurs droits, et éradiquant l’injustice et le mal. Je ferais suivre ma parole par des actes!»

Les personnes présentes considéraient cette scène comme quelque chose de très improbable, qui ne pourrait jamais se réaliser. Cependant, le temps donna raison à cette prédiction inconsciente et imperceptible de l'avenir, car lorsqu’il devint grand, il devint un officier, un grand guide… et un érudit très respectable.

C'était un très grand saint…

En vérité, il avait prouvé qu’il était vraiment obéissant à Allah, car il posait des actes justes et équitables parmi les hommes, et mit fin à la criminalité et à la méchanceté.

Assise à son chevet, sa mère continua, d'un ton affectueux, d'expliquer les choses à son fils, dans un effort désespéré de le sortir de sa tristesse. Pendant ce temps, des souvenirs lui défilaient sans cesse sous les yeux, augmentant ainsi son chagrin, jusqu’au moment où son fils, sous le coup de la fatigue, succomba au sommeil. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle fut apaisée à son sujet. Elle se leva alors pour ajuster la lanterne de façon à diminuer la lueur, afin que se dégage d’elle une lumière faible et apaisante. Entre temps, le jeune prince continuait de dormir paisiblement et tranquillement.

* * *

(2) L’HISTOIRE DU BRAVE ET LA FEE

Une fois, ce garçon Amine suivit une conversation entre sa mère et une autre femme qui lui racontait une drôle d'histoire sur quelque chose qu'elle prétendait se passer chaque nuit. Elle disait que toutes les femmes du voisinage connaissaient cette histoire et en parlaient entre elles.

«Ô, Um Salim, n’as-tu pas entendu parler de la fée?»

«Quoi? La fée?!»

«Oui…la fée qui apparaît chaque jour dans l'enclos.»

«Non… non, au nom de Dieu je n’ai pas entendu parler d’elle…, Mais qui t’a raconté ça? Où as-tu entendu parler d’elle?»

«Toutes les femmes du voisinage sont au courant. Elles affirment que elle apparaît si une personne va à l’enclos après minuit et l’appelle, alors elle verra cette dernière et s’entretiendra avec elle. Elles ont dit que si quelqu’un l’attrapait, elle supplierait la personne de la laisser s'en aller, et en cas de refus de l’intéressé(e), elle lui proposait de formuler trois vœux, ainsi, elle pouvait être libérée quand elle les avait accomplis.»

L’écho de telles histoires s’est répercuté partout ailleurs, et cette nouvelle s’est largement répandue au point où tout le monde l’avait embrassée jusqu’à ce qu’elle les obséda et devint leur centre d’intérêt.

Tout le monde en parlait, et certains se sont mis à forger de fausses histoires dans le but de convaincre les gens qu’ils l’avaient vraiment vue.

Suite aux multiples dires sur cette histoire, qui parvinrent aux oreilles du petit Mohammad Amin, alors âgé de trois ans et demi seulement, il y crut en partie, mais pas complètement. Il ne pouvait être totalement convaincu tant qu’il n’était pas lui-même certain de ce qu’il avait entendu et de ce qu’il en savait.

Lorsque vint la nuit, notre enfant alla se coucher et feignit d’être endormi afin que sa famille n’eût point à se soucier de lui.

Cependant, à minuit, il quitta son lit et descendit l’escalier à pas de velours, laissant la maison, il se dirigea vers l’enclos où vivait la fée. Sacuriosité et son amour pour la découverte l’amenèrent à s’engager dans cette aventure dont l’objectif consistait à voir la fée de plus près.

Il avait pour intention de se saisir de la fée au cas où il la verrait, et de lui demander – pour sa libération – de réunir autour de lui tous les rois de la terre afin de leur suggérer d’adhérer à l’Islam. Au cas où ils refusaient, il les décapiterait.

Il atteignit le lieu indiqué et s’assit là, attendant l’apparition de la fée.

Comme il n’y avait aucun signe de sa présence, il commença à l’appeler et à frapper le sol de sa petite main, lui demandant de faire son apparition, mais personne ne répondit à son appel!

Son père se réveilla au milieu de la nuit pour veiller sur la sécurité de l’enfant qui dormait, mais il ne le trouva pas dans son lit, et toute la maisonnée se réveilla et se mit à le chercher partout.

Ils entraient dans chaque pièce en espérant le trouver, mais il n’y avait aucune de ses traces. L’inquiétude commença à envahir leurs cœurs. Il était environ minuit passée de quelques minutes. C’était vraiment quelque chose d’effroyable pour eux!

Lorsque l’espoir de le trouver dans la maison s’envola, l’un d’entre eux fit cette suggestion: «Allons chercher dans le jardin, ou nous pouvons le trouver dans l’enclos»

«Allons voir s’il s’y trouve.»

Ils se dirigèrent vers l’enclos tenant à leurs mains des torches pour éclairer le chemin obscur.

Dès qu’ils furent près de l’enclos, ils entendirent sa forte voix aiguë qui disait: «Toi, la fée! Pourquoi ne me réponds-tu pas? Allons! Je t’appelle et te demande de venir! Pourquoi ne réagis-tu pas?»

Ils se hâtèrent vers la voix, et il était là, assis à même le sol, répétant ces paroles et continuant à frapper fortement le sol, et appelant la fée avec insistance et courage, ce qui fit battre plus rapidement leurs cœurs d’admiration.

Ils se précipitèrent sur lui: «Que fais-tu, mon enfant? Qu’est-ce qui t’a amené ici à cette heure avancée de la nuit?»

Il répondit: «Je veux rencontrer la fée dont vous parlez.»

«Allons…Allons fiston…Rentrons à la maison et oublie cette histoire. Tu es encore un enfant et ces affaires ne devraient pas te préoccuper.»

Cependant, dans leur for intérieur, ils avaient honte d’eux-mêmes, pour avoir cru pareilles histoires et ils s’en voulaient. Les contes ne sont que des superstitions.

Sa famille, pour le protéger, lui dit en conséquence (en sa présence): «Vraiment, il y a un serpent terrifiant dans la mangeoire du cheval. Il mord et tue quiconque s’assied là.»

Alors il retourna à la maison en leur compagnie, malgré lui; mais cette affaire le tenait toujours à cœur, le préoccupait, et il s’intéressait à vérifier si elle était fondée ou pas.

Le jour suivant, au crépuscule du soir, il essaya de nouveau. Son cœur était résolu à ne pas laisser passer cette affaire sans en avoir tiré un raisonnement logique et probant. Et ressortir la vérité sur une question par des actes et des preuves tangibles, vous donnera la même conviction.

En fait, il se rendit au même endroit et fit la même chose qu’il avait faite avant, mais il n’y eut aucun résultat pour confirmer la véracité des histoires qu’il avait entendues. Il n’y avait que du silence, interrompu quelque fois par certains cris familiers, comme celui d’un criquet par-ci ou d'un chien par-là. Quant à la fée, aucun signe de présence ou de vie.

A ce moment, il réalisa que la conversation des femmes en rapport avec ce conte n’était qu'un tissu d'inepties (fausseté) et n’avait aucun lien avec la réalité. La confirmation du caractère mensonger du conte fut établie lorsque la troisième nuit, il se rendit de nouveau à l'enclos, à la même heure et pour le même but.

Après cette histoire, il décida de ne rien croire de ce qui lui était rapporté ou de ce qu’il avait entendu, quel que fut le sujet, avant de s’être assuré de la véracité de ce qui était dit, et ce sans chercher à suivre la masse afin d’en sortir avec un résultat qui le satisfît et apaisât son cœur.

* * *

(3) UN ÉPISODE D’UNE ENFANCE DE NOBLESSE

Depuis sa tendre enfance, monsieur Mohammad Amin avait une grande passion pour l’équitation.

Cependant, son père redoutait que son fils – alors âgé de cinq ans seulement – tombât du dos de la jument. Ainsi, il assigna à un palefrenier la charge d’empêcher son fils de monter à cheval.

Mais étant donné la perspicacité de ce petit garçon, la mesure adoptée par son père ne posa aucun problème. Ainsi, il se dirigea vers le valet et s’assit à ses côtés, puis se mit à lui tenir un discours divertissant, et de temps à autre, baillait sous prétexte de vouloir dormir, de façon à le faire succomber au sommeil pour parvenir à ses fins. L’homme ne put plus résister et il s’endormit. Alors tout doucement, il s’approcha de lui, et de sa petite main, s’empara paisiblement de la clé qui était accrochée à la ceinture du palefrenier. Ensuite il ouvrit la porte de l’étable.

Il prit soin de ne pas réveiller le palefrenier avec le bruit des sabots de l’animal pendant qu’il le faisait sortir de l’étable, en les recouvrant de morceaux d’étoffe. Il entraina la jument hors de l’étable, laissant l’homme totalement endormi, inconscient de ce qui se passait autour de lui. Puis, grâce à un mur bas, il monta à cheval et se lança dans une course contre le vent.

Il passa quelque temps à cavaler dans les parages et, ayant assouvi son désir, il rebroussa chemin et conduisit la jument dans l’étable de la même manière qu’il l’avait fait sortir. Ensuite, il referma la porte comme s’il n’avait rien fait et remit les clés à la ceinture du dormeur.

Cependant, d’étranges bruits provenant de l’intérieur de l’étable réveillèrent le valet. Et que ne fut son effroi lorsqu’il ouvrit la porte et vit le cheval tout en sueur! Il s’aperçut que le petit garçon l’avait fait sortir et commença lui aussi à transpirer. Son inquiétude s’accrut lorsqu’il se rendit compte que la jument, à cause de l’épuisement, était sur le point de mettre bas. En d’autres termes, la parturition allait être anormale.

Il craignait d’être repris par le père de l’enfant, car ce fils, qui n’était qu’un enfant, avait pu le tromper lui, un adulte.

En effet, la mise bas de la jument se compliqua lorsqu’une partie de son petit se montra, et que le travail cessa suite à la fatigue causée par l’exercice d’avec le jeune garçon. Décontenancé et poussé par la panique, l’homme résolut de tirer le fœtus du ventre de sa mère par la force, quoique cet acte ait pu causer la mort de la jument et de son petit. Sur ces entrefaites, une voix inattendue retentit à ses oreilles:

«Arrête!» C’était le garçon. Il cria sur le palefrenier, s’enfuit et disparut, mais revint aussitôt avec quelques haillons. Il en fit une corde, attacha le fœtus avec l’un des deux bouts et fixa l’autre à une lourde pierre qu’il laissa pendre vers le sol.

Ce léger poids permit au fœtus de sortir normalement sans se faire mal et sans causer des déchirures à sa mère.

La jument put ainsi donner naissance à son poulain en toute sécurité.

A l’âge de six ans, ce petit garçon accomplit une autre action qui dépassait l’entendement.

L’inquiétude que nourrissait son père de le voir tomber du dos de la jument ne l’avait jamais quittée. C’est pourquoi il était strict lorsqu’il donnait l’ordre au palefrenier de ne pas laisser le petit garçon monter à cheval. Par conséquent, ce petit génie prit son fidèle bouledogue, alla rencontrer le sellier pour seller son chien de la même manière que les chevaux sont sellés.

Debout face au sellier, il lui demanda de seller son chien.

Quand le sellier l’entendit, il lui fit cette réponse en riant:

«Oh fiston! C’est un chien, pas un cheval! Un chien peut-il être sellé?!»

Néanmoins, la réplique du garçon fut ferme: «Ne veux-tu pas un salaire pour ce travail?»

Alors il lui donna une forte somme d’argent.

Là-dessus, l’homme se mit à seller le chien pour lui comme on sellerait des chevaux.

Par la suite, le petit garçon put dompter ce chien agile, le dressa pour le monter et commença à l’entraîner à courir vite au point de devancer le plus svelte des chiens courants. Hélas! Une chose pareille avait suscité la rancœur chez les propriétaires de ces derniers. Peu de temps après, ceux-ci rendirent son chien aveugle par les balles de carabine qu’ils lui avaient tiré dans les yeux.

* * *

(4) UN ENFANT D’UNE MATURITE PRECOCE

Il franchit la porte et se tint derrière elle, avec dans sa main une pièce de dix bichli. Il la serra contre sa poitrine pendant un moment, puis la jeta en l’air, la rattrapa et l’introduisit dans sa poche.

Il remarqua une chose et prit une décision.

Voilà donc le jeune Mohammad Amin. Il avait sept ans et grandissait rapidement en taille et en grâce. Il était plein de vitalité et de gaieté. Des signes de virilité et des marques de noblesse se lisaient sur son apparence. Son regard de lynx contait l’histoire du passé. Ses mouvements répandaient des ondes de parfum tandis que ses traits physiques révélaient son génie. La pureté était son vêtement et la dignité sa couronne. Parmi ses pairs, il était semblable à une flamme qui jamais ne s’éteint.

Quant à son père, c’était un homme bon. Il était engagé dans des activités commerciales et connu pour son honnêteté et ses bonnes manières. Ses qualités louables lui ont valu d’être un marchand de renommée, qui offrait une vaste gamme de marchandises. Il était l’un des meilleurs parmi ses pairs. De plus, Dieu lui avait fait don de grands biens au point où il ne manquait de rien.

Pour chaque nouvelle journée, le père confiait une majidi –l’équivalent de la moitié d’une livre d’or – à sa femme comme argent de poche pour son fils, monsieur Mohammad Amin.

Aussitôt que ce dernier en prenait possession, il rejoignait ses amis qui avaient l’habitude de l’attendre et gaspillait tout cet argent sur eux. A certains il donnait quelques pièces, et à d’autres il achetait ce dont ils avaient besoin, de telle sorte qu’il n’y en avait aucun qui ne fut couvert de ses présents. En effet, il était pour ce groupe le maître généreux qui les comblait et le maître bienveillant qui les secourait. Malheur à ceux qui s’écartaient du chemin de la vertu ou enfreignaient les règles du code de l’éthique.

Lorsque le père au cœur pur mourut et fut enseveli, sa femme éprouva un profond chagrin, tant son mari lui manquait. Elle s’assit auprès de son fils de sept ans tout en pleurant à chaudes larmes et en poussant des gémissements à fendre le cœur. Cette perte l’avait durement éprouvée.

A la vue de son fils, elle fut remplie d’affliction à la pensée que celui-ci, comme elle, souffrait du départ du pilier de la famille. Elle ignorait cependant que ce n’était pas le cas, car en réalité, l’enfant était encore trop jeune pour mesurer l’ampleur de la situation. Tout ce qu’elle percevait, c’était l’expression de sa propre désolation sur le visage de son fils qui la regardait avec étonnement et stupéfaction.

Le matin du jour suivant, le jeune garçon vint auprès de sa mère et lui tendit la main comme à l’accoutumée, pour recevoir son argent de poche. Mais celle-ci feignit d’être occupée. Cependant, il ne bougea pas, attendant une réaction de la part de sa mère. A ce moment, elle se tâta la poitrine avec hésitation, puis se tortilla et se courba pour finalement sortir une pièce de dix bichli15 qu’elle remit à son fils. Elle était en sueur.

En la recevant, une ombre de curiosité se dessinait sur son visage. Il se demandait: «Pourquoi seulement dix bichli? Où est le reste? Qu’en est-il de la majidi? C’est bizarre! Pourquoi?» Néanmoins, il la prit et gagna la porte.

Aussitôt qu’il en franchit le seuil, il entra en méditation profonde qui finit par envahir son être innocent et son âme docile. Il se disait alors: «Celui qui prenait soin de notre famille et pourvoyait à nos besoins n’est plus. Il a travaillé dur pour assurer une vie décente à sa famille. Mais cette pauvre femme, comment peut-elle gagner de l’argent? Puisqu’elle ne peut quitter la maison à cause de son statut de femme, comment peut-elle donc avoir du travail?»

Il regarda la pièce de dix bichli pendant quelques minutes, puis la jeta en l’air, la rattrapa et la mit dans sa poche. Il se mordit la lèvre et s’en alla jusqu’à disparaitre au loin.

Cette pièce fut le dernier argent de poche qu’il reçut de sa mère. En effet, le jour suivant, elle ne fit point cas de sa demande.

Les jours passèrent, et il ne demandait toujours pas de l’argent à sa mère. Une semaine s’était écoulée lorsqu’ elle lui posa cette question: «Mon fils, n’as-tu pas besoin de ton argent de poche?» Il lui répondit: «Ma chère maman, j’ai encore les dix bichli que tu m’as donnés. Je ne les ai pas dépensés. Lorsque je le ferai, alors je te demanderai ce dont j’ai besoin».

A l’écoute de ces paroles, elle était si émue. Il lui épargnait véritablement l’embarras face à une telle situation. Ainsi, ce garçon magnanime et comblé accepta d’endurer la souffrance et de vivre patiemment dans la privation.

Quelle situation embarrassante pour lui, qui avait l’habitude de gaspiller tout son argent sur les enfants du voisinage. Comme il était difficile pour lui, leur chef, d’aller à leur rencontre les mains vides, bien qu’il pouvait lire dans leurs regards l’attente de ses dons et présents, attente qui parfois s’exprimait verbalement.

Le jeune garçon garda la pièce de dix bichli dans sa poche jusqu’à ses dix-huit ans. Il vécut onze années dans la sobriété et la privation, attendant avec patience d’être comblé par Dieu; pendant que tout son entourage vivait dans l’aisance et le confort.

* * *

(5) L’AVENTURE DU PETIT CAVALIER

Cette histoire s’est déroulée dans l’un des jardins d’Al-Hama16, où il faisait beau et où les branches inclinées des arbres se redressaient sous la bonne brise.

Le soleil souriant, éclairait la nature et surveillait le petit maître talentueux assis sur le dos de son cher cheval, qui courait à toute vitesse sur le sol paré d’un ravissant revêtement d’herbes vertes.

Le père du petit monsieur était mort alors qu’il n’avait même pas sept ans et jouissait encore de son enfance. Seule sa mère et lui vivaient dans la maison après que Salim, son frère aîné, eût voyagé.

Quant au cheval de son père, il demeura dans son enclos. Celui qui le montait l’avait abandonné pour toujours, mais le petit cavalier lui, était là.

Du vivant de son père, Mohammad Amin ne pouvait le monter qu’en cachette ou en trouvant des astuces efficaces. Or, après la mort de son père, il ne lui restait plus que sa mère, une femme au cœur sensible et aux sentiments tendres. Il n’avait plus tellement besoin d’user de subterfuges, mais une simple autorisation suffisait. Parfois, il allait auprès de sa mère et la suppliait avec des paroles mielleuses ou insistait sur la question avec une demande pressante qui, dans la plupart des cas, l’amenaient à lui donner la clé de l’enclos lui permettant de faire sortir le cheval. Que sa joie était immense! Que son allégresse et son bonheur étaient extrêmes, quand l'idée de protéger plutôt ses sentiments emportait sur l’âme de crainte qui taraudait sa mère. C'est un ange! Mais toujours, le cœur de sa mère était inondé de panique et d’inquiétude, car il était encore tout petit et elle craignait qu’il pût tomber du dos d’Al-Assila, la jument. Si une telle chose arrivait, à Dieu ne plaise, il devrait sûrement en payer le prix de sa santé, éventualité qu’elle ne pouvait supporter ou même imaginer. Par conséquent, s’opposer parfois à ce qu’il fasse sortir le cheval, résultait en la colère et la tristesse du petit garçon qui cessait de jouer et gardait le silence pendant un long moment.

Cet état de son fils lui déchirait le cœur de douleur et de tristesse, comme si elle se trouvait entre le marteau et l’enclume. Quand elle refusait de lui donner le cheval, elle se sentait triste parce que son fils l’était davantage. Et quand elle acceptait de le lui donner, une grande inquiétude l’envahissait et elle avait peur pour lui. Alors elle était contrainte de le sortir afin de le surveiller dans ce grand verger de la vallée de Barada à Al-Hama.

Une fois, alors qu'il était sur son cheval, il se livra à une course contre un vent impétueux dans un jardin entouré d'arbres bercés par une brise légère et rafraîchissante. Le petit cavalier était très content et ravi; il avait l'impression que le monde n’était pas assez grand pour lui. Sa mère s'inquiétait pour lui et en même temps, était heureuse de le savoir heureux…Mais soudain, il se passa quelque chose … Oh! Que c’était terrible!

Pendant que le petit héros allait au galop sur son cheval, lequel était aussi rapide que l’éclair, en sorte que le plus agile des meilleurs cavaliers n’aurait pu le suivre, il passa sous un grand arbre aux branches solides et tendues et l’une d’elles l’intercepta alors qu’il allait encore à toute vitesse, percutant son ventre, ce qui l’arracha du dos de son cheval.

A la vue de cette horrible scène, sa mère faillit s’écrouler, car elle ne pouvait souffrir de voir ce qui se passait, et le pessimisme brisa son cœur avec des pensées sur le sort réservé à son fils bien-aimé.

Elle posa les mains sur ses yeux pour les empêcher de voir ce grand désastre et ses jambes ne pouvaient plus tenir. Alors elle s’assit sur le sol, puis baissa la tête, comme pour ne pas être témoin de la mort de son cher fils.

C’était un moment pénible et douloureux…Elle fut saisie d’un grand choc car elle était certaine que la mort de son fils était survenue quand la branche avait frappé son ventre, freinant ainsi son élan sur le dos du cheval. L’animal avait poursuivi sa ruée vers l’avant, courant sur plusieurs mètres, puis s’arrêta lorsqu‘il ne sentit plus le poids du cavalier sur son dos.

Mohammad Amin, quant à lui, avait effectué une rotation complète autour de la branche avec son corps, et de ce fait, il absorba la puissance du coup qu’il avait reçu. Il transforma la puissance du coup résultant de la vitesse de son cheval en un mouvement circulaire autour de la branche après l’avoir attrapée de ses mains; soulevant ses jambes vers le haut et baissant la tête, il retourna ses jambes vers le bas et sa tête vers le haut. Ainsi, il fit une rotation complète en cercle vertical sur la branche et grâce à cette acrobatie, évita le dommage grave qui aurait résulté de cette collision.

Ensuite, il se laissa choir sur le sol et atterrit sur ses puissantes jambes (il était vraiment fort et leste de corps). Il courut vers son cheval qui s’était arrêté à une distance de plusieurs mètres de lui, et d’un bond, il se posa sur le dos de l’animal en position assise et le fit encore foncer de l’avant, dans une course contre le vent impétueux.

Tous ces événements se déroulèrent en un laps de temps, tout au long duquel sa mère garda les yeux fermés dans le chagrin, au comble de son malheur.

Lorsque le cheval s’élança à nouveau, Amine continua sa course, comme si rien ne s’était passé, en direction de sa pauvre mère qui s’était déjà coupée du monde, avec ses mains sur les yeux et la tête baissée, ayant l’impression que la terre tremblait sous ses pieds. Au même instant, M. Mohammad Amin s’approcha de sa mère du haut de son cheval, et lorsqu’elle entendit le bruit du cheval, elle leva la tête et retira les mains de ses yeux remplis de larmes et d’une grande tristesse. Elle était surprise par le spectacle qui s’offrait à ses yeux, car le petit cavalier était encore sur son cheval!

Alors Mohammad Amin lui demanda: «Mère! Qu’as-tu donc?»

Elle n’en croyait pas ses yeux et ses oreilles, mais elle répondit d’une voix triste et basse: «Rien mon fils, rien», et elle se mit à se frotter les yeux, ne croyant pas ce qu’elle venait de voir. Était-ce une rêvasserie? Son cher fils était devant elle, sain et sauf, sur le dos du cheval, comme si rien de ce qu’elle venait de voir ne s’était réellement passé!

Puis, elle dit encore dans la stupeur qui se lisait dans ses paroles: «Non, rien mon fils, rien,» et elle se refusait d’accepter ce qu’elle venait de voir, comme si aucun accident ni incident n’avait eu lieu.

Dieu merci, tout allait bien. Son fils était là devant elle, à califourchon sur le dos de son cheval, sain et sauf, en pleine forme et en bonne santé. Pouvait-elle nier de le voir en ce temps- là? Non évidemment, car il était là devant elle lui parlant et vice versa.

Alors le petit héros se sentit apaisé à propos de sa mère et sut qu’elle n’en avait pas cru ses yeux, à mesure que le soulagement se dessinait sur son visage et que la joie se dégageait progressivement d’elle au point de l’envahir.

L’accident qu’elle venait de vivre ne devint qu’un mirage, une illusion ou une horrible vision qui, Dieu merci, ne relevait plus que du passé. C’était là sa pensée et elle n’en croyait pas ses yeux. Ainsi, elle retrouva le sourire et là-dessus, son bon fils la quitta et repartit avec son cheval, et il sut exactement combien dure et difficile avait été l’expérience vécue par sa mère.

Il réalisa combien elle l’aimait, et combien son attention et son inquiétude vis-à-vis de lui étaient grandes. Et du fait donc de la compassion qu’il portait à sa mère, il ne lui révéla pas ce qui lui était réellement arrivé. Il lui permit de douter de ce qu’elle voyait afin de lui éviter des sentiments de douleur et une vie en permanence chargée d’inquiétude.

Quel jeune homme! Il avait une intelligence extraordinaire et de la présence d’esprit, un cœur aussi ferme que les montagnes et un comportement rationnel; pourtant, c’était sa grande compassion pour sa mère qui l’avait conduit à laisser cette dernière croire que l’accident n’avait été qu’une simple illusion afin qu’elle ne souffrît point. Il en était ainsi parce qu’il savait l’affection que sa mère avait pour lui. Quel garçon bon, cultivé et libre il était! – obéissant envers sa mère – et tous les garçons devraient être comme lui.

* * *

(6) UNE BONNE LEÇON AU MARCHAND DE FRUITS ET DE LEGUMES

Comme il traversait la pièce où se trouvaient sa mère et une voisine, il entendit quelques paroles de leur conversation.

«La pauvre! Le marchand de fruits et de légumes de son quartier a commencé à l’importuner avec ses paroles obscènes et impudentes. Malheureusement, elle est obligée de passer devant son magasin car aucun autre chemin ne mène chez elle. Alors, lorsqu’elle passe, il en profite pour lui adresser des paroles indécentes et lui fait des avances portant atteinte à son honneur.»

Voilà ce que le jeune orphelin, monsieur Mohammad Amin, entendit.

Il était alors âgé de neuf ans et vivait avec sa mère dans leur maison familiale du quartier Al-Ward17.

Du haut de sa noblesse et de sa bravoure, il prit des résolutions à cet effet. Il se dit alors: «Je dois tout d’abord m’assurer de la véracité des faits. S’ils s’avèrent fondés, alors je m’occuperai personnellement de toi, marchand de fruits et de légumes.»

Ce même jour, il se rendit dans les parages du magasin de ce dernier et commença à l’observer, feignant de jouer. En réalité, il avait l’intention d’y aller s’amuser pendant une semaine tout en surveillant le commerçant.

Un soir, la femme vint à passer par là (elle était obligée d’emprunter ce chemin car aucun autre ne menait chez elle). Dès lors, le jeune garçon devint très attentif. A ce moment, l’homme sans scrupules commença à lui tenir des propos malpropres qui étaient l’expression même des vices les plus profonds de son être. Le jeune homme comprit donc que ce qu’on disait du marchand était fondé. Alors, comme un éclair, il courut jusqu’à chez lui et revint rapidement, une canne à la main.

Il s’approcha du marchand qui se leva, pensant qu’il désirait acheter quelque chose.

Alors, monsieur Mohammad Amin s’adressa à lui en ces termes: Vous, monsieur, qui avez perdu le sens de l’honneur, de la courtoisie et du savoir-vivre, comment osez-vous porter atteinte à la dignité d’une femme pure et honnête? Quel monstre vous êtes! Malheur à vous! Insolent!

Puis, d’un geste rapide, il brisa la lanterne à l’aide de sa canne et commença à piétiner les bons raisins et les bonnes poires qui s’étaient répandus sur le sol. Déconcerté, il s’écria: «Oh non! Mais que fais-tu? Arrête! Arrête çà!» Il se précipita sur le jeune homme, mais celui-ci l’esquiva, puis lui assena un coup de poing sur la tête et un autre sur le visage. Il le tabassa jusqu’à épuisement, au point où le marchand se retrouva par terre, le visage couvert de sang.

L’attaque surprise et les coups successifs du jeune l’avaient rendu immobile et incapable de riposter. Il était étourdi par l’effet de surprise et les coups qui l’avaient pris de court.

Ce marchand de fruits et légumes était à la tête des jeunes du quartier. Chaque soir, ils se rencontraient dans son magasin, avec dans les rangs des bénis oui-oui.

Tout ce que l’homme battu avait pu faire consistait à ramasser une boite en bois qu’il jeta sur le garçon. Mais ce dernier l’esquiva. Alors, le jeune revint à la charge et lui administra de violents coups de bâton, comme un fou furieux. Puis il s’en retourna chez lui à la vitesse de la lumière, criant victoire et rempli de fierté, car le bien avait triomphé du mal.

Cet évènement était pénible pour le marchand, tant il avait affecté à la fois son âme et son corps. Cependant, il décida, à contrecœur, de n’en parler à personne. En effet, il était bien plus âgé que le noble garçon; de ce fait, il craignait d’être méprisé si la vraie histoire derrière ses blessures venait à se savoir. Il avait reçu une bonne correction de la part d’un petit garçon et n’avait même pas pu lui faire le moindre mal, du haut de sa force et de sa robustesse qu’il ne cessait de vanter.

Il ne pouvait donc prendre sa revanche qu’en faisant recours aux jeunes garçons du quartier. Il commença à les rassembler et à leur donner des instructions, tout en les soudoyant avec des pourboires comme pour les motiver à lui régler son compte à ce garçon.

Cependant, comme les jeunes garçons du quartier, grands et petits, avaient de considération pour Mohammad Amin qui était devenu leur leader du fait de son courage, ceux-ci éprouvèrent plutôt d’énormes inquiétudes à son endroit.

Toutefois, le marchand les encouragea à se liguer contre le jeune garçon, tout en leur promettant d’en assumer les conséquences.

Finalement les garçons, armés de bâtons, se regroupèrent le long de l’allée qui menait chez Mohammad Amin.

Ils étaient embusqués, l’attendant patiemment, lorsqu’ils l’aperçurent au loin, se pavanant dans cette allure unique qui troublait les âmes à cause de sa foi, de sa vivacité et de sa supériorité.

L’assurance de ses pas traduisait vraiment sa noblesse et sa grandeur d’esprit. Avant d’atteindre l’allée, il aperçut une vingtaine de gosses, avides de mal, qui respiraient la haine et conspiraient contre lui. Il put déceler leurs mauvaises intentions et commença à se rendre vers l’endroit où l’on déversait les immondices provenant du four public.

Croyant qu’il les attaquerait à coups de cailloux, les jeunes embusqués fixèrent leur regard sur les mains d’Amine comme s’ils s’apprêtaient à les esquiver. C’est alors qu’il jeta une poignée de cendre dans les yeux des garçons les plus rapprochés de lui, les rendant momentanément aveugles. Puis, comme un lion, il bondit sur l’un d’eux, s’empara de son bâton et commença à lui administrer coup sur coup, ainsi qu’à ses camarades.

Ils ne purent lui échapper qu’en rebroussant chemin, et se rendirent au magasin du vilain marchand. Néanmoins, le jeune ne leur laissa pas de répit. Il continua à les pourchasser jusqu’à les expulser du quartier, vaincus et frappés d’horreur.

Il s’en retourna chez lui sain et sauf, ayant eu gain de cause une fois de plus. Il avait ainsi accompli la mission à lui assignée par Dieu de donner une bonne leçon à ce malheureux et perfide marchand, en lui infligeant un châtiment.

* * *

(7) BENIES SOIENT TES MAINS, LIONCEAU DU QUARTIER!

«Tu aurais dû l’atteindre et lui briser le crâne»

Au fil du temps, la chasteté a été jetée aux oubliettes; les hommes ont abandonné les principes moraux et escorté l’honneur dans sa sépulture où ils l’ont enseveli, puis se sont tournés vers des moyens qui leur permettent d’assouvir leurs désirs infâmes.

Ils ont utilisé ce que Dieu leur a donné pour jouir d’un plaisir fugace, et se sont égarés au nom d’une vanité éphémère, vaine et intéressée dont la finalité n'est que souffrance, contrairement au dessein de Dieu qui consiste à les aider à atteindre l'au-delà.

Ils ont paré la terre de beauté et ont permis aux femmes de paraitre aux yeux de tous sous leur apparence la plus séduisante, ce qui a conduit à dire adieu à la vertu et de souhaiter la bienvenue au vice.

Tel est l’état actuel de l’humanité. Un sage a relevé cette situation incongrue en quelques mots: «Cette époque est à l'image de son peuple, et ce peuple reflète son époque».

Les hommes ont perdu le sens de leur existence à cause de l'égarement de la raison. Ils ont oublié qu’Allah a mis en eux la soif des jouissances comme un moyen d'élévation et nom un moyen de perdition et d'épuisement inutile conduisant au plaisir mêlé de douleur. Si les hommes s‘abstenaient d’assouvir leurs désirs par des moyens illicites et cherchaient plutôt à satisfaire Dieu, Le Tout-Puissant leur permettrait de se faire plaisir par des moyens licites, et au jugement dernier, leur donnerait accès à plus de plaisir au Paradis18. Il a promis à ses fidèles croyants, ceux qui auront contrôlé leurs caprices, d'avoir part aux Jardins de l’Eternité sous lesquels coulent des rivières. Ils y habiteront en vérité car Dieu dit: {Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le paradis sera alors son refuge}19.

Il y’a plus de soixante dix ans, la condition sociale n’était pas aussi alarmante et la dépravation des mœurs n’était pas aussi prononcée qu’aujourd’hui.

Les hommes se pliaient aux Lois Divines et professaient la religion par des actes concrets et publics, tant dans leur maison que dans la rue. Leur foi et leur dévotion quant à la mise en pratique des recommandations divines avaient influencé les croyants d’autres religions tels les Juifs et les Chrétiens, de sorte qu’aucune femme, musulmane ou non-musulmane, ne pouvait être aperçue dans les rues le visage découvert à cette époque là. La débauche n’existait pas et personne n’enfreignait la Loi du Dieu Tout-Puissant.

L’histoire que nous allons vous raconter est une fidèle présentation de l’état des choses à cette époque de notre histoire. Elle présente un nouvel exploit d'un meneur d'homme, Mohammad Amin, qui était une incarnation de l’ardeur et du zèle islamiques dans tout leur entendement, et qui avait réussi à anéantir les puissances des âmes maléfiques dirigées par le diable, au point d'éteindre leur traits enflammés.

Cher lecteur, revisitons un peu l’époque où se déroule cette histoire, lorsque monsieur Mohammad Amin n'avait que neuf ans. Ce dernier, après s'être amusé dans le quartier, reprit le chemin du retour en compagnie de ses amis qui lui parlaient, enivrés de joie.

Les garçons avaient atteint l’embranchement qui menait à la maison de monsieur Mohammad Amin, située en face du Bain d’Al-Ward, dans l’un des quartiers du marché Sarujah à Damas.

En passant devant l’une des maisons de cet embranchement, il constata que la porte était entr'ouverte. Puis une jeune fille de douze ans déploya sa tête dénudée à travers cet entrebâillement, dévoilant ainsi son magnifique visage, sous prétexte de chercher son petit frère hors de la maison.

A ce moment, des sentiments de jalousie, de fierté et d’honneur envahirent le jeune monsieur Mohammad Amin, car cet acte de dévoilement était totalement proscrit dans les sociétés musulmanes pendant la dernière décennie du XIXe siècle.

Devant ce spectacle, il ramassa un gros caillou qu’il lança en direction de la fille. Mais cette dernière ferma rapidement la porte, consciente qu’elle en était la cible à cause de l’infraction qu’elle avait commise. Le caillou atteignit donc la porte de la maison et la fendit, suite à la forte collision.

Puis, le pieux et honnête garçon continua sa marche vers sa demeure, après qu'il eut suscité dans le cœur de la fille un sentiment de peur. Il avait ainsi été un moyen de dissuasion qui l’empêcherait de commettre à nouveau ce type d’infraction ou de transgresser l’interdit. La jeune fille réalisa que son infraction aurait été sur toutes les lèvres, et que l’opinion publique l'aurait considéré comme un énorme scandale.

Quelques heures s’étaient écoulées lorsque le père de cette fille rentra sur le dos de son cheval. C’était l’un des valeureux hommes du quartier. Lorsqu’il regarda la porte de sa maison, il constata qu’elle était fendue. Alors, il interrogea quelques garçons du quartier pour en connaitre la raison. Ils lui racontèrent comment monsieur Mohammad Amin avait vu sa fille sortir sa tête de l’entrebâillement de la porte, dévoilant ainsi son visage, et par conséquent lui avait lancé un caillou qui ne l’atteignit pas, mais cassa plutôt la porte. Sur ce, le père de la fille attela aussitôt son cheval à un anneau (prévu à cet effet) fixé sur la porte de sa maison, et se dirigea directement vers la maison du jeune maître Mohammad Amin et frappa à la porte.

C'est par La volonté de Dieu que Mohammad Amin lui-même ouvrit la porte à cet homme qui l’embrassa et lui baisa le front en disant: «Que tes mains soient bénies, lionceau du quartier! Mais pourquoi ne l’as-tu pas atteinte au point de lui briser le crâne?!»

Oui, et L’homme loua l’acte du jeune garçon. En vérité, lorsqu’il s’en alla au café où les hommes du quartier se rassemblaient pour discuter de leurs affaires, il monta au créneau et dit d’une voix forte: «Mes frères, gloire à Dieu. En effet, nous vivons encore dans une bonne communauté, car lorsque nous sommes absents, nos enfants défendent notre honneur.» Puis il leur raconta avec grande estime ce que le jeune monsieur Mohammad Amin avait fait.

Cette histoire nous enseigne la morale poétique qui dit: Les nations subsistent aussi longtemps que perdure leur morale; mais si leur morale meurt, elles mourront également.

* * *

(8) L'ARENE DE COMBAT

(Apparemment, la lutte est un sport amical, mais en réalité, il s’agit d’une lutte pour le moi).

Cette histoire nous présente un aspect de ce formidable personnage, monsieur Mohammad Amin, à l’âge de douze ans.

Une fois, sa compagnie de garçons l’invita à assister en spectateur à certains matchs de lutte qui se livraient dans les rings.

Ils le séduisirent en décrivant le charme des championnats et le plaisir qu’ils leur procuraient, et finirent par le convaincre.

Lorsqu’ils y arrivèrent, le round de lutte entre les personnes adultes était déjà fini, et c’était le tour des lutteurs plus jeunes, âgés de quinze ans et moins.

C’était le principe à cette époque-là.

Alors, le premier combattant monta sur le ring. Ce garçon là en voulait à maître Mohammad Amin parce qu’il était le leader de tous les garçons du voisinage.

Comme son adversaire n’entrait pas dans l’arène, l’arbitre cria: «Où est ton adversaire?!»

Pointant notre garçon Mohammad Amin du doigt, le jeune homme déclara: «Le voici!»

Ce jeune envieux espérait rabattre l’orgueil de Mohammad Amin en triomphant de lui et en le rabaissant aux yeux de tous ses amis. Ainsi, les gamins auraient une autre impression de lui et Mohammad perdrait sa place de prestige dans leurs cœurs.

Il pensait qu’il vaincrait, le terrifiant garçon, puisqu’il avait trois ans de plus que lui, et aussi parce qu’il avait la maîtrise des arts du combat. Quant à notre héros, il n’en avait ni maîtrise ni connaissance. A ce moment là, il perçut le but réel de ce défi. Il était face à deux options difficiles: soit ne pas monter sur le ring, auquel cas on considèrerait cet acte comme un signe de lâcheté, soit y monter quoiqu’il ne sût rien sur l’art de la lutte!

En quelques minutes, un plan se développa dans sa tête pouvant lui permettre d’échapper à une telle situation. Il monta sur l’arène.

Le match commença et l’arbitre se rapprocha pour les surveiller.

Lorsque les deux concurrents s’empoignèrent les mains de sorte que le plus fort pouvait jeter l’autre à terre, Mohammad Amin profita de leur proximité et murmura à l’oreille de son adversaire, l’agresseur, en disant: «Hé, si nous terminons le round à égalité, je te donnerai deux majidis [c’est-à-dire une livre d’or].» Puisque son adversaire gagnait un salaire chez le marchand des fruits et légumes, la proposition de Mohammad lui fit venir de l’eau à la bouche et sa résolution s’affaiblit face à la séduction de l’argent. Sitôt, il oublia son désir de grandeur et d’avilissement.

Ce garçon savait bien la droiture et l’honnêteté de notre héros, ainsi, il crut en lui et répondit favorablement à sa demande. Il se relâcha et fit semblant de combattre, souhaitant vraiment gagner de l’argent. Alors notre héros, monsieur Mohammad Amin, saisit cette occasion pour faire un croc-en-jambe à son agresseur, qui trébucha et tomba. Ainsi, il perdit le round et le plus jeune, par son génie et sa dérobade, fut capable de vaincre celui qui cherchait à l’humilier et lui causer injustement du tort.

Le noble verset déclare:

{… Cependant, la manœuvre perfide n'enveloppe que ses propres auteurs}20.

Malheureusement, l’agresseur n'eut point de chance. Le mauvais garçon était vaincu et ne pouvait réaliser l’objectif des deux majidis. Il ne les aurait reçues qu’en cas de match nul, mais il ne l’avait pas accompli.

Quant à notre héros, il sortit du combat avec honneur et sans atteinte à sa dignité; et Allah l’éleva à un grade supérieur à celui qu’il avait avant. Véridique est celui qui a dit: «Prudence est mère de sûreté.»

Par la suite, maître Mohammad décida, après cet incident, de ne plus assister aux matchs de lutte pour de simples divertissements.

* * *

(9) LE GARÇON COURAGEUX ET SA REACTION PRATIQUE A L'EGARD DE SON ONCLE MATERNEL

Après la mort de son père et le voyage de son grand frère, monsieur Mohammad Amin - qui avait à peine douze ans – resta seul avec sa mère dans la maison familiale. Ainsi, son oncle maternel et sa famille vinrent habiter avec eux. Et dès les premiers jours de cohabitation avec cette nouvelle famille, la tante du jeune garçon n’était pas contente de voir que la pièce à l’étage, spacieuse et ensoleillée, était occupée par le petit garçon et sa mère. Elle entreprit alors une campagne de diffamation et demandait inlassablement à son mari de les faire sortir de cette pièce afin qu’elle puisse l’occuper. Celle-ci ne s'arrêta que lorsque son mari se plia à ses exigences.

L’oncle retira les meubles de cette pièce et les fit descendre dans une pièce étroite et inconfortable, qui puait la moisissure du fait que les rayons du soleil ne pouvaient y pénétrer. En dépit de l’état de cette pièce, les affaires du petit garçon et de sa mère y ont été transférées. Lorsque monsieur Mohammad Amin retourna à la maison, il trouva sa mère déprimée et abandonnée à elle-même à cause de la conduite injuste de son frère. À ce moment précis, une idée lui vint à l’âme, mais il la garda pour lui. Il décida ensuite de régler la situation à sa manière et de dissuader le malfaiteur de ses méfaits.

En soirée, alors que régnaient le calme et le silence, son oncle maternel était assis dans la cour tirant avec délectation son narghilé. À ce moment, le jeune garçon prit son courage à deux mains et entra par la porte de la maison, tirant derrière lui une jument dont les sabots, au contact du sol carrelé, produisaient un grand bruit assourdissant et agaçant. L’oncle sortit aussitôt. Rouge de colère, il cherchait à savoir qui était à l'origine d'un tel vacarme afin de le réprimander, l'arrêter et même le passer à tabac.

Lorsqu’il vit son neveu avec sa jument, il s’adressa à lui tout enflammé, le courroux dans les yeux en disant: «Que fais-tu? Comment peux-tu traîner une jument dans la maison? Ramène-la immédiatement à sa place.»

Il prononça ces paroles sur un ton élevé, hautain et d'une voix qui traduisait sa colère. Le courageux garçon poussa un hurlement en pointant du doigt la petite pièce du coin qui était auparavant désertée.

Il regarda sévèrement son oncle et dit: «Al-Assilah (la jument) passera la nuit dans cette pièce.» L’oncle était abasourdi. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé. C’était la première fois qu’il voyait son neveu dans cet état.

Bien avant ces événements, il connaissait son neveu comme un enfant doux et adorable; un enfant aux cheveux lisses et blonds; un enfant aux magnifiques yeux verts. Cette fois-ci il voyait de la furie, un regard foudroyant qui le pénétrait profondément et lui fendait le cœur.

Un étrange sentiment d’une grande terreur s'empara de lui, pour se transformer en une violente atteinte dans ses profondeurs, à tel enseigne qu’il souhaitait posséder le monde tout entier juste pour l'offrir en échange d’être libéré de cette situation. En effet, c'était une situation inhabituelle qui, pour lui, demeurait incompréhensible.

Avec la plus grande simplicité et l’abandon de soi, il revint sur le droit chemin et leur promit que tout rentrera dans l'ordre. Ainsi, devant l'engagement à rétablir la justice et à réparer ses torts, l'homme finit par renoncer à son acte d'injustice. À contrecœur, il remit leurs bagages et meubles dans la pièce spacieuse et aérée qui, elle, laissait entrer les rayons du soleil. Sa surprise en découvrant ce côté impétueux du petit garçon était si grande que par la suite, il fit part à un membre de sa famille de la stupeur dont il fut frappé en voyant son neveu dans cette terrible et effroyable scène. Il raconta comment, au moment de la rencontre, cet agréable, gentil et beau garçon était entouré d’une sorte de respect profond associé à un type de pouvoir capable de renverser les montagnes. Quel était le secret derrière cette réalité?

Quelle était la réalité derrière ce fait? Il ne savait pas, ou plutôt, il n’osait pas se souvenir de la réaction de son neveu.

Une panique épouvantable le dévorait, chaque fois qu'il rencontrait le jeune garçon, au point où il avait l’impression que ce dernier n’était plus le neveu qu’il avait connu. Tel était le sentiment accablant qui, pesant sur ses épaules, rongeait en lui la tyrannie et l'arrogance.

La morale de l’entrée de la jument dans la pièce:

La voix de son cœur parla et dit: «Cher oncle! Tu as sacrifié ton humanité et ta compassion afin d’assouvir tes désirs au point où tu as considéré ta propre sœur et son fils comme des bêtes, en voulant les loger dans une pièce qui ne ressemble à rien d’autre qu’à une étable. Non, cher oncle! Nous sommes des êtres humains! Seuls les animaux vivent dans des étables.» Lorsque le sens de justice ancré en lui se heurta à l'âme d'injustice de son oncle, son désir ardent de rendre justice écrasa les méfaits de son oncle. Ainsi, Il aida ce dernier à revenir à la raison et à se remettre sur le droit chemin, afin de ne plus jamais poser, après cet incident, un acte aussi odieux.

* * *

(10) LE JEUNE AMINE ET LA NUIT DES DESTINEES (Nuit de L’Al-Qadr)

L’histoire suivante s’est déroulée une de ces années, pendant le mois du saint Ramadan. Alors les fidèles jeûnent et jouissent du plaisir et du bonheur qui résultent de la joie et de la béatitude qu’ils savourent; la sensation est celle d'être proche d'Allah. Ils sont alors convaincus de L’avoir satisfait en accomplissant ce pilier divin.

Lorsque approche le temps de la rupture du jeûne, des tables pleines de mets appétissants et savoureux sont dressées, pendant que ceux qui jeûnent attendent avec impatience, l’appel à la prière du soir (Al-Magrib). Puis, dès que l’appel est lancé, ils font immédiatement mention du nom de Dieu et commencent à manger.

Ce jeûne dépeint un aspect essentiel de la vie de la génération qui a précédé la nôtre, et ceci est aussi devenu une partie de la vie de M. Mohammad Amin à l’âge de seize ans.

Dès cet instant, il s’était transformé en un jeune qui brillait par son intelligence et sa compréhension des choses, et il était plein de vitalité et de zèle.

Il était supérieur à tous ses compagnons. Il ne suivait pas la masse à l’aveuglette comme c’est le cas pour plusieurs personnes. Il voulait exercer les facultés dont Dieu l’avait doté. Il tenait à découvrir tous les faits par lui-même et à s’assurer de la véracité de ce qu’il entendait et qui pouvait influencer sa vie, avant de l'adopter ou d'en parler.

La description suivante de la Nuit des Destinées, qui a généralement lieu lors des dix dernières nuits du Ramadan, s’est largement répandue parmi les peuples à telle enseigne qu’ils ont cru en sa véracité.

Le Dieu Tout-Puissant a cité cette Nuit dans le Saint Coran et a vivement conseillé de la rechercher; la raison étant que cette Nuit est considérée comme une récompense pour les dignes personnes qui jeûnent: à chacun selon son assiduité et son obéissance envers le Pourvoyeur.

Cependant, d’aucuns ont exagéré leur description de cette Nuit et ont raconté des histoires incroyables à propos, au point où l’entendement qu’on en avait, était plein de rêves et d’imaginations.

Ils ont suggéré l’idée selon laquelle le Dieu Tout-Puissant quitte Son trône au septième ciel pour descendre aux cieux inférieurs, et au moment où IL descend (gloire à Son Nom) et qu’IL s’établit dans le ciel le plus proche de la terre, le firmament peut être vu de la terre, entièrement illuminé par Son intense Lumière, afin qu’elle brille d’une lumière semblable à celle des rayons de lune pendant la pleine lune.

A ce moment précis, toi, homme, tu peux demander à Dieu ce que tu désires pour toi-même: demande simplement à Celui qui est proche et prêt à répondre (à Lui la gloire). IL s’est manifesté dans le ciel le plus proche de toi pour entendre ton appel et ta requête! Il te suffit simplement de demander et ton vœux sera exaucé Pour confirmer la vérité de cette vision, ils forgèrent une histoire sur la famille d’Al-Azem, qui était connue à Damas pour l’abondance de ses richesses.

Ils prétendaient que l’ancêtre de cette famille avait vécu cette Nuit (la Nuit des Destinées), et avait alors demandé à Dieu de lui accorder richesse, postérité et gloire éternelle.

Ainsi, grâce à la grande fortune qui avait été donnée à l’ancêtre de cette famille quand il assista à la Nuit des Destinées, ses membres sont encore riches jusqu’à ce jour. Tout le monde commença donc à parler de cette Nuit et à dire ce qu’il en savait ou en avait entendu. Quel était celui ou quelqu’un d’autre qu'on pensait avoir rencontré en cette Nuit (la Nuit des Destinées). Des propos se sont multipliés au point où il y eut un grand nombre d’histoires inventées de toutes pièces.

Quant à notre jeune libre penseur, Mohammad Amin, lorsqu’il entendit la description de cette Nuit avant la venue du Ramadan, il éprouva un vif plaisir et se mit à nourrir ses beaux rêves et ses grands espoirs sur la surface du ciel de cette Nuit des Destinées. «Je serai si heureux! Quand de grands et merveilleux bienfaits seront accomplis pour toute l’humanité et pour moi! Je serai vraiment satisfait si mes attentes et mes aspirations pour la vie se matérialisent à partir de ce que je vais demander à Dieu pendant la Nuit des Destinées» dit-il, se parlant à lui-même.

«Dans quelques jours, c’est le Ramadan et la Nuit des Destinées, alors si j'y prends part, j’invoquerai mon Seigneur afin qu’Il accomplisse le souhait et le but principal de ma vie.»

Mohammad Amin décida alors d’observer sérieusement et honnêtement les dix dernières nuits du Ramadan, sans la moindre paresse ou le moindre épuisement, afin de pouvoir vivre ce qui se disait sur la Nuit des Destinées, le moment qu’il avait choisi de demander à son Pourvoyeur d’actualiser son ambition.

En fait, il était le premier à suivre la méthode scientifique qui est suivie aujourd'hui, ainsi que les normes actuelles et l’analyse pratique dans un cas aussi important.

Par ailleurs, quel était son désir?

A Quel but aspirait-il dans cette impatience?

On pouvait écarter la recherche de l’argent, d’une position, d’une fonction ou d’une descendance. Il ne cherchait ni la félicité ni la gloire de ce monde.

Son vœu n’était rien d’autre qu’une grande demande altruiste, émanant de l’amour céleste qui remplissait son cœur, et qui devait couvrir toute l'humanité.

Avec un vif intérêt et un grand empressement, Mohammad Amin se rendit chez son ami et lui dit: «Ô, mon ami! As-tu entendu ce que j’ai entendu?!»

«Lâche-moi la bonne nouvelle, Amine! Raconte, qu’as-tu entendu?» Lui répliqua son ami.

Mohammad Amin, étant totalement touché et attendant cette Nuit avec impatience, commença à lui expliquer ce qu’il avait entendu au sujet de la Nuit des Destinées, et comment une personne, d’après certaines allégations, pouvait réaliser trois de ses vœux. Pour y parvenir, il fallait prendre part à cette Nuit – c’est-à-dire la Nuit au cours de laquelle Dieu descend du septième ciel pour s’installer dans le ciel inférieur, ce qui déclenche l’éclatante illumination de ce dernier – voilà le moment propice pour demander à Dieu de satisfaire vos désirs.

L’ami lui dit: «es-tu sûr de ce que tu avances, Amine?»

«C’est ce que j’ai entendu de mes propres oreilles, et alors quand les dix dernières nuits du Ramadan arriveront, je veillerai tout au long de cette période, en observant cette Nuit, pour demander à Dieu d’accomplir mon vœu. Afin de savoir si ce que j’ai entendu est vrai.»

«Quel est ton désir, mon ami?»

Le jeune Amine répondit: «Mon désir…Mon désir c’est d’assister à la Nuit des Destinées et de demander à Dieu de rassembler autour de moi tous les rois de la terre afin de leur présenter l’Islam comme religion. S’ils y adhèrent, la religion de justice s’étendra dans le monde; par conséquent, l’amour et la sécurité prévaudront. En ce moment, tous les humains seront frères et sœurs, s’aimant l’un l’autre, et le bonheur et la paix dureront à toujours, sans souffrances ni destruction. Il n’y aura ni meurtre, ni vol ou pillage.

Mais, s’ils ne confessent pas l’Islam, je leur trancherai la tête et le cou: tous, sans exception.

Puis je chercherai un autre moyen qui me permettra de répandre l’Islam et la paix (Salam) parmi les peuples.»

Touché par l’ardeur d’Amine, son ami lui répliqua: «Moi aussi, je le ferai. J’observerai la Nuit des Destinées comme toi, et peut-être, je verrai mes attentes et ma requête exaucées également.»

Mohammad Amin demanda: «Et quelle est ta requête, cher ami?»

D’une voix profonde et en toute quiétude, son ami répondit comme s’il rêvait d’avoir déjà obtenu ce qu’il voulait: «Je demanderai à Dieu de m’accorder de l’argent, une descendance et une gloire qui jamais ne décline. J’aurai beaucoup d’argent et une grande renommée. Mes biens seront semblables à ceux d’un millionnaire. Voici l'occasion, et je ne la raterai pas.» Quel fossé entre les deux demandes!

Quel rapport existe-t-il entre la terre et les étoiles? La demande de Mohammad Amin était tout à fait pure, sublime et pleine d’humanité, demande qui permettrait à son auteur de bénéficier d’une place dans les jardins de l’éternité, et de vivre heureux dans ce monde et dans l’au-delà.

Par contre, la demande de son ami n’était rien de plus qu’un désir égoïste, mondain, éphémère et limité. Elle n’aurait duré que quelques années et serait terminée à l’heure de sa mort, en d’autres termes lors de son départ de ce monde éphémère.

Par conséquent, les deux jeunes gens se mirent d’accord pour rechercher cette Nuit dans le but de la repérer et de formuler chacun ses souhaits.

Ils suggérèrent de veiller ensemble, pour que si l’un d’eux venait à être distrait par quelque chose ou à s’endormir, que l’autre le réveillât, de sorte qu’ils ne pussent rater cette Nuit qui, pour eux, était une opportunité exceptionnelle.

Peu de temps après, c’était le Ramadan. Ses jours et ses nuits se succédaient, tandis que Mohammad Amin et son ami les comptaient avec impatience et minutie, jusqu’à ce que les vingt premiers jours fussent passés.

Puis, lorsqu’ils entrèrent dans les dix dernières nuits avec l’avènement de la vingt et unième nuit du Ramadan, le jeune Amine, plein de vitalité et d’ardeur, s’empressa d’aller le rappeler à son ami avant qu’il n’eût rompu son jeûne. Sa soif pour ces nuits était de plus en plus brûlante, car le moment de manifester son enthousiasme et son désir était proche.

Il dit à son ami: «Aujourd’hui… Dès ce soir, après la rupture du jeûne, nous grimperons tous les deux sur le toit. Et de là, nous observerons la Nuit des destinées. J’ai entendu dire qu’elle survient entre le moment de l’appel pour la prière du soir et celui de l’appel pour la prière du matin. Cependant, par précaution, je propose que nous l’observions immédiatement après la rupture du jeûne, et que nous poursuivions jusqu’au lever du soleil.»

Aussitôt le moment de la rupture du jeûne arrivé, et que le muezzin à son tour appelait pour la prière du soir, ils prirent des provisions et se rendirent sur le toit dès l’apparition de la première étoile dans le ciel.

Il faisait beau, le ciel était clair et tout était calme.

L’ombre de la nuit, à pas lents, commençait à revêtir la terre, au point où l’obscurité se mêla aux magnifiques couleurs du crépuscule, qui se déployaient au fur et à mesure que le soleil se couchait, créant ainsi un ravissant et séduisant tableau de couleurs.

Là, sur le toit, les deux jeunes se couchèrent côte à côte sur le dos, de sorte que si l’un d’eux venait à s’endormir, l’autre le sentirait et le réveillerait. Ils avaient la face tournée vers le ciel, le contemplant sans mot dire.

Autour d’eux, régnaient un calme et un silence absolus, pendant qu’ils scrutaient le ciel clair de leurs grands yeux, et que la lumière, progressivement, était remplacée par l’obscurité. Mohammad Amin attendait le moment où Allah descendrait sur le ciel inférieur, comme à l’image de l’expansion de l’Islam sur toute la terre, tandis que son ami s’imaginait avoir plein d’argent et de nombreux enfants!

Bien qu’il se faisait déjà tard, et que la nuit s'était épaissie, les deux jeunes gens maintinrent leur position.

Le jeune Amine observait, entièrement éveillé.

Il ne quitta pas le ciel du regard d’un iota.

Il était entièrement déterminé à atteindre son noble objectif, en se conformant aux principes.

Il était conscient du fait que la moindre erreur pourrait lui causer une grande perte, l'empêcher de vivre cette Nuit des Destinées, et retarder ainsi l’accomplissement de ses aspirations d’une année entière.

Pour lui, le sommeil ou la langueur n’étaient pas du tout au rendez-vous.

Il resta ainsi jusqu’au moment où le soleil allait se lever et que la lumière du jour allait se répandre sur tout le ciel, invitant les oiseaux à s'élever joyeusement dans les airs, gazouillant le chant d’un jour nouveau dans l’accueil d’un nouveau matin. Les moineaux, à la recherche de leurs provisions, étaient invités à s’élever en chantant dans les airs. Puis, Mohammad Amin dit: «La première des dix nuits est passée et le jour s’est déjà levé. La Nuit des destinées n’a pas eu lieu. Peut-être la verrons-nous la prochaine nuit si telle est la volonté de Dieu.»

De la même manière, pendant neuf nuits, ils continuèrent de veiller nuit après nuit mais, rien n’apparut qui correspondit à la description qu’on leur avait fait de cette Nuit.

A l’approche de la dernière des dix nuits, Mohammad Amin se tourna vers son ami, avec un air franc comme l'or et d’une grande détermination à atteindre son but, très sincèrement à lui, s’adressa: «Cette nuit, se manifestera la Nuit des Destinées, et mon vœu sera finalement exaucé.»

Puis il s’allongea sur le dos, ainsi que son ami.

Plein d’espoir, le jeune homme continua son observation avec prudence, dynamisme et un intérêt encore plus grand que celui des nuits précédentes.

Mais, hélas! Le jour commençait à poindre et rien de nouveau ne se produisait. Le soleil se leva et des voix s’élevèrent, répétant: «Allah est grand», ainsi pour accueillir la fête de rupture du jeûne.

Mohammad Amin se releva brusquement.

Il comprit que toutes les descriptions qui lui avaient été faites de la Nuit des Destinées, étaient infondées; et que l’allégation montée de toutes pièces par les hommes au sujet de cette nuit, concernant la façon dont elle survient et comment l’on pouvait en tirer profit en priant Dieu au cours de celle-ci, était totalement erronée.

Il se tourna vers son ami, le regardant d’un regard plein d’espoir et d’ambition, et lui dit: «Mon cher ami! La Nuit des Destinées n’a certainement rien à voir avec ses descriptifs; il existe certainement un autre moyen d’y assister, complètement différent de celui dont nous avons entendu parler, et, par la grâce de Dieu, je le découvrirai sûrement.»

Voyez vous-même le rang auquel ce jeune homme s’est élevé à travers la liberté d’expression qui l’anime depuis son jeune âge, et l’éveil de sa conscience à la réalité de la vie.

Imaginez la place éminente à laquelle il a pu accéder à travers sa foi inébranlable, qui lui permit de s’envoler et d’accourir à la recherche du véritable savoir, se détachant ainsi de toute pensée imitative ou de toute croyance infondée.

De ce fait, à travers ses admirables et brillantes aventures, il pouvait désormais balayer du revers de la main, tous les dictons erronés et les fabuleuses hérésies.

Je me demande quelle nature sagace il avait, et qui lui inspira d’utiliser toute son intelligence pour s’intéresser aux méandres de la quête de la vérité.

En réalité, c'était un libre penseur qui ne cédait pas aux dogmes d'autrefois qui, lorsque qu'ils sont suivis sans réflexion, avilissent l’homme (en d’autres termes, l’être pensant) et réduisent de son humanité.

Le Tout-puissant n’a pas doté l’être humain d’une intelligence pour qu’elle soit négligée. Au contraire, il nous a fait don de ce précieux joyau pour nous aider à distinguer le bien du mal, le vice de la vertu, nous permettant ainsi de suivre le droit chemin.

Il serait donc judicieux de notre part de s’assurer du bien-fondé des dires des uns et des autres avant de les adopter. S’ils s’avèrent fondés, alors nous pourrons les suivre et pousser d’autres personnes à les suivre également, suite à leur véracité établie à travers notre propre expérience. Mais, si nous découvrons que ces dires sont erronés et infondés, mettons-les de côté et oublions-les. Allah Tout-Puissant a dit:

{Et ne poursuis pas ce dont tu n'as aucune connaissance. L'ouïe, la vue et le cœur sur tout cela, en vérité, on sera interrogé}21.

Le Prophète arabe (Pbsl) a dit: «Nous sommes une nation conduite par des faits. Nous croyons en ce que nous voyons et en ce dont nous sommes les témoins.»

Il (Pbsl) voulait par là dire que nous découvrons la vérité d’abord à travers ce que nous voyons de nos propres yeux, ensuite nous la témoignons (confirmons) dans le tréfonds de notre cœur.

* * *

(11) AGIR SAGEMENT AVEC LA MÈRE - Sagesse et Ingéniosité

Ce récit contient plusieurs anecdotes démontrant les côtés à la fois brillants et édifiants de la vie de Mohammad Amin Sheikho, et donne un merveilleux aperçu de son plan d'action astucieux au sein de sa maison.

Mise en scène

Cette histoire se déroule à l'époque où régnaient à la fois la bonté et l'humanité, où les gens étaient connus pour leur humilité et leur exercice de dévotion. (Dans une certaine mesure). A cette époque, les enseignements de la religion de l'Islam prévalaient et les gens les regardaient non seulement par habitude, mais avec révérence et respect.

Ils appliquaient le principe de l'Islam à leur vie quotidienne même s'ils n'en comprenaient pleinement pas la sagesse. Tout le monde s'efforçait de mener une bonne vie, il y avait donc rarement des actes répréhensibles de quelque nature que ce soit. Confiants que peu de mal leur arriverait, ils menaient une vie de simplicité et d'honnêteté selon le principe: «Celui qui suit les traces d'un érudit religieux sera en état de grâce lorsqu'il rencontrera Dieu.» Il n'y avait pas de trahison, pas de relations sexuelles en dehors du mariage, et les gens adhéraient aux Paroles de Dieu dans la mesure où ils voulaient suivre Sa Voie, mais par imitation.

À cette époque, il y avait un groupe d'hommes appelés les «lunatiques, homme béni»22 qui n'existent plus dans les temps modernes.

Les «lunatiques» dont nous parlons étaient simples, purs et très proches de Dieu. Cependant, de nos jours, chacun de leurs actes est devenu la quintessence de la tromperie, de l'hypocrisie et inutile de le dire, ils se sont complètement éloignés de la Parole de Dieu et sont ainsi devenus des serviteurs de Satan…

Mais nous nous écartons, alors revenons à notre histoire…

Bonne nouvelle

Pendant les derniers mois de sa grossesse, la mère de Mohammad Amin marchait un jour sur la route, couverte de la tête aux pieds dans sa robe noire comme toutes les femmes en public.

Un «lunatique» passa à côté d'elle, puis se retourna et revint vers elle. Il lui tapota le dos, tout en criant haut et fort: «Tu vas donner naissance à un grand saint… grand… grand…»

Puis, il s'est enfui en criant toujours: «Génial… génial… génial…» car il savait qu'il avait vu quelque chose de merveilleux que lui seul pouvait voir.

Lorsque les femmes du quartier ont entendu parler de cet événement et de la bonne nouvelle annoncée par le «Lunatique», elles sont allées lui présenter leurs félicitations. À cette époque, tout le monde croyait à la vérité des paroles prononcées par cet homme particulier dont le nom était Ibn Abidine, et ils croyaient fermement que les anges parlaient à travers lui.

Et en effet, l'heureuse nouvelle est devenue réalité lorsque, quelques mois plus tard, la femme a donné naissance à un bébé innocent d'une beauté captivante et singulière, dont on avait rarement vu l'équivalent. C'est le jour de la naissance du grand savant éminent Mohammad Amin Sheikho.

Intelligence humaine ou inspiration divine?

Le bébé a grandi en toute sécurité dans l'amour de ses parents qui le remarquaient fréquemment en train de faire les choses les plus étonnantes. Comme la plupart des enfants, il était actif et plein de vie, tout en étant agile physiquement et brillant mentalement. Ici, il faut aussi mentionner la manière douce et captivante qu'il avait de parler, par laquelle un jour, il a même réussi à cajoler l'écuyer pour qu'il s'endorme afin qu'il puisse sortir la jument. Son père l'avait expressément interdit car il craignait que Mohammad soit encore trop jeune pour monter à cheval.

Des années avant cette escapade particulière, alors qu'il était beaucoup plus jeune, il se rendit à l'écurie à minuit pour rencontrer la djinn féminine après avoir entendu qu'elle pouvait exaucer les souhaits des gens. Mais savez-vous ce qu'il souhaitait? Il voulait l'attraper et la garder prisonnière jusqu'à ce qu'elle lui amène tous les seigneurs du pays afin qu'il puisse leur demander de se convertir à la religion de l'Islam!

Ses parents étaient étonnés de tout ce qu'il faisait. Il était si différent de tout autre enfant, ce qui les rendait encore plus dévoués et aimants envers lui.

Un jour, alors qu'il n'avait que trois ans, il sortit de la chambre de son père avec un air très étrange et fut immédiatement le centre de toutes les attentions!

Quelle est la chose étrange qui attire l'attention de tout le monde?

Ils le virent tenant un gros bâton, la tête enveloppée dans un tissu blanc qui ressemblait au turban porté par les érudits religieux, et par-dessus tout il avait mis un chapeau militaire qui appartenait à son frère Salim.

Ils lui ont dit: «Tu ne peux pas vraiment y parvenir! Tu ne peux pas devenir un érudit religieux et un officier militaire en même temps!»

Totalement dévoué

Jour après jour, l'enfant louable grandissait, rayonnant de grâce et de vie, et faisant preuve d'une intelligence propre au génie. Certaines choses qu'il faisait et disait semblaient être celles d'un homme sage et mûr; et nous ne mentionnerons même pas toutes sortes d'autres paroles et actes étonnants que sa mère ne parvenait pas à comprendre!

Peu de temps après la mort de son père, un homme bon, son frère Salim, plus âgé que Mohammad et maintenant un jeune homme, a quitté son pays natal pour s'installer à Istanbul où son travail était basé. Là, il épousa la fille du ministre des Affaires étrangères de l'Empire ottoman.

Ainsi, cet enfant extraordinaire est devenu le seul centre d'attention de sa mère et elle s'est complètement attachée à lui puisqu'il était le seul fils vivant avec elle.

Durant son enfance, lorsqu'il sortait jouer dans le quartier, il avait l'habitude de tenir une chaîne de fer et d'exhorter les garçons locaux à se soumettre et à accepter ses souhaits. On le voyait rôder parmi eux comme un lionceau, les contrôlant tous par son courage et son ingéniosité. C'est son admirable intégrité qui lui a donné le pouvoir d'un lion sur les autres garçons du même âge.

Pourtant, il y avait aussi des garçons qui se sont liés d'amitié avec lui à cause de la gentillesse avec laquelle il les traitait et pour ce qu'il leur offrait, alors ils l'ont suivi avec reconnaissance.

Chaque fois qu'il était hors de la maison, sa mère s'inquiétait constamment pour lui et ne pouvait pas se détendre jusqu'à ce qu'il rentre à la maison sain et sauf. Elle le considérait comme un orphelin sans frères pour le défendre, donc s'il était un jour impliqué dans une querelle ou une bagarre, il n'y aurait personne pour le protéger. Elle l'aurait défendu elle-même si cela avait été possible, mais comme elle, comme toutes les femmes de l'époque, était entièrement recouverte de son voile, elle ne pouvait pas sortir pour le protéger du mal. Son comportement a conduit à une plus grande inquiétude et anxiété pour sa mère, ce qui l'a amenée à s'attacher de plus en plus à lui. Par exemple, quand il rentrait chez lui après avoir joué dans le quartier, il avait l'habitude de grimper à une hauteur de quelques mètres le mur qui entourait la maison du quartier al-Ward (qui existe jusqu'à présent) et puis il dormait dessus! En voyant cela, sa mère fut terrifiée à l'idée qu'il puisse tomber, et elle poussa un cri d'alarme: «Que fais-tu, mon fils? Descends, s'il te plaît… s'il te plaît, descends!»

Elle avait tellement peur qu'il ne puisse tomber que son cœur se trouverait dans sa bouche… et à travers l'expérience de tels moments, son amour et son attachement pour lui sont devenus de plus en plus forts.

N'importe qui comprendrait ses sentiments car s'il avait fait le moindre faux mouvement, il aurait pu tomber du haut mur. Et si cela arrivait, Dieu nous en préserve, il mourrait certainement et la laisserait souffrir dans une solitude désespérée. Elle le pria de descendre, mais n'obtint aucune réponse, car le petit garçon dormait profondément et paisiblement.

Quand elle s'en est rendu compte, elle s'est enflammée en disant: "Ce fou" m'a dit que je donnerais naissance à un grand saint, mais tout ce que je vois, c'est un acrobate, pas un saint!"

Il avait emporté son cœur par ses actes remarquables et ses actions toujours vives, heureuses et délicieuses. En effet, il faisait la joie de tous ceux qui l'entouraient et devenait le sujet de conversation de tous.

Lien, Dents de lait et équilibre

Le Tout-Puissant dit: {Son sevrage a lieu à deux ans}23. À l'âge de deux ans, un bébé devrait être complètement sevré et manger correctement. Pendant les deux premières années, le lait maternel fournit au corps du nourrisson toute la nourriture dont il a besoin et le prépare à manger des aliments appropriés lorsque les dents de lait poussent.

De plus, ces deux années d'allaitement sont suffisamment longues pour que la mère et son fils se lient et créent une merveilleuse relation amoureuse. Pendant cette période, les liens spirituels de la miséricorde, de la clémence, de l'amour et autres se nouent rapidement entre la mère et l'enfant. En revanche, si la mère allaite l'enfant pendant plus de deux ans, les bienfaits physiques sont diminués et le rythme de croissance de l'enfant ralentit. Cependant, les liens affectifs et la profondeur de l'affection entre la mère et son fils se renforcent davantage. La mère devient plus aimante et attachée à son fils, tandis que l'enfant ressent encore plus d'amour et de compassion envers sa mère et la traite avec une gentillesse accrue.

Ainsi, Dieu Tout-Puissant a décrété une loi générale lorsqu'il a décidé que deux ans pour allaiter un enfant étaient suffisants pour que le corps de l'enfant soit correctement formé afin de devenir fort et en bonne santé.

Quant à Mohammad Amin, depuis qu'il était enfant unique, sa mère a continué à l'allaiter jusqu'à l'âge de huit ans. Ainsi, chaque fois qu'il rentrait de l'école, il laissait tomber son sac et se précipitait vers elle pour téter son sein, ce qui ne faisait qu'approfondir son amour et son attachement à lui.

Mariage – Discorde – Solution inventive

De jour en jour, alors que le jeune Mohammad grandissait et devenait plus fort, l'amour et l'affection de sa mère pour lui grandissaient, même jusqu'à ce qu'il soit un jeune homme.

Il était tout ce qu'elle avait dans cette vie. Alors, elle aurait volontiers supporté la douleur de toutes les maladies de ce monde plutôt que de le voir mal à l'aise à cause d'une seule épine au pied.

Comme toutes les mères, surtout celles qui n'ont qu'un seul fils avec elles, elle voulait que son fils se marie. Pourtant, le mariage d'un fils, comme chacun sait, conduit souvent à une jalousie naturelle entre la femme et la belle-mère.

Il est tout à fait normal qu'une mère ait un grand désir de voir son fils se marier et avoir sa propre famille, et quand son fils lui dit: «Mais maman! Il y aurait bientôt des disputes et des querelles entre vous et une belle-fille, alors pourquoi êtes-vous pressée de me marier?» Elle a répondu: «Je l'aimerais vraiment et je ferais passer tout son confort et ses besoins avant les miens. Alors, ne t'inquiète pas mon fils, et n'y pense pas.»

Maintenant, quant à la mère, qui se régalait des yeux de la belle apparence de son fils bien-aimé, Mohammad Amin, son seul soutien au monde, elle s'approcha de lui en lui disant: Oh mon chéri… oh mon espoir… tu es au centre de tous mes vœux! Je veux que tu complètes mon bonheur. Je veux que tu te maries. Je souhaite voir vos bébés avant de mourir.

Mohammad a alors accepté ses souhaits tant cette affaire lui tenait à cœur. Alors il répondit: «Comme tu veux, maman. Je n'ai personne au monde à part toi, que j'aime tendrement», puis il inclina la tête et lui baisa la main» Avec des larmes de joie coulant sur ses joues montrant à quel point elle était heureuse quand il a accepté, elle lui a dit: «Que Dieu soit satisfait de toi, lumière de ma vie… mon cœur!»

En effet, une épouse convenable fut bientôt choisie et le mariage organisé. Puis, les cérémonies de mariage terminées, la mariée a été amenée à la maison, où les invités sont venus offrir leurs félicitations, puis sont repartis. Là, la mère qui était si heureuse à cause du mariage de son fils a conduit la mariée dans sa chambre nouvellement meublée, tout en lui disant des mots gentils et doux de félicitations. Elle est ensuite allée dans sa propre chambre avec l'impression d'être au septième ciel, car le foyer de tous ses espoirs, son amour et la lumière de sa vie s'était enfin marié.

Quant à Mohammad Amin, cet homme inspiré, qui rayonnait de bonheur et d'excellence dans tout ce qu'il faisait, rompait désormais avec la coutume habituelle. Il n'est pas allé dans la chambre de sa femme comme le ferait n'importe quel nouveau mari, mais est allé dans la chambre de sa mère et, ouvrant la porte, est entré sans montrer aucun signe de bonheur ou de plaisir avec son mariage. Quand sa mère le vit entrer dans sa chambre, elle le regarda avec étonnement et lui demanda: «Mon fils! Mon cher garçon! Pourquoi es-tu venu ici? Tu as quitté ta femme bien-aimée et tu es venu vers moi! As-tu besoin de quelque chose?»

Mohammad a répondu: «Non, maman, mais j'aimerais m'asseoir avec toi. J'aime toujours passer du temps avec toi.»

«Que dis-tu, mon fils? Ce n'est pas juste! Tu ne devrais pas laisser ta femme seule, surtout ce soir, sa nuit de noces. Allez, mon fils! Lève-toi et va vers elle.»

«Non Mère, je ne le ferai pas! Je ne veux pas d'elle. Je ne veux personne dans ce monde à part toi, et personne ne peut te remplacer dans ma vie.»

Sa mère avait tellement peur que les gens bavardent et lui reprochent cette situation, alors elle a dit à Mohammad: «Mais ça va faire parler du mal de nous, mon fils! Les filles des autres ne sont pas simplement des jouets avec lesquels on peut s'amuser quand on veut. Que Dieu te regarde d'un bon œil, mon fils! Maintenant, fais ce qui est juste et vas vers ta femme; demain tu pourras t'asseoir avec moi autant que tu voudras.» Mais Mohammad Amin a été catégorique et a refusé d'y aller en disant: «Non mère, jamais! Je n'irai pas. Je ne l'aime pas. Je n'aime que toi, ma chère mère.»

Lorsqu'elle s'est rendu compte qu'il était inutile de discuter davantage avec lui, elle n'a plus rien dit. Mais au bout d'un moment, elle se leva, lui prit la main et le tira. Il fit ce qu'elle voulait et se leva. Elle posa ses mains sur ses épaules et commença à le pousser vers la porte mais il résista, montrant sa réticence à quitter sa chambre. Pourtant, sa mère a continué à le pousser malgré son opposition jusqu'à ce qu'elle réussisse finalement à le faire sortir de la pièce. Puis de toutes ses forces, elle a essayé de fermer la porte, mais il a fait semblant de ne pas céder et a continué à résister et à pousser la porte en essayant de l'ouvrir à nouveau. Elle a continué à essayer de l'intérieur et il a continué à essayer de l'extérieur jusqu'à ce qu'elle réussisse finalement à fermer la porte et à la verrouiller.

Cependant, Mohammad Amin est resté devant la porte de sa mère à frapper et à la supplier de l'ouvrir mais elle a refusé. Finalement, il partit et se dirigea vers sa nouvelle chambre.

Cela pourrait-il être vrai? Voilà ce puissant officier qui avait détruit un à un les chefs du crime et du mal; peut-on vraiment croire que sa mère était assez forte pour le pousser hors de sa chambre?!

Grâce à un comportement si sage et astucieux qu'il a répété pendant de nombreux jours consécutifs, il a convaincu sa mère que son fils était toujours le sien, seul, et que le nouveau venu «sa femme» ne pouvait pas lui voler son cœur, et qu'elle ne serait jamais capable de le faire,

Impressum

Verlag: BookRix GmbH & Co. KG

Texte: Amin-sheikho.com
Lektorat: Prof. A. K. John Alias Al-Dayrani
Tag der Veröffentlichung: 13.06.2014
ISBN: 978-3-7368-2015-9

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