Première Partie :
APPARITIONS
DU PASSE…
1 – Signes avant- coureurs… dans la lande bretonne
En ce soir de fin d’Automne 2002, le vent soufflait violemment sur la lande bretonne. Les arbres pliaient sous la force du vent. Un cruel et inquiétant gémissement emplissait l’air, comme si dix mille fantômes criaient ensemble. Aucun être humain, même le plus téméraire, ne voudrait sortir et parcourir la lande par un temps pareil, à l’atmosphère si surnaturelle, où la peur prenait le plus courageux au ventre.
Un manoir bâti de pierres blanches se dressait fièrement dans cette ambiance de tempête. Sous l’effet des éclairs, les pierres avaient un éclat mauve. De larges murs, surmontés de diverses gargouilles tournées vers l’extérieur, entouraient tout le domaine. Vu du ciel, les trois ailes qui constituaient le manoir formaient une ellipse. Elle s’ouvrait sur la gauche par un gigantesque portail aux sculptures étranges. Derrière le portail, on pouvait apercevoir des arbres ouvrant sur un parc infini, qui ceinturait le manoir. Des sculptures de marbre et de pierre y trônaient. Elles symbolisaient d’anciennes divinités celtiques, du moins le croyait-on. Il semblait qu’on pouvait y reconnaître la déesse Dana, entourée de Bélénos, de Lug et de Dagda. Mais on en était pas sûr et même le propriétaire des lieux ignorait la provenance et l’âge de ces statues.
Mais comme on se trouvait en Bretagne, et que le manoir se trouvait sur un ancien site mégalithique réutilisé ensuite comme lieu de culte par les tribus celtes – du moins le croyait-on – on pensait donc qu’il s’agissait de dieux et de déesses celtes.
Placée au centre de ce parc, une fontaine en pierre blanche, avec des motifs symbolisant un déluge et un peuple en fuite dans un arche sur les eaux montantes, était entourée par quatre bancs de pierre blanche eux aussi. Ces gens, si finement sculptés sur la fontaine, semblaient grands et avaient des traits purs. Rien sur leurs visages trahissaient la peur ou la panique. Leur attitude était d’un calme bouleversant. Aucune colère, aucune haine, aucun cri ne semblait vouloir sortir de ces bouches si parfaites. Leurs yeux respiraient la bonté et la tranquillité. De la fontaine, quand on se dirigeait vers le manoir, trois chemins apparaissaient et menaient aux différentes ailes de cette grande et spacieuse demeure.
Une étable était nichée dans l’aile droite, où les chevaux, animaux de compagnie préférés du maître des lieux, se reposaient. Le chemin, qui menait à l’entrée du manoir, traversait cet immense parc et était éclairé la nuit par des lampadaires verts et très fins. Ils donnaient l’impression de se pencher, telles des ombres humaines minces et furtives. Ils dégageaient une lumière verte et agréable, mais étrange.
Quelques marches, enfin, conduisaient à la massive porte d’entrée du manoir, toute en chêne, qui scellait les secrets de cet endroit. Les bords de cette porte étaient magnifiquement sculptés. Il semblait qu’on pouvait y reconnaître de grands personnages en costumes de poissons et des scènes d’exode, de déluge. Quand on regardait vers le haut de la porte, on y voyait un triangle gravé, avec, à l’intérieur, une ellipse. Mais cette gravure était toute petite et difficile à apercevoir.
CHRISTIAN DE SAINT- CLAIR habitait depuis sa naissance dans ce vieux manoir, héritage de ces ancêtres. Il était un archéologue marin très connu et passionné par l’antiquité et les origines de la civilisation humaine. Alors que ses grands yeux verts étaient perdus dans la contemplation de la tempête, il songeait en souriant que les Korrigans devaient être de sortie ce soir et ramasser leurs trésors. Il partageait avec les Korrigans cet amour de la tempête et de cet aspect sinistre et mystérieux qu’elle conférait à la lande. La lande, si sauvage et tranquille, semblait alors passer dans une autre dimension, surnaturelle, où d’autres êtres magiques de toutes sortes avaient leur place. La tempête produisait comme une déchirure entre les deux mondes. C’est pourquoi les hommes qui sortaient ces soirs-là, sur la lande, pouvaient les apercevoir à la lumière des éclairs. Christian savait que les autres trouvaient bizarre son amour pour les temps de pluie et de tempête. Ils ne le comprenaient pas, la tempête leur faisait peur, même s’ils n’osaient pas l’avouer. Lui appréciait la beauté et la violence du spectacle. D’ailleurs n’était-ce pas un Korrigan qui courait là-bas en poussant une brouette pleine d’or et de bijoux tout en chantonnant et souriant sous un ciel zébré d’éclairs? Christian ria de bon c½ur. Nonchalant, son regard se porta sur son poignet. Mais où était donc passé sa montre ? Son père la lui avait offerte, quand il était enfant, avant qu’il ne parte avec sa mère pour l’Irak… Où avait-il bien pu l’oublier ? il ne lui semblait pas pourtant l’avoir posée quelque part au travail ou chez lui. Il l’avait eue au poignet jusqu’à maintenant, lui semblait-il.
Peut-être dans la salle de bain…. Il vérifiera aussi au travail demain. Qui sait ? Ou était-ce le Korrigan… BIP ……..BIP……………
Un bip arrêta net le flot de ses pensées et lui rappela qu’on était le soir, qu’il avait faim et que dans la cuisine, son plat était maintenant prêt. Il quitta rapidement la fenêtre pour aller retirer son plat du four. Il entra dans sa cuisine toute de bois ornée et sculptée et prépara son dîner. Il s’installa dans son salon aux boiseries magnifiquement ciselées pour manger et alluma la télévision. Il s’installa confortablement dans son fauteuil couleur crème. C’était l’heure du journal télévisé. Il s’attendait à y voir débiter les atrocités habituelles, devenues plus que banales et enrobées dans les sourires des présentateurs TV. Il ferma les yeux, soupira. Décidément il n’aimait pas le regarder, mais il fallait bien se tenir informé. Mais, dans le fond - et c’était une question qu’il se posait depuis longtemps - jusqu’où allait la manipulation de l’information ? Il était persuadé que l’on nous cachait certaines choses et que l’information parvenait au public de manière étouffée ou détournée.
Une autre question le turlupinait aussi: comment les gens pouvaient-ils supporter cette dose d’horreurs et de violence quotidienne pendant leur repas du soir ? quand, soudain, une nouvelle le tira de ses réflexions. Tout son être se concentra sur le visage et les lèvres du présentateur du JT. Avait-il bien entendu ? Etait-ce possible ? « Nouvelles découvertes à Uruk, en Irak » avait – t- il annoncé d’une voix égale, avec son visage habituel inexpressif et placide.
L’information qui suivit fit l’effet d’une bombe à Christian, même s’il n’en comprit pas tout de suite toute la portée. Tendu, il buvait les paroles du journaliste qui, sans emphase, continua à expliquer :
« Les archéologues se posent beaucoup de questions quant à la date de la création de l’Ecriture elle-même. En effet, une dernière expédition scientifique faisant des recherches à Uruk, en Irak, a retrouvé plusieurs papyrus recouverts d’une écriture jamais vue
auparavant. Cachés pendant des millénaires dans une grotte quasi inaccessible, où l’air est resté sec et donc propice à la conservation, ils n’avaient jamais vu le jour.
Un autochtone a remarqué une lumière verte et étrange scintiller la nuit près de la grotte.
En s’approchant, il a découvert que cela venait de l’intérieur de la grotte et a trouvé les amphores dans lesquelles étaient cachés les papyrus. Comme ces étranges papyrus sont en bon état, la datation pour les experts a été facile. Et c’est là que ça devient étrange.
En effet, ils les situent entre 13 800 et 9600 avant notre Ere. Ils sont formels.
Or il faut savoir que l’Ecriture a été créée et utilisée par les Sumériens – dans l’antique Irak - tout d’abord vers 5000 ans avant notre Ere. Une des plus anciennes tablettes datent de 3300 avant JC. Retenez votre souffle, ce n’est que le premier mystère : les spécialistes sont d’accord pour dire que le procédé d’imprimerie concernant ces papyrus ne peut pas être identifié, il est inconnu comme la texture des papyrus d’ailleurs…
Deux camps se dessinent parmi les archéologues experts, ceux qui restent intraitables et maintiennent leurs savoirs et ceux qui pensent réévaluer ce qu’ils ont découvert jusque là. Les premiers crient à la supercherie… » Ce reportage laissa Christian dubitatif.
Un certain temps il regarda les signes de cette écriture inconnue et semblant le narguer à travers l’écran. Elle ne lui semblait pas si inconnue que ça. Mais où ?
Mais où avait-il bien pu voir cette écriture étrangère et pourtant si familière… cette question l’obsédait. Il regarda autour de lui et ne vit pas au premier abord la raison de son malaise. Puis il se leva et observa les poutres, les voûtes de pierre, la porte d’entrée, les gargouilles, jusqu’à son lit à baldaquin. Il n’y crut pas tout d’abord puis l’évidence lui sauta aux yeux : tout autour de lui parlait cette langue encore innommée et portait l’empreinte de ses signes. Que signifiait tout cela ?
2- Réminiscences
Il se revoyait enfant lorsqu’il avait demandé à sa mère une explication pour toutes ces gravures étranges. Elle avait répondu : « Le temps viendra, Christian, où tu apprendras et sauras. Ces signes et ces symboles racontent une histoire, celle d’un peuple…
Tu comprendras mieux et sauras ces secrets. Il faut être patient. L’heure approche… »
Mais ses parents moururent dans un accident d’avion, alors qu’ils revenaient d’Irak, semble-t-il, et jamais on ne lui expliqua le sens de ces gravures, comme le lui avait promis sa mère. Malgré tout, il n’oublia jamais les histoires que sa mère lui chantait le soir d’une voix douce et pourtant gutturale. Les couleurs de ces mots, dont il imaginait le sens, l’habitaient encore. Il s’y berçait. Mais bientôt le flot de ces souvenirs fut interrompu. Un coup de tonnerre fondit sur le manoir et provoqua une coupure de courant. Il alla réparer cette panne, mais garda en mémoire ce reportage et la redécouverte de son habitat sous une autre lumière. Et toujours la même question en tête… Par flashs, il revoyait les signes de cette écriture antique gravés et qui dansaient dans sa mémoire.
Il n’y pouvait rien et ne comprenait pas ces images, ces signes qui s’imposaient à lui et le harcelaient. Pourquoi ce sombre tourbillon de souvenirs ? Christian ne fermait l’½il la nuit que très rarement. Il songeait à ces mystères, qui l’entraînaient dans un malaise de plus en plus profond. La seule vraie question qui l’obsédait derrière tout ça, c’était : qui suis-je réellement ? Pendant quelques temps, Christian n’y pensa plus et s’occupa plus assidûment de son travail. C’était un jeune homme amoureux de son métier d’archéologue et perfectionniste. Il travaillait sur un site mégalithique, près de Carnac, qui avait été découvert récemment. Il s’était spécialisé dans l’histoire des peuples celtiques, de leur mode de vie. Et son travail était reconnu par les archéologues et scientifiques du monde entier. Ses yeux verts de Jade cependant respiraient la solitude et le vide. Le vide d’une vie qui n’avait pas encore trouvé son sens, sans un amour pour la transcender. Il s’affirmait dans son travail : il voulait se rapprocher des origines du monde (pour retrouver les siennes ?), mais avait peur d’avoir des relations avec d’autres êtres humains. Il ne faisait pas beaucoup cas de ses collègues, des gens en général. Il fuyait la société et en même temps se fuyait lui-même, refusait de voir sa peur, sa peur de s’engager et d’avoir encore à subir un abandon affectif. C’était pour cette raison qu’il fuyait en courant vers les origines des civilisations, en espérant y trouver les siennes.
Devant cette énorme barrière, les autres reculaient et ne cherchaient pas à le comprendre. Mais une chose était sûre, il attendait quelque chose ou quelqu’un, voire les deux… Il attendait sa délivrance en silence.
Un soir qu’il rêvait à la fenêtre de sa chambre aux autres possibilités, à ce qu’auraient pu être sa vie, à tout ce qui aurait pu faire la différence, il entendit une douce musique qui berçait sa rêverie. Il ne l’entendit pas tout de suite, tant elle était douce et agréable. Il quitta d’un coup son lit à baldaquin puis se dirigea comme aspiré par elle vers l’endroit d’où elle était émise. Il ne pouvait résister au charme de ce son si sucré. Il avait l’impression de se retrouver en enfance. Etrange sentiment… Il courait maintenant vers une aile du manoir, qu’il ne connaissait pas, mais qui l’avait toujours attiré. On lui en avait toujours interdit l’accès, quand il était enfant. Mais la curiosité et la musique aidant, l’interdit fut vite dépassé.
Il était si pressé qu’il ne voyait pas les bustes, les sculptures ou les lustres, les tableaux autour de lui. Il volait, dévalait les couloirs et les escaliers qui descendaient, descendaient vers…
3- Découverte et appel du sang
Il retint son souffle, ne pouvant réaliser ce qui s’offrait à lui. Il était entré dans une crypte.
Il dévorait tout des yeux et se sentait en confiance malgré tout, grâce à la musique qui se faisait aussi de plus en plus insistante et l’entraînait dans ses découvertes. Elle possédait
la voix de sa mère. Les histoires qu’elle chantait lui revinrent en tête et il en comprenait inconsciemment le sens, le cheminement. Tout en chantonnant dans cette langue inconnue - l’envie d’accompagner la musique étant trop forte - il remarqua que la crypte formait une ellipse. A sa droite, il s’arrêta sur ce qui ressemblait à un tombeau et essaya de discerner les gravures qui apparaissaient dessus.
Il reconnut certains signes bizarres qu’il avait vus dans ce reportage à la télévision et dans toute sa maison. Il retint son souffle dans l’atmosphère poussiéreuse et putride de cet endroit déserté de tous et sur lequel le temps n’avait aucune d’emprise. Christian fixait les signes et peu à peu ils se mirent à danser dans sa tête. Il prit conscience de leur signification et s’en pénétra. Mais cet état de conscience ne dura pas. La musique se fit de plus en plus distante, pour peu à peu disparaître complètement. Encore grisé par cette expérience sensorielle peu commune, qui avait ouvert son champ de conscience, Christian entendait sa mère chanter dans sa tête. Il revoyait son visage, son sourire et s’en enivrait.
Il ne s’était pas aperçu que la musique s’était tue. Il voulait profiter encore un instant de cette voix qui lui manquait tant. Alors il s’enfonça encore plus profondément parmi les tombes, les signes dans la crypte. Il balaya la crypte du regard et trouva au fond de la pièce d’étranges tableaux, représentant des paysages et des personnages en train de rendre une sorte de culte étrange. Mais il n’en comprit pas tout de suite toute la mesure. Alors pris d’une inspiration subite, il décida de les accrocher sur les murs de son appartement dans le manoir. Il remarqua que sur les colonnes de la crypte étaient gravés d’autres dessins, d’autres signes qui formaient une continuité. Cette fébrilité, cet état de conscience s’acheva aussitôt qu’il était venu.
Il reprit ensuite ses occupations quotidiennes. Il alla faire un footing, courir dans son parc autour du manoir. Il avait besoin de se libérer, de se défouler après ce qu’il avait vécu dans la crypte. Ensuite, il emmena son cheval en ballade.
De plus en plus souvent, Christian était pris de frénésies et regardait les tableaux, qui lui parlaient de cette culture mystérieuse en cette langue ancienne, ante – diluvienne, car ils comportaient des inscriptions gravées en leur bas. Il observait ces visages. Leur trait était fin et leur peau couleur miel. Il aimait le rayonnement de ces personnages, grands et aux yeux de jade si purs. Il partait avec eux dans leur périple.
Il souffrait avec eux pendant leur fuite, partageait leur culte en son c½ur. Il essayait de comprendre ce peuple inconnu et ses pratiques. Il n’en perdait pas un détail, parce qu’il voulait savoir. Ces tableaux, où les personnages lui semblaient vivants, lui apportaient la présence de ses parents. Il ne pouvait s’expliquer ce lien qui l’unissait à eux.
Il savait que la clé était dans ces peintures et dans ces signes. Il comprenait cette langue en son c½ur, mais ignorait comment agir. Tous ces signes se bousculaient dans son inconscient, sa mémoire. Il s’enivrait de toute cette étrangeté… Cette douce musique sucrée revint tinter à ses oreilles presque toutes les nuits et emporté par son ardeur, il priait, pour comprendre ces mystères. Enfin il s’endormait heureux, bercé par la voix de sa mère...
Toutes ces découvertes le bouleversaient. Jusqu’à présent, il connaissait son vide intérieur, ce cruel manque d’amour. Quand il était enfant, il avait cru devenir fou. Il s’imaginait ses origines, qui il pouvait être. Et il n’avait jamais eu de réponse. Ce manque de repères sur lui-même, sur sa propre histoire, lui détruisait toute sa vie. Il ne pouvait pas se développer, ni avoir confiance en lui. Le fait d’être arraché à ses racines l’arrachait à sa propre vie de tous les jours. Il souffrait, tournait en rond avec ses questions identitaires, quand il prit soudain conscience que le fondement de son identité était déjà en lui et s’exprimait à travers sa personnalité, son humanité propre. Il partit donc au fond de lui –même.
A partir de ce moment – là, il se sentit mieux et fut en phase avec lui-même. Il reprit confiance en lui, avança dans ses études d’archéologie.
Il s’était dit qu’à défaut de connaître ses origines, il allait se pencher sur celles de la civilisation humaine. Depuis il considérait son histoire comme quelque chose d’exotique, une curiosité, qu’il avait mise en attente, et qu’il était prêt à découvrir petit à petit, au gré des circonstances. Ce n’était plus une obsession. Il savait qu’un jour il aurait des réponses. Il gardait un espoir, c’était tout. Il s’était construit et donné ses propres bases dans la vie, sans s’appuyer sur ses origines ou leur souvenir. Et il en était fier. Or, maintenant, les circonstances lui étaient favorables. Il était pour la première fois confronté à l’histoire de ses ancêtres. Etait-ce l’heure du départ ? Il sentait son sang brûler dans ses veines quand il était dans la crypte, ou quand il regardait les tableaux. Cet appel du sang ne le trompait pas. Il sentait comme une communion d’esprit entre ses ancêtres et lui. Ils lui parlaient dans son inconscient.
Il pensait depuis longtemps que la réalité de sa vie n’était pas dans ses ancêtres ou ses origines, où qu’elles soient, mais se trouvait bien sur Terre, dans son travail, ses recherches. Mais maintenant, il n’en était plus très sûr.
Les réponses sur son histoire, il en était persuadé, se trouvaient en partie dans cette crypte et dans le manoir.
Il se sentait perdu dans tous ces signes, mais il comptait exploiter cette porte ouverte vers son passé. Il s’en voulait de ne pas avoir ouvert les yeux avant. Il voulait savoir et mettre un terme une fois pour toutes à son déracinement. Il voulait comprendre. Venant le troubler encore plus, il voyait dans ses rêves des choses étranges, comme une assemblée d’hommes grands et minces, à la peau de miel et aux yeux mi- verts, mi- violets, qui répétaient sans arrêt : « Mach’Agheph ! Mach’Agheph !»
Il voyait ensuite du sang sur ses mains et un drapeau vert – violet trôner sur le monde. Il se réveillait en sueur et décontenancé. Quelle signification pouvait- il donner à ces visions étranges ?
4– LES APKALLIRS (9461 avant Jésus-Christ)
Un homme s’avança dans les profondeurs de la grotte. Quelle tempête il y avait dehors ! Il était trempé jusqu’aux os. Mais heureusement, il était arrivé sain et sauf. Il se hâta dans les couloirs étroits et aux murs chaleureux, recouverts de tapisseries très colorées, qui lui réchauffèrent l’âme. Il se surprit à sourire. Un libeilleur le suivait dans sa marche rapide et diffusait sa lumière et sa chaleur. Il hâta son pas. Il se savait attendu par les autres Sages, les Apkallirs- ils étaient sept en tout, la Shenkua. Les temps sont devenus vraiment tumultueux, pensa-t-il. Et nous devons accomplir la volonté de Lentrach…Il revit l’événement qui avait provoqué cette réunion de la Shenkua. Est-ce que c’était possible… Etait-ce bien cela…. Avait-il fait la bonne interprétation…Il semblait bien que oui… D’ailleurs, il ne pouvait pas se permettre de faire attendre plus longtemps les autres Sages, lui qui était le Sage d’entre les Sages, le premier Apkallir, Aggatiyanar. Alors qu’il marchait le long des ces couloirs bigarrés en direction de la salle de réunion, il fut pris, l’espace d’un instant, par un frisson de peur et de doute… il se ressaisit, respira lentement et se concentra sur son centre d’énergie divine, en lui. Il sentit de nouveau un flux d’énergie et de bien-être se propager dans tout son corps et autour de lui jusqu’à atteindre ceux qui l’attendaient, là-bas, dans la grande salle.
Il entra enfin dans la salle où les six autres Apkallirs étaient réunis. Des libeilleurs virevoltaient dans l’air. Leur lumière et leur chaleur étaient douces. Les sept Sages portaient leurs costumes en forme de poissons et étaient tous assis autour d’une table ovale constellée de jade et d’améthystes. Ces deux pierres scintillaient à la lumière des libeilleurs, renvoyaient cette lumière et ainsi accordaient à la salle une atmosphère agréable et feutrée. Le jade et l’améthyste jouaient un rôle très important pour eux, car ils se retrouvaient dans ces pierres. Leurs yeux étaient violet-verts comme elles. Elles avaient même donné leur nom à cette civilisation, à ce peuple que la Shenkua dirigeait, puisqu’ils s’appelaient les Jadéysthes. Aggatiyanar les salua tous, en formant une ellipse de ses doigts, qu’il posa par trois fois sur son c½ur. Les autres lui rendirent son salut. Avant de prendre la parole, pendant quelques secondes, son regard embrassa toute la salle. Il aimait les boiseries finement ciselées qui occupaient tout le mur à sa gauche et représentaient deux jumeaux, dont l’un faisait face à un tigre et essayait de le dompter pendant que l’autre lévitait dans les airs et ouvrait les mains en direction du tigre. Leurs visages étaient souriants. Il aimait ces visages. De chaque côté de la porte, qui s’ouvrait sur l’est, se trouvaient deux colonnes, Jenki à l’ouest et Ea à l’est. Elles étaient le symbole de l’équilibre énergétique qui maintenait le monde dans sa ronde. Il aimait ces colonnes de marbre blanc, pur. Il sentait l’énergie des ses amis, des six autres Apkallirs irradier dans cette salle et la remplir d’Amour divin. En pensée il rendit grâce pour cet Amour fraternel et divin qui habitait toute chose. Il se racla la gorge avant de commencer son discours : « Mes frères, clama-t-il, vous avez tous vu comme moi le signe qui a traversé notre ciel, la nuit dernière. » Les autres opinèrent du chef.
« Hier, la constellation du lion ( Ura) a évolué à l’envers pendant 1 minute et 35 secondes, continua-t-il.
« Mes amis, je suppose que vous avez tous une interprétation pour cet événement céleste, que vous y avez longuement réfléchi. Malgré la frayeur que cela nous cause, il faut reconnaître l’évidence et ne fermer ni les yeux, ni le c½ur. Il va falloir agir très vite, car il nous reste peu de temps. Le temps du cataclysme est arrivé et, hier soir, notre Dieu, Lentrach par ce signe l’a annoncé. »
Aggatiyanar, le Très-Sage, fit alors une pause pour observer l’effet de ses paroles chez ses confrères. Leurs têtes se penchaient les unes vers les autres en un signe de compréhension totale. Il put voir une tristesse commune pour le destin des Hommes, les souffrances à venir, et une résignation pleine d’espoir, l’acceptation de ce qui allait arriver et de la tâche qui les attendait. Ils allaient tous agir conformément à la volonté de Lentrach. Il vit aussi le courage dans leurs âmes. Il se rendit subitement compte combien ils les appréciaient, combien leurs traits et leurs âmes étaient pures, combien il aimait la lumière qui émanait de chacun d’eux. Il leur adressa un sourire rassurant, déglutit et poursuivit son explication :
« Le temps de la Grande Inondation a commencé. Notre peuple s’est attiré les foudres de Lentrach notre Dieu par tant de haine, d’égoïsme, de dépravation, de déshumanisation, de corruption. C’est sa réponse à leur comportement, à leur manque de foi et de croyance. C’est le prix pour le péché d’ubris - . Il va falloir nous organiser pour préparer notre peuple et le guider vers son Salut. Car telle a toujours été notre mission.» Là, Aggatiyanar s’arrêta, respira profondément et son regard s’assombrit pendant quelques secondes.
Finalement le plus jeune des Apkallir osa demander :
« - Mais autre chose ne s’est-il pas manifesté lors de cet événement ? je crois avoir vu et senti une force incroyable naître et surgir au centre de cette constellation qui reculait…Cette lumière blanche allait de l’avant, dans le sens contraire des autres étoiles. Et je suis certain de ne pas être le seul à l’avoir perçu…Qu’est-ce que cela signifie ?
- J’y ai réfléchi, répondit Aggatiyanar, songeur, troublé mais plein d’espoir. Je pense qu’un autre événement va se produire, quelque chose de merveilleux et de fantastique, qui sauvera notre peuple, bien après la Grande Inondation. Cela nous apportera un souffle nouveau et symbolisera notre retour dans la lumière et les grâces de notre Dieu, que notre peuple a mis en colère et outragé. Maintenant, soyons prêts et faisons face ensemble avec notre peuple. Nous devons nous revoir pour tout organiser et nous mettre d’accord sur la marche à suivre. » Son regard balaya la salle et il vit l’agitation monter chez ses collègues de la Shenkua. Ils essayaient de comprendre quel sens avait cette lumière blanche et chacun faisait des hypothèses, les unes plus incroyables que les autres. Mais Aggatiyanar était heureux de constater combien cette lumière blanche donnait déjà de l’espoir en ces heures qui s’annonçaient sombres … si sombres. D’autant plus qu’il ne savait pas vraiment ce que signifiait cette lumière blanche, cette lumière blanche….
5- Rencontre
Cet état de transe et d’agitation dura sans que Christian puisse y trouver une réponse ou un moyen pour en sortir. Alors, pour ne plus y penser, il décida d’aller passer la nuit du solstice d’hiver à Newgrange, en Irlande. Il voulut y aller en bateau et profiter de l’air marin si riche et apaisant. Il arriva en Irlande à Dublin et profita de la fin d’après-midi pour se promener dans le parc. Il y retrouva un collègue à lui, qui avait également travailler à Newgrange. Tous les deux allèrent manger dans un petit restaurant typique de Dublin et finirent la soirée dans un pub. Christian aimait l’ambiance des pubs et le sens de la fête des Irlandais. C’était si agréable et ça le coupait du reste du monde. Se déconnecter…C’était vraiment vers quoi son âme, son esprit aspiraient en ce moment. Tard dans la nuit, ils prirent le train pour Newgrange, au nord de Dublin.
Le paysage était magnifique, vallonné, vert, et la mer sur la droite. En profitant de cette vue féerique qui se dévoilait peu à peu à lui, il comprit pourquoi tant de légendes et de contes étaient nés sur cette île. Un si beau cadre ne peut qu’enflammer l’imagination ! Enfin le site de Newgrange apparut. Christian appréciait particulièrement le calme sacré et la sérénité que dégageait ce lieu. C’était un site mégalithique sur lequel il travaillait depuis quelques années. Une fois au pied des pierres et la première impression de grandeur, de magnificence passée, les deux hommes se mêlèrent aux autres archéologues présents et les saluèrent. Comme l’aube allait bientôt pointer son nez rose sur cette plaine splendide, tous se dirigèrent ensuite dans la chambre centrale du site. Ils rentrèrent dans une grande salle circulaire, toute en pierre. Une fente était visible du côté est et traversait le haut du mur nord-est jusqu’au plafond. A l’aube, le spectacle tant attendu eut lieu : la lumière de Sirius envahit la pièce d’un éclat rougeâtre qui se transforme par la suite en un flot de lumière bleutée. Un quart d’heure après, le soleil daigna se montrer et illumina progressivement toute la salle. Thierry Waldersee, également très intéressé par l’antiquité et ses mystères, linguiste en langues anciennes réputé, n’aurait voulu manquer ce spectacle pour rien au monde. Il remarqua Christian et l’observa du coin de l’½il. Le regard de Thierry marqua Christian, l’intrigua. En observant Thierry, il ne put s’empêcher de penser à ses tableaux et aux personnages qui y figurent. Devant le spectacle de Vénus se levant et son aura colorée, il oublia vite ce malaise singulier. Il se laissa griser et ses pensées volèrent vers Ishtar, la déesse Vénus des Sumériens. Cette lumière devait posséder un pouvoir magique, puisqu’il lui semblait qu’elle le libérait de ses tensions et de toute négativité. Elle lui ouvrait tous les sens, les aiguisait, le rendait sensible à des choses qu’il ne percevait pas avant. Les portes de son champ de conscience étaient grandes ouvertes sous son influence. Cela l’enthousiasmait mais lui faisait peur aussi, comme toute sensation nouvelle à laquelle il faut s’habituer et qu’il faut pas à pas apprivoiser. Mais il se sentait plus fort maintenant.
Il se laissa une dernière fois envahir par la lumière bienfaitrice de Sirius avant que le soleil apparaisse et la fasse disparaître.
De retour chez lui, Christian cherchait d’autres indices dans la crypte. Il aimait sa forme elliptique et la connaissait déjà par c½ur. A sa droite se trouvaient deux tombeaux, en pierre blanche finement sculptée. Cette fois-ci c’étaient les signes de cette langue étrange et inconnue qui y apparaissaient. Tout autour, sur les murs, on pouvait apercevoir d’anciennes tapisseries, mais les couleurs s’étaient fânées avec le temps jusqu’à disparaître. Christian ne remarqua que très tard dans ses investigations, qu’un pan entier du mur était consacré à une bibliothèque, maintenant poussiéreuse et mystérieuse. Après avoir étudié les signes sur les tombeaux, il prit le temps de s’asseoir sur un des bancs qui occupaient le côté gauche et se plongea dans la découverte des livres étranges qu’il avait trouvés dans les rayonnages de cette antique et immense bibliothèque. Soudain, il entendit des bruits de pas. Il n’y crut pas tout d’abord et se replongea dans le décryptage de son livre. Puis le son d’une voix lui parvint, forte et insistante. Il ne rêvait pas. Il vit alors un jeune homme entrer dans la crypte et lui sourire. Christian posa machinalement le livre sur le petit autel qui se dressait au milieu de la salle, en allant, nerveux, vers cet inconnu.
« Christian : Qu’est- ce que vous faites là ? Je ne comprends pas… Je ne vous aurai pas déjà vu ?
Thierry : C’était ouvert, je suis entré…Je m’appelle Thierry Waldersee. Je suis en DESS de langues anciennes comparées. Je vous ai vu à Newgrange et je vous avais également écrit plusieurs fois pour vous expliquer que votre manoir m’intéresse...mais vous…
Christian : Comment cela, il vous intéresse ? Mais il n’est pas à vendre !!!
Thierry : Je vais vous expliquer. Si vous aviez lu mes lettres, vous auriez compris que votre manoir est le plus ancien de la région. Et il forme avec d’autres manoirs, bâtis de la même façon, comme une ellipse traversant l’Europe et l’Asie centrale. Votre manoir y est situé à l’extrémité ouest et doit avoir une signification particulière dans cette ellipse. Je voudrais travailler avec vous, dater ce manoir et cette crypte, dont on m’avait tant parlé…
Christian : …C’est pourquoi vous l’avez trouvée aussi vite ! Je ne pensais pas qu’elle pouvait susciter autant d’intérêt !
Thierry : Je vois que vous vous intéressez aux signes, qui sont gravés sur ses colonnes et
ces tombeaux… J’ai vu les mêmes lors de mon stage de DESS à Uruk. J’ai essayé de les traduire mais je n’y suis pas encore arrivé. Les comprenez-vous ? Et pourquoi les retrouve-t-on ici ?
Christian : Autant de questions auxquelles je ne peux pas répondre… J’ai l’impression que je comprends cette langue - ces signes - intuitivement, comme si je l’avais pratiquée étant enfant puis oubliée par la suite. Quant à savoir pourquoi ici, je n’en ai aucune idée. »
Les deux hommes montèrent dans l’appartement de Christian et continuèrent à parler ensemble des civilisations anciennes, du déluge, de spiritualité. Ils apprirent à se connaître.
Quand, semblant agir sous l’emprise d’une impulsion soudaine, Christian regarda sa montre et annonça à Thierry : « Ecoute, à cette heure-là, je monte mon cheval, Alulim. Veux-tu venir monter avec moi ? Je suis sûr, d’après ce que tu m’as dit, que tu es doué pour l’équitation ! » Thierry accepta son offre et ils partirent en promenade dans la propriété de Christian. Tous les deux, grands et minces, sur leurs grandes et athlétiques montures, se lancèrent dans un galop effréné. Le vent, l’air qui s’emplissait des odeurs de la nuit naissante, et la vitesse de leurs montures les grisaient.
Leurs cheveux clairs dansaient avec les mouvements du vent et leurs yeux brillaient du même éclat. Le bosquet dépassé - car la propriété de Christian comptait plusieurs bosquets qui s’égrenaient après la grande fontaine centrale, vers l’ouest et la mer - et arrivés au bord de la falaise, ils arrêtèrent leurs montures et se jetèrent au sol, l’un sur l’autre. Ils jouèrent ainsi pendant des heures sous la pleine lune, s’attaquant mutuellement, simulant des duels. La lune projetait leurs ombres grandes et fières sur la mer, calme et sereine. Enfin, dégoulinants de sueur, ils stoppèrent leurs simulacres de duels et se regardèrent. Ils partirent ainsi dans un fou rire sans fin, comme deux frères qui se ressemblent, habités par la même énergie et unis dans la même complicité. Pendant un bref instant, il sembla à Christian que Thierry était la réponse à ses prières et à ses interrogations. Tout paraissait facile avec lui.
6- Travail commun
Ils firent des recherches et essayèrent notamment de dater la crypte au carbone 14. Au début, ils cherchèrent des objets pour pouvoir effectuer les examens de datation. Mais ils n’en trouvèrent aucun. Ils étaient déçus mais ne s’avouèrent pas vaincus pour autant. Ils poursuivirent, malgré tout, leur recherche. Finalement, au moment où ils y croyaient le moins, ils trouvèrent un mystérieux objet conique, caché derrière un des tombeaux et enfoui dans la poussière terreuse, objet dont ils ne connaissaient ni le nom ni la fonction. Cet ustensile leur permit de dater la crypte. Celle- ci aurait été construite il y a environ 9000, 9500 ans, ou peut-être même 10 000 ans avant notre ère. C’était l’aile la plus ancienne du manoir, les autres ayant été bâties au courant du XIXème siècle.
Le manoir aurait donc été reconstruit sur ses anciennes fondations. Seule l’aile où se trouvait la crypte avait été préservée pendant toutes ces années.
Mais comment était –ce possible ? Ils constatèrent que la matière qui avait permis de construire les fondations leur était inconnue, tout comme celle du papyrus, mentionnée au journal télévisé. Thierry apprit à Christian qu’il avait trouvé la même matière aux propriétés étonnantes (non oxydable, résistante à tout) près du site d’Uruk et dans les manoirs qu’il avait visités auparavant et aussi essayés de dater. Depuis, ses recherches avaient toujours été confrontées à ces problèmes de datation. Arriva alors l’heure du travail en commun pour chercher des solutions à ces mystères.
Avec l’aide de Thierry, Christian dessina sur des feuilles tous les signes et toutes les lettres inscrits sur les tombeaux, les colonnes… Ensuite ils firent un important travail de traduction. Plus ils progressaient et travaillaient, plus Christian se laissaient envahir par les souvenirs de son enfance. Les sons, le sens de certains signes lui revenaient grâce aux chansons de sa mère. De plus Thierry fit un jour une remarque très juste : « Cette langue n’a pas pu disparaître comme ça. On doit forcément en trouver des traces dans nos langues actuelles mais aussi anciennes, telles que le perse, le sumérien… par exemple, tu vois ce signe ך encore employé en hébreu? Et bien, répété trois fois en hiéroglyphique ךּךך , il signifie Dieu et rappelle la Sainte Trinité égyptienne, Ousir, Iset et Hor. » Avec la traduction intuitive de Christian et la connaissance en langues anciennes de Thierry, ils avancèrent très vite. La traduction offrit de nouvelles perspectives.
A travers la découverte de cette langue inconnue, ils embarquèrent dans l’histoire et les mystères d’une civilisation jusqu’alors oubliée. Tout était lié et était la continuité de la frise précédente. Ainsi devant eux se déroulait comme dans un livre l’histoire de ce peuple et de ces gens. Plus ils avançaient dans cette étude, plus Christian était sûr qu’un lien l’unissait à tout ça. Cette sensation l’habitait profondément et le faisait avancer. Une autre question le troublait : est- ce que cette civilisation ancienne avait réellement disparue ? Existaient- ils des survivants, des descendants ? Il était persuadé de la réalité de ce peuple, des Jadéysthes – car ils s’appelaient bien Jadéysthes - et il voulait retrouver son lien avec lui. Thierry et Christian observèrent également la position de la crypte par rapport aux astres, aux douze constellations. D’après leur calcul, ils trouvèrent qu’à l’époque elle devait se trouver sous la constellation du Lion. Ils établirent le rapport avec les autres manoirs qui formaient comme une ceinture, et dont celui de Christian était à l’extrémité ouest. Mais pourquoi ? Rendaient – ils un culte aux constellations ? Christian était plongé dans ces considérations et travaillait à la traduction, quand Thierry vint le voir :
« Thierry : Je viens te dire au revoir. J’ai fini pour aujourd’hui. Il y a quelque chose dont je voudrais te parler. Ne serait- il pas plus…
Christian : …pratique que tu restes au manoir ?
Thierry : Merci pour ta proposition. Je l’accepte volontiers. Le travail avancera plus vite. Mais ça ne te dérangera pas ? Je sais que tu es solitaire. Tu restes distant et froid.... Il n’y a que quand nous sommes à cheval que tu quittes ta réserve.
Christian : C’est donc cela. Tu m’as observé et tu veux comprendre... J’ai perdu ma famille et leur secret, alors que j’étais enfant. J’ai peur de revivre cela.
Mais en ce qui nous concerne, nous sommes liés par ce travail, et je respecte beaucoup ton savoir, tes recherches. C’est pour cela que tu peux venir habiter au manoir.
Thierry : Merci pour ta confiance et j’espère en rester digne. Je savais bien qu’il ne fallait pas se fier aux apparences.
Christian : Merci de ne pas l’avoir fait et d’être resté ouvert. Merci pour ton travail. »
Ils se regardèrent et se mirent à rire.
Christian comprit bientôt la logique de l’histoire, de la continuité de ces signes. Ce qu’il avait pu traduire, recoupait l’histoire racontée par les tableaux. Christian se trouvait dans le salon et fixait les boiseries. Toute la table était couverte de notes. Quant au sol, il en était jonché. Un feu brûlait dans la cheminée tout en pierre, et elle aussi était sculptée, ciselée. Thierry entra dans ce capharnaüm et tira Christian de sa rêverie.
Ce dernier lui expliqua ce qu’il avait pu ou cru comprendre. Ils firent le bilan tous les deux. « Vois-tu, Thierry, c’est une histoire fantastique, bien qu’il me manque des fragments. J’ai regroupé les frises les unes avec les autres. J’ai pu ainsi ordonné l’histoire de ce peuple mystérieux.
Ils s’appellent les « FILS DE LENTRACH » ou « JADEYSTHES.» On peut reconnaître les intentions de ce peuple rien qu’en observant les signes qui symbolisent leur nom : טּצּ
Ils se reconnaissent Fils de leur Dieu Lentrach. C’est la seule divinité qu’ils vénèrent, d’après ce que j’ai pu comprendre. Ils sont Sa bouche et oeuvrent pour la paix tout en s’ouvrant sur le monde ou leur continent, ou encore leur planète. Ce n’est pas très clair, s’ils sont terriens ou non. Il est expliqué dans cette frise, qui est posée en face de toi sur la table, qu’ils ont dû quitter leur patrie, leur monde originel. Le pourquoi, je ne l’ai pas encore bien saisi – il me manque des fragments, comme je te l’ai dit. Ils sont arrivés dans un pays, qui semble être la Mésopotamie et y ont perpétué leurs traditions et cultes religieux. D’après ce que j’ai pu lire dessus, ils croient en Lentrach, qui est la source de toute énergie, qu’elle soit positive ou négative. Les douze constellations du zodiaque sont là pour catalyser cette énergie et nous la renvoyer sur Terre par l’intermédiaire de quatre flux énergétiques ou souffles. Voilà comment Lentrach influence la Vie sur Terre et comment Il nous transmet Son énergie. Tu comprends donc maintenant l’importance du rôle des constellations. J’en déduis donc que les habitants de ce manoir devaient autrefois rendre un culte à la constellation du Lion. Leur culte est essentiellement basé sur la bonne répartition des énergies cosmiques. En fait, il s’agit d’une relation énergétique entre Lentrach et son peuple. Tout part de Lentrach et tout y revient. C’est pour cette raison qu’il faut envoyer les flux d’énergie positive vers le centre de notre galaxie, vers le trou noir d’énergie, vers Lentrach. Ainsi du positif nous revient. Cette civilisation jadéysthe a tout fait pendant des millénaires pour conserver ce précaire équilibre énergétique des premiers âges. »
« D’après cette gravure, continua Thierry, Lentrach leur aurait donné sept Sages portant des costumes de poisson pour les guider après leur exode en Mésopotamie, reconstruire une civilisation. En effet, les plus jeunes générations ont oublié l’essentiel de la Foi primordiale de leur peuple.
Les sept Sages leur rappelèrent les Lois nécessaires au maintien de cet équilibre énergétique. Les Jadéysthes prônent le respect et l’affection, l’amour entre les membres de leur communauté. Ils prônent la tolérance pour les différences et la prière, pour donner cette énergie, et connaître le vide que procure l’abandon de la méditation pour Lentrach. C’est une sensation rare, car cela les met en communication avec le pouls, l’énergie primordiale, donc du battement de c½ur de Lentrach. Là ils puisent force et sagesse, et les donnent tout autour. Prendre et donner est une de leur Loi. Prendre l’amour et l’énergie de leur Créateur, mais savoir d’une part la restituer aux autres, et d’autre part pratiquer le culte aux constellations et à Lentrach lui-même. Donner du positif pour recevoir du positif. Ils ont des rites notamment où ils se rassemblent, fêtent ensemble la vie et leurs espoirs, méditent ensemble – on pourrait même parler de visualisation commune, je n’ai pas trop bien saisi le sens. Je dois encore rechercher - , s’activent ensemble pour le Bien de la communauté dans le travail comme dans la prière. En effet ils allient les actions sacrées aux profanes. Toute leur force vient de là. Maintenant, je voudrais savoir quand elles avaient lieu et pourquoi. Regarde bien, Christian. Sur cette gravure et ce tableau est représenté un de ces cultes aux constellations dont nous avons parlé. Le prêtre est habillé d’une tunique de lin blanc avec une ellipse violette à l’endroit du c½ur. Tu te souviens de l’objet que nous avions retrouvé derrière le tombeau ?
Et bien, regarde ce prêtre, il porte aussi cet objet conique, dont on distingue bien l’entrée et la sortie. »
Christian, qui était resté près du feu, se rapprocha et jeta un coup d’½il à ces scènes étranges. Un silence éloquent envahit la pièce. On pouvait entendre les bûches se consumer. Ils étaient assis, l’un en face de l’autre, à la lueur du feu et se laissaient envahir par la magnificence des scènes qu’ils dévoraient littéralement des yeux. Un instant ils saisirent le sens, la symbolique de ce culte étrange. Leurs têtes se touchaient imperceptiblement. L’éclat intimiste du feu contribuait à l’union de ces deux esprits. Il brûlait les bûches avec ardeur et donnait à leurs cheveux le même éclat roux. Sa lumière réveillait le violet de leurs pupilles et la douceur miel de leurs traits. Une bûche craqua sous l’effet du feu de plus en plus féroce et ce bruit violent sortit Christian et Thierry de leur torpeur contemplative. « Oui, je sais à quoi cet objet conique servait, déclara Christian, alors que le feu se calmait. Je pense que c’est un récepteur et propagateur d’énergie cosmique. Cet objet reçoit tout d’abord l’énergie primordiale soufflée par la constellation du Lion – Lentrach. Il s’agit pour le prêtre de faire un seul avec le réceptacle d’énergie. Le prêtre la propage sur la Terre et ses fidèles pour équilibrer les forces et doit la renvoyer à Lentrach. Pour eux, en effet, il ne faut rien garder pour soi. Les choses alourdissent les êtres humains au moment de leur mort, mais aussi pendant toute leur vie, puisque le matérialisme les empêche d’accéder à une spiritualité saine et élevée vers Lentrach, à la vraie liberté, offerte notamment par l’exercice quotidien de la méditation. Leur spiritualité a quatre piliers : Respect et Sagesse, Equilibre et Voie du Milieu… ce chemin spirituel mène à une totale maîtrise de soi, à la paix intérieure qui amène également à la paix avec les autres en général. Tout finalement est une question d’équilibre d’énergies. Je t’ai parlé de Lentrach et des sept Sages. J’ai oublié de mentionner le Souffle divin. C’est comme le Saint Esprit. On dirait les prémisses de la religion chrétienne, non? Dieu – Esprit - Prophètes ou Disciples…»
Thierry l’interrompit :
- Alors, tu veux dire que des traces des Jadéysthes subsistent encore dans la religion chrétienne même ?
- Oui, d’ailleurs, il semblerait. Mais, j’ai trouvé quelque chose de très surprenant.
Sur un des fragments et deux des tableaux, il est mentionné que « les Fils de Lentrach » ont mené beaucoup de combats pour annexer d’autres terres. C’est cela que je ne comprends pas. Ils ont été pacifistes et plutôt sages, d’après les commandements qu’ils ont dus suivre. Ceux qui péchaient étaient immanquablement punis. Pour en revenir aux combats, il semblerait qu’ils aient annexé toute la planète et qu’ils la dirigeaient. Ils ont eu les clés de la puissance, du savoir, de la sagesse.
- Mais alors, tu veux dire qu’ils étaient maîtres de la planète jusqu’en 9462 avant notre Ere ? C’est tout bonnement impossible… L’Homme n’était pas assez civilisé… Et puis, je ne comprends pas. Pourquoi auraient-ils périclité ?
- D’après les fragments que j’ai rassemblés, ils ont dirigé la planète de 11 962 à 9462 avant notre Ere, date à laquelle le problème et la fuite ont eu lieu.
Je n’ai pu retrouvé que dix noms de rois avant leur chute. On y retrouve comme par hasard la présence de sept Sages, ou de sept devins. Quant à leur chute…
- Tu penses que leur Dieu les aurait punis, parce qu’ils avaient commis le péché d’Ubris ?
- Non, ce serait trop facile ! Tu lis trop la Bible !!!! C’est un mystère qu’il nous faudra éclaircir…
- En parlant de mystère, Christian, regarde ce que j’ai trouvé, bien conservé dans certains tombeaux. Un sachet avec je ne sais quoi dedans… on dirait une substance violette, sucrée. Est-ce que c’est mentionné dans tes gravures ?
- Non, non… attends. Si, si, je me souviens qu’ils parlaient d’une substance qu’ils avalaient en permanence. Elle s’appellerait ‘Draail’ et rallongerait la vie de quiconque la consomme, lui permettrait d’atteindre d’autres champs de conscience, d’arriver à sentir le pouls énergétique de leur Dieu.
- Tu crois que c’est cette substance qui aurait entraîné la chute des Jadéysthes… ??
Thierry mit du temps à comprendre l’ampleur de ces révélations. Le feu brillait de mille éclats, illuminant leur visage et leur regard de jade.
Face à face, penchés sur les fragments, leurs mèches de cheveux se mêlaient. Ils paraissaient si semblables… Si quelqu’un d’extérieur était entré et aurait assisté à cette scène, il aurait pensé qu’ils étaient deux frères.
- Je n’en ai aucune idée, mon cher Thierry. J’aurais besoin d’autres fragments…
Leurs cheveux se désunirent. Leurs regards se croisèrent et le même éclair y apparut.
La même idée avait germé dans leurs esprits. Le reportage… C’était évident pour tous les deux que la prochaine étape ne pouvait se faire dans le manoir, mais ailleurs, là où les secrets se dissiperaient enfin, où les clés de la compréhension leur seraient données.
Cet endroit, c’était Uruk. Ils décidèrent de partir pour l’Irak, le plus vite possible et d’interroger les archéologues. Ils espéraient pouvoir lire les fameux papyrus et apprendre les renseignements qui leur manquaient.
7- Départ pour Uruk
L’hiver était bien installé quand ils avaient pris cette décision. Et pour la première fois depuis l’automne, les deux amis virent la lumière du soleil, eux qui n’étaient plongés que dans leurs recherches. Ils prirent le vol pour Uruk et ce fut leur premier bol d’air.
Ils se détendirent et se préparèrent à leurs futures découvertes.
- Dis-moi, Christian. Que crois-tu qu’Uruk nous réserve ?
- Que des surprises !!! J’espère que le secret de ma famille m’y sera enfin révélé !
- Je l’espère pour toi aussi. Toi et moi, nous allons repousser les limites de la science !
- Oui, nous allons bouleverser le ciel de l’Histoire, de l’archéologie.
- Tu te rends compte ? Si ce que nous avons réussi à traduire est vrai, une civilisation oubliée gouvernait la terre, vers 9500 avant notre Ere.
Pourtant, c’est l’âge du néolithique ! Les hommes chassaient et cultivaient, commençaient à s’organiser en villages. La société était formée de trois groupes essentiels, les cultivateurs, les prêtres et les guerriers. Si on découvrait qu’une civilisation antérieure existait et était encore plus développée…ne sois quand même pas si impatient. Prudence !
- Ne t’en fais pas. Je sens seulement que quelque chose de grandiose m’attend.
- Ne te fais pas trop d’illusions…
- Ne t’inquiète pas pour moi… Tu es un véritable ami, merci.
Le reste du vol, Christian ne fit que rêver et imaginer ce que deviendrait sa vie après ses futures découvertes, probablement bouleversantes pour le monde scientifique.
Enfin la terre promise s’annonçait avec ses mystères et ses secrets. Ils arrivèrent à Uruk de nuit et trouvèrent une chambre à louer chez l’habitant. Le lendemain matin, ils se mirent en quête de l’équipe d’archéologues qui travaillaient sur le site d’Uruk, là où il restait encore des manuscrits à découvrir et bien d’autres biens de cette civilisation perdue. Par l’intermédiaire de Thierry, qui avait effectué son stage là-bas, Christian rencontra le directeur des fouilles, Jean-Marc Le Gueil, et fut engagé après qu’ils lui racontèrent les découvertes qu’ils avaient faites dans son manoir et comment ils étaient arrivés à traduire cette langue innommée et inconnue. Ils avaient apporté des photos et leur traduction. Après avoir pris connaissance de tous ces documents et s’être assuré de leur véracité, le directeur des fouilles les incorpora à son équipe et leur autorisa l’accès à des documents d’origine, pour qu’ils continuent leur travail de traduction. Douze millénaires et cinq cent quarante siècles plus tard, la découverte de la civilisation des Jadéysthes allait changer la conception des archéologues et des historiens sur l’Antiquité. Avouez qu’il y a de quoi perdre son latin, qui paraît d’ailleurs bien rajeuni à la vue de ces chiffres ! Les recherches avancèrent rapidement. Christian complétait jour après jour l’histoire de ce peuple mystérieux grâce aux papyrus. Mais les événements en Irak n’allaient pas en la faveur de leurs recherches. En effet des agitateurs politiques pro Saddam Hussein s’introduisaient régulièrement parmi les ouvriers irakiens du site archéologique. Depuis que l’Irak était administrée par les Américains, ces hommes venaient perturber la vie du chantier et persuader les hommes de résister aux forces américaines.
Ils leur prouvaient que l’administration américaine coulait l’Irak, que les Américains ne comprenaient rien aux Irakiens, ne le voulaient même pas. Selon eux, les Américains ne faisaient que les asservir davantage et ne voulaient que prendre les richesses de leur pays. Ils n’avaient aucun respect pour la nature humaine.
Ils poussaient les ouvriers à la rébellion et à la résistance. Plus ces agitateurs passaient, plus les ouvriers les écoutaient et les croyaient. Il en allait de même pour la population irakienne qui commençait à se soulever un peu partout dans le pays. La rébellion se propageait à une vitesse vertigineuse. Et les agitateurs n’y étaient pas étrangers, car ils s’étaient introduits dans tous les milieux, artistiques, religieux et politiques irakiens.
La guérilla entre forces de l’ordre américaines et la population révolutionnaire prenait chaque jour une dimension plus importante. D’ailleurs les premiers journalistes européens et américains commencèrent à arriver à Bagdad, où les tensions étaient vives.
Christian et Jean-Marc, qui se rendaient un matin à Nadjaf pour acheter du matériel et des vivres, purent s’en rendre compte par eux-mêmes. Alors qu’ils sortaient d’une épicerie, ils furent pris dans une fusillade. En face, les forces de l’ordre américaines essayaient de reprendre un hôtel, où séjournaient presque tous les journalistes étrangers, pris d’assaut par les rebelles. Ils tenaient des otages. Ils se baissèrent et coururent pour rejoindre leur voiture. Christian se retourna avant de monter en voiture et vit les rebelles brûler le drapeau américain.
A peine sortis de Nadjaf, les cris et les slogans résonnaient encore dans les oreilles de Christian et de Jean- Marc. La situation dégénérait et était devenue dangereuse pour les étrangers. Le Ministère des Affaires étrangères, ainsi que les Ambassades et le Consulat français appelaient leurs compatriotes à rentrer au pays le plus vite possible. L’ordre fut donné de suspendre les fouilles.
8- Les 7 Sages à l’½uvre
La situation était grave pour la communauté jadéysthe. Avant de partir annoncer le cataclysme voulu par Lentrach, les sept Sages, qui dirigeaient la communauté jadéysthe, devaient se réunir pour débattre de la situation. La salle, ronde, et ne possédant qu’une table basse et quelques coussins colorés, avait été créée dans la roche de la falaise. Des côtés nord-est et sud- est, deux piliers jumeaux se tenaient fièrement et gardaient l’entrée de cette salle. Sur les murs tout autour, une boiserie accrochait l’½il. Elle représentait deux jumeaux debout devant un lion, qui les regardait intensément et semblait vouloir jouer avec eux. Un des jumeaux avait la tête inclinée vers un taureau, aux cornes brillantes, comme s’il voulait danser avec lui, effectuer une danse taurine ancestrale. Cette frise paraissait être sans fin. Les éléments étaient tous en relation les uns avec les autres et semblaient danser ensemble, être en communion autour d’un point central, représenté par un triangle brillant. Des libeilleurs finissaient de mettre une touche intime et agréable à cet endroit charmant. Le dernier des sept sages entra enfin, avec un peu de retard.
La Shenkua était au complet. Ils portaient tous des costumes de poisson. La réunion put enfin commencer. Ils sortirent de la pièce et se rendirent sous la voûte étoilée, car la nuit était déjà tombée. Ils se tinrent débout près de l’autel, placé au centre du jardin, qui se trouvait derrière la maison. En effet, un croyant avait la bonté aujourd’hui de les accueillir et d’accomplir le rituel avec la Shenkua.
Ils firent tout d’abord le salut jadéysthe, et rendirent grâce à Lentrach en effectuant le culte d’échange d’énergie cosmique. Sur l’autel, Aggatiyanar avait posé un objet conique et léger. Ils commencèrent à prier et demandèrent pardon pour les péchés commis. Aggatiyanar imposa ses mains sur la tête de chacun en signe de pardon puis regarda le ciel et la position des astres. Tout était parfait. Ils se trouvaient sous la constellation du poisson. Les 7 Sages se concentrèrent sur leur prière et méditation commune. Le croyant vit avec stupéfaction, au bout de quelques secondes, leurs énergies spirituelles s’unir.
Les corps des 7 Apkallirs, maintenant en transe, étaient devenus lumineux, presque transparents. L’objet conique était dans les mains d’Aggatiyanar, levées en un calice, et luisait telle un photophore dans une nuit noire. L’échange d’énergie avait bien lieu, entre la terre et Lentrach à cet instant. Le croyant avait l’impression que les étoiles au- dessus de lui luisaient plus fort. Ensuite tout s’arrêta. Une prière d’action de grâce emplit l’air et les cieux. Tous, ils ré exprimèrent leur foi en Lentrach, leur unique Dieu, en Sa bonté et en Sa perfection. Ils vinrent les uns et les autres se faire bénir par Aggatiyanar et poser les mains sur le cône, réceptacle de l’énergie divine. Ils se donnèrent le baiser fraternel de paix et retournèrent en une procession silencieuse dans la salle ronde pour la suite de la réunion. Aggatiyanar souhaita la bienvenue à tous, rappela la raison de cette rencontre de la Shenkua et le dialogue s’instaura entre les sept sages :
« - Mes frères, l’heure est à l’action, lança Aggatiyanar l’Ancien, pour introduire le sujet du jour. Nous devons agir vite pour pouvoir conserver les connaissances de cette civilisation que nous avons contribué à bâtir avec l’aide de Lentrach.
Il faut préserver les ouvrages, les protéger dans un endroit plus au nord. Lentrach, qui punit pour la première fois l’humanité par un cataclysme, nous le demande.
- Oui, nous devons également penser à trouver des croyants. Ils devront prendre avec eux des semences. L’agriculture recommencera ainsi très vite. C’est le tout premier cataclysme. L’âge de l’Homme commencera sous peu, avec son lot d’égoïsme, d’injustice, où la tolérance, la spiritualité ne seront plus les maîtres mots, l’ère de Kali…
- Il ne reste donc plus qu’une chose à faire : préparer les Hommes qui ont la foi, les sauver du cataclysme, et avec eux recréer une civilisation, pour que la Terre ne sombre pas dans le chaos. Il nous faudra leur réapprendre les bases de la spiritualité, de la sagesse, de la méditation mais aussi de la culture et de l’artisanat.
- Oui, mais cela va être plutôt difficile… Les Hommes sont plus enclins au mal, aux perversités honnies des dieux qu’à la purification et à la foi. Ils ne nous écouteront pas.
- Sauvons ce qui peut encore l’être, ce qui est digne de l’être et préparons nous à guider cette nouvelle humanité. Puissent nos écrits leur faire goûter à l’arbre de vie et à la Vérité.
- Et fondons notre première Académie à Tenmadurai. Fondons des capitales spirituelles sur tout le globe comme les futures Eridu ou Meghar.
- L’Homme est fait pour l’immortalité. Puissent-ils entendre et accepter la Vérité divine. Réunissons ces écrits.
- Nous nous séparerons demain, après avoir créé notre Académie Shenkua, et nous nous rendrons dans les diverses parties du globe qui nous ont été assignées pour accompagner les croyants dans cette épreuve et la reconstruction de la civilisation. Puissions- nous ainsi apporter lumière et espérance aux peuples dans l’ignorance, après le cataclysme.
- (tous) Que Lentrach nous accompagne et que le vent civilisateur souffle !
Deuxième Partie
PREMIERE CONFRONTATION
1- Visite royale
A
ggatiyanar, auréolé de l’autorité des sept Sages, et le plus sage parmi les sages, se présenta au château du Roi A- lulim. Tant de splendeur ne se voit plus à notre époque ! Cela concurrençait sévèrement les cités célestes. Le
Sage d’entre les Sages voyait là dedans de la présomption et de la suffisance.
Ah ! Les Hommes et le péché d’Ubris, pensait-il. Ce qui frappait l’½il tout d’abord, c’était le mariage de deux couleurs, l’or et l’argent qui avait des éclats violet au soleil. Un pont argenté montait au château et était surmonté de longs lampadaires verts et fins. La cour du château était immense. Les murs des ailes du château, qui semblaient infinis, resplendissaient de lumière. Les toits pointus scintillaient de mille éclats dorés. Le sol lui-même semblait être constitué de lumière. Trois ailes formaient le château. La cour n’était qu’agitation entre les bruits de la vie quotidienne, des cuisines, des serviteurs tout à leur travail et les gens de la Cour qui se promenaient et se dirigeaient vers les jardins. De la cour, Aggatiyanar aperçut l’entrée des jardins suspendus. C’était ce que la terre possédait de plus beau, de plus merveilleux. En voyant ces jardins suspendus, même l’être humain le moins versé dans la poésie se sentait naître une âme de poète. C’était un spectacle qui saisissait l’âme entière. Le Sage déplorait seulement que cet endroit spirituel, et capital dans l’équilibre des énergies cosmiques, ne soit devenu qu’un lieu de villégiature, de promenade et de décadence. Il s’avança alors vers la grande entrée principale, qui menait à la salle du trône. Il était escorté de deux gardes royaux, habillés de pourpre et de bleu. Le couloir qu’ils traversaient impressionna tout de même le Sage. Il fut un court instant ébloui par tant de beauté et d’exubérance. Les murs étaient d’une blancheur immaculée aux éclats violets. Au plafond, il pouvait voir comme des enchevêtrements, toujours dans cette matière spéciale, qui, en captant la lumière du soleil, créaient une répartition agréable de la lumière, tamisée et répandaient une douce chaleur. Puis son regard s’arrêta sur les boiseries finement ciselées, qui racontaient l’histoire de la famille royale. Aggatiyanar, perdu dans sa contemplation, n’avait pas remarqué qu’il se trouvait à présent dans la salle du trône. Le souverain A- lulim était assis magistralement sur son trône. Sa femme était gracieusement assise à côté de lui. Et des membres de la cour royale se tenait debout à côté et conversaient à voix basse. A- lulim parla le premier, avec un ton doucereux et posé :
« - Bonjour, Sage d’entre les Sages, Guide spirituel de notre communauté. Que me vaut l’honneur de cette visite ?
- Bonjour, votre Majesté. Si je me suis introduit aujourd’hui chez vous, c’est pour vous faire part d’une bien triste nouvelle.
Le roi se rembrunit, commença à blanchir et à avoir une pointe d’agressivité dans la voix.
- Que se passe-t-il ? demanda le roi, inquiet.
- Lentrach m’a parlé, à moi et aux autres Sages de la Shenkua. Il est en colère contre vous et vos agissements pervers. Et ce n’est pas la première fois que je m’oppose à votre décadence. Mais Lentrach a perdu patience et a décidé de frapper bientôt.
- Vous dîtes cela pour m’effrayer, rétorqua le roi, fatigué, et vous savez pertinemment que, pour nous, Lentrach peut faire ce qu’il veut, ça ne nous concerne plus.
Nous avons progressé sur la voie du progrès et avons évolué. Il est hors de question de retomber dans cette superstition primitive.
- Vous vous dîtes émancipés de Dieu, qui est pourtant le battement de toute vie et de tout équilibre sur terre. Vous avez évolué faussement vers le haut, en voulant égaler Dieu, et dans une luxure sournoise vous vous êtes laissés entraîner. Même vos pratiques sexuelles portent préjudice à la race humaine et offense Dieu, Son énergie! Si vous ne changez pas d’attitude maintenant, vous le paierez de vos vies bientôt, impies que vous êtes. Le temps du cataclysme divin est arrivé.
- Assez, sortez maintenant ! je ne tolèrerai plus tels propos déshonorants sur ma famille et ma Cour dans mon propre château !!! Comment osez-vous !
- Vous ne pourrez pas dire que je ne vous aurai pas prévenus. Tout incroyant, tout âme impie le paiera de sa vie.
Le Sage d’entre les Sages partit en colère. Mais que pouvait-il faire ? Soudain, de derrière la haie de lys couleur lapis-lazulis, à l’entrée des Jardins, surgit un jeune homme de 25 ans, dans la force de l’âge. Il voulait parler au Sage et lui offrir son aide :
« - Je m’appelle Setsuna et vous ai entendu parler au roi. Je suis de votre avis. Pour vous dire la vérité, je souffre depuis trop longtemps à cause de leurs sales pratiques. Leur succès et leur ambition leur font perdre la tête.
- Oui, ils en oublient l’essentiel, c’est-à-dire la spiritualité, le respect des valeurs ancestrales…Alors suis-moi, sois sauvé.
- Je vous suis et vous aiderai, je vous obéirai.
- Alors, écoute. Notre but maintenant est de sauver les croyants et les purs. Nous les rassemblerons ensemble.»
Tous les deux partirent par ce chemin brillant aux reflets violets.
2- Avancée
La situation politique en Irak ne s’améliorait pas. Les Américains faisaient erreur sur erreur et l’incompréhension qui régnait entre les deux parties, telle que la ressentait Christian, était le pire fléau et gangrenait la vie en Irak. Mais Christian et Thierry tenaient bon. Ils faisaient régulièrement pression sur les autorités américaines pour que le chantier archéologique soit rouvert. En attendant, et grâce à Jean-Marc, ils pouvaient lire et étudier les documents. C’est ainsi qu’ils purent approfondir le mode de vie et de pensée des Jadéysthes, cette civilisation ante diluvienne. Ils allèrent voir Jean-Marc et partagèrent avec lui leurs informations, lorsqu’ils en eurent amassés assez:
« - Ecoute, voici ce que nous avons découvert, commença Christian. Les Religieux dirigeaient la société jadéysthe. Les prêtres guidaient la vie de leurs concitoyens, les conseillaient pour qu’ils atteignent l’équilibre sur cette terre et la sagesse nécessaire pour rejoindre leur Dieu principal et accomplir Ses enseignements. Cette caste de prêtres, ou de devins mages, possédait un directoire de sept Sages. Ils prévinrent les rois et les populations du cataclysme imminent qui allait s’abattre sur certaines régions de la terre,
comme l’Inde et la région désormais engloutie de Kumari Kandam ou encore la Mésopotamie. Personne ne les a écoutés, si ce n’est quelques croyants.
Ils ont émergé de l’eau comme par enchantement à la fin du cataclysme et ont aidé les survivants réfugiés sur l’Himalaya ou dans des arches à rebâtir une communauté humaine. Cela passait tout d’abord par l’agriculture et les semences que les survivants, grâce aux conseils des 7 Sages, avaient gardées, mais aussi par la conservation des livres et des écrits de sagesse, d’histoire et de philosophie… dans des Académies. La première, d’après ce que j’ai lu, se trouvait à Tenmadurai et a duré 4400 ans. Ils étaient capable de se maîtriser eux-mêmes, de maîtriser les éléments autour d’eux. Leurs cultes concernaient les constellations. Ils avaient d’ailleurs des objets caractéristiques posés à des places stratégiques sur l’autel.
Ainsi, le catalyseur d’énergie, vous savez, cet objet retrouvé derrière un tombeau chez moi, devait toujours être placé au milieu de l’autel. Et cette matière tellement spéciale… Sauriez-vous la reconnaître ?
- C’est dur comme du métal, mais ça a l’aspect de la céramique. Et je parie que c’est très résistant, que le temps ne peut rien contre cette matière, dit Jean-Marc.
Ce catalyseur est également représenté sur les tableaux qui sont dans ton appartement au manoir et dont vous m’avez si souvent parlés.
- En effet, répondit Thierry. De plus c’est un alliage composé de la matière que nous avions retrouvé dans la crypte de Christian et un métal que je ne connais pas. Cet objet daterait de 11 600 ans ou même de 12 600 ans. C’est impressionnant !
- Mais, objecta Jean-Marc, c’est impensable ! La métallurgie est apparue 4000 ans avant notre ère !
- Il y a un autre problème dont j’aimerai parler avec vous. J’ai trouvé une inscription qui parlait d’une substance étrange.
Elle aurait la faculté de renforcer la matière et de la rendre insensible au temps qui passe. C’est de cette même substance magique qu’est fabriquée la « draail », dont je vous ai parlée auparavant.
- As-tu trouvé la recette ? plaisanta Christian.
- Peut-être, répondit Thierry du tac au tac.
- A ce sujet, révéla le directeur, j’ai reçu aujourd’hui les résultats d’analyse de cette substance. Et, comme vous vous en doutez, les éléments constituants cette « draail » sont inconnus.
- En effet, ce n’est pas étonnant, répondit Christian. Et voici un autre mystère ! Un des papyrus mentionne la venue future d’un Messie qui doit leur montrer la voie et les guider vers Lentrach.
- La venue du Messie était importante pour eux, continua Thierry, compte tenu du fait que les flux énergétiques étaient en chute constante. Lentrach se faisait donc sentir de plus en plus violemment. Les sept Sages savaient leur civilisation perdue, le peuple étant corrompu et ne pensant qu’à amasser plus de pouvoir et de richesses. Et le dernier verset parle de ce Messie qui va les aider à sortir de l’ombre, dans laquelle ils sont contraints de vivre désormais, après le cataclysme. Ils attendent le Messie qui les sortira de cette punition et les mènera au grand jour. Ce Messie, ils l’appellent Mach’Agheph. »
Les trois archéologues se turent un instant. Thierry reprit la parole :
« - Reprenons… Ce peuple aux cultes basés sur Lentrach et l’équilibre des flux d’énergie cosmiques aurait conquis la terre entière et l’aurait gouvernée de 11 962 à 9462 av JC.
Ils connaissaient les métaux, et même d’autres que nous, nous ne connaissons pas.
Ils possédaient la « draail ». Leur communauté était dirigée par les sept Sages, qui annoncèrent un cataclysme, car leurs concitoyens étaient devenus corrompus par le pouvoir et les richesses, ne pensaient qu’à annexer territoire après territoire pour exploiter ensuite les autochtones. La religion se perdit peu à peu. Lentrach décida donc de frapper pour les punir. Il frappa d’autant plus fort, qu’Il leur avait donné sept Sages pour les guider, mais les Jadéysthes s’enfonçaient encore et encore. Les Sages prévinrent tout le monde et préparèrent les croyants, confectionnèrent des arches, fondèrent une première académie à Tenmadurai. Les survivants, sous l’impulsion des Sages, fondèrent de nouvelles cités, des centres religieux et pratiquèrent l’agriculture avec les semences conservées. Ils sont le souffle civilisateur. Dorénavant, ils devaient travailler dans l’ombre au bon rétablissement des choses. Pour couronner le tout, ils attendent un Messie qui devra les guider hors des ténèbres, vers la lumière de Lentrach.
- Mais alors, renchérit Christian, cela signifie qu’ils existent encore !
- Ce serait logique en effet, répondit Jean-Marc, mais ne rêve pas trop ! Leur communauté s’est peut-être éteinte il y a des siècles ! Avant que j’oublie, vous n’avez rien remarqué d’étrange sur le chantier ? parce que la dernière fois que j’y suis allé, j’ai vu que des documents et des objets avaient disparu. Or, nous sommes les seuls à être habilités à pénétrer dans le chantier.
- Si, nous voulions t’en parler aussi, répondirent les deux amis.
- La police est au courant, elle cherche. » Ils se séparèrent et rentrèrent chacun chez
soi. Comme il était tard, ils allèrent chacun se reposer.
3- Première rencontre avec les Jadéysthes
Christian n’arriva pas à dormir cette nuit-là. Trop de choses lui traversaient l’esprit. Il décida donc d’aller faire un tour dans les alentours. Le vent frais libéra son esprit et lui fit le plus grand bien. Il se dirigeait vers le lieu des fouilles et se trouva à proximité de la grotte. Il était tellement pris par ses pensées, qu’il ne s’était même pas aperçu de l’endroit où il était.
Alors il aperçut une ombre furtive sortir de la grotte et il lui courut après. Il arriva à la hauteur du voleur et parvint à le faire tomber. Christian le retourna avec violence pour voir le visage du voleur. Quelle ne fut pas sa stupeur, lorsqu’il remarqua la pupille violette au centre de son iris vert de jade… Il prit le papyrus des mains du voleur, qui semblait venir tout droit d’un autre monde. Christian ne put s’empêcher de parcourir le papyrus pendant quelques secondes. Il racontait le cataclysme et la fuite des Jadéysthes. Ces informations s’avéraient être capitales pour ses recherches. Christian s’emporta contre le voleur :
« Pourquoi as-tu volé ce manuscrit ? Pourquoi toi et les tiens cherchez-vous à nuire à nos recherches, à nos travaux ? Que voulez-vous cacher ? De quoi avez-vous peur ? Réponds ! Réponds ! Je veux comprendre !! » Ils se battirent un certain temps. Christian déchira la tunique de son adversaire et vit un signe tatoué sur son épaule. Le combat continuait, sauvage, et ils ne portaient plus que des loques. Leurs vêtements étaient laminés. Soudain,
le voleur s’arrêta, hurla et se mit à genoux. Christian l’entendit murmurer une prière dans sa langue, aux sons si gutturaux mais si doux, comme les chansons de sa mère.
Au bout de quelques secondes, Christian se mit à la réciter en même temps, malgré lui et il en fut apaisé. Il retrouva son calme, mais se demanda qui il était vraiment…sa mère lui aurait-elle appris cette prière ? Le voleur aurait-il vu quelque chose sur son corps qui l’eut effrayé ? Le voleur leva ses yeux ébahis et ivres de stupeur vers Christian. Puis il prit la fuite. Christian ne se souvint que de ce signe qui était comme gravé sur l’épaule gauche du voleur. Christian avait gagné et conserva le papyrus. Il rentra chez lui fourbu mais content d’avoir pu sauver un tel document. Et toujours ces questions latentes, lancinantes : qui était-il vraiment ? Pourquoi le voleur aux yeux violet avait-il eu ce comportement étrange ? Il s’endormit sur ces questions et se réveilla le lendemain matin par le bruit d’un poing cognant sur sa porte.
« Ouvre, hurlait Thierry. Tu es là ? Que fais-tu ? Ça fait une heure qu’on attend !!! »
Christian reconnut la voix de Thierry et lui ouvrit : « Dépêche-toi ! Le directeur veut te voir, faudra expliquer ton retard ! » Christian rejoignit Jean-Marc avec Thierry et leur raconta l’épisode de la nuit précédente, avec le manuscrit à l’appui… et ses hématomes. Thierry se pencha sur l’épaule gauche de son ami et y vit ses signes tatoués.
« Le fait que le signe soit gravé trois fois est assez troublant. Sur l’épaule de ce voleur, il n’était gravé qu’une seule fois d’après ce que tu dis. C’est la signification de ce tatouage qui a probablement fait fuir ton voleur.» Christian se regarda dans la glace et vit ces marques sur son épaule.
« Tu te rappelles, Thierry, ce que tu m’avais dit un soir sur la signification de ce signe répété trois fois en hiéroglyphique ? Cela signifierait Dieu dans sa Trinité. C’est amusant ce détail, non ? Mais je ne vois pas le rapport…
Je me pose beaucoup de questions sur ce que je suis réellement. Bref, c’est un détail à creuser pour que je puisse me rapprocher de moi-même, de ce secret de famille. »
Christian travailla toute la nuit à essayer de traduire le papyrus. Comme il l’avait deviné, il parlait du cataclysme et la fuite du peuple de Lentrach.
En 9450 av JC, le peuple de Lentrach avait perdu beaucoup de territoires et les populations qu’ils avaient asservies, se rebellaient. De plus comme Christian le savait déjà, les cultes pour Lentrach étaient désertés. La politique n’avait plus pour valeur que le pouvoir qu’elle procure sur les autres. Corruption, viols collectifs, assassinats étaient devenus monnaie courante. Le manuscrit expliquait que la colère de Lentrach était si puissante qu’Il se retourna contre son propre peuple. Il était déçu par le fait que son peuple n’avait pas réussi à maintenir l’Alliance avec Lui. Il allait frapper et décimer son peuple, sauf quelques élus. La terre, sur laquelle ils vivaient, allait aussi être détruite. Mais, peu de gens le crurent. Un groupe de sept Sages essayait de les convaincre, mais rien n’y faisait. Il réussit cependant à rassembler 12 élus autour de lui. Ils se préparèrent au départ, chantaient et priaient, rendaient les cultes. Ils étaient restés dans la tradition et l’équilibre. Ils furent protégés par Lentrach le jour du cataclysme et savaient comment parer à cette catastrophe. Lentrach les sauva à la condition express qu’ils renouent avec Lui Son Alliance et la respectent. Il leur promit aussi un Messie pour les aider à sortir de l’ombre et à propager Ses lois. En l’attendant, ils devaient aider à reconstruire une humanité ouverte et tolérante, loin de la corruption et pure. Ces Sages disaient également que le Messie viendrait et les aiderait. Le 3 Juillet 9462 av JC, le cataclysme eut lieu.
D’après le Papyrus, les gens entendirent une collision d’un objet céleste avec la terre, puis une explosion qui a tout détruit sur son passage, et qui eut une amplitude maximale. Il y eut des répercutions dans la région d’Uruk, en Mésopotamie. Ça avait eut l’effet de deux bombes atomiques.
L’explosion avait été assez forte pour faire dévier l’axe de la terre. Les conséquences furent donc cataclysmiques pour la région mésopotamienne. La région devint désertique et inhabitable.
Christian était fiévreux maintenant. Il lisait frénétiquement. Son stylo volait ensuite sur le papier, pour y noter ce qui lui semblait intéressant.
Les Survivants, guidés par les Sages, prirent donc leurs affaires les plus importantes, dont les papyrus, les autels, les objets de la vie quotidienne mais aussi des cultes. Ils emportèrent également des semences pour pouvoir recommencer l’agriculture dès que les eaux se seraient retirées.
Ils allèrent ensuite se cacher dans des grottes sur les plus hauts plateaux de l’Himalaya.
Ils partirent plusieurs années avant que le déluge commence véritablement. Ils attendirent enfin là-bas que Lentrach se calme, pendant un an et 18 jours.
Ensuite ils sortirent et se préparèrent à fonder une nouvelle civilisation. Le texte mentionnait de nouveau la présence des Sages, de ces hommes immortels qui viendraient de la mer et porteraient des costumes de poisson.
Ils auraient aidé les survivants à reconstruire une civilisation, et auraient conservé des millénaires de sagesse, des écrits dans une académie, qui se serait trouvée à Tenmadurai. Christian ignorait où cette ville ante diluvienne se trouvait. Pour l’instant, l’histoire de ce peuple semblait close mais restait cependant en suspens…
A ce moment précis de sa réflexion, un groupe d’hommes entra violemment dans sa chambre. Il était 3h 42 du matin. Ils le saisirent, Christian se débattit et n’eut pas le temps de remarquer leurs yeux étranges, à la pupille violette et à l’iris vert. Un homme lui passa un coton imbibé d’éther sous son nez et Christian s’évanouit.
4- Début du voyage pour Thierry et Jean-Marc
Le même matin, vers 8h, Thierry s’était rendu chez Christian, car il voulait poursuivre le travail, continuer à approfondir le sujet. Thierry frappa en vain à la porte d’entrée. Au bout de quelques minutes, il s’impatienta. Il savait pertinemment que son ami n’était pas sorti, et que s’il dormait, il se serait réveillé. Il commençait à s’inquiéter. Il se décida à forcer la porte. Il prit son élan et la porte s’ouvrit sous le choc. Une fois à l’intérieur, Thierry vit tout de suite les traces de lutte dans la chambre, et le morceau de coton, oublié par terre et qui sentait encore l’éther. Thierry appela tout de suite Jean-Marc et tous deux se rendirent à l’évidence que Christian avait été enlevé. La police fut alertée et des recherches lancées…
Personne ne comprit les raisons de cet enlèvement et ils ne rapportèrent à la police ni l’existence probable des Jadéysthes, ni l’incident près de la grotte avec l’homme aux yeux jadaméthystes. La police croyait à une guerre entre les différents sites archéologiques.
Ces recherches sur cette civilisation ante diluvienne et ces nouveautés en matière d’écriture pouvaient en effet attirer la jalousie sur Christian.
Plus d’un archéologue ne voulait voir les recherches passées balayées par des papyrus plus anciens et ainsi que tout soit remis en cause. Ils voulaient empêcher Christian et son équipe d’aboutir. Thierry et Jean-Marc n’étaient pas d’accord avec cette version des policiers, mais ils les laissaient faire.
Thierry et Jean-Marc décidèrent de partir à la recherche de Christian. Ils avaient en effet trouvé un indice et l’avaient caché à la police. C’était un bout de papier avec ces signes :
Que signifiait tout cela ? Ils n’en avaient aucune idée. Alors ils étaient prêts à partir sur les traces de la communauté jadéysthe. Thierry se pencha sur une carte précise de l’Irak et en conclut ceci : il y a deux régions montagneuses qui encadraient le pays, la première au nord-est et la seconde au sud-ouest. Ces deux endroits où l’on pouvait se cacher facilement attirèrent l’attention de Thierry. Il mit en parallèle la carte et le rébus.
Il se concentra sur l’½il et y vit la communauté de Lentrach. Quant à ce dessin, Thierry, en l’observant de plus près, y vit des montagnes, où la communauté jadéysthe se cachait probablement. Thierry proposa à Jean- Marc : « C’est tout simple. Les Jadéysthes habitent donc dans des grottes creusées dans les montagnes. Je propose d’aller à Nadjaf, puis vers le lac Razaza, et enfin, de là-bas, nous pourrons traverser la plaine et nous diriger vers le plateau de Chamiyé. Nous pourrons nous poser dans la ville de Rutba. Sur ces hauts plateaux doivent se trouver d’innombrables grottes ! » Thierry et Jean-Marc décidèrent de partir tôt le lendemain matin, après avoir rassemblé quelques affaires. Ils roulèrent donc vers Nadjaf, au nord d’Uruk. Ils se logèrent pendant quelques jours à l’hôtel et visitèrent la ville en quête de preuves et d’informations auprès du peuple. Les grands-mères leur racontèrent de vieilles légendes sur le déluge et d’anciennes civilisations, mais personne n’avait vu Christian. Personne ne reconnaissait ou voulait reconnaître la photo que Jean-Marc et Thierry montraient de Christian.
Ils faisaient une pause et étaient assis à une terrasse de café avec un thé à la menthe fumant. Ce petit café se trouvait près du mausolée de l’Imam Ali, qui fait de Nadjaf une ville sainte. Un serveur leur apporta une lettre cachetée avec un sceau représentant un ½il. Ils comprirent alors qu’ils étaient observés depuis le début. Thierry lut à Jean-Marc les amabilités que contenait cette lettre :
« Ceci est mon premier et dernier avertissement. Il est hors de question pour vous d’essayer de me retrouver. Au nom de l’ancienne amitié qui nous liait, veuillez cesser vos recherches. Je sais qui Je suis maintenant. Laissez-moi m’accomplir en paix. Rentrez chez vous !! Ch. de Saint Clair.» Se savant suivis, Thierry et Jean-Marc décidèrent de quitter la ville en apparence. En fait, ils voulaient continuer leur route vers l’ouest en cachette. Quand ils retournèrent à leur voiture, ils se rendirent compte que quelqu’un leur avait crevé les pneus. Ils étaient en train de les changer quand ils virent l’armée irakienne s’avancer et les derniers rebelles pro Saddam se cacher près du mausolée.
Certains s’étaient même mis à prier pour que leur cause l’emportât. Jean-marc et Thierry, comprenant qu’ils allaient dans quelques secondes se trouver au milieu d’un champ de tir, se courbèrent, rampèrent au sol au son des premières balles, puis firent mine de rouler vers l’est, vers Bagdad, comme pour aller à l’aéroport, comme s’ils voulaient rentrer en France. Mais bientôt un autre problème technique apparut : leur réservoir d’essence était percé…
Le soir tombait, majestueux crépuscule, et ils n’eurent d’autre choix que d’abandonner leur voiture et de se lancer à pied à la poursuite de leur ami. « - je te sens inquiet, Thierry. Ne t’en fais pas ! Il faut continuer, même si c’est pesant.
- Qu’ont-ils fait à Christian ? Pourquoi ?
- T’en fais pas, nous allons élucider ce mystère.
- Merci de chercher avec moi. Tu sais, Christian me manque, son mauvais caractère, son sens de la répartie. C’est la seule personne que je connaisse qui soit aussi entière. Il assume ces sentiments, il est en accord avec ce qu’il ressent. Et c’est rare.
- Ne t’en fais pas, Thierry. On fera tout pour le retrouver. Tiens, regarde, on a de la chance ! La nuit n’est pas encore totalement tombée et nous venons de trouver notre moyen de locomotion ! »
Thierry vit en effet un berger arriver avec son troupeau et des chevaux. Ils lui en achetèrent deux. Le berger semblait étonné de les voir ici, perdus et il se dépêcha de faire cette transaction avec eux. Thierry ne put s’empêcher de voir le berger écrire rapidement quelque chose et de remarquer son départ précipité. Jean-Marc expliqua ensuite qu’il avait vu que sa pupille était violette. Il avait vu sa lentille tomber. Maintenant, ils en étaient sûrs : c’était sûrement un jadéysthe ! Ni une, ni deux, ils le suivirent ! Ce fut ainsi que les suiveurs devinrent suivis. Ils galopèrent derrière le berger et son troupeau pendant deux journées entières. Enfin, le berger s’arrêta devant l’entrée d’une grotte, dans les environs de Rutba.
Le soir- même, discrètement, ils campèrent aux abords de la grotte. Ils comptaient entrer dans la grotte le lendemain matin. Ils préféraient réfléchir à une stratégie et se reposer.
Ils dormaient déjà à poings fermés quand des Jadéysthes (les anciens « fils de Lentrach ») les prirent par surprise, les frappèrent et les enlevèrent. Jean-Marc et Thierry ne purent rien faire, ni réagir !
5- Début du voyage pour Christian
Christian revint à lui. Il ne savait pas où il se trouvait. Ce qu’il savait en revanche, c’est qu’il avait un mal de tête phénoménal ! Que s’était-il passé ? C’est vrai, il se souvenait peu à peu du voleur, du manuscrit et de l’agression dans sa chambre. Il se releva très doucement et essaya de s’asseoir. Une fois dans cette position, il s’ausculta pour voir si son corps n’avait pas d’autres blessures. Il remarqua qu’il ne portait plus ses propres vêtements.
Il portait une tunique blanche avec une ellipse violette à la place du c½ur. Son regard se porta ensuite sur la pièce dans laquelle il se trouvait. Les murs étaient d’un blanc lumineux. Il ne pouvait voir ni fenêtre, ni autre orifice dans le mur. Dans le brouillard de sa migraine, il ne percevait que le douce et calmante lumière du libeilleur. Il se laissa envahir quelques minutes par sa chaleur agréable. Maintenant, il en était sûr : les Jadéysthes voulaient quelque chose de lui, mais quoi ? Là était la question ! Il avait tant de questions à leur poser ! De l’eau se trouvait, posée dans le coin à droite de la pièce. Il se lava le visage avec cette eau fraîche et bienfaisante, histoire de se rafraîchir les idées.
Ensuite il s’assit sur le lit et, pour calmer ses nerfs, prit une profonde et lente inspiration, puis expira tout aussi lentement.
Il essayait ainsi de réduire son rythme cardiaque et limiter sa sensation grandissante de faim. Après tout, il n’avait aucune idée du traitement que les jadéysthes lui réservaient. Il était en pleine méditation quand le geôlier entra dans la pièce, pour lui apporter à manger. Quelle ne fut pas sa surprise de voir le prisonnier conscient et en pleine méditation ! Il ne voulut pas le déranger, posa seulement le plateau sur le sol et se retira.
Quelques instants plus tard, Christian sortit de sa torpeur méditative et aperçut non sans joie son plateau-repas. Il le dévora d’un seul trait, tellement la faim le tenaillait. Il sentit pendant un instant une odeur qu’il ne connaissait pas, ou pour être plus précis, une odeur qui lui laissait un sentiment d’amertume et de regret dans la bouche, comme ceux que laissent les vieux souvenirs effacés. Puis il n’y prêta plus attention. Il était en train d’effectuer quelques postures de yoga lorsque la porte s’ouvrit. Auréolé de la lumière du couloir, un homme grand et mince entra dans sa prison et lui sourit :
« - Que Lentrach te bénisse en ce nouveau jour de joie et de bonheur ! Nous sommes heureux de savoir que tu t’es réveillé et que tu te sens mieux, après une semaine passée dans l’inconscience.
- Qui êtes vous et que me voulez-vous ?
- Nous sommes les Jadéysthes, comme tu l’avais si justement deviné. Nous avons perduré depuis le cataclysme grâce aux sept Sages. Nous vivons dans l’ombre et assurons la continuation du culte de Lentrach.
- Que voulez-vous de moi ?
- C’est une question très judicieuse, et tu en auras la réponse en temps voulu. Tu dois juste savoir que tu es quelqu’un de très spécial par ton ascendance et l’histoire de ta famille. Tu es voué à accomplir de grandes choses. Mais il va falloir que tu sois patient et que tu écoutes, apprennes sans relâche pendant ton initiation.
- Qu’est-ce que cela signifie ? Connaissiez-vous mes parents ? »
Il avait à peine posé cette question que l’homme s’était levé et avait franchi la porte.
Personne ne vint plus le voir jusqu’au lendemain. Il resta seul et réfléchit sur le sens de ces paroles. Ces parents avaient donc des fonctions exceptionnelles dans la communauté jadéysthes. Les paroles de sa mère lui revinrent en mémoire : « Le temps viendra, Christian, où tu sauras et comprendras. » L’heure serait donc enfin venue ! Il va finalement comprendre tous ces mystères et où est sa place dans l’univers. Il bouillait d’impatience, mais ressentait également une appréhension légitime, celle qui nous envahit lorsque l’on sent que le moment le plus important de notre vie va bientôt se produire et que notre existence va en être totalement et irrémédiablement bouleversée. Cet état d’âme l’habita jusqu’au lendemain. Il venait juste de se réveiller quand la porte s’ouvrit violemment. Son geôlier entra, lui apporta de l’eau. Christian le salua et le remercia. Il remarqua que l’eau avait une drôle de couleur et une odeur étrange, cette odeur qui lui laissait une sensation d’amertume et de regret dans la bouche. Mais il la but et en apprécia même le goût. Son geôlier lui apporta dans cette même journée dix cruches pleines. Il ne lui donna pas à manger. Christian subit ce régime pendant trois jours. Christian comprit assez vite que ce traitement servait à purifier son corps et ses entrailles. Il allait aux toilettes toutes les cinq minutes et s’y vidait littéralement.
Régulièrement, son geôlier l’emmenait dans un sauna, et ensuite lui faisait prendre un bain froid. Son geôlier le surveillait pendant qu’il faisait ses trois heures de méditation obligatoire par jour.
On voulait le purifiait de l’intérieur et de l’extérieur. Plus les jours passaient, plus il se rendit compte que son champ de conscience s’ouvrait. Au début du troisième jour, lors de sa méditation, il se sentit transporté. Des images de destruction et de mort passaient à toute vitesse devant ses yeux et il en ressentait toute la douleur et l’importance. Puis tout d’un coup, le flux d’images des erreurs du passé s’interrompit et laissa place à un silence inquiétant mais exaltant. Tel un funambule, il était en équilibre sur ce fil de silence qui pouvait d’une seconde à l’autre se rompre à jamais ou perdurer et mener à la lumière, à la Vie. Tout son être était tendu et il concentrait ses efforts vers ce fil, faisait tout pour qu’il ne se brisât pas. Sur ce fil, il prit conscience de la fragilité du présent, de l’instabilité du moment qui peut faire que tout bascule vers la mort et la destruction. Devant ce fil qu’il essayait tant bien que mal de maintenir droit devant lui, se présentait le futur si incertain. Une évidence s’imposa à lui devant ce spectacle : celle de changer le c½ur des Hommes avant que le moment fatidique n’arrive et que toute civilisation disparaisse. Il fallait provoquer le réveil des consciences à la spiritualité, multiplier les coïncidences – qui n’en sont pas… La concentration méditative lui permettait donc d’atteindre l’endroit d’où il pouvait voir le présent, le passé et le futur, le point d’équilibre entre toutes choses.
Pendant ces trois jours, l’homme grand et mince, qui était venu le voir trois jours auparavant, revint le voir et lui apprit toute l’histoire et la spiritualité des Jadéysthes : « - Tu es prêt, maintenant pour apprendre et prendre la place qu’il te revient dans la communauté jadéysthe.
- Je vous écoute, répondit Christian.
- Je sais que maintenant tu as fini la première étape. Tu es devenu le visionnaire que l’on attendait, grâce à la draail.
- La draail, cette drogue que les jadéysthes prennent en abondance. Elle existe donc encore… cette odeur qui me laissait ce goût amer et nostalgique… C’était donc cela !
- Tu as trouvé cet endroit d’où on peut voir le déroulement du temps. C’est le plus important, car il faut être visionnaire pour pouvoir diriger un peuple.
- Diriger un peuple ?
- Oui, tu as bien entendu ! Ton rôle est de reprendre le flambeau de tes parents. Ils étaient le Roy et la Reyne des Jadéysthes et usaient de leur pouvoir avec sagesse. Grâce à eux ont pu perdurer notre spiritualité et notre civilisation, nos lois. Mais, maintenant, tu le sais comme moi, ils sont morts dans un accident d’avion en revenant d’Irak, avant d’avoir pu procéder à la Transcendance ultime. Nous attendons depuis vingt ans environ que tu sois prêt pour nous diriger et nous mener à la lumière.
- Pourquoi mes parents m’ont-ils caché tout cela ?
- Ils voulaient de protéger, que tu aies une enfance normale et que tu grandisses sans toutes ces responsabilités et ces lourdes charges. Ils m’ont demandé de te former et de t’initier le moment venu. A présent que tu as bientôt fini tes purifications, tu vas être initié et renaître à la lumière de la Vérité. »
Ces paroles pourtant si bizarres et promesses de souffrances pour les jours à venir, le réconfortèrent. Christian se sentait de plus en plus proche du but, plus proche de ses parents. Comme pour le conforter dans cette voie, son initiateur lui mit une étoffe mauve et blanche dans les mains qu’il reconnut tout de suite. Il y avait ses initiales sur le côté gauche entourées d’un ½il et brodées en vert. C’était le tissu avec lequel avaient été fait ses vêtements de bébé et l’intérieur de son couffin.
6- Réveil étonnant !
Quand Thierry et Jean-Marc revinrent à eux, ils se retrouvèrent allongés dans un grand lit. La chambre était agréablement éclairée et chaude. Pourtant, ils ne pouvaient voir ni fenêtres, ni ampoules, ni chauffage. Ils n’avaient pas encore aperçu les libeilleurs. Ils n’avaient aucune idée de l’endroit dans lequel ils se trouvaient. Ils regardèrent l’ameublement, simple mais magnifiquement travaillé. Et toutes les boiseries finement ciselées, ces gravures dans la pierre tout le long de la pièce, ces dessins jusque sur le bois du lit à baldaquin, ne leur semblèrent pas inconnus. Ils comprirent qu’ils avaient été enlevés par le peuple de Lentrach, ou les Jadéysthes.
« - Dis-moi, Thierry, que crois-tu qu’ils vont nous faire ? Pourrons-nous voir Christian ?
- Je l’espère, répondit Thierry. Je pense qu’il faut plutôt attendre et entendre ce qu’ils ont à nous dire. Ils ne nous ont pas enlevés sans raison. Ils attendent quelque chose de nous. Attendons de savoir quoi.
- Oui, et entre temps, continua Jean-Marc, il sera toujours possible de chercher Christian et de s’enfuir. D’abord, il faut mieux apprendre à les connaître. Après on avisera. »
C’est à ce moment précis que la porte s’ouvrit et laissa entrer un jadéysthe, vêtu d’une tunique verte marquée d’une ellipse violette à l’endroit du c½ur. Il leur fit le salut rituel et leur sourit : « - Bonjour, le Magh’Agheph vous attend.
- Le Magh’Agheph ? demanda Jean-Marc, interloqué.
- Oui, lui rappela Thierry. Pense à ce qu’avait dit Christian… Le Messie. »
L’homme aux yeux jadaméthysthes leur offrit à manger, sortit de la chambre et les attendit à la porte. Quand les deux « prisonniers » sortirent, l’homme à la tunique verte les guida à travers les couloirs étroits, illuminés par les libeilleurs et les fresques aux murs, jusqu’à une immense salle. Thierry et Jean-Marc entrèrent dans cette salle et furent subjugués. Douze colonnes en marbre vert- ça ressemblait au marbre, mais c’était sûrement un alliage avec cette substance inconnue, pensait Thierry – formaient une ellipse tout autour de la salle, qui elle- même était une ellipse. Il y avait un autel au milieu. Et sur le côté gauche s’ouvrait une alcôve avec un trône. Sur les murs étincelaient des tapisseries racontant l’Histoire des Jadéysthes. Les libeilleurs brillaient de mille feux. Les colonnes, comme l’autel, étaient serties de jade et d’améthystes. Après quelques minutes de stupéfaction et d’étonnement, car il était évident pour Thierry et Jean-Marc que tout cela se trouvait sous terre, quelle ne fut pas leur surprise, lorsqu’ils virent sur le trône le Mach’Agheph… c’était Christian.
Thierry et Jean - Marc ne s’étaient pas remis de la magnificence de la salle qu’un choc plus grand les attendait : Christian était le Messie de cette communauté, le Mach’Agheph.
Ils ne pouvaient en croire leurs yeux. Christian se tenait devant eux, impérial. Ils ne le reconnaissaient plus. Christian était habillé d’une tunique couleur émeraude dont les manches amples étaient brodées d’or et de jade. A l’endroit du c½ur, ils remarquèrent une ellipse sertie d’améthystes. Il se leva et leur sourit.
Tag der Veröffentlichung: 12.04.2009
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Widmung:
Aux Hommes qui savent lire entre les lignes de l´Histoire